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Mise au point
Hypothèses biologiques
de la schizophrénie
F. Bonnet-Brilhault*, F. Thibaut**
noyau caudé chez des
non traités par
epuis les années 1950 et l’avènement des neuro- patients
rapport à des témoins (2).
leptiques, les recherches sur les données biologiques Cependant, ce résultat n’a
L’hypothèse dopaminer- de la schizophrénie se sont multipliées. Nous reprendrons pas été confirmé par des
gique de la schizophrénie ainsi les principales hypothèses sur l’implication des diffé- études ultérieures, que ce
a tout d’abord été fondée rents neurotransmetteurs dans la schizophrénie pour abor- soit avec ce même radioligand ou avec le [11C]
sur l’observation de l’efraclopride. La variabilité
ficacité clinique des neuro- der ensuite certaines voies de recherche plus récentes.
de ces résultats peut en
leptiques, avec la démonspartie être expliquée par
tration par Carlsson
Hyperdopaminergie d’origine
les limites de la technique utilisée. En
(prix Nobel de médecine 2000) et
postsynaptique
effet, ces différents marqueurs ont une
Lindquist, en 1963, que l’injection de
L’évaluation de la densité des récepteurs
affinité pour d’autres récepteurs D2 ; le
chlorpromazine entraînait chez des anidopaminergiques a tout d’abord été
NMSP se fixe également sur les récepmaux une augmentation puis une dimieffectuée par des études post-mortem et,
teurs D4 et 5-HT2 et le raclopride sur les
nution des métabolites de la dopamine du
plus récemment, par des études utilisant
récepteurs D3. Par ailleurs, la faible résocerveau. L’étape suivante fut la découverla tomographie par émission de positions
lution spatiale de cette méthode d’imagete par Seeman et al., en 1976, du méca(TEP). Les premières études postrie – ne permettant pas de différencier au
nisme d’action des neuroleptiques en tant
mortem effectuées sur des cerveaux de
sein du striatum les différentes structures
qu’antagonistes des récepteurs de type
patients schizophrènes ont semblé
architecturales en fonction de leurs
D2, qui conduisit à l’hypothèse d’une
confirmer l’hypothèse d’une hyperdopaconnexions avec le système limbique ou
hyperdopaminergie dans la schizophréminergie d’origine postsynaptique, en
les aires corticales – ainsi que la diminunie. Les travaux se sont alors orientés,
mettant en évidence, pour certaines, une
tion des sites de fixation disponibles en
d’une part, vers la recherche d’une
densité élevée de récepteurs D2 au
présence d’un taux de dopamine endogène
hyperdopaminergie dont l’origine serait
niveau des ganglions de la base. Les
élevé sont autant de facteurs limitant l’inun dysfonctionnement postsynaptique,
résultats de ces travaux demeurent
terprétation des résultats.
en étudiant principalement la densité des
cependant sujet à caution, compte tenu
récepteurs dopaminergiques et, d’autre
Malgré ces difficultés liées à la méthododu rôle démontré des neuroleptiques
part, vers l’analyse de marqueurs périlogie et pour tenter de résumer ces dondans l’augmentation de la densité des
phériques reflétant l’origine possiblement
nées, certains auteurs ont émis l’hypothèse
récepteurs D2. Des études plus isolées
présynaptique de l’hyperactivité dopamique la disparité des résultats reflétait l’hétésur
la
densité
des
récepteurs
D3
et
D1
ont
nergique. Cependant, les résultats diverrogénéité clinique de la schizophrénie et
donné
des
résultats
variables
(1).
gents des travaux élaborés pour confirque l’augmentation des récepteurs D2 ne
Le recours à la tomographie par émission
mer cette hypothèse ont fait apparaître
devrait se retrouver que dans un sous-groupe
de positions, produisant une image quandes limites au concept d’hyperdopamide patients pour lesquels la théorie d’une
titative
et
in
vivo
de
la
densité
du
récepnergie pour tendre de plus en plus vers
hyperdopaminergie postsynaptique serait
teur
étudié
en
fonction
du
radioligand
uticelui de dysrégulation du système dopaconfirmée (3). L’interprétation des résultats
lisé,
a
fourni
également
des
résultats
minergique.
