inclus de façon consécutive, ce qui laisse
planer un doute sur les résultats statis-
tiques obtenus, mais également sur plu-
sieurs histoires cliniques comme nous le
verrons plus avant.
Laissons donc de côté le deuxième grou-
pe témoin : aucun des 30 malades de ce
groupe n’avait d’Ac anti-P53, ce qui vali-
de partiellement l’intérêt des Ac choisis
pour l’étude des phénomènes de progres-
sion vers une lésion cancéreuse, à partir
d’une lésion reconnue pour son potentiel
de dégénérescence. En ce qui concerne
ensuite le premier groupe témoin, des Ac
anti-P53 ont été mis en évidence chez un
malade sur 19, sans mutation de TP53 et
sans surexpression de P53. Ce résultat n’est
pas discuté par les auteurs.
Les Ac anti-P53 ont plus souvent
(p = 0,002) été détectés chez les malades
porteurs d’un cancer que chez ceux porteurs
d’un œsophage de Barrett (et donc proba-
blement parmi ceux du premier groupe
témoin) : respectivement 11/33 et 3/36, et
non pas 10/33 et 4/36 comme cela est sug-
géré dans le résumé de l’article. Cette dis-
cordance vient du fait que le patient porteur
d’une dysplasie sur œsophage de Barrett a
été inclus soit dans le groupe “Barrett”
(résumé), soit dans le groupe “adénocarci-
nome” (texte), sans que le nombre de sujets
de chaque groupe n’ait été modifié. Au-delà
de cette erreur minime dans la présentation
des résultats, il paraît indéniable que le clas-
sement de ce patient dans l’un des deux
groupes a posé quelques problèmes aux
auteurs.
Huit des vingt-deux malades du groupe
carcinome épidermoïde (36 %) avaient
des Ac anti-P53 mis en évidence par au
moins l’une des trois techniques utilisées.
Un de ces patients a eu des Ac anti-P53
détectés deux mois avant que le diagnos-
tic de carcinome épidermoïde ne soit
posé. Les prélèvements sanguins ayant
été effectués en même temps qu’une
endoscopie initiale, cela sous-entend que
cette dernière n’a pas permis d’en établir
le diagnostic, car il est peu probable que
le cancer épidermoïde soit apparu pen-
dant ce court délai. L’absence de descrip-
tion de l’histoire clinique en question ne
permet pas d’en savoir davantage.
Les problèmes de présentation des résul-
tats et de données manquantes font que
cette étude se prête plutôt à une analyse au
cas par cas, en se concentrant sur les résul-
tats obtenus dans les groupes “Barrett” et
“adénocarcinome”, tout d’abord en raison
du titre de l’article, mais également de
l’intérêt que peut faire naître l’éventuelle
mise au point d’un test de dépistage san-
guin des lésions précancéreuses.
Trois patients porteurs d’un œsophage de
Barrett avaient des Ac anti-P53 révélés
par un test dans deux cas (EIA dans l’un,
immunoprécipitation dans l’autre) et par
deux tests dans un autre cas (immublot et
immunoprécipitation). Dans les deux cas
avec deux tests positifs, après un suivi de
17 et 18 mois, il n’est pas observé d’adé-
nocarcinome. Dans l’un de ces deux cas,
les Ac anti-P53 ont disparu.
Chez les trois patients porteurs d’un œso-
phage de Barrett avec Ac anti-P53, une
mutation de TP53 n’a été mise en évidence
que dans un des trois cas (exon 5, codon ?),
où il existait également une surexpression
de P53 (seul cas sur trois où cette derniè-
re a été recherchée). Cette positivité des
Ac anti-P53 n’est donc expliquée à partir
de l’hypothèse formulée initialement
(mutation / surexpression / antigénicité)
que dans un cas sur trois.
Au sein de la population de malades por-
teurs d’un adénocarcinome, trois patients
sur dix avaient des Ac anti-P53 positifs
(33 %) : avec deux tests dans deux cas
(immunoblot et immunoprécipitation :
un cas ; EIA et immunoblot : un cas),
avec les trois tests dans un cas. Chez ces
trois patients, une mutation de TP53 a été
mise en évidence dans le seul cas où elle
a été recherchée (exon 7, codon 258 ;
“missense”). Une surexpression de P53
n’a été recherchée dans aucun de ces cas.
Dans un cas d’adénocarcinome avec Ac
anti-P53, la positivité a été mise en évi-
dence un mois avant que le diagnostic
d’adénocarcinome n’ait été posé, mais la
même remarque que précédemment doit
être faite concernant le résultat de l’en-
doscopie initiale, en l’absence de préci-
sions sur l’histoire clinique du patient.
Le patient porteur d’un œsophage de
Barrett avec dysplasie initiale avait des
Ac anti-P53 positifs avec deux tests (EIA
et immunoblot) un mois avant que le dia-
gnostic de dégénérescence ne soit posé.
Ces Ac anti-P53 sont restés positifs au
moment du diagnostic (avec les trois
tests), puis encore un mois plus tard,
mais avec un seul test (immunoprécipita-
tion). La conclusion de ce travail ne
semble reposer finalement de façon
rigoureuse que sur ce dernier cas.
Conclusion
Il semble que les Ac anti-P53 étudiés
soient plus fréquemment rencontrés chez
les malades porteurs de lésions cancé-
reuses de l’œsophage que chez ceux por-
teurs d’un œsophage de Barrett ; que la
prévalence de ces Ac chez les malades por-
teurs d’un adénocarcinome de l’œsophage
soit faible (33 %), difficilement compa-
tible avec l’utilisation de la recherche de
ces Ac anti-P53 au sein d’une population à
risque ; qu’un malade avec dysplasie sur
œsophage de Barrett puisse présenter des
Ac anti-P53 positifs, avant que le diagnos-
tic de dégénérescence ne soit posé.
L’étude de Cawley et coll. est donc une
étude pilote de recherche. D’autres études
devront venir confirmer l’espoir des clini-
ciens de voir mettre au point un test sanguin
permettant de mieux appréhender la ciné-
tique de la séquence œsophage de Barrett /
dysplasie / adénocarcinome de l’œsophage.
J.M. Cayla (Provins)
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