Épidémiologie des infections Epidémiologie des maladies infectieuses • Définition de l’épidémiologie: – stricto sensus: « étude des épidémies » (épidémio descriptive) – étude des facteurs déterminants et favorisants d’une maladie (épidémio analytique, « facteur de risque ») • Les Maladies Infectieuses: – isolement d’un agent pathogène (prélever) – caractère transmissible via cet agent pathogène • aléatoire • transmission, adhérence, colonisation, infection étude des facteurs de risque d’une infection • Importante pour le diagnostic positif – +++ si absence de critères pathognomoniques – +++ habitus et anamnèse • Importante pour la prévention – indique les patient-cibles et les moyens – individuelle: transmission de l’agent pathogène – collective: vaccination, antibioprophylaxie « Limites » de l’épidémiologie en Infectiologie Pour les patients sans FDR notable ou FDR identifié • Diagnostic supposé = germe(s) suspectés • Germe(s) suspectés = sensibilité estimée antibiothérapie probabiliste Pour les patients FDR méconnu ou non-identifié • diagnostic supposé mais germe(s) suspecté(s) différents • germe(s) suspecté(s) différents et sensibilité antibiothérapie probabiliste erronée Les étapes d’une infection • Adhérence de l’agent infectieux à “sa porte d’entrée” dans l’organisme • Multiplication / Colonisation • Pénétration tissulaire • Infection virus: fixation aux récepteurs cellulaires permettant l’infection cellulaire sans colonisation préalable Intérêt de connaître ces 4 étapes ? • • • • • • Durée d’incubation Contagiosité avant symptômes Régression contagiosité malgré symptômes Distinguer signes d’invasion et signes d’infection Compétition au niveau des récepteurs Nécessité de différencier colonisation et infection Modélisation de l’évolution des symptômes et des concentrations de particules virales Concentration en particules virales Concentration en particules virales et sévérité des symptômes Sévèrité des symptômes Pic de la réplication virale Apparition rapide des symptômes 0 1 Temps (jours) 2 3 4 5 6 7 8 Oxford JS et al. Drugs Discovery Today, 1998 ; 3 (10) : 448-56 « Porte d’entrée » des agents pathogènes : importance de l’interrogatoire • « Naturelles » – – – – • • • • Aériennes = contagieux : varicelle, tuberculose, rougeole Digestives : TIAC, entérovirus (polio) Voyages : paludisme, typhoïde, arboviroses Trans-cutanées / muqueuse : exposition IST, morsures Accident : plaie cutanée / oculaire / articulaire Chirurgicale : corps étranger pendant / après Profession : Rouget de porc, Brucellose, Fièvre Q… Nosocomiales / liées aux soins Effraction anatomique Épidémiologie des infections en France • • • • • • • 8 à 10 millions d’angines 10 millions de bronchites 2 millions d’excacerbations de BPCO 500.000 pneumonies aigües communautaires > 5 millions d’infections urinaires 2000 spondylodiscites; 2000 infections sur PTH… Spondylodiscites et Méningites : 2 à 3 / 100.000 Épidémiologie descriptive Tableau de bord : diagnostics définitifs en 54 mois d’activité autre autres infections bactériémie cardio dermato digestif neuro non infectiologique ORL osseux pneumologie urinaire Total Nb 261 386 194 188 564 315 344 879 152 881 1388 651 6203 % 4,208 6,223 3,128 3,031 9,092 5,078 5,546 14,171 2,450 14,203 22,376 10,495 100,000 Morbi-mortalité en France • Durée d’hospitalisation : – 8 à 11 jours pour une pneumonie – 14 jours en moyenne pour une spondylodiscite • Taux de mortalité : – pneumonie : 15% – méningite : 15% – endocardite : 25% Morbi-mortalité en Infectiologie au CHU de Nice Moy. Dév. Std Nombre Minimum Maximum durée d'hospi 9,403 8,251 6217 1,000 124,000 ATB oui/non Nb % 177 2,847 120 1,930 VV 5920 95,223 Total 6217 100,000 DCD transfert soins intensifs oui Nb 4123 % 66,564 non 2071 33,436 Total 6194 100,000 Effets II ATB oui non Total 305 5913 6218 4,905 95,095 100,000 Epidémiologie infections nosocomiales Matériel Sondes urinaires Cathéters veineux centraux Matériel d’ostéosynthèse Implants dentaires Prothèses articulaires Greffes