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A L A D I E S
E T
A U T O - I M M U N E S
S Y S T É M I Q U E S
Maladies auto-immunes et systémiques
! J. Sibilia
P o i n t s
f o r t s
" T-Bet est un facteur de commutation isoty-
" Les traitements antiviraux (interféron - ribavirine) efficaces dans les complications extraarticulaires de l’infection par le virus de l’hépatite C.
pique des IgG impliquées dans les maladies
auto-immunes.
" Des autoanticorps qui interfèrent avec la biologie du TNFα : les anti-TIA-1, TIAR, TTP (protéines stabilisatrices de l’ARNm du TNFα).
" L’expression du CD40 Ligand plaquettaire
pourrait être un facteur thrombogène dans le
syndrome des antiphospholipides.
" Un inhibiteur spécifique de la C3 convertase :
un traitement efficace des complications
thrombotiques et obstétricales dans un modèle murin de syndrome des antiphospholipides
primaires.
" Des anticorps antiphospholipides thrombogènes (anti-ß2 GP1) induits par des infections
bactériennes ou virales.
" L’ostéoporose : une complication fréquente
du lupus ... mais un traitement hormonal substitutif peut être prescrit sans risque majeur
de poussée de la maladie.
T-BET (T-BOX TRANSCRIPTION FACTOR) :
UN NOUVEAU FACTEUR DE RÉGULATION
T-Bet : un facteur de régulation isotypique des lymphocytes B
T-Bet est impliqué dans la régulation transcriptionnelle des
facteurs permettant la transformation des lymphocytes T CD4
auxiliaires ou helper indifférenciés (Th0) en lymphocytes
T CD4 Th1, sécréteur d’interleukine 2 et d’interféron gamma.
Jusqu’à ce jour, le rôle de ce facteur de transcription dans l’immunité humorale n’était pas connu.
En étudiant des souris déficientes en T-Bet (T-Bet -/-), il a été
observé un défaut de production d’IgG 2a et, à un degré
moindre, d’IgG 2b et d’IgG 3. T-Bet est donc un facteur de
transcription, permettant la régulation isotypique des IgG 2.
L’expression de ce facteur peut être augmentée par l’interféron gamma produit par les lymphocytes Th1 via l’activation
du facteur de transcription STAT 1 (Peng et al., 286).
" Les analogues de la LH-RH peuvent être des
protecteurs ovariens efficaces en cas de traitement par le cyclophosphamide.
" L’infliximab (Remicade ® ) : un traitement efficace des vascularites systémiques et des maladies de Still réfractaires.
" L’hypertension artérielle dans la sclérodermie.
Des espoirs thérapeutiques : le sildénafil
(Viagra ® ) et le bonsentan.
30
Des anomalies de T-Bet peuvent avoir un rôle dans
les maladies auto-immunes
L’étude de souris lupiques MRL/Lpr déficientes en T-Bet
(T-Bet -/-) a permis d’observer qu’elles développent, comme
les souris MRL/Lpr “sauvages”, un syndrome lymphoprolifératif avec un infiltrat de la peau et du foie, mais pas de complication humorale. Ces souris ne produisent pas d’IgG 2a, ce
qui explique qu’elles ne développeront pas une néphropathie
glomérulaire à immun-complexes comme les souris MRL/Lpr
“sauvages” (Peng et al., 286).
La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002
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T-Bet : un facteur impliqué dans les déficits immunitaires humoraux
T-Bet pourrait aussi être un facteur impliqué dans les déficits
immunitaires humoraux primitifs, en particulier dans les déficits en sous-classe d’immunoglobulines. Pour l’instant, cette
hypothèse n’a pas été vérifiée, mais des travaux sont en cours.
DES AUTOANTICORPS QUI INTERFÈRENT
AVEC LA BIOLOGIE DU TNFα
Différents stimulus pro-inflammatoires induisent la transcription des gènes du TNF via les deux principales voies de
signalisations intracellulaires (voie de NF-κB et voies des
MAP kinases). La transcription du gène en ARN est une étape
fondamentale dans la synthèse du TNFα. Cette étape primordiale est régulée par des protéines (TIA-1,TIAR, TTP) qui sont
des éléments clés de la régulation post-transcriptionnelle. Ces
protéines se fixent sur des séquences particulières appelées
AURE (riche en uridine), caractéristiques de l’ARN messager
de différentes cytokines, dont le TNFα. À l’état basal, ces protéines vont stabiliser l’ARN, bloquant ainsi sa traduction en
TNFα. Lors de l’activation de la cellule, ces protéines sont
phosphorylées par les MAP kinases, libérant ainsi l’ARN messager du TNFα, qui est alors traduit en TNFα (figure 1).
3'UTR
5'UTR
ADN TNFα
5'
X
État basal
AURE CPE/APE
AUUUA
ARN TNFα
Polyadénylation
TIAR/TIA-1
action “silencer”
Activation
cellulaire
5'
X
AURE CPE/APE
AUUUA
ARN TNFα
P
TIAR/TIA-1
stop action “silencer”
MK 2 (P38)
Figure 1. La régulation post-transcriptionnelle du TNFα par les protéines
“silencer” TIAR, TIA-1, TTP...
" Cette régulation est liée aux séquences AURE de l’ARNm de TNF qui provoque, à l’état basal, une stabilisation ou une dégradation de cet ARN dans
le cytoplasme (dans le protéasome).
