FAUT-IL ET PEUT-ON REDUIRE LA DUREE DE L’ANTIBIOTHERAPIE AU COURS DES PNEUMONIES COMMUNAUTAIRES ? MAYAUD C. et le groupe ECRIR (D. SKURNIK, J.P. BEDOS, D. BENHAMOU) 1 La réduction de la durée de l’antibiothérapie au cours des PACs 1. 2. 3. 4. 5. Introduction Bénéfices escomptés Données expérimentales Données cliniques Propositions 2 Recommandations actuelles d’antibiothérapie au cours des PACs 1. Concordantes, claires et relativement étayées pour les indications, le choix des antibiotiques et leurs modalités d’application (début précoce, impératifs de pharmacodynamie). 2. Divergentes, floues et peu étayées pour la durée. - 7 à 10 jours pour toutes les PACs en cas d’antibiothérapie probabiliste. - 7 à 21 jours pour les PACs documentées bactériologiquement selon la bactérie en cause. 3 La réduction de la durée de l’antibiothérapie au cours des PACs 1. 2. 3. 4. 5. Introduction Bénéfices escomptés Données expérimentales Données cliniques Propositions 4 5 6 Bénéfices écologiques escomptés Agir sur un des deux mécanismes d’émergence des résistances aux antibiotiques Site infectieux - Une seule espèce. - Un nombre faible de bactéries (108 – 1010). - Un seul mécanisme de résistance (mutation). - Une résistance observée chez le seul patient infecté. Flore commensale - Des centaines d’espèces. - Un nombre élevé de bactéries (1014). - De multiples mécanismes de résistance (mutation et transfert de gènes). - Une résistance observée chez tous les patients traités. 7 Situation au niveau de l’écosystème oropharyngé - Nombre de bactéries? Nombre d’espèces? Dominance des anaérobies. Présence de Streptocoques du groupe viridans (VGS). - Intenses échanges de gènes entre VGS et Streptococcus pneumoniae. 8 Transfert in vitro des déterminants de résistance aux Fq (mutations sur Par C) des Streptocoques viridans aux Pneumocoques Streptocoque viridans S. Oralis S. Mitis S. Sanguis S. Constellatus Fréquence de transfert Homologie du déterminant 5 x 10-3 10 –3 5 x 10-5 < 10–7 95 % 91 % 85 % 81 % GUERIN F. et al. AAC 2000; 44 : 2197 9 Taux de Streptocoques oropharyngés résistants, à l’Ampicilline et à la Télithromycine, avant, pendant, et après un traitement de 7 jours avec de l’Augmentin ou de la Télithromycine Résistance à l’Ampicilline Group B Group A Group B log cfu/ml Group A Résistance à la Télithromycine Jours 10 Etude in vivo des déterminants de résistance aux ß-lactamines des pneumocoques pharyngés 1. Relation individuelle démontrée entre l’usage d’antibiotiques et le portage pharyngé de Pneumocoques résistants (RR du portage de Pneumocoque Peni-R x 3 en cas d’usage oral de ß-lactamines). 2. Relation individuelle démontrée entre d’une part l’insuffisance de concentration, et d’autre part la prolongation de la durée d’administration de l’antibiotique et le portage pharyngé de Pneumocoques résistants. GUILLEMOT D. JAMA 1998 11 Bénéfice écologique escompté Agir sur le principal mécanisme d’émergence des résistances aux antibiotiques Direct -Sélection de mutants au sein de la population pathogène au site de l’infection. Indirect - Acquisition de gènes de résistance par les bactéries commensales, transférables aux bactéries pathogènes. - Sélection fréquente, simple et rapide, mais limitée dans son degré et à un individu. - Acquisition constante, dès la première prise, transférable à d’autres individus. 12 Bénéfice écologique escompté : conclusion - L’impact de toute antibiothérapie sur la flore commensale est constant et inévitable. - La première mesure de prévention est de limiter le nombre de personnes recevant un antibiotique. - Une seconde mesure est de réduire la durée de l’antibiothérapie au strict nécessaire. 13 Autre bénéfices attendus - Amélioration de l’observance. - Diminution du risque iatrogène. - Diminution des coûts directs mais surtout indirects (nombre de jours d’hospitalisation, d’arrêt de travail) 14 Étude des déterminants de compliance au cours de l’antibiothérapie des infections respiratoires 1. Relation individuelle démontrée entre le nombre de prises par jour et la compliance du patient (p < 0.001 pour 1-2 prises/j versus 3-4 prises/j)*. 2. Relation individuelle démontrée entre la durée de l’antibiothérapie et la compliance du patient (durée < 7 j versus durée > 7 j)°. * CLAXTON A clin Ther 2001 ° KARDASP JAC 2002 15 La réduction de la durée de l’antibiothérapie au cours des PACS 1. 