30 | La Lettre du Gynécologue • n° 343 - juin 2009
Les temps forts des JTA 2009
DOSSIER
initiale et surtout des cas de l’étude d’observation
qui, rappelons-le, n’est pas randomisée (figure 2). Par
ailleurs, la population américaine étudiée est diffé-
rente de la population française. L’étude de Prentice,
en complément de la WHI, s’intéresse toujours à une
population de 63 ans en moyenne, donc à distance
de la ménopause et avec une incidence de l’obésité,
et donc de cancer du sein, non négligeable.
Les traitements utilisés dans ces études, l’association
de 0,625 mg d’estrogène conjugué équin et de 2,5 mg
d’acétate de médroxyprogestérone, ne sont pas les
mêmes que ceux utilisés couramment en France. Les
résultats des études E3N (2) et ESTHER (5) ont en effet
nettement influencé les prescriptions en privilégiant
l’association des estrogènes par voie percutanée et de
la progestérone micronisée ou de la dydrogestérone. Il
semble que cette association n’augmente ni le risque
de cancer du sein ni le risque thrombogène.
Ensuite, le risque de cancer du sein n’est pas le seul à
prendre en compte lorsqu’on envisage la prescription
d’un THM. Il faut tenir compte des autres effets poten-
tiels du THM. En effet, la WHI (6) a souligné les effets
délétères du traitement sur les maladies coronariennes
et les risques de thromboses veineuses profondes, mais a
confirmé son intérêt sur la prévention des fractures ostéo-
porotiques (RR = 0,76 [0,69-0,85]) et sur la survenue des
cancers du côlon (RR = 0,63 [0,43-0,92]).
Si l’on s’intéresse à la fenêtre d’intervention théra-
peutique (FINT), il semble que les estrogènes
administrés tôt après la ménopause aient un effet
protecteur sur les coronaropathies, en prévenant
l’athérosclérose, mais qu’initiés à distance de la
ménopause, ils aient un effet aggravant en entraî-
nant un décollement des plaques instables et un effet
procoagulant, surtout chez les femmes présentant
des facteurs de risque cardio-vasculaires (7). Mais
ces données sont fondées sur des études de faible
Références
bibliographiques
3. Allemend H, Séradour B, Weill
A, Ricordeau P. Decline in breast
cancer incidence in 2005 and 2006
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Stefanick ML et al. Estrogen plus
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women. Am J Epidemiol 2008;167:
1207-16.
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7. Clavel-Chapelon F. THM et risques
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résultats préliminaires rassurants.
Profession gynécologue 2008:14.
8. Rossouw JE, Prentice RL, Manson
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therapy and risk of cardiovascular
disease by age and years since meno-
pause. JAMA 2007;297:1465-77.
9. Manson JE, Allison MA, Rossouw
JE et al. WHI and WHI-CACS Inves-
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nary-artery calcification. N Engl J
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10. Gompel A, le bureau de la
Société de médecine de la repro-
duction (SMR). Recommandations
sur les traitements de la ménopause.
Médecine de la reproduction, Gyné-
cologie Endocrinologie 2008;
10(3):212-5.
puissance (8) ou sur des données plus radiographi-
ques que cliniques (9).
Dans tous les cas, les effets du THM, protecteurs et
délétères, disparaissent dans les années qui suivent
son arrêt (5). Doit-on alors initier un THM dès la méno-
pause pour diminuer le risque cardio-vasculaire au
risque d’augmenter celui de cancer du sein ? Ou doit-on
respecter une période de carence estrogénique pour ne
pas augmenter le risque de cancer mammaire au risque
d’entraîner des complications cardio-vasculaires ?
Les résultats des études doivent être analysés et adaptés à
chaque cas. Il paraît bon de rappeler que le THM est avant
tout le traitement des troubles climatériques qui touchent
les femmes immédiatement après la ménopause. Sa pres-
cription doit être réfléchie pour chaque femme, après un
interrogatoire s’intéressant aux facteurs de risque personnels
et familiaux de pathologies cardio-vasculaires, de cancer
du sein, d’ostéoporose ainsi qu’aux symptômes de chaque
patiente. La Société de médecine de la reproduction (SMR)
[10] rappelle que le THM est de loin le traitement le plus
efficace contre les troubles climatériques, qu’il a également
un effet bénéfique sur la prévention de l’ostéopénie et de
l’ostéoporose postménopausique en diminuant le risque
fracturaire, mais qu’il ne doit pas être instauré systémati-
quement pour prévenir les risques osseux. Elle considère
que la balance bénéfice/risque du THM est favorable pour
les femmes ayant un syndrome climatérique ou un risque
d’ostéoporose. Elle souligne que le surrisque de cancer du
sein est faible, surtout pour des durées d’utilisation infé-
rieures à dix ans.
Au total, le risque d’augmentation de l’incidence du
cancer du sein, souligné par Prentice, si l’initiation du
THM débute rapidement après la ménopause, doit être
mis en balance avec les bénéfices exposés ci-dessus.
De plus, l’utilisation d’hormones bio-identiques et la
voie transcutanée pour l’estradiol sont de nature à
remettre en question ce risque mammaire. ■
La ménopause face à ses risques
I. THM et cancer du sein : 1 seule réponse est fausse
➊ Les risques de cancer du sein liés au THM ont été évalués à 6 cas pour
1 000 femmes traitées pendant 10 ans.
➋ Les risques sont plus liés aux progestatifs qu’aux estrogènes.
➌ L’association estradiol 17ß et progestérone micronisée n’est pas associée
à une augmentation du risque de cancer du sein
dans l’étude épidémiologique de l’éducation nationale.
➍ La rétrogestérone n’augmente pas de façon significative dans l’étude
E3N le risque de cancer du sein.
➎ L’absence d’intervalle libre entre le début du THM et le début de
ménopause réduit le risque de cancer du sein.
La métaanalyse d’Oxford rend compte du risque absolu de cancer du sein
après intégration de 52 études concernant les THM à 2 cas supplémentaires
pour 1 000 femmes traitées pendant 5 ans, 6 pour 10 ans de traitement et 12
pour 1 000 femmes traitées pendant 15 ans.
Il est très clairement établi que les progestatifs ont la plus grande
responsabilité dans l’augmentation de ce risque (WHI ECE + MPA versus ECE
seuls, MWS et de nombreuses études dont E3N).
Parmi ces progestatifs, la progestérone micronisée et la rétrogestérone
n’augmentent pas le risque de façon significative.
Les travaux de Prentice évoque le rôle joué par la fenêtre d’intervention
thérapeutique. Un délai dans l’instauration du THM après la ménopause
diminue le risque de cancer du sein. Mais cela va contre les effets bénéfiques,
cardio-vasculaires en particulier.
Quiz
Réponses : I :5.