En cas d’activation cellulaire, le besoin en TNFα va entraîner une inactivation de ces séquences AURE, ce qui va se traduire par une synthèse massive de TNFα par la cellule.
" À l’état basal, la régulation de ces séquences AURE semble liée à la fixation de protéines régulatrices AURE appelées AURE Bb (aurich elements
binding protein) : TIA-1, TIAR, TTP, Hel-N1, HUR, AUF1.
Lors de l’activation cellulaire, la phosphorylation de ces protéines, notamment par des kinases de la voie P38, inhibe leur action. Ainsi, il n’y aura
plus de stabilisation ou de dégradation par les séquences AURE de l’ARNm
du TNFα, qui sera alors libéré en grande quantité.
La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002
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Jimenez-Boj et al. (130) ont démontré qu’il existait des
autoanticorps dirigés contre ces protéines régulatrices TIA-1
et TIAR chez 67 % des lupus, 50 % des sclérodermies, 30 %
des myosites, 15 % des syndromes de Gougerot-Sjögren et
10 % des polyarthrites rhumatoïdes, mais pas chez les sujets
sains (sauf exception). Ces autoanticorps pourraient être produits en réponse à la libération “immunogène” de grandes
quantités de TNFα tissulaires, mais ils pourraient également
avoir un rôle en bloquant leur protéine cible. Si ce blocage est
effectif, l’ARN du TNFα est libéré, facilitant ainsi la synthèse
en plus grande quantité de TNFα. L’étude de l’interférence de
ces autoanticorps avec la voie du TNFα est un sujet passionnant, qui pourrait être développé ces prochaines années et peutêtre ouvrir des perspectives thérapeutiques.
LE SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES (SAPL) : MÉCANISMES ET TRAITEMENTS
Le CD40 Ligand (CD 40 L) plaquettaire : un facteur
d’activation qui intervient dans les thromboses
Les plaquettes peuvent exprimer le CD 40 L (CD154), qui est
une structure de la famille du TNF décrit initialement à la surface des lymphocytes T. La voie CD 40/CD 40 L est une des
deux grandes voies de costimulation permettant le “dialogue”
entre les lymphocytes T et les cellules présentatrices de l’antigène. Les plaquettes qui expriment le CD 40 L peuvent interagir avec l’endothélium en fixant le CD 40 des cellules endothéliales. Cette interaction intervient vraisemblablement dans
la formation du “clou” plaquettaire. Pour démontrer le rôle du
CD 40 L plaquettaire dans le SAPL, Perniok et al. (276) ont
étudié son expression en cytométrie de flux après agrégation
en présence de thrombine ou d’ADP. L’expression du CD 40 L
plaquettaire des lupiques est comparable à celle de patients
témoins. En revanche, les plaquettes de sujets atteints de SAPL
ont une expression de CD 40 L très supérieure à celle des lupus
et des témoins (p < 0,0001). En conséquence, il est possible
que dans le SAPL, cette hyperexpression de CD40L plaquettaire puisse être un facteur intervenant dans la survenue des
thromboses (figure 2).
CD 40 Ligand (CD 154)
Plaquettes
Endothélium
Thrombose ?
CD 40
Figure 2. Étude de l’expression de CD 40 L plaquettaire après activation par la
thrombine ou l’ADP : lupus = témoins sains (NS) ; SAPL > lupus/ témoins sains
(p < 0,0001).
Le CD 40 Ligand plaquettaire est un facteur d’activation pouvant faciliter les
thromboses au cours du SAPL.
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Le rôle du complément dans le SAPL : un facteur de
thrombose et de complications obstétricales !
Le rôle de l’activation du complément avait déjà été évoqué
pour expliquer les complications thrombotiques du SAPL, en
particulier en cas de lésion cérébrale (Davis et al. Clin Exp
Rheumatol 1922; 10 : 455-60).
Au cours de ce congrès, le rôle du complément a été démontré par différents arguments, obtenus à partir d’un modèle de
SAPL murin.
Ce modèle de SAPL murin est une souris à laquelle on a injecté
des antiphospholipides humains (IgG anticardiolipides) et chez
laquelle on étudie l’apparition de thromboses veineuses fémorales “induites” par un traumatisme, mais aussi les complications obstétricales (retard de croissance et perte fœtale). Les
thromboses des veines fémorales “induites” sont cinq fois plus
importantes chez les souris auxquelles on a injecté des antiphospholipides humains comparées aux souris auxquelles des
immunoglobulines humaines non spécifiques ont été injectées.
Dans ce modèle, l’injection d’antiphospholipides humains
s’accompagne aussi d’une réduction du poids fœtal de 34 %
et de quatre fois plus de perte fœtale. L’étude du placenta permet d’observer l’existence d’importants dépôts de C3 qui
n’existent pas chez les souris auxquelles on a injecté des IgG
humaines non spécifiques.
Les souris déficientes en fraction C3 du complément (C3 -/-)
sont protégées des thromboses induites par l’injection d’un
anticorps antiphospholipide humain (IgG anticardiolipides).
L’étude de ces souris montre non seulement l’absence de
thrombose veineuse fémorale, mais également l’absence
d’anomalie fœtale (retard de croissance et avortement).
L’utilisation d’un inhibiteur spécifique de la C3 convertase, le
Crry-Ig, dans un modèle murin du SAPL permet la même
observation. Cet inhibiteur de la C3 convertase est une protéine de fusion recombinante formée de deux portions extramembranaires d’une enzyme inhibitrice de la C3 convertase
et d’un fragment d’immunoglobuline humaine (figure 3).