devrait
par conséquent tenir compte de la
contradictoires. Les premières études
11
nature
du
radiotraceur et des formes cliC]
NMSP
(C-N-méthyl-spipéavec
le
[
* CHU, Tours.
niques
de
la
maladie, mais également des
rone)
comme
marqueur
des
récepteurs
D2
** Service hospitalo-universitaire
traitements
neuroleptiques
reçus et du
ont
en
effet
retrouvé
une
augmentation
de
de psychiatrie, CHU Charles-Nicolle,
modèle pharmacocinétique utilisé.
la densité de ce récepteur au niveau du
Inserm EMI 9906, UFR de médecine, Rouen.
L’hypothèse
dopaminergique
D
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001
247
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L’étude du mécanisme d’action des neuroleptiques a également permis de nuancer cette théorie d’une simple et exclusive
hyperdopaminergie d’origine postsynaptique. L’existence d’un délai entre le blocage des récepteurs D2 par les neuroleptiques, qui est effectif dès les premiers
jours de traitement, et l’apparition d’une
amélioration clinique, le plus souvent
après plusieurs semaines, laisse supposer
que cette action antagoniste ne corrige
pas à elle seule le déséquilibre physiopathologique. Ce délai semble en effet
correspondre à l’apparition d’un état de
“blocage par dépolarisation” (depolarization block) qui rend silencieux les neurones dopaminergiques, excepté les neurones dopaminergiques mésocorticaux.
Le fait que les patients résistants au traitement neuroleptique présentent un taux
d’occupation des récepteurs D2 identique à celui des patients répondeurs
limite également l’hypothèse d’une
simple hyperdopaminergie. Par ailleurs,
l’observation courante d’une moindre
efficacité des neuroleptiques sur la
symptomatologie négative laisse supposer que d’autres perturbations sous-tendent cette symptomatologie. Enfin,
l’avènement depuis les années 1980 de
nouvelles molécules a mis l’accent sur
l’implication d’autres récepteurs dopaminergiques mais également sérotoninergiques comme cibles potentielles de l’action antipsychotique. L’antagonisme des
récepteurs D1 (clopenthixol, flupenthixol), D3 présynaptiques (sulpiride,
amisulpride) ou D4 (clopazine) pourrait
intervenir dans l’efficacité clinique de
ces molécules. Sans remettre en cause la
théorie d’une hyperdopaminergie, ces
observations permettent d’évoquer l’implication d’autres récepteurs dopaminergiques que les récepteurs D2.
Hyperdopaminergie d’origine
présynaptique
Les dosages de l’acide homovanillique
(HVA), catabolite principal de la dopa-
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mine, les mesures de l’activité de la
monoamine-oxydase et de la capture plaquettaire de dopamine sont actuellement
utilisés comme indicateurs de l’activité
dopaminergique présynaptique centrale.
Par ailleurs, les données pharmacologiques concernant les agents dopaminostimulants ont permis d’étayer l’hypothèse
d’une implication dopaminergique
d’origine présynaptique dans la schizophrénie.
Les mesures du taux d’HVA, quel que
soit le compartiment biologique étudié,
nécessitent de prendre en compte de
nombreux facteurs, tels le régime alimentaire, l’exercice physique, la clairance rénale, les variations circadiennes de
l’HVA et l’exposition préalable à un traitement neuroleptique. Ces différents facteurs sont probablement en cause dans le
manque d’homogénéité des résultats
publiés, que ce soit dans les études, peu
nombreuses, concernant le liquide
céphalo-rachidien (4) ou dans le plasma
(5). Certaines observations peuvent
cependant être faites. Chez les patients
non traités, les taux d’HVA plasmatiques
élevés seraient corrélés avec la symptomatologie positive de la maladie, alors
que, dans un sous-groupe de patients
ayant des symptômes négatifs prédominants, les taux d’HVA de base seraient
comparativement plus bas. Ces observations furent un des arguments pour envisager qu’une hyper- mais également une
hypodopaminergie pouvaient intervenir
dans la schizophrénie. Par ailleurs, les
patients ayant un taux de base élevé avant
tout traitement présenteraient une
meilleure réponse au traitement neuroleptique, comparativement aux patients
ayant un taux de base plus bas.
