Diagnostic anténatal des cardiopathies congénitales : quelle étude cytogénétique

tion d’une analyse cytogénétique à la re-
cherche d’une anomalie de nombre ou
de structure des chromosomes. La prin-
cipale exception est la TGV, qui n’est ja-
mais associée à une anomalie cytogéné-
tique. Cependant le diagnostic anténatal
de cette cardiopathie doit être confirmé
par un expert pour ne pas méconnaître
une malposition vasculaire pouvant s’in-
tégrer dans un syndrome. Un certain
nombre d’autres cardiopathies isolées,
telles que l’atrésie pulmonaire à septum
intact et les communications inter -
ventriculaires musculaires isolées, sont
peu suspectes danomalies chromoso-
miques associées.
Indication d’un caryotype à la
recherche d’une anomalie de
nombre ou de structure chromoso-
mique devant toute cardiopathie
Hormis les exceptions sus-citées, la -
tection in utero dune cardiopathie
congénitale doit faire lobjet dun ca-
ryotype. Toutes les séries rapportent un
taux d’anomalies chromosomiques éle-
vé, compris entre 13 et 17 % (voir ta-
bleau) [1-3].
Bien que la majorité des cardio-
pathies congénitales soient iso-
es, leur caractère familial ou
syndromique justifie la réalisation d’une
échographie d’expert, qui pcisera le
type de cardiopathie et les éventuels
signes extracardiaques associés [1]. Une
analyse cytogénétique à la recherche
d’une anomalie de nombre ou de struc-
ture des chromosomes est donc indi-
quée pour toutes les cardiopathies. La
grande exception à souligner est la
transposition simple des gros vaisseaux
(TGV), qui n’est jamais associée à une
anomalie de nombre des chromosomes.
Les indications d’une analyse cytogéné-
tique anténatale ont des objectifs précis,
qui dépendront non seulement du type
et du pronostic supposé de la malforma-
tion, mais aussi du terme de la grosses-
se. Nous décrivons dans un premier
temps les indications communément
admises, puis nous discutons leurs li-
mites.
Exceptions à l’étude cytogénétique
Toute découverte anténatale d’une car-
diopathie congénitale justifie la réalisa-
Le diagnostic anténatal des cardiopathies congénitales impose unemarche
diagnostique précise. On peut retenir cinqgles d’or :
une échographie d’expert est toujourscessaire pour rechercher des
signes extracardiaques associés ;
dans 15 % des cas, les cardiopathies congénitales sont assoces à des
anomaliesnétiques ;
un diagnostic anténatal de cardiopathie impose une enquête cytogénétique ;
un caryotype standard doit êtrealidevant toute cardiopathie, excepté la
transposition des gros vaisseaux ;
une microdélétion 22q11.2 doit être recherce devant toute malformation
conotroncale.
Diagnostic annatal des cardiopathies
connitales : quelle étude cytogétique
pour quelle malformation ?
F. Bajolle, centre de référence
Malformations cardiaques congénitales
complexes, M3C-Necker,
hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Médecine
& enfance
Rubrique dirigée par F. Bajolle
CARDIOLOGIE
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Indication d’une recherche de micro-
délétion 22q11.2 en présence
de toute malformation conotroncale
Les cardiopathies conotroncales (inter-
ruption de l’arche aortique, tronc arté-
riel commun, tétralogie de Fallot, atré-
sie pulmonaire à septum ouvert, agéné-
sie des valves pulmonaires, communica-
tion interventriculaire conoventriculai-
re ou malposition vasculaire) (voir figure)
sont fréquemment associées à une mi-
crodélétion 22q11.2 [4].
L’indication d’une recherche de micro-
délétion 22q11.2 par la technique de
FISH sur liquide amniotique est formel-
le pour ce groupe de cardiopathies. La
suspicion de syndrome de Di George à
l’échographie peut être renforcée par
des signes extracardiaques, tels qu’un
hydramnios, l’absence de thymus et/ou
une fente palatine, mais aussi par le ty-
pe anatomique de la malformation. En
effet, l’interruption de l’arche aortique
de type B (entre la carotide gauche et
l’artère sous-clavière gauche) est asso-
ciée à une microdélétion 22q11.2 dans
45 % à 90 % des cas selon les séries [5].
Un tronc artériel commun avec une dys-
plasie sévère de la valve troncale est un
argument orientant vers une délétion
22q11.2 [1]. Enfin, une atrésie pulmo-
naire à septum ouvert avec une hypo-
plasie sévère des artères pulmonaires
associée à d’importantes collatérales
aorto-pulmonaires (MAPCA) est aussi
très évocatrice de délétion 22q11.2 [5].