Ig (Fc)
Enzyme
Protéine de fusion recombinante
Inhibiteur de C3 convertase
Figure 3. Le Crry-Ig : un inhibiteur spécifique de la C3 convertase.
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jection de contrôle d’IgG murines non spécifiques (p < 0,0004)
(1 509 ± 387 mm vs 3 577 ± 119 mm) (Girardi et al., 660).
" L’étude des anomalies et de l’hypotrophie fœtale confirme
que l’injection du Crry-Ig s’accompagne d’une réduction
significative des pertes fœtales (p < 0,005) et d’une amélioration du poids fœtal par rapport à des souris contrôles auxquelles on a injecté des IgG murines non spécifiques (Salmon
et al., 961) (figure 4).
*p < 0,05
*p < 0,05
500
25
*
Avortements (%)
A L A D I E S
Poids fœtal (mg)
M
400
300
200
20
15
10
*
5
100
0
0
APL IgG
+
Crry-Ig
APL IgG
contrôles
APL IgG
+
Crry-Ig
APL IgG
contrôles
Figure 4. Effet préventif des complications obstétricales d’un inhibiteur de la C3
convertase (Crry-Ig).
L’activation du complément, en particulier de la fraction C3,
semble donc avoir un rôle pathogénique important dans les
complications thrombotiques et obstétricales du SAPL. Cela
permet d’expliquer potentiellement l’efficacité des immunoglobulines intraveineuses car cette préparation a la capacité
d’inhiber l’activation du complément.
Le développement de nouvelles thérapeutiques bloquant
l’activation du complément est peut-être une voie d’avenir
dans la prise en charge du SAPL.
Le SAPL : une cohorte européenne (Euro SAPL)
Treize pays européens, dont la France, ont mis en place une
cohorte incluant 1 000 patients atteints du SAPL défini par les
critères de Sapporo. Cette cohorte comprend 53 % de SAPL
primaires, 41 % de SAPL associés à un lupus et 6 % de formes
associées à d’autres maladies auto-immunes. Elle a inclus
820 femmes et 80 hommes dont l’analyse et le suivi ont été
particulièrement intéressants. Elle a déjà permis d’évaluer la
prévalence des formes de l’enfant (< 15 ans), qui représente
2,8 % de cette population de SAPL. Ces formes juvéniles sont
caractérisées par la fréquence du livedo (26%) et de l’épilepsie (14 %), alors que ces deux manifestations sont significativement plus rares chez les sujets de plus de 50 ans (respectivement 13 % et 1 %) (p < 0,05) (Cervera et al., 1321).
Le SAPL primaire existe-t-il ?
" Les thromboses, mesurées en millimètre, sont significativement moins importantes chez les souris traitées par un inhibiteur spécifique d’un C3 convertase (Crry-Ig), comparé à l’in32
C’est un sujet controversé car pour certains, le SAPL primaire
n’est que la première manifestation d’un lupus systémique.
Pour répondre à cette question, Gomez et al. (562) ont suivi,
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pendant 10,2 ans en moyenne (2-15), 90 SAPL (74 femmes et
16 hommes) considérés comme primaires (critères de Sapporo
1999). Cette étude rétrospective a permis de démontrer que
seuls 12 patients (13 %) ont développé un lupus au cours de
ce suivi, après une durée d’évolution moyenne de 8,2 ans. Un
autre patient a développé une myasthénie, mais tous les autres
(85 %) sont restés des SAPL primaires.
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Kératinocytes "normaux"
Ro 60 KD
TNFα
UVB
mARN
Ro 52 KD
LE LUPUS : MÉCANISMES ET TRAITEMENTS
Les UVB induisent (via le TNFα) la synthèse de Ro
# expression de Ro/SS-A 60 et 52 KD à la membrane
cellulaire des kératinocytes humains
Le rôle du TNFα dans l’apparition de lésions de
lupus cutané
Le rôle du TNFα dans le lupus est un sujet de controverse.
Dans plusieurs modèles de lupus murins, il a été observé un
excès de synthèse de TNFα. De même chez l’homme, plusieurs travaux ont démontré le rôle délétère du TNFα, notamment dans les atteintes rénales. Le TNFα est un immunorégulateur des lymphocytes T et B, mais il agit aussi comme
effecteur lésionnel dans les glomérules ou pour d’autres cellules comme les kératinocytes. Ruppert et al. (907) et Hostmann et al. (906) ont démontré que le TNFα pouvait augmenter l’expression de l’ARN messager des antigènes
Ro/SS-A 52 et 60 KD produits par des kératinocytes humains
ou des lignées kératinocytaires (HaCaT). Cette expression est
encore augmentée si les kératinocytes sont préincubés avec
des estrogènes (17ß-estradiol). Cette hyperexpression des
autoantigènes Ro/SS-A induits par le TNFα peut expliquer
l’apparition d’autoanticorps anti-Ro/SS-A, mais il reste à comprendre comment s’effectue l’auto-immunisation. Schématiquement, on peut décrire deux hypothèses (figure 5) :
" les kératinocytes stimulés par le TNFα peuvent exprimer à
leur surface des antigènes Ro/SS-A 52 et 60 KD qui seront
alors potentiellement immunogènes, car ils seront devenus
“accessibles” au système immunitaire ;
" le TNFα peut aussi entraîner l’apoptose de ces kératinocytes, qui vont alors “relarguer” de petites vésicules formées
de membranes cytoplasmiques (appelées blebs) ; celles-ci
expriment à leur surface les autoantigènes Ro/SS-A, qui
deviennent alors accessibles au système immunitaire.