Les données sur l’activité enzymatique
de la monoamine-oxydase (MAO) –
enzyme intracellulaire impliquée dans la
dégradation des monoamines – dans la
schizophrénie sont quant à elles plus
contradictoires. La plupart des études
mesurent et utilisent l’activité MAO au
248
niveau plaquettaire (MAOp) comme
reflet de l’activité MAO cérébrale.
Plusieurs études sont en faveur d’une
diminution de l’activité MAOp dans la
schizophrénie avec, pour certaines, une
association au sous-type paranoïde ; mais
cette diminution n’est pas retrouvée dans
d’autres études tout aussi nombreuses
(6). La mesure de cette activité enzymatique peut être influencée par de nombreux facteurs, tels le régime alimentaire,
le tabagisme, le sexe, l’origine ethnique
ainsi que les traitements neuroleptiques
associés, ce qui peut expliquer, en partie,
la variabilité des résultats.
La mesure de la capture plaquettaire de
dopamine comme modèle d’étude de la
capture neuronale de dopamine n’a pas
apporté de résultats plus probants, avec
une diminution ou une augmentation,
selon les études, chez les patients schizophrènes par rapport à une population
témoin. Là encore, le modèle utilisé, qui
semble approximatif par rapport à la capture neuronale, et les facteurs de variation, comme le sexe ou la notion d’un
traitement neuroleptique, sont à mettre
en parallèle avec ces données.
Enfin, l’apparition de novo de véritables
épisodes délirants chez les sujets
indemnes d’antécédents psychotiques
personnels ou même familiaux, après la
prise d’agents dopaminostimulants, tels
que les amphétamines et la cocaïne,
apporte un argument supplémentaire
pour supposer que le système dopaminergique est impliqué dans la physiopathologie de la schizophrénie. L’absence
de symptômes négatifs dans ces tableaux
réduit cependant leur validité en tant que
modèles pharmacologiques de cette
maladie. Ces agents accroissent la transmission dopaminergique en inhibant de
façon compétitive la recapture neuronale
de la dopamine et, pour les amphétamines, en augmentant la libération
synaptique de dopamine nouvellement
synthétisée. Les modifications de la
concentration synaptique de dopamine
mise au point
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ne sont cependant pas à elles seules responsables de l’apparition de la symptomatologie, puisqu’il existe un décalage
dans le temps entre la concentration des
métabolites de la dopamine dans le plasma
et les troubles psychotiques. C’est particulièrement vrai pour l’administration
chronique d’amphétamines, où l’hypothèse actuelle est de considérer qu’il
existe, secondairement à la déplétion présynaptique, une hypersensibilité des
récepteurs pré- et postsynaptiques aboutissant à une altération des mécanismes
de régulation sur les deux versants de la
synapse. Par ailleurs, une faible proportion de patients schizophrènes ne seraient
pas sensibles à ces effets, certains ayant
même une diminution de leurs hallucinations, ce qui est en faveur d’une hétérogénéité physiopathologique de la schizophrénie.
Modélisations du déséquilibre
dopaminergique
Ces différents travaux ont amené à formuler des hypothèses sur les perturbations de la transmission dopaminergique
dans la schizophrénie. À la suite des travaux de Pycock et al., ayant observé
chez le rat une hyperdopaminergie souscorticale après destruction des afférences
dopaminergiques corticales, Weinberger
(7) avança le concept d’une modification
d’équilibre dopaminergique dans la schizophrénie. Selon cet auteur, les symptômes négatifs sont liés à une
hypodopaminergie corticale, alors que
les symptômes positifs sont liés à une
hyperdopaminergie sous-corticale. Grace
proposa également une nouvelle formulation de l’hypothèse dopaminergique
reliant la symptomatologie positive à une
hypofrontalité responsable d’une baisse
de la libération d’acide glutamique dans
les structures sous-corticales, rendant
ainsi les neurones dopaminergiques
mésolimbiques hyperréactifs aux stimuli
environnementaux. La symptomatologie
négative, quant à elle, proviendrait d’une
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baisse de libération tonique de dopamine
sous-corticale, au-dessous d’un seuil critique. Les neurones dopaminergiques
mésolimbiques deviendraient alors
insensibles aux stimuli extérieurs.
