L’hypothèse
dopaminergique
L’ h ypothèse dopaminer-
gique de la schizophrénie
a tout d’abord été fondée
sur l’observation de l’ef-
ficacité clinique des neuro-
leptiques, avec la démons-
tration par Carlsson
(prix Nobel de médecine 2000) et
Lindquist, en 1963, que l’injection de
chlorpromazine entraînait chez des ani-
maux une augmentation puis une dimi-
nution des métabolites de la dopamine du
cerveau. L’étape suivante fut la découver-
te par Seeman et al., en 1976, du méca-
nisme d’action des neuroleptiques en tant
qu’antagonistes des récepteurs de type
D2, qui conduisit à l’hypothèse d’une
hyperdopaminergie dans la schizophré-
nie. Les travaux se sont alors orientés,
d’une part, vers la recherche d’une
hyperdopaminergie dont l’origine serait
un dysfonctionnement postsynaptique,
en étudiant principalement la densité des
récepteurs dopaminergiques et, d’autre
part, vers l’analyse de marqueurs péri-
phériques reflétant l’origine possiblement
présynaptique de l’hyperactivité dopami-
nergique. Cependant, les résultats diver-
gents des travaux élaborés pour confir-
mer cette hypothèse ont fait apparaître
des limites au concept d’hyperdopami-
nergie pour tendre de plus en plus vers
celui de dysrégulation du système dopa-
minergique.
Hyperdopaminergie d’origine
postsynaptique
L’évaluation de la densité des récepteurs
dopaminergiques a tout d’abord été
effectuée par des études post-mortem et,
plus récemment, par des études utilisant
la tomographie par émission de positions
(TEP). Les premières études post-
mortem effectuées sur des cerveaux de
patients schizophrènes ont semblé
confirmer l’hypothèse d’une hyperdopa-
minergie d’origine postsynaptique, en
mettant en évidence, pour certaines, une
densité élevée de récepteurs D2 au
niveau des ganglions de la base. Les
résultats de ces travaux demeurent
cependant sujet à caution, compte tenu
du rôle démontré des neuroleptiques
dans l’augmentation de la densité des
récepteurs D2. Des études plus isolées
sur la densité des récepteurs D3 et D1 ont
donné des résultats variables (1).
Le recours à la tomographie par émission
de positions, produisant une image quan-
titative et in vivo de la densité du récep-
teur étudié en fonction du radioligand uti-
lisé, a fourni également des résultats
contradictoires. Les premières études
avec le [11C] NMSP (C-N-méthyl-spipé-
rone) comme marqueur des récepteurs D2
ont en effet retrouvé une augmentation de
la densité de ce récepteur au niveau du
noyau caudé chez des
patients non traités par
rapport à des témoins (2).
Cependant, ce résultat n’a
pas été confirmé par des
études ultérieures, que ce
soit avec ce même radio-
ligand ou avec le [11C]
raclopride. La variabilité
de ces résultats peut en
partie être expliquée par
les limites de la technique utilisée. En
effet, ces différents marqueurs ont une
affinité pour d’autres récepteurs D2 ; le
NMSP se fixe également sur les récep-
teurs D4 et 5-HT2et le raclopride sur les
récepteurs D3. Par ailleurs, la faible réso-
lution spatiale de cette méthode d’image-
rie – ne permettant pas de différencier au
sein du striatum les différentes structures
architecturales en fonction de leurs
connexions avec le système limbique ou
les aires corticales – ainsi que la diminu-
tion des sites de fixation disponibles en
présence d’un taux de dopamine endogène
élevé sont autant de facteurs limitant l’in-
terprétation des résultats.
Malgré ces difficultés liées à la méthodo-
logie et pour tenter de résumer ces don-
nées, certains auteurs ont émis l’hypothèse
que la disparité des résultats reflétait l’hété-
rogénéité clinique de la schizophrénie et
que l’augmentation des récepteurs D2 ne
devrait se retrouver que dans un sous-groupe
de patients pour lesquels la théorie d’une
hyperdopaminergie postsynaptique serait
confirmée (3). L’interprétation des résultats
devrait par conséquent tenir compte de la
nature du radiotraceur et des formes cli-
niques de la maladie, mais également des
traitements neuroleptiques reçus et du
modèle pharmacocinétique utilisé.
247
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001
Depuis les années 1950 et l’avènement des neuro-
leptiques, les recherches sur les données biologiques
de la schizophrénie se sont multipliées. Nous reprendrons
ainsi les principales hypothèses sur l’implication des diffé-
rents neurotransmetteurs dans la schizophrénie pour abor-
der ensuite certaines voies de recherche plus récentes.
* CHU, Tours.