2. 3. 4. 5. Introduction Bénéfices escomptés Données expérimentales Données cliniques Propositions 16 Quels modèles animaux? Modèles discriminatifs reproduisant une infection d’organe chez l’homme - Technique d’infection simple et physiopathologie proche de l’infection humaine. - Sévérité, évolution, et durée de l’infection prédictibles et reproductibles. - Activité de l’antibiotique reproductible et mesurable. 17 Limites des modèles animaux - Pas de standardisation « internationale » pour un modèle d’infection d’organe (animal, immunodépression, durée de suivi). - Différences de protocole : voie d’inoculation, souche, (virulence/tolérance), inoculum, délai inoculationadministration de la 1ère dose, intervalle entre les doses, durée de traitement. - Différences de critères de jugement : bactéricidie, stérilisation de l’organe, survie. 18 Modèle de pneumonie expérimentale de la souris * - Leucopénie. Inoculum intra-trachéal 107 cfu/souris. Bactériémie : 100 %. Létalité à j3 : 100 %. - Humanisation de la cinétique animale. - Traitement débuté à 48 h. - Cinétique d’hémocultures qualitatives. - Cinétique de bactéricidie pulmonaire. - Mortalité. * J.P. BEDOS 19 Pneumonies expérimentales de la souris à Streptococcus pneumoniae 1. Bactéricidie précoce, éradication bactérienne en moins de 48 h avec de l’Amoxicilline (en cinétique humanisée) si Pneumocoque Péni-sensible. 2. Persistance d’une clairance bactérienne forte avec l’Amoxicilline si Pneumocoque de sensibilité diminuée à la Pénicilline. 3. Bactéricidie plus lente, éradication bactérienne retardée avec l’Amoxicilline si Pneumocoque résistant à l’Amoxicilline (CMI > 2 mg/l). 20 Pneumonie expérimentale à Pneumocoque traitée par Amoxicilline à cinétique humanisée (15 mg/kg, par voie orale, toutes les 8 h) Souche de Pneumocoque Délai de négativation des hémocultures Degré d’éradication bactérienne Sensible 8 heures < 2 log 10 cfu/ml à 8ème heure Intermédiaire 8 heures < 2 log 10 cfu/ml à 72ème heure 80 % Résistante 48 heures Réduction chez 50 % 50 % Survie 83 % 21 Survie des animaux infectés par 2 souches de Pneumocoquerésistants et traités par 2 ou 3 doses différentes d’Amoxicilline PR strain 12698 MIC P/Amx 4/2 T+ PR strain 54988 MIC P/Amx 4/2 T- 100 Percent survivors 80 60 40 20 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Days after infection Controls PR strain 12698 7mg/kg PR strain 12698 15mg/kg PR strain 12698 25mg/kg PR strain 54988 15mg/kg PR strain 54988 25mg/kg 22 Pneumonies expérimentales à bactérie atypique 1. Absence d’éradication bactérienne au 3ème jour de traitement. 2. Forte probabilité de repousse à l’issue du traitement. 23 Données extrapolables des modèles animaux ? 1. Souche de Pneumocoque sensible; traitement précoce, à dose normale, possiblement court Æ arrêt au 2ème – 3ème jour au retour de l’antibiogramme? 2. Souche de Pneumocoque de sensibilité diminuée (CMI < 2 mg/l), traitement précoce, à dose normale, possiblement raccourci Æ arrêt au 5ème - 7ème jour après retour de l’antibiogramme? 3. Souche de Pneumocoque résistant (CMI > 2 mg/l), traitement précoce, à forte dose d’emblée si résistance suspectée ou secondairement après retour de l’antibiogramme, de durée > 7 jours ? 24 La réduction de la durée de l’antibiothérapie au cours des PACs 1. 2. 3. 4. 5. Introduction Bénéfices escomptés Données expérimentales Données cliniques Propositions 25 Comparaison de deux durées avec deux antibiotiques différents Auteur Etude Antibiotiques D’IGNAZIO (2005) Comparative Azithromycine vs randomisée Levofloxacine double-aveugle (2g x 1 vs 0,5 g x 7) DREHOBL (2005) Comparative randomisée double-aveugle NIEDERMAN (2004) Azithromycine vs Clarithromycine Résultat n = 427 PSI * I à III Efficacité non inférieure à 14-21 j n = 499 PSI I à III Efficacité non inférieure à 14 et 28-35 j n = 1023 Légères à modérées Efficacité non inférieure (2g x 1 vs1g x 7) 2 études Telithromycine vs randomisées Clarithromycine double-aveugle (0,8 g x 5, 7 ou 10 * Pneumonia Severity Index PAC (sévérité) vs 1 g x 10) 26 Comparaison de deux durées avec deux posologies différentes du même antibiotique Auteur DUNBAR (2003) Étude Antibiotique PAC (sévérité) Résultat Comparative Levofloxacine n = 528 Équivalence randomisée 750 mg x 5 dont 219 (III et