La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002
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MALADIES AUTO-IMMUNES ET SYSTÉMIQUES
thalidomide sont les neuropathies : six formes symptomatiques
confirmées à l’électromyogramme, dont trois formes irréver-
sibles. Les autres effets indésirables sont la somnolence (30 %
des cas) et les douleurs abdominales (15 % des cas). Le tha-
lidomide est donc un traitement particulièrement efficace des
lésions cutanées réfractaires du lupus. Cette efficacité pour-
rait s’expliquer par son activité anti-TNFα. L’avenir repose
probablement sur l’utilisation prochaine d’analogues du
thalidomide qui auront l’avantage d’être mieux tolérés.
L’ostéoporose : une complication importante du
lupus
L’ostéoporose a été longtemps sous-estimée au cours du lupus,
plusieurs études s’y sont récemment intéressées (tableau I).
Dans une étude canadienne (Pineau et al., 1689, 1690), une
analyse densitométrique a permis d’observer parmi
205 femmes lupiques (âge moyen : 45 ± 12 ans) 48 % (n = 100)
d’ostéopénie (– 2,5 < T score lombaire < – 1) et 18 % (n = 37 %)
d’ostéoporose (T score lombaire < – 2,5). L’âge moyen de ces
ostéoporotiques est de 50,6 ± 13 ans et 67 % d’entre elles
(n = 24) sont ménopausées. Cette ostéoporose s’est manifes-
tée dans 30 % des cas par une fracture périphérique. Dans cette
étude, il est intéressant d’observer que l’apparition d’ostéo-
porose est surtout liée à l’âge, au statut ménopausique et à la
durée d’évolution et la sévérité du lupus. En revanche, il n’y
a pas de relation avec la dose moyenne (10,9 à 12,3 mg/j de
prednisone) ou cumulée (38,8 à 41 g) de corticoïdes.
Une étude anglaise qui a analysé 240 patientes lupiques (âge
moyen : 39,9 ans [18-80]) a démontré l’existence d’une ostéo-
pénie (– 2,5 < T score lombaire < – 1) chez 41 % (n = 98)
d’entre elles et une ostéoporose (T score lombaire < – 2,5)
chez 10 % (n = 22) d’entre elles (Gordon et al., 691). Dix
pour cent de ces patientes ont fait une fracture ostéoporotique.
Dans cette étude, qui inclut 45 % de femmes ménopausées,
le meilleur facteur prédictif est l’âge, comme dans l’étude
précédente. En revanche, les corticoïdes n’apparaissent
pas comme un facteur de risque majeur.
Ces deux études démontrent ainsi le poids non négligeable de
l’ostéoporose dans l’histoire naturelle du lupus.
Peut-on prescrire un traitement hormonal substitu-
tif (THS) de la ménopause dans le lupus ?
Pour différentes raisons, en particulier pour prévenir les com-
plications ostéoporotiques, il serait justifié de prescrire un trai-
tement hormonal substitutif (THS) de la ménopause au cours
du lupus. Cependant, différentes études ont suggéré une aug-
mentation des poussées lupiques postménopausiques chez les
patientes traitées par un THS, mais des résultats controversés
ont justifié la planification d’une grande étude (étude
SELENA) qui est en cours. Sanchez-Guerrero et al. (1261)
ont présenté une étude randomisée de 106 patientes lupiques
ménopausées traitées soit par THS (estrogènes équins à
0,625 mg + médroxyprogestérone à 5 mg), soit par placebo
pendant deux ans. Les patientes des deux groupes ont pour-
suivi leur corticothérapie à doses équivalentes (5 à 10 mg/j)
ainsi que la prise de calcium (1,2 g/j). Les patientes ayant des
antécédents thromboemboliques ou de cancer hormonodé-
pendant et celles souffrant d’un lupus évolutif (indice d’acti-
vité SLEDAI > 20) n’ont pas été incluses. Après deux ans de
traitement, 37 patientes du groupe THS et 38 patientes du
groupe placebo ont été analysées, démontrant que le THS n’a
pas entraîné plus de poussées, de thromboses ou de décès que
le placebo (tableau II).
Un THS peut probablement être prescrit chez une femme
ménopausée sans lupus actif et sans antécédent thromboem-
bolique (SAPL). Le risque de poussée semble réduit, mais les
faibles effectifs de cette étude randomisée incitent à la pru-
dence. Nous attendons prochainement les résultats de l’étude
SELENA, qui devraient permettre de répondre formellement
à cette question.
Une protection ovarienne chez la femme traitée par
cyclophosphamide : les analogues de la LH-RH
Dans le lupus, mais également dans d’autres affections systé-
miques, le cyclophosphamide (Endoxan®) est responsable
d’aménorrhée et de stérilité définitive. Ce risque augmente
avec la dose de cyclophosphamide (en particulier au-delà de
20 g dose totale) et avec l’âge des patientes. Néanmoins, quels
que soient l’âge et la dose, le risque existe. Pour le réduire, il
est possible d’envisager un blocage de l’axe hypophyso-ova-
rien pour obtenir une “mise au repos” des ovaires pendant la