vasculaires Pacemakers Implants mammaires Valves cardiaques Implants péniens Cœurs artificiels Nombre estimé mis en place aux USA 30 000 000 5 000 000 Taux d’infection, % 10-30 3-8 Mortalité attribuable Faible Modérée 2 000 000 5-10 Faible 1 000 000 600 000 5-10 1-3 Faible Faible 450 000 300 000 130 000 1-5 1-7 1-2 Modérée Modérée Faible 85 000 15 000 700 1-3 1-3 25-50 Haute Faible Haute Echelle semi-quantitative : faible=<5%, modérée=5%-25%, haute=>25% Epidémiologie infections nosocomiales • Infections urinaires : 40% de toutes les infections nosocomiales, 3% des patients hospitalisés, 23% des patients sondés (Thibon, J Hosp Infect 2000;45:117-124) • Septicémies sur cathéters (BSI): 5.3 pour 1000 jourscathéter (250 000 infections / an aux USA) (Maki, Abstracts of the 39th ICAAC 1999:514) Epidémiologie infections nosocomiales • Mortalité attribuable des bactériémies: 12-25% • Surcoût attribuable par bactériémie: $3700-$29 000 • Surcoût médian d ’une infection de prothèse articulaire: $2714 • Mortalité d ’une infection urinaire: 0.8% • Surcoût moyen d ’une infection urinaire : $593 Dépenses de santé en antibiothérapie Maitrise de prescription des antibiotiques parfois inutile Aucune restriction d ’utilisation des antibiotiques ne s ’est accompagnée d ’une augmentation du taux d ’infection délétère pour l’écologie Pourquoi ? •Avant la pénicilline, >90% des staphylocoques étaient sensibles à la péni, aujourd ’hui >90% résistants •Impact sur la flore digestive: après antibiothérapie, persistance bactéries R dans le tube dig. 2 mois ça coûte cher Clamoxyl /jour < 1 € Claforan /jour < 3 € Fortum /jour <15 € Tazo /jour = 45 € x 60 CHU : 1.500.000 € /an Mais encore…? Les infections nosocomiales • taux d’infection nosocomiale en Réa Sud-Est: > 15% en 2005 • infections dues aux BMR en Réa Sud-Est : 25% en 2005 • mortalité en France: autant que les AVP Consommation antibiotique et budget antibiotique global 1000000 900000 800000 700000 916 296 600000 746 651 746 611 779 530 500000 524 854 400000 300000 1996 0,4 0,3 1997 1998 1999 2000 Infection Décès Enjeux collectifs Mesure de consommation antibiotique en Europe (ville et hôpitaux) Outpatie nt antibiotic sale s in 1997 in the Europe an Union 40 Others Macrolides and lincosamides 35 Quinolones Defined daily dose per 1000 inhabitants per day Trimethoprim Tetracyclines 30 Cephalosporins Penicillinase-resistant penicillins NS penicillins 25 BS penicillins 20 15 10 5 la nd s rk N et he r en m a D en ed S w an y er m G A us tr ia K U d Ir el an in la nd F ce re e G Ita ly m Lu xe m bo ur g B el gi u l in S pa P or tu ga F ra nc e - Cars O. Lancet 2001 A quoi ressemble la multi-résistance bactérienne ? USI Hôpital En ville Constats • France: forte consommation antibiotique 20 à 50% de l’antibiothérapie inappropriée • Conséquences pour le patient Morbidité infectieuse Infection à BMR et polythérapie • Conséquences pour la collectivité Transmission croisée BMR / épidémies Incitation à l’antibiothérapie large spectre « désescalade thérapeutique » Coûts Recommandations officielles PRINCIPAUX TEXTES REGLEMENTAIRES • Plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques • Circulaire DHOS/DGS 272-02 sur le bon usage des antibiotiques à l'hôpital • Programme national de lutte contre les infections nosocomiales Indicateur composite du bon usage des ATB (ICATB) • Prouver l’existence de : Sous-commission de la COMEDIMS dédiée aux ATB Référent en antibiothérapie nommé Protocoles d’antibioprophylaxies et d’antibiothérapies de première intention Liste des ATB disponibles par sous-commissions et prescriptions à dispensation contrôlée + validation ATB après 48 heures Informatisation des prescriptions Formation continue Évaluation de l’antibiothérapie Surveillance DDJ A voir ces règlements, quelles perceptions prédominent ? • Trop d’antibiothérapie : régulation à la baisse avec l’aide des pharmaciens • Trop de bactéries multi-résistantes : interactions cliniciens – microbiologistes et interventions des hygiénistes pour