La Lettre du Rhumatologue - n° 258 - janvier 2000
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BACTÉRIES ET ARTHRITES
Cette année, les travaux consacrés à l’étude des bactéries poten-
tiellement arthritogènes étaient globalement moins nombreux,
et l’on pouvait constater une modification nette de leur orien-
tation : très peu d’entre eux étaient consacrés à la détection de
constituants bactériens, alors qu’une plus large place était faite
à l’étude de la réponse immunitaire et des mécanismes de patho-
génicité des organismes incriminés. Compte tenu du caractère
encore préliminaire (et parfois contradictoire) de ces travaux,
nous avons préféré consacrer l’essentiel de cette rubrique
“arthrites et infection” au virus de l’hépatite C (VHC), auquel
de nombreuses communications étaient consacrées.
MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES
DE L’HÉPATITE C
Le VHC est un petit virus de la famille des flaviridae,décou-
vert en 1989. Son génome est constitué d’un simple brin d’ARN
qui ne comporte qu’un gène unique codant pour une polypro-
téine découpée secondairement en une dizaine de protéines
fonctionnelles. La transmission du VHC semble se faire exclu-
sivement par le sang. Ainsi, les modes de propagation princi-
paux ont été la transfusion et la toxicomanie par voie intravei-
neuse. Cependant, on ne retrouve pas ces facteurs de risque
chez plus de 30 % des sujets infectés, ce qui conduit à suspec-
ter d’autres modes de transmission : gestes médicaux (endo-
scopies, soins dentaires…), acupuncture, percement d’oreille...
L’hépatite C infecte entre 2 et 4 % de la population mondiale.
Si l’infection par le VHC est souvent silencieuse, elle peut être
grave, responsable d’hépatite chronique (75 à 85 %), de
cirrhose (10 à 15 %), d’hépatocarcinome (1 à 5 %) ou de lym-
phome. Si le foie constitue le principal tissu cible du VHC, les
manifestations extrahépatiques de l’infection sont nombreuses,
et ont fréquemment une expression rhumatologique.
Manifestations extrahépatiques de l’hépatite C
Cacoub et coll. (1 578)ont suivi une cohorte de 1 614 patients
infectés par le VHC (en excluant les patients co-infectés par
VHB et VIH). Ils ont noté au moins une manifestation extra-
hépatique chez 1 202 patients (74 %, IC95 :72-77), et cinq
manifestations extrahépatiques ou davantage chez plus de
10 % d’entre eux. Une perturbation biologique (ou plus) était
constatée chez 53 % des patients. Les manifestations les plus
fréquentes sont résumées dans le tableau I.
Chez les patients présentant une cryoglobuline, les auteurs ont
observé une particulière fréquence de certaines manifestations :
arthralgies, HTA, vascularite, ACAN. L’analyse uni- et mul-
tivariée faisait ressortir l’âge avancé, le sexe féminin et une
fibrose hépatique étendue comme facteurs de risque de mani-
festations extrahépatiques.
Ratiner et coll. (1608),s’intéressant plus particulièrement aux
symptômes articulaires, ont noté des arthralgies chez 60 % de
leurs 42 patients, une raideur articulaire matinale chez 38 %
d’entre eux, et observé d’authentiques arthrites dans 29 % des
cas (figure 1). Trente-neuf pour cent de ces patients étaient
porteurs de facteur rhumatoïde.
Infections et arthrites
!T. Schaeverbeke
"
Les travaux sur les bactéries arthritogènes s’orien-
tent vers l’étude de la réponse immunitaire et des
mécanismes de pathogénicité des organismes incri-
minés.
"
Les manifestations rhumatologiques de l’hépatite C
sont fréquentes et polymorphes.
"
Le VHC est la première cause des cryoglobulinémies
mixtes.
"
L’induction des phénomènes d’auto-immunité et
des lymphoproliférations B par le VHC pourrait être
directe (invasion des lymphocytes B par le virus) et
indirecte (mimétisme moléculaire et induction d’une
surexpression de bcl-2).
Points forts
INFECTIONS ET ARTHRITES
Manifestations cliniques Manifestations biologiques
Arthralgies : 23 % Cryoglobuline : 40 %
Paresthésies : 17 % (arthralgies, vascularite, HTA)
Myalgies : 15 % ACAN : 10 %
Prurit : 15 % Thyroxine basse : 10 %
Syndrome sec : 11 % Anti-muscle lisse : 10 %
Tableau I. Manifestations extrahépatiques de l’hépatite C.