Ces deux mécanismes expliquent, au moins en partie, l’immunisation contre des protéines a priori intracellulaires. Reste
à savoir quels sont les phénomènes qui vont induire une synthèse excessive de TNFα par ces kératinocytes. Des travaux
ont démontré que cette synthèse pourrait être induite par différentes agressions cellulaires, dont les ultraviolets (UVB).
Ainsi, ce modèle très séduisant permet de comprendre l’apparition des lésions cutanées lupiques induites par les ultraviolets, très souvent associées à des anticorps anti-SS-A.
Comme le suggèrent ces données expérimentales, une hyperestrogénie (contraception, grossesse) peut amplifier ce phénomène, favorisant ainsi l’évolution du lupus.
La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002
Kératinocytes en apoptose
Ro 60 KD
UVB
TNFα
Ro 52 KD
Les UVB induisent (via le TNFα) l’apoptose
des kératinocytes humains
# expression de Ro/SS-A 60 et 52 KD dans les blebs d’apoptose
Figure 5. Rôle du TNFα sur la synthèse des antigènes Ro/SS-A 52 et
60 KD.
Peut-on traiter les lésions cutanées du lupus par un
anti-TNFα ?
Si le modèle décrit préalablement est pertinent, l’utilisation
d’anti-TNFα pourrait permettre d’améliorer les lésions cutanées, et peut-être même d’éviter l’immunisation anti-Ro/
SS-A. Cette hypothèse peut paraître audacieuse depuis que
l’on a observé l’apparition d’anticorps anti-ADN natif et de
quelques lupus sous anti-TNFα. Néanmoins, différents travaux ont démontré l’efficacité parfois spectaculaire de certaines molécules “ancêtres” des anti-TNFα, comme le thalidomide. Cuadrado et al. (1362) ont présenté les résultats
d’une étude ouverte de 30 lupus cutanés réfractaires à différents traitements (hydroxychloroquine, mépacrine, azathioprine et prednisone), traités par des doses décroissantes de thalidomide (50 à 100 mg/j le premier mois puis 50 à 25 mg/j les
mois suivants). Il s’agissait de lésions cutanées chroniques isolées (n = 7) ou apparues au cours d’un lupus cutané subaigu
(n = 5) ou systémique (n = 18). Après quatre mois de traitement, une amélioration significative a été observée chez 91 %
des patients avec 60 % (n = 18) de rémission complète et 33 %
(n = 10) de rémission partielle. L’action du traitement sur la
synthèse d’anti-Ro/SS-A n’a pas été précisée. Il n’y a eu que
deux échecs thérapeutiques, et assez peu d’effets indésirables.
Les effets indésirables les plus fréquents liés directement au
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thalidomide sont les neuropathies : six formes symptomatiques
confirmées à l’électromyogramme, dont trois formes irréversibles. Les autres effets indésirables sont la somnolence (30 %
des cas) et les douleurs abdominales (15 % des cas). Le thalidomide est donc un traitement particulièrement efficace des
lésions cutanées réfractaires du lupus. Cette efficacité pourrait s’expliquer par son activité anti-TNFα. L’avenir repose
probablement sur l’utilisation prochaine d’analogues du
thalidomide qui auront l’avantage d’être mieux tolérés.
L’ostéoporose : une complication importante du
lupus
L’ostéoporose a été longtemps sous-estimée au cours du lupus,
plusieurs études s’y sont récemment intéressées (tableau I).
Dans une étude canadienne (Pineau et al., 1689, 1690), une
analyse densitométrique a permis d’observer parmi
205 femmes lupiques (âge moyen : 45 ± 12 ans) 48 % (n = 100)
d’ostéopénie (– 2,5 < T score lombaire < – 1) et 18 % (n = 37 %)
d’ostéoporose (T score lombaire < – 2,5). L’âge moyen de ces
ostéoporotiques est de 50,6 ± 13 ans et 67 % d’entre elles
(n = 24) sont ménopausées. Cette ostéoporose s’est manifestée dans 30 % des cas par une fracture périphérique. Dans cette
étude, il est intéressant d’observer que l’apparition d’ostéoporose est surtout liée à l’âge, au statut ménopausique et à la
durée d’évolution et la sévérité du lupus. En revanche, il n’y
a pas de relation avec la dose moyenne (10,9 à 12,3 mg/j de
prednisone) ou cumulée (38,8 à 41 g) de corticoïdes.
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Peut-on prescrire un traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause dans le lupus ?
Pour différentes raisons, en particulier pour prévenir les complications ostéoporotiques, il serait justifié de prescrire un traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause au cours
du lupus. Cependant, différentes études ont suggéré une augmentation des poussées lupiques postménopausiques chez les
patientes traitées par un THS, mais des résultats controversés
ont justifié la planification d’une grande étude (étude
SELENA) qui est en cours. Sanchez-Guerrero et al. (1261)
ont présenté une étude randomisée de 106 patientes lupiques
ménopausées traitées soit par THS (estrogènes équins à
0,625 mg + médroxyprogestérone à 5 mg), soit par placebo
pendant deux ans. Les patientes des deux groupes ont poursuivi leur corticothérapie à doses équivalentes (5 à 10 mg/j)
ainsi que la prise de calcium (1,2 g/j). Les patientes ayant des
antécédents thromboemboliques ou de cancer hormonodépendant et celles souffrant d’un lupus évolutif (indice d’activité SLEDAI > 20) n’ont pas été incluses. Après deux ans de
traitement, 37 patientes du groupe THS et 38 patientes du
groupe placebo ont été analysées, démontrant que le THS n’a
pas entraîné plus de poussées, de thromboses ou de décès que
le placebo (tableau II).