L’hypothèse sérotoninergique
Certaines propriétés des neuroleptiques
atypiques ainsi que la meilleure connaissance des interactions entre les systèmes
dopaminergique et sérotoninergique ont
donné un nouvel essor à la recherche de
perturbations de la transmission sérotoninergique dans la schizophrénie. Là encore, les travaux se sont orientés, d’une
part, sur le versant postsynaptique par
l’analyse de la densité des récepteurs
sérotoninergiques et, d’autre part, sur le
versant présynaptique avec l’analyse de
marqueurs périphériques.
Densité des récepteurs
sérotoninergiques
De nombreux facteurs peuvent influencer les résultats des études post-mortem
sur la densité des récepteurs sérotoninergiques. Parmi ceux-ci, nous citerons l’influence du traitement antérieur, la prise
de toxiques, le choix de la technique, le
manque de spécificité du ligand utilisé et
enfin le décès par suicide ou non. Ces
facteurs expliquent sans doute en partie
la variabilité des résultats publiés. Dans
une revue de la littérature portant sur
onze études post-mortem comparant la
densité des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C
chez des patients et des témoins, sept
retrouvaient une densité diminuée au
niveau du cortex frontal chez les patients
par rapport aux témoins et quatre des
résultats variables, avec soit une augmentation, soit une absence de différence (8).
Une augmentation de la densité des
récepteurs 5-HT1A au niveau du cortex
préfrontal et temporal a également été
rapportée. Comme pour l’hypothèse
dopaminergique, ces résultats peuvent
249
s’intégrer dans le schéma d’un déséquilibre de la transmission sérotoninergique
avec un hypofonctionnement sérotoninergique préfrontal associé à un hyperfonctionnement sérotoninergique souscortical ; Les études d’imagerie in vivo
en TEP ne semblent pas, pour l’instant,
confirmer les données obtenues par des
études post-mortem.
Études périphériques
La plupart des études portant sur les marqueurs dits périphériques avec les
dosages de sérotonine plasmatique ou
plaquettaire de son principal métabolite,
le 5 hydroxy-indol-acetic-acid (5HIAA),
dans le plasma ou le LCR et de sa capture
plaquettaire apportent des résultats
contradictoires (9). Cependant, certains
résultats peuvent être en faveur d’un
déséquilibre cortico-sous-cortical de la
transmission sérotoninergique dans la
schizophrénie. Les observations portant
sur l’association entre un taux faible de
5 HIAA dans le LCR et une atrophie corticale ainsi que la réduction des sites de
recapture de la sérotonine au niveau du
cortex frontal pourraient ainsi s’intégrer
dans l’hypothèse d’un hypofonctionnement sérotoninergique préfrontal (9).
En conclusion, peu d’éléments résultant
d’études spécifiques étayent l’hypothèse
d’un déséquilibre cortico-sous-cortical
sérotoninergique dans la schizophrénie.
Cependant, l’effet psychomimétique des
agonistes dopaminergiques (LSD) et
l’action antipsychotique de certains neuroleptiques ayant in vitro des propriétés
antagonistes sérotoninergiques (en particulier sur le récepteur 5-HT2) (clozapine,
rispéridone, olanzapine, chlorpromazine
et thiodazine) seraient en faveur d’un
hyperfonctionnement sérotoninergique
sous-cortical, qui, mis en parallèle avec
les résultats des études périphériques,
permettrait d’argumenter cette hypothèse
d’un déséquilibre de la transmission. Les
interactions étroites entre les systèmes
dopaminergique et sérotoninergique ne
mise au point
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permettent cependant pas de dire si les
perturbations constatées au niveau de ce
dernier neurotransmetteur sont une cause
ou une conséquence du dysfonctionnement dopaminergique dans la schizophrénie.
