ACTUALITÉS RECHERCHE Rédigé par M. Chamaillard, Inserm U1019, CHRU de Lille Une nouvelle facette du TNFα ! Surexprimée au niveau des lésions inflammatoires intestinales des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI), la cytokine tumor necrosis factoralpha (TNFα) joue un rôle essentiel dans l’homéostasie de la muqueuse colique. Des essais cliniques viennent de valider l’efficacité thérapeutique d’anticorps neutralisant l’activité de cette cytokine dans les MICI, soulignant ainsi le rôle pro-inflammatoire du TNFα au cours de la pathogenèse de ces maladies. Cependant, ce traitement reste inefficace chez plus d’un patient sur trois. Une étude de l’université de Bern, en Suisse, vient de nous révéler un mécanisme anti-inflammatoire par lequel le TNFα limite la sévérité des ulcérations et l’intensité de la réponse inflammatoire chez la souris. Dans deux modèles expérimentaux caractérisés par une exacerbation de la réponse inflammatoire intestinale de type Th1, l’absence de TNFα était responsable d’un défaut de synthèse par la muqueuse colique d’enzymes stéroïdiennes (Cyp11A1 et Cyp11B1) et de corticostérone, une hormone connue pour ses propriétés anti-inflammatoires. Inversement, l’administration préventive de TNFα recombinant permettait d’induire l’expression par le côlon de Cyp11A1 et Cyp11B1 ainsi que la synthèse de corticostérone. En conséquence, l’injection de TNFα était corrélée à une réduction significative de la sévérité de la réponse inflammatoire intestinale aiguë et de la morbidité associée. Cet effet thérapeutique était abrogé par l’administration d’un inhibiteur de la synthèse des glucocorticoïdes, la métyrapone, ce qui suggère que l’effet anti-inflammatoire du TNFα serait bien dépendant de la synthèse des glucocorticoïdes. En conclusion, ces données démontrent que le TNFα se caractérise non seulement par des propriétés pro-inflammatoires, mais aussi par des propriétés immunosuppressives, en favorisant la stéroïdogenèse au niveau du côlon. Commentaire Étant donné l’ambivalence du TNFα, il reste désormais à disséquer la voie de signalisation qu’il déclenche afin d’évaluer le potentiel thérapeutique de nouveaux traitements visant à renforcer la synthèse des glucocorticoïdes. Référence Noti M, Corazza N, Mueller C, Berger B, Brunner T. TNF suppresses acute intestinal inflammation by inducing local glucocorticoid synthesis. J Exp Med 2010;207(5):1057-66. Microbes, virus et maladie de Crohn ! La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, invalidante et incurable, et dont la cause reste méconnue. Bien que près de 50 % du risque individuel de développer la maladie de Crohn soit expliqué par des variations génétiques, comme la mutation T300A de la molécule ATG16L1, il restait à expliquer la faible pénétrance de ces mutations chez l’homme. Une récente étude américaine publiée dans la revue Cell vient de démontrer qu’une infection par un norovirus est responsable d’anomalies des cellules de Paneth similaires à celles observées chez l’homme lorsque l’expression d’ATG16L1 est significativement atténuée. Les norovirus appartiennent à la famille des calicivirus et se caractérisent par leur résistance au froid. Disséminés dans le monde entier, ils constituent l’une des causes les plus fréquentes des gastro-entérites non bactériennes chez l’homme. L’observation de ces résultats a conduit les auteurs à analyser l’influence de l’infection par ce virus sur la susceptibilité à un modèle expérimental de MICI. Alors que l’infection virale était responsable d’une atrophie de la taille des villosités et d’une aggravation de la sévérité des ulcérations chez les animaux dont l’expression d’ATG16L1 avait été réduite, aucun signe de la maladie n’a pu être observé en l’absence d’infection virale chez ces souris par rapport aux animaux contrôles. Un traitement par antibiotiques ou par anticorps neutralisant l’activité du TNFα ou de l’interféron γ était efficace chez les animaux infectés, soulignant le rôle essentiel de ces deux cytokines au cours de la réponse inflammatoire exacerbée du côlon infecté des animaux exprimant de faibles taux d’ATG16L1. Commentaire Bien qu’il soit question d’un modèle expérimental remarquable pour étudier les interactions gènesenvironnements, une différence avec la maladie de Crohn est à noter. Dans cette étude, il s’agit d’un modèle de souris chez lequel l’expression d’ATG16L1 a été significativement réduite génétiquement, et non d’une souris transgénique exprimant spécifiquement le variant T300A associé au développement de la maladie chez l’homme. Une meilleure prise en compte de l’impact des infections virales sur l’histoire naturelle de la maladie des sujets génétiquement prédisposés devrait désormais nous permettre d’envisager de nouvelles pistes de traitement pour ces patients. 156 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIII - nos 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2010 Référence Cadwell K, Patel KK, Maloney NS et al. Virus-plus-susceptibility gene interaction determines Crohn’s disease gene Atg16L1 phenotypes in intestine. Cell 2010;141(7):1135-45.