Tableau II. Tolérance du THS au cours du lupus : étude prospective
randomisée THS (estrogènes équins + médroxyprogestérone) versus
placebo.
Analyse à 2 ans
Tableau I. Prévalence de l’ostéopénie et de l’ostéoporose au cours du
lupus.
Poussées (SLEDAI + 3)
Poussées sévères (SLEDAI + 12)
Thromboses
Décès
THS
n = 37
Placebo
n = 38
80
4
3
2
82
7
1
4
NS
NS
NS
NS
NS : non significatif
n = 205* (Canada)
n = 242** (Grande-Bretagne)
Normal (T ≥ -1)
68 (33,2 %)
119 (49 %)
Ostéopénie (-2,5 < T ≤ -1)
100 (48,8 %)
98 (41 %)
37 (18 %)
22 (10 %)
Ostéoporose (T ″ -2,5)
* 115 non ménopausées ; ** 126 non ménopausées
Une étude anglaise qui a analysé 240 patientes lupiques (âge
moyen : 39,9 ans [18-80]) a démontré l’existence d’une ostéopénie (– 2,5 < T score lombaire < – 1) chez 41 % (n = 98)
d’entre elles et une ostéoporose (T score lombaire < – 2,5)
chez 10 % (n = 22) d’entre elles (Gordon et al., 691). Dix
pour cent de ces patientes ont fait une fracture ostéoporotique.
Dans cette étude, qui inclut 45 % de femmes ménopausées,
le meilleur facteur prédictif est l’âge, comme dans l’étude
précédente. En revanche, les corticoïdes n’apparaissent
pas comme un facteur de risque majeur.
Ces deux études démontrent ainsi le poids non négligeable de
l’ostéoporose dans l’histoire naturelle du lupus.
34
Un THS peut probablement être prescrit chez une femme
ménopausée sans lupus actif et sans antécédent thromboembolique (SAPL). Le risque de poussée semble réduit, mais les
faibles effectifs de cette étude randomisée incitent à la prudence. Nous attendons prochainement les résultats de l’étude
SELENA, qui devraient permettre de répondre formellement
à cette question.
Une protection ovarienne chez la femme traitée par
cyclophosphamide : les analogues de la LH-RH
Dans le lupus, mais également dans d’autres affections systémiques, le cyclophosphamide (Endoxan®) est responsable
d’aménorrhée et de stérilité définitive. Ce risque augmente
avec la dose de cyclophosphamide (en particulier au-delà de
20 g dose totale) et avec l’âge des patientes. Néanmoins, quels
que soient l’âge et la dose, le risque existe. Pour le réduire, il
est possible d’envisager un blocage de l’axe hypophyso-ovarien pour obtenir une “mise au repos” des ovaires pendant la
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période de traitement. Pour évaluer l’intérêt de cette stratégie,
McCune et al. (2006) ont traité 18 jeunes patientes lupiques
(âge moyen : 24 ans [20-28]) par cyclophosphamide en leur
proposant un traitement mensuel par un analogue de la LHRH (acétate de leuprolide) (3,75 mg/mois), injecté 10 jours
avant le bolus de cyclophosphamide. La plupart de ces
patientes (10/18) ont été traitées pendant 6 mois, puis ont bénéficié d’une immunosuppression “de relais” par azathioprine
ou mycophénolate mofétil. Les autres ont eu un traitement
plus prolongé. Pour savoir si cette “protection” ovarienne permettrait de réduire l’aménorrhée, ils ont apparié ce groupe à
18 autres patientes dont l’âge moyen (24 ans), la dose préalable de cyclophosphamide administré (13 ± 7 g) et la durée
d’évolution du lupus étaient comparables. Ainsi, après 6 à
18 mois de traitement par cyclophosphamide, les patientes ont
été suivies pendant 3 ans. À l’issue de ce suivi, il y avait moins
d’insuffisance ovarienne (2 versus 7) et plus de grossesses
post-traitement (6 versus 3) dans le groupe traité par un analogue de la LH-RH. Même si la différence n’atteint pas la significativité statistique (p = 0,06), ce traitement semble pouvoir
limiter le risque d’aménorrhée et de stérilité post-cyclophosphamide. Reste à savoir quel est le risque d’ostéoporose induite
par ce traitement, ce qui n’a pas été précisé dans cette étude.
VASCULARITES : DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET TRAITEMENTS
L’épidémiologie des vascularites en France en 2000
Mahr et al. (1675) ont évalué l’incidence et la prévalence des
principales vascularites systémiques en Seine-Saint-Denis.
Pour cela, ils ont collecté des dossiers de périartérites noueuses
(PAN) classiques et microscopiques, de granulomatoses de
Wegener et maladies de Churg et Strauss en contactant tous
les praticiens (n = 1 119) et tous les services de rhumatologie,
néphrologie, pneumologie, hémodialyse et médecine interne
de cette zone (n = 20). Le taux de réponse a été de 52 % pour
les praticiens et de 100 % pour les services hospitaliers. Ils ont
pu ainsi collecter 59 vascularites systémiques confirmées après
Tableau III. Prévalence et incidence des vascularites systémiques en
Seine-Saint-Denis.