Perturbations glutamatergiques
dans la schizophrénie
L’apparition de tableaux schizophréniformes après la prise de PCP (phencyclidine), qui agit comme antagoniste
non compétitif des récepteurs glumatergiques de type N-méthyl-D-aspartate
(NMDA), a permis d’avancer l’hypothèse
d’une implication des acides aminés excitateurs dans la physiopathologie de la schizophrénie. Une meilleure connaissance du
rôle du glutamate dans le développement et
le fonctionnement cérébral avec, en particulier, son action sur la plasticité neuronale
(potentialisation à long terme et synaptogenèse développementale) et sur l’apoptose,
ainsi que, parallèlement, une meilleure
appréhension des interactions entre les
fibres glutamatergiques cortico-souscorticales et la transmission dopaminergique expliquent la place de celui-ci dans
les modèles étiopathogéniques récents de la
schizophrénie.
Sans apporter des résultats entièrement
concordants, certaines études post-mortem
portant sur la densité des récepteurs glutamatergiques chez les patients schizophrènes sont en faveur d’une diminution
de la densité de ceux-ci dans certaines
régions ; au niveau des ganglions de la
base pour les récepteurs NMDA et au
niveau de l’hippocampe pour les récepteurs
non NMDA. Il faut noter que d’autres
études ont retrouvé une densité augmentée
de ces récepteurs au niveau du cortex et
plus particulièrement du cortex orbitofrontal. Pour la majorité des auteurs, ces
résultats traduisent l’existence d’un hypofonctionnement de la transmission gluta-
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matergique avec une hypersensibilité compensatrice des récepteurs. Depuis la publication d’une étude rapportant une diminution
de la concentration du glutamate dans le
LCR chez des patients schizophrènes, qui
serait alors en faveur d’un hypofonctionnement glutamatergique, les études ultérieures portant sur ce compartiment biologique
ou dans le sang ont donné des résultats
contradictoires. Les mécanismes d’action
présumés des neuroleptiques peuvent également apporter des arguments en faveur de
l’intervention de la transmission glutamatergique dans la schizophrénie tout en mettant l’accent sur les interactions entre les
systèmes glutamatergique et dopaminergique.
L’administration chronique d’halopéridol
entraîne une augmentation des concentrations extracellulaires de glutamate au
niveau du cortex préfrontal sans modifier
les concentrations au niveau du striatum.
Ainsi, l’hyperdopaminergie, proposée
comme mécanisme causal des schizophrénies,
engendrerait, par une inhibition excessive,
une hypoglutaminergie qui serait corrigée
par le blocage des récepteurs dopaminergiques par les neuroleptiques via une
désinhibition de la sortie de glutamate,
rétablissant ainsi un flux glutamatergique
correct. Par ailleurs, l’hyperactivité locomotrice et les stéréotypies induites chez
l’animal par l’administration d’antagonistes des récepteurs NMDA répondent à
un traitement par halopéridol via l’antagonisme des récepteurs D2. Enfin, l’administration chronique d’un traitement neuroleptique interviendrait sur l’expression
préférentielle de certaines sous-unités
protéiques des récepteurs glutamatergiques
de type NMDA ou AMPA.
Que ce soit par une altération primaire des
récepteurs NMDA liée à un mécanisme
excitotoxique lors du développement cérébral, comme le proposent Olney et Farber
(10), ou par des interactions avec le système dopaminergique (11), l’implication
d’un dysfonctionnement glutamatergique
dans la schizophrénie suscite un intérêt
croissant.