prévention de la transmission des BMR Il s’agit de traitements symptomatiques et non pas curateur de l’excès d’antibiothérapie… Question de « physiopathologie » : pourquoi trop de prescriptions ? Analyse des échecs Qualité des diagnostics en Infectiologie ? Maki et al, 1978: 35% des indications d’antibiothérapies injustifiés, car diagnostics infectiologiques posés en excès Maki DG, Schuna AA. Am J Med Sci 1978 14000 consultations d'infectiologie: 13% de problèmes diagnostiques, 24% diagnostiques et thérapeutiques, et 58% thérapeutiques Yimmon AM, CID 2001 régulation des prescriptions antibiotiques: quelque soit la méthode choisie, baisse de 30 à 50% de l’antibiothérapie, sans impact sur la morbi-mortalité intra-hospitalière Inadéquation diagnostique ? Cas clinique 1 Mme M. 88 ans AEG fébrile Cholécystectomie il y a 6 semaines puis colite pseudomembraneuse (C3G + Imidazolés 3 semaines) Urgences Temp : 40 2 TA 14/8 86 Auscultation : rares ronchi « opacité » Ceftriaxone 2 g Bilan à J1 TA 38 2 Eupnéique CRP 29 mg/l Na 144 mmol/l Déshydratation •Stop Antibiothérapie •Réhydratation •Kinésithérapie respiratoire Levée de l’atélectasie Apyrexie stable Langue « rôtie », pli cutané Sa O2 96% en air ambiant GB 17800/mm3 Osmolarité 311 Histoires de chasse ? Patients âgés « fragiles » ? « plus de 75 ans avec fièvre et symptômes respiratoires et bénéficiant d’une antibiothérapie aux urgences » • 107 patients inclus sur fiches de consultation d’infectiologie hiver 2001 – 107 patients, 66 hommes et 91 femmes, moyenne d’âge : 84 ans • groupe contrôle : – fichier d’hospitalisation du SAU hiver 2001 – 38 patients sans avis d’infectiologie – 15 hommes et 23 femmes, moyenne d’âge : 84 ans Même motif d’admission à l’hôpital: fièvre, signes fonctionnels et/ou physiques respiratoires Roger PM, Press Med 2003 Diagnostics ? Groupe d’étude d d Bronchites Pneumopathies et OAP d d infectiologiques urgences 81 44 23 25 0 27 0 8 15 2 urgences Pneumopathies Groupe contrôle 26 26 OAP service d’accueil Autre 0 10 0 3 Total 107 107 38 38 Avis Infectiologique: impact sur la mortalité Groupe « infectiologue » de 107 patients 59 patients sous antibiotique 48 patients sans antibiotique Durée moyenne d’antibiotique : 7 jours 14 patients décédés 14/59 (23%) 9 patients décédés 9/48 (18%) Groupe contrôle de 38 patients 36 patients sous antibiotique 2 patients sans antibiotique Durée moyenne d’antibiotique : 7.2 jours 9 patients décédés 9/36 (25%) Importance de la ré-evaluation « à 48 heures » Pas de décès Pourquoi ? …parce que l’infectiologie est une discipline (un peu) à l’âge de pierre… Le diagnostic, et donc la thérapeutique employée, est issu d’une analyse multi-paramétrique d’interprétation non-univoque i.e. paramètres utilisés peu fiables… Utilisation du syndrome inflammatoire au cours des infections respiratoires basses 124 infections à pneumocoque, 36 grippes 700 35000 600 30000 500 25000 400 grippe Pneumo 300 20000 15000 200 10000 100 5000 0 0 CRP à J1 Leucocytes à J1 Non-spécificités données bactériologiques: 680 infections respiratoires basses, 234 sans ECBC Bronchites n = 159 Bactéries isolées pneumocoque Legionella autres streptocoques staphylocoques dorés Klebsiella sp Haemophilus Pseudomonas aeruginosa autres entérobactéries autres bactéries 6 11 9 3 5 4 6 17 Exacerbations de BPCO, n = 34 3 3 2 1 6 5 1 5 Pneumonies n = 487 128 50 25 41 20 39 22 27 43 Seul l’isolement de Mycobacterium tuberculosis ou de Legionella est synonyme d’infection évolutive En médecine générale: des symptômes non spécifiques amènent à la prescription 273 patients présentant des symptômes d’infection respiratoire haute Visite accompagnée d’étudiant en médecine 49% des patients vont recevoir une antibiothérapie Fischer T, BMC Family Practice 2005 Les conditions du succès thérapeutique non liées à la qualité de l’antibiothérapie Évaluation qualitative des ordonnances Education du patient mais aussi • du médecin • du pharmacien • des décideurs administratifs • des décideurs politiques …de la société