Prévalence/
106 habitants
Incidence/
106 habitants/an (2000)
PAN (n = 20)
22,3 (13-33)
0,9 (0,03-5,6)
MPA (n = 11)
11,7 (6,2-21)
3,7 (1,1-10,2)
WG (n = 21)
25,7 (17-38)
3,7 (1,1-0,2)
CSS (n = 7)
7,3 (2,8-14,4)
0,9 (0,03-5,6)
70,2 (54,6-88,4)
17,4 (9,9-27,2)
Total
PAN : périartérite noueuse
MPA : périartérite noueuse microscopique
WG : granulomatose de Wegener CSS : maladie de Churg et Strauss
La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002
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un examen détaillé des dossiers. Les prévalences et incidences
ont été estimées à partir de ces deux sources par une analyse
type capture/recapture (formule de Chapman et Seber). Ces
estimations ont été calculées pour la population de plus de
15 ans de la Seine-Saint-Denis, qui est de 1 093 515 sujets
(tableau III).
Les principales vascularites systémiques sont assez rares ;
néanmoins, leur prévalence globale est de l’ordre de 7 pour
100 000 dans cet échantillon de population. Compte tenu de
leur sévérité et de leur caractère curable, ces affections doivent être connues.
Le cyclophosphamide i.v. dans les PAN sévères
Le cyclophosphamide est un immunosuppresseur efficace, mais
le meilleur schéma de traitement des PAN classiques ou microscopiques sévères est mal connu. La question posée par Guillevin et al. (20) est de savoir si 6 bolus mensuels de cyclophosphamide sont suffisants pour éviter la rechute ou s’il faut
prolonger le traitement en effectuant 12 bolus par an. Pour
cela, ils ont évalué, dans une étude randomisée, l’évolution de
65 PAN (19 formes classiques et 46 formes microscopiques)
traitées par 6 ou 12 bolus mensuels. Tous les patients ont bénéficié d’une corticothérapie initiale en bolus (15 mg/kg/j) pendant 3 jours, suivie d’une corticothérapie à 1 mg/kg/j per os
le premier mois, puis dégressive. Les bolus de cyclophosphamide ont été administrés toutes les deux semaines le premier
mois, puis toutes les quatre semaines. À l’issue des 6 ou
12 bolus, aucun traitement d’entretien n’a été proposé. L’analyse a montré qu’il y avait autant de rémission complète (RC)
dans le groupe 6 bolus (RC 80 %) que dans celui à 12 bolus
(RC 85 %). En revanche, le taux de rechute et de décès après
un suivi moyen de 32 mois (± 22) a été significativement plus
élevé dans le groupe 6 bolus (rechute : 41,9 % versus 20,6 % ;
décès : 25,8 % versus 17,7 %). Ainsi, dans les PAN classiques
ou microscopiques sévères, l’administration de 12 bolus mensuels de cyclophosphamide permet d’améliorer significativement le risque de rechute et la survie des patients.
L’infliximab dans les vascularites réfractaires
Dans certaines vascularites, les corticoïdes et les immunosuppresseurs sont peu efficaces ou mal tolérés. En particulier,
il a été suggéré qu’une forte corticothérapie initiale pourrait
être un facteur de risque d’infection et de décès important.
Lamprecht et al. (24) ont traité 6 granulomatoses de Wegener, réfractaires à un traitement associant corticoïdes et cyclophosphamide, par de l’infliximab à la dose de 3 à 5 mg/kg
(deux injections le premier mois, puis une injection tous les
mois pendant 3 à 6 mois). Ces malades étaient caractérisés par
des atteintes particulièrement sévères, dont 3 localisations
rétro-orbitaires avec risque de cécité, 2 glomérulonéphrites
rapidement progressives et une atteinte pulmonaire sévère.
L’adjonction d’infliximab à leur traitement a permis une amélioration spectaculaire de la plupart des signes cliniques chez
5 patients sur 6. Un patient n’a pas pu être traité en raison
d’une infection sévère.
35
M
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A U T O - I M M U N E S
BVAS
Bartolucci et al. (23) ont traité 10 vascularites systémiques
réfractaires aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs par
de l’infliximab (5 mg/kg injecté à J1, J15, J45 puis toutes les
huit semaines). Il s’agissait de 7 granulomatoses de Wegener,
2 vascularites rhumatoïdes et une cryoglobulinémie évoluant
depuis 9 à 21 ans. Ce traitement a permis d’arrêter les immunosuppresseurs chez 8 patients sur 10. Dans les 6 semaines
qui ont suivi l’introduction de l’infliximab, une rémission complète ou partielle a été observée chez tous les patients avec une
amélioration spectaculaire du score de vascularite (Birmingham vasculitis activity score) (figure 6). Les anti-TNF, en
particulier l’infliximab, semblent être un traitement rapidement efficace des vascularites systémiques. Les anti-TNFα
pourraient être à l’avenir un traitement particulièrement intéressant, permettant notamment d’éviter l’utilisation de fortes
doses de corticoïdes. Reste à déterminer la dose et le schéma
d’administration, ainsi que l’intérêt de combinaisons thérapeutiques permettant d’éviter les rechutes.
16
14
12
10
8
6
4
2
0
J0
J42
J168
Figure 6. Efficacité de l’infliximab dans 10 vascularites systémiques réfractaires : évolution du score BVAS (Birmingham vasculitis activity score).