IV) globale à 7-14 j, y double-aveugle vs 500 mg x 10 dont 149 (atypiques) compris chez les sujets > 65 ans * dont 177 (age > 65) * Résolution plus rapide des symptômes avec 750 mg x 5 y compris pour les sous groupes atypiques et III et IV 27 Comparaison de deux durées avec le même antibiotique à la même posologie Auteur Étude Antibiotique PAC (sévérité) Résultat LEOPHONTE (2002) Comparative randomisée double-aveugle Ceftriaxone 1 g/j 5 j vs 10 j n = 244 avec facteurs de risque Équivalence d’efficacité à J 10 et J 30-45 TELLIER (2004) Comparative randomisée double-aveugle Telithromycine n = 575 800 mg/j légères à 5, 7 ou 10 j modérés (vs Clarithromycine) Équivalence d’efficacité à J 12 et J 30-36 28 Comparaison de deux durées, avec le même antibiotique, à la même posologie, au cours de PACs d’évolution favorable à J 3 Auteur Étude Antibiotique Résultat EL MOUSSAOUI (2006) Comparative randomisée double-aveugle Amoxicilline 3 j puis soit arrêt soit poursuite (3 j versus 8 j) Équivalence d’efficacité à 7, 10, 14 et 28 jours 29 Étude prospective pragmatique de durée fixée par l’efficacité clinique - Site : étude africaine (NIGERIA) - Patients : 73 patients hospitalisés (12 à 60 ans) - Pathologie : PAC prouvée radiologiquement (n = 73) documentée microbiologiquement (n = 42) - Critères de réponse clinique favorable : 24 heures d’apyrexie - Résultats : durée d’antibiothérapie (2,5 j) durée < 3 jours (80 % des patients) sortie de l’hôpital (4 jours) résolution radiologique (25 jours) AWUNOR-RENNER C. Am Trop Med Parasital 1979 30 Étude prospective pragmatique de durée suggérée par l’efficacité biologique Auteur CHRISTCRAIN (2006) Étude Stratégie d’antibiothérapie PAC (sévérité) Comparative GI : application n = 302 des randomisée Hospitalisation non aveugle recommandations (97 %) de 2 PSI IV (43 %) GII : adaptation * stratégies aux résultats des PSI V (17 %) mesures itératives USI (14 %) de procalcitonine Décès (12 %) Résultat Efficacité équivalente à J0, J4, J6 et J8 et à 6 semaines, mais durée médiane d’antibiotiques = 6,8 ± 5,1 (GII) vs 13,1 ± 6,4 (G I) * AB fortement déconseillée (PCT < 0,1 mg/ml), déconseillée (< 0,25 mg/ml), conseillée (>0,25 mg/ml), fortement conseillée (> 0,5 mg/ml) 31 La réduction de la durée de l’antibiothérapie au cours des PACs 1. 2. 3. 4. 5. Introduction Bénéfices escomptés Données expérimentales Données cliniques Propositions 32 Proposition : dans le cadre des PACs non sévères traitées en ambulatoire La réduction de l’antibiothérapie peut-être envisagée: - À 3 jours avec de l’Amoxicilline (à valider par une 2ème étude) - À 5 jours avec la Telithromycine (recommandation de grade B) - À 5 jours avec la Ceftriaxone chez le sujet à risque - À 5 jours avec la Levofloxacine à la dose de 750 mg/j Deux réserves : suspicion de PAC due à une bactérie atypique ou due à une bactérie résistante (antibiothérapie récente). 33 Proposition : dans le cadre des PACs non sévères traitées à l’hôpital Les mêmes propositions peuvent s’appliquer (études cliniques réalisées chez des malades hospitalisés) Dans les limites de sévérité de la PAC (études réalisées au cours de PAC avec PSI < IV, sauf celle de CHRIST-CRAIN où la durée médiane restait de 7 j), en pratique au cours des PAC sans facteur(s) d’échec * Après obtention d’une stabilité clinique : NC < 100/mn; PAS > 90 mmHg; NR < 24/mn; SaO2 > 90 %; Température < 37,2°C [HALM 1998] En sachant que, dans cette situation hospitalière, le dosage répété ultrasensible de la procalcitonine pourrait aider à la décision * Inadéquation de l’antibiothérapie initiale; Légionelle ou BCG (-); sévérité initiale; comorbidité; atteinte multilobaire [ROZON 2004] 34 CONCLUSION « L’arbre ne doit pas masquer la foret » Les priorités concernant le risque écologique lié à l’administration d’antibiotique(s) au cours des infections respiratoires basses restent : n°1 : l’abstention d’antibiothérapie au cours des bronchites aiguës ou des exacerbations de BPCO sans TVO. n°2 : La réduction des indications et de la durée d’antibiothérapie au cours des exacerbations de BPCO avec TVO. Et seulement en n°3 : la réduction de durée de l’antibiothérapie au cours des PACs, qui restera toujours un objectif secondaire par rapport à l’objectif principal, qui est l’efficacité de l’antibiothérapie et la survie 35 du malade.