Aucune indication de recherche
d’anomalie génétique sans une
échographie d’expert précisant l’ana-
tomie cardiaque et recherchant des
signes extracardiaques associés
L’intérêt de l’échographie cardiaque spé-
cialisée est de déterminer précisément la
forme anatomique de la cardiopathie
pour une parfaite définition du phénoty-
pe cardiaque, étape indispensable à
l’identification du syndrome associé. En
effet, une dysplasie valvulaire pulmonai-
re est un marqueur anatomique spéci-
fique du syndrome de Noonan ; elle n’est
jamais observée chez les patients non
syndromiques présentant une sténose
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valvulaire pulmonaire [2]. L’échographie
d’expert à la recherche de signes extra-
cardiaques permettra de suspecter avec
une très bonne sensibilité différents syn-
dromes associés aux défauts atrioventri-
culaires (CAV) : le syndrome d’Ellis-Van
Creveld, celui de Smith-Lemli-Opitz ou
lassociation CHARGE. Le diagnostic
Anomalies chromosomiques et cardiopathies fœtales [1]
Cardiopathie Pourcentage de cas Type d’anomalie
associés à une anomalie chromosomique
chromosomique
Cardiopathies conotroncales :
tétralogie de Fallot......................................6-20 %.......................................T21, T18, T13, dél 22q11.2
atrésie pulmonaire à septum ouvert..........20-35 %.....................................dél 22q11.2
interruption de l’arche aortique .................25-50 %.....................................dél 22q11.2
tronc artériel commun.................................40 %..........................................dél 22q11.2
agénésie des valves pulmonaires...............35 % ..........................................dél 22q11.2
Canal atrioventriculaire 50 % T21, T18, T13, dél 8p
Communication interventriculaire 10-20 % T21, T18
Cardiopathies obstructives 10 % Monosomie X, T18,
du cœur gauche dél 11, dél 7q23
Ventricule unique et atrésie tricuspide 8 % T18
Malpositions vasculaires 5-20 % T13, T18
Transposition des gros vaisseaux 0%
Atrésie pulmonaire à septum intact 0%
dél : délétion, T : trisomie
Schéma des cardiopathies conotroncales
Cœur normal Tétralogie de Fallot
(T4F)
Atrésie pulmonaire à
septum ouvert (APSO)
Agénésie des valves
pulmonaires (AVP)
Interruption de l’arche
aortique (IAA)
Tronc artériel commun
(TAC)
Malposition vasculaire
(MV)
Communication
interventriculaire (CIV)
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moléculaire fœtal ne sera justifque si
la cardiopathie est dune particulière
graviou si elle s’intègre dans un syn-
drome polymalformatif permettant de
proposer une interruption thérapeu-
tique de grossesse. Le diagnostic molé-
culaire prénatal de l’association CHAR-
GE par identification de la mutation
CHD7 a déjà été rapporté [6]. La re-
cherche anténatale de la mutation
PTPN11 du syndrome de Noonan n’est
pas justifiée avant la naissance.
Indication d’un examen fœto -
pathologique et d’une étude molécu-
laire en cas d’interruption médicale
de grossesse
Toute cardiopathie congénitale isolée
ou syndromique ayant justifié une in-
terruption médicale de grossesse doit
être expertisée par un examen fœtopa-
thologique. Il sagit en effet dun
contrôle de qualité indispensable du
diagnostic échographique. D’autre part,
il est justifié que l’autopsie soit complè-
te, et non pas limitée au cœur, pour dé-
pister les associations évocatrices de
syndromes éventuellement hérités et
permettre un conseil génétique adé-
quat. Sil ny a pas eu de caryotype
avant linterruption, celui-ci doit être
proposé systématiquement.
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En raison du risque connu de récur-
rence de cardiopathie congénitale,
on proposera, de façon systéma-
tique, un conseil génétique et un sui-
vi échographique anténatal d’expert
pour les grossesses ultérieures
Les familles doivent être infores du
risque statistique de récurrence de gravi-
différente (variabilité d’expression in-
trafamiliale) [7]. Les limites des études cy-
togénétiques devront être soulignées.
Elles sont liées à différents facteurs, et en
premier lieu à l’hétérogénéigénétique
de toutes les cardiopathies congénitales
[3]. La récente identification du second
champ cardiaque chez la souris et le pou-
let, ainsi que les travaux en cours sur les
gènes régulant sa participation dans la
formation du cœur devraient nous per-
mettre de proposer des données molécu-
laires supplémentaires sur les cardiopa-
thies congénitales et ainsi de proposer de
nouveaux gènes candidats [8]. Les autres
limites des études cytogénétiques sont la
variabilid’expression intrafamiliale (en
particulier pour les manifestations extra-
cardiaques), un faut de pénétrance
pour les porteurs de gènes morbides
(mutation dans le gène NOTCH1 et va-
riabilité du phénotype allant de la bicus-
pidie aortique à l’hypoplasie du ur
gauche), une nétrance croissante avec
l’âge (mutation NKX2.5 et troubles de la
conduction) et l’impossibilide faire un
diagnostic direct de l’anomalie congéni-
tale (QT long congénital) [9-10].
Aucune indication de diagnostic
génétique préimplantatoire
Il n’existe pas aujourd’hui de malforma-
tion cardiaque associée à une anomalie
génétique spécifique qui autorise un
diagnostic préimplantatoire.
Conclusion
L’expertise échographique est un préa-
lable indispensable à toute étude cyto-
génétique. La description du phénotype
cardiaque doit être d’une grande préci-
sion anatomique pour permettre un
conseil génétique aussi précis que pos-
sible [8]. Les signes extracardiaques per-
mettent de poser fréquemment un dia-
gnostic syndromique, comme dans le
syndrome de Di George. Le diagnostic
échographique ne dispense pas encore
de l’étude cytogénétique, qui permet de
proposer une interruption médicale de
grossesse. L’exception principale à l’étu-
de cytogénétique est indiscutablement
la découverte anténatale dune TGV
après confirmation du phénotype par
un cardiopédiatre expert.
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