250
L’hypothèse
noradrénergique
Compte tenu de la place de la dopamine
dans la voie de synthèse de la noradrénaline et des interactions entre ces
deux systèmes de neurotransmission,
l’hypothèse d’un dysfonctionnement
noradrénergique dans la schizophrénie
a été évoquée relativement précocement. Certains résultats portant sur
le dosage des taux de noradrénaline
ou de son métabolite principal, le
3-méthoxy-4-hydroxy-phénylglycol
(MHPG), seraient en faveur d’une
hypernoradrénergie, parfois corrélée
avec une symptomatologie de type
négatif. Les arguments d’ordre pharmacologique sont actuellement encore
peu nombreux pour confirmer cette
hypothèse. La mesure du taux de
MHPG après le test à la clonidine
(agoniste des récepteurs alpha 2 présynaptiques) serait en faveur d’une
hyposensibilité de ces récepteurs associée à un hyperfonctionnement relatif
des neurones noradrénergiques centraux. Les variations de ce taux lors
d’un traitement neuroleptique seraient
plus contradictoires. La modélisation
des interactions entre les systèmes
noradrénergique et dopaminergique
dans la schizophrénie semble encore
difficile. Selon Van Kammen et al.
(12), un dysfonctionnement des systèmes noradrénergiques induirait une
phase prépsychotique, démasquant
secondairement une perturbation dopaminergique lorsque la noradrénaline est
activée au-delà de la capacité du système
par une stimulation environnementale
telle qu’un stress. L’hyperéveil, lié à
une hyperactivité noradrénergique du
locus cœruleus (à partir duquel sont
issus principalement les neurones noradrénergiques) stimulé par le stress, participerait ainsi à l’apparition des symptômes positifs de la schizophrénie.
mise au point
Mise au point
L’hypothèse GABAergique
À partir de certains résultats d’études
post-mortem retrouvant une diminution
de la densité des récepteurs GABAA et
des sites de capture du GABA, l’hypot h è s e d ’ u n hy p o f o n c t i o n n e m e n t
GABAergique dans la schizophrénie fut
avancée. Compte tenu du rôle inhibiteur
de ce neurotransmetteur, un déficit de
l’inhibition de la transmission dopaminergique par le GABA pourrait être en
cause. L’évaluation in vivo de la densité
de ces récepteurs n’a cependant pas
confirmé ces résultats. Par ailleurs, les
résultats contradictoires des dosages du
GABA dans le LCR ne permettent pas
de renforcer cette hypothèse.
Autres voies de recherche
Plus récemment, des travaux se sont
orientés vers la recherche d’une implication des neuropeptides dans la schizophrénie. La neurotensine, la chlolécystokinine, la somatostatine sont
actuellement ceux qui ont fait l’objet de
publications, que ce soit à l’occasion de
l’étude de leur taux à l’état de base ou
lors d’un traitement neuroleptique. Ces
résultats restent cependant isolés, sans
qu’il soit actuellement possible de
modéliser d’éventuelles perturbations
de ces systèmes neuropeptidergiques
dans la schizophrénie.
La mesure des taux de neurotrophines et
de la densité de leurs récepteurs semble
également être une voie intéressante,
compte tenu de leur rôle en tant que facteur de régulation de la différenciation
neuronale et de la plasticité synaptique.
Par ailleurs, les arguments en faveur
d’un déficit immunitaire ou d’une infec-
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tion virale chez les patients schizophrènes demandent à être confirmés
(13).
Enfin, comparativement aux études réalisées dans les troubles affectifs, les travaux concernant la neuroendocrinologie
dans la schizophrénie sont moins nombreux (4).
Conclusion
Depuis l’hypothèse initiale, qui postulait qu’une hyperactivité dopaminergique d’origine postsynaptique soustendait la physiopathologie de la
schizophrénie, de nombreux travaux
sont venus nuancer ce propos. Sans
remettre en cause cette hypothèse initiale,
celle-ci s’intègre maintenant dans différents modèles dans lesquels interviennent d’autres neurotransmetteurs, permettant ainsi de mieux rendre compte
de la richesse sémiologique de cette
pathologie (14).
Mots clés. Schizophrénie – Dopamine –
Sérotonine – Glutamate.
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11. Carlsson M, Carlsson A.
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Re-evaluation a decade later. Schizophrenia
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14. Bonnet-Brilhault F, Thibaut F, Petit M.
Données biologiques de la schizophrénie.
In : Encyclopédie médico-chirurgicale.
Traité de psychiatrie. À paraître.
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