LA SCLÉRODERMIE : DES TRAITEMENTS
SYMPTOMATIQUES
La sclérodermie est une affection particulièrement sévère, dont
les décès sont surtout liés à l’atteinte pulmonaire, en particulier l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAp). Almodovar
et al. (473) ont analysé les différentes causes de mortalité en
suivant 96 sclérodermies sur une période de 25 ans (19762000). Il s’agissait de 52 formes limitées de type CREST syndrome et de 44 formes diffuses. Dans cette étude, la survie à
10 ans a été de 77 % pour les formes limitées et de 50 % pour
les formes diffuses. Les deux principales causes de mortalité
ont été la fibrose pulmonaire (OR 3,1 [1,1-8,8]) et l’HTAp
(OR 5,5 [1,9-7]).
Des traitements de l’HTAp
Cette complication de la sclérodermie est l’une des plus redoutables. Elle peut être améliorée par une administration de prostacycline (PGI2), mais un certain nombre de patients ne répon36
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dent pas à ce traitement. Au cours de ce congrès, de nouvelles
solutions thérapeutiques ont été décrites.
" Le sildénafil (Viagra®) a permis d’améliorer une HTAp
réfractaire à la PGI2 chez 8 sclérodermies (Pritzker et al.,
471). La combinaison des deux traitements a permis de réduire
la pression artérielle pulmonaire de 20 % après 24 semaines
de traitement. Cette molécule, qui est un inhibiteur de la phosphodiestérase V, diminue les résistances artérielles pulmonaires en augmentant les taux de GMP cycliques dans les vaisseaux du réseau pulmonaire. Le sildénafil pourrait être une
alternative thérapeutique dans les HTAp, mais également dans
les Raynaud sévères, comme cela a été observé dans cette
étude ouverte.
" Le bosentan est un inhibiteur du récepteur de l’endothéline
capable d’améliorer l’HTAp. L’endothéline est le plus puissant des agents vasoconstricteurs. Dans la sclérodermie compliquée d’HTAp, il a été observé une élévation des taux circulants d’endothéline (Steene et al., 465). Cette élévation
pourrait être liée à un polymorphisme particulier du gène du
récepteur de l’endothéline, comme l’ont suggéré Fonseca et
al. (464). L’efficacité du bosentan a été évaluée dans une
grande étude randomisée contre placebo, ayant inclus
213 patients souffrant d’HTAp, dont 47 d’origine sclérodermique. La comparaison de cette molécule à la dose de 2 x 250 mg/j
et de 2 x 105 mg/j avec un placebo a permis de démontrer une
efficacité symptomatique après 16 semaines de traitement. Les
deux doses de bosentan ont permis d’améliorer le périmètre
de marche et la dyspnée (index de Borg et classe fonctionnelle
de l’OMS) de façon significative (respectivement p = 0,0002
et p = 0,03) (Rubin et al., 1283).
Un nouveau traitement des Raynaud sévères
La PGE1-α cyclodextrine a été évaluée chez 30 patients sclérodermiques souffrant de Raynaud sévère, à la dose de 60 µg
i.v. (sur 3 heures pendant 5 jours), suivie de deux cycles de
3 jours à un mois d’intervalle (Pozzi et al., 1661). Cette molécule permet, comme la prostacycline, une amélioration très
significative du syndrome de Raynaud. Elle réduit l’activation
endothéliale (baisse du taux d’ICAM 1 soluble, du facteur von
Willebrand et de l’activateur tissulaire du plasminogène) , et
elle a également un effet vasodilatateur puissant par l’induction de libération de monoxyde d’azote (NO).
Un traitement symptomatique des ulcérations digitales du CREST syndrome : la persantine
Les ulcérations digitales du CREST syndrome sont parfois
rebelles, même à des traitements puissants de type prostacycline. Quatorze CREST syndromes avec des lésions distales
rebelles aux traitements conventionnels (protection mécanique, calcibloquants, administration locale et systémique des
dérivés nitrés, vasodilatateur intra-artériel) ont été traités par
la combinaison successive de prostacycline (3 à 5 jours) suivie de fortes doses de persantine (7 à 9 mg/kg/j pendant
6 semaines) (Pritzker et al., 1660). Ce traitement a permis
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une amélioration du syndrome de Raynaud de plus de 50 %
chez tous les patients. Il a été observé une réduction de la douleur, une augmentation de la température locale et une guérison des lésions d’ulcération digitale chez tous les malades.
Seuls 3 patients ont rechuté dans les 6 mois après l’arrêt de ce
traitement. La persantine, éventuellement combinée avec la
prostacycline, peut être une alternative thérapeutique intéressante qui mériterait d’être validée par des études contrôlées.
L’érythromycine : un traitement efficace de la gastroparésie sclérodermique
Les complications digestives de la sclérodermie sont responsables de douleurs, de vomissements et d’un inconfort digestif important. L’érythromycine est une molécule prokinétique
qui agit comme la motiline pour stimuler la vidange gastrique.
Vera et al. (1658) ont comparé, dans une étude randomisée,
250 mg d’érythromycine administrée 20 mn avant chaque
repas à 10 mg de métoclopramide (Primpéran®) administré de
la même façon. À l’issue de quatre semaines de traitement,
l’érythromycine a permis une nette amélioration objective du
temps de vidange gastrique (mesure scintigraphique) (p < 0,01),
du pyrosis et des vomissements (p < 0,005) (tableau IV).
Tableau IV. Efficacité de l’érythromycine (250 mg 20 mn avant chaque
repas) comparée au métoclopramide dans le traitement de la gastroparésie sclérodermique.
Érythromycine Métoclopramide
Vitesse de vidange
gastrique initiale (mn)
Vitesse de vidange
gastrique après
4 semaines
de traitement (mn)
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chloroquine (Aurrecoechea et al., 396). Ces résultats semblent confirmés par une deuxième étude ouverte de 6 patients,
dont 2 souffrant d’une forme réfractaire à la plupart des immunosuppresseurs (méthotrexate, azathioprine, ciclosporine,
cyclophosphamide). Chez tous ces patients, il a été observé
une amélioration clinique et biologique importante et rapide
sous infliximab (3 à 5 mg/kg) ; le traitement a duré 5 à 28 mois,
a priori sans complication majeure (Kraetsch et al., 395).
" Les anticorps humanisés antirécepteurs de l’IL-6 peuvent être
une alternative thérapeutique dans les formes particulièrement
sévères, comme l’ont montré Iwamoto et al. (394) chez un
patient réfractaire à l’association corticoïdes-méthotrexate-ciclosporine. L’efficacité a été immédiate (dès la première semaine),
permettant une réduction rapide de la corticothérapie.
" D’autres possibilités thérapeutiques ont déjà été décrites
dans la maladie de Still réfractaire, en particulier les immunoglobulines intraveineuses polyvalentes. Ce traitement n’a
été évalué pour l’instant que dans les études ouvertes, mais
il représente une alternative intéressante dans les situations
difficiles.
Compte tenu de la rareté de la maladie de Still, il sera très difficile d’envisager des études contrôles validées comparant ces
différents traitements de seconde ligne. Ainsi, il est utile d’apprécier leur intérêt par de petites études ouvertes, même si elles
n’apportent que des éléments limités de réponse.
p
46 ± 18
50 ± 23
NS
29 ± 6
42 ± 18
< 0,01
LA MALADIE DE STILL DE L’ADULTE : LES
TRAITEMENTS DES FORMES RÉFRACTAIRES
Les maladies de Still de l’adulte réfractaires à l’association
corticoïdes-méthotrexate posent des problèmes thérapeutiques
difficiles. Plusieurs solutions sont possibles :
" L’association méthotrexate-ciclosporine (3 à 5 mg/kg/j) a
été évaluée dans l’étude ouverte de 8 patients. Ce traitement
a démontré une efficacité clinicobiologique et une bonne tolérance (De Vita et al., 391).
" L’infliximab à la dose de 3 mg/kg à la semaine 0, 2, 6 et
toutes les 8 semaines a permis une amélioration clinique et
biologique rapide et importante chez 2 malades résistants aux
corticoïdes associés au méthotrexate, à l’azathioprine ou à la
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LES MANIFESTATIONS EXTRAHÉPATIQUES
DE L’HÉPATITE C : LE TRAITEMENT ANTIVIRAL EST EFFICACE
L’hépatite C se complique fréquemment de manifestations
extra-articulaires, en particulier d’asthénie, d’arthromyalgies
et de syndrome sec. Bon nombre de ces manifestations sont
liées à une cryoglobulinémie. Cacoub et al. (1784 et 1786)
ont démontré que le traitement antiviral permet d’améliorer
ces manifestations extrahépatiques. Dans une cohorte prospective de 1 614 patients atteint d’hépatite C, 425 patients ont
été évalués avant et après traitement antiviral. Parmi eux, 82
ont été considérés comme répondeurs (virémie négative à l’arrêt du traitement), 224 comme non-répondeurs (persistance
d’une virémie positive), et 47 ont rechuté à l’arrêt du traitement (réapparition d’une virémie positive à l’arrêt du traitement). Les 72 autres patients n’ont pas été traités. Après
18 mois de suivi, on observe une nette amélioration de la
fatigue et des douleurs, sauf chez les sujets dépressifs. Cette
étude permet donc de faire les constatations suivantes :
" l’asthénie, décrite chez 60 % des patients avant traitement,
n’est plus observée que chez 31 % des répondeurs, alors que
sa fréquence n’est pas modifiée chez les non-répondeurs et
chez ceux qui rechutent (respectivement 54 % et 60 %)
(p < 0,01) ;
37
M ALADIES
A U TO - I M M U N E S …
" les arthromyalgies régressent, quelle que soit l’efficacité virologique du traitement, passant de 19 % à 13 %
chez les répondeurs et de 30 % à 15 % chez les non-répondeurs ;
" la cryoglobulinémie est significativement réduite, avec
une fréquence passant de 50 % avant traitement à 6 %
(p < 0,001) chez les répondeurs et de 58 % à 33 %
(p = 0,01) chez les non-répondeurs.
L’efficacité du traitement antiviral a été confirmée dans une
autre étude qui a inclus 26 patients souffrant d’une vascularite associée à une infection par le virus de l’hépatite C
(PCR ARN VHC positive). Après 6 mois de traitement antiviral, une rémission clinique complète a été obtenue chez
18 des 26 patients ; 13 patients ont une réponse virologique
complète, dont 12 ayant une rémission clinique complète.
Parmi les 13 patients dont la virémie reste positive, 6 ont
une réponse clinique complète et 4 une réponse partielle.
Cette étude confirme que le traitement antiviral (interféron
ou interféron + ribavirine) est efficace sur les manifestations extrahépatiques, à condition qu’il soit bien toléré
(Cacoub et al., 21).
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