** Service hospitalo-universitaire
de psychiatrie, CHU Charles-Nicolle,
Inserm EMI 9906, UFR de médecine, Rouen.
mise au point
Hypothèses biologiques
de la schizophrénie
F. Bonnet-Brilhault*, F. Thibaut**
Mise au point
mise au point
Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001 248
L’étude du mécanisme d’action des neu-
roleptiques a également permis de nuan-
cer cette théorie d’une simple et exclusive
hyperdopaminergie d’origine postsynap-
tique. L’existence d’un délai entre le blo-
cage des récepteurs D2 par les neurolep-
tiques, qui est effectif dès les premiers
jours de traitement, et l’apparition d’une
amélioration clinique, le plus souvent
après plusieurs semaines, laisse supposer
que cette action antagoniste ne corrige
pas à elle seule le déséquilibre physio-
pathologique. Ce délai semble en effet
correspondre à l’apparition d’un état de
“blocage par dépolarisation” (depolari-
zation block) qui rend silencieux les neu-
rones dopaminergiques, excepté les neu-
rones dopaminergiques mésocorticaux.
Le fait que les patients résistants au trai-
tement neuroleptique présentent un taux
d’occupation des récepteurs D2 iden-
tique à celui des patients répondeurs
limite également l’hypothèse d’une
simple hyperdopaminergie. Par ailleurs,
l’observation courante d’une moindre
efficacité des neuroleptiques sur la
symptomatologie négative laisse suppo-
ser que d’autres perturbations sous-ten-
dent cette symptomatologie. Enfin,
l’avènement depuis les années 1980 de
nouvelles molécules a mis l’accent sur
l’implication d’autres récepteurs dopa-
minergiques mais également sérotoniner-
giques comme cibles potentielles de l’ac-
tion antipsychotique. L’antagonisme des
récepteurs D1 (clopenthixol, flupen-
thixol), D3 présynaptiques (sulpiride,
amisulpride) ou D4 (clopazine) pourrait
intervenir dans l’efficacité clinique de
ces molécules. Sans remettre en cause la
théorie d’une hyperdopaminergie, ces
observations permettent d’évoquer l’im-
plication d’autres récepteurs dopaminer-
giques que les récepteurs D2.
Hyperdopaminergie d’origine
présynaptique
Les dosages de l’acide homovanillique
(HVA), catabolite principal de la dopa-
mine, les mesures de l’activité de la
monoamine-oxydase et de la capture pla-
quettaire de dopamine sont actuellement
utilisés comme indicateurs de l’activité
dopaminergique présynaptique centrale.
Par ailleurs, les données pharmacolo-
giques concernant les agents dopamino-
stimulants ont permis d’étayer l’hypothèse
d’une implication dopaminergique
d’origine présynaptique dans la schizo-
phrénie.
Les mesures du taux d’HVA, quel que
soit le compartiment biologique étudié,
nécessitent de prendre en compte de
nombreux facteurs, tels le régime ali-
mentaire, l’exercice physique, la clairan-
ce rénale, les variations circadiennes de
l’HVA et l’exposition préalable à un trai-
tement neuroleptique. Ces différents fac-
teurs sont probablement en cause dans le
manque d’homogénéité des résultats
publiés, que ce soit dans les études, peu
nombreuses, concernant le liquide
céphalo-rachidien (4) ou dans le plasma
(5).Certaines observations peuvent
cependant être faites. Chez les patients
non traités, les taux d’HVA plasmatiques
élevés seraient corrélés avec la sympto-
matologie positive de la maladie, alors
que, dans un sous-groupe de patients
ayant des symptômes négatifs prédomi-
nants, les taux d’HVA de base seraient
comparativement plus bas. Ces observa-
tions furent un des arguments pour envi-
sager qu’une hyper- mais également une
hypodopaminergie pouvaient intervenir
dans la schizophrénie. Par ailleurs, les
patients ayant un taux de base élevé avant
tout traitement présenteraient une
meilleure réponse au traitement neuro-
leptique, comparativement aux patients
ayant un taux de base plus bas.
Les données sur l’activité enzymatique
de la monoamine-oxydase (MAO) –
enzyme intracellulaire impliquée dans la
dégradation des monoamines – dans la
schizophrénie sont quant à elles plus
contradictoires. La plupart des études
mesurent et utilisent l’activité MAO au
niveau plaquettaire (MAOp) comme
reflet de l’activité MAO cérébrale.
Plusieurs études sont en faveur d’une
diminution de l’activité MAOp dans la
schizophrénie avec, pour certaines, une
association au sous-type paranoïde ; mais
cette diminution n’est pas retrouvée dans
d’autres études tout aussi nombreuses
(6). La mesure de cette activité enzyma-
tique peut être influencée par de nom-
breux facteurs, tels le régime alimentaire,
le tabagisme, le sexe, l’origine ethnique
ainsi que les traitements neuroleptiques
associés, ce qui peut expliquer, en partie,
la variabilité des résultats.
La mesure de la capture plaquettaire de
dopamine comme modèle d’étude de la
capture neuronale de dopamine n’a pas
apporté de résultats plus probants, avec
une diminution ou une augmentation,
selon les études, chez les patients schizo-
phrènes par rapport à une population
témoin. Là encore, le modèle utilisé, qui
semble approximatif par rapport à la cap-
ture neuronale, et les facteurs de varia-
tion, comme le sexe ou la notion d’un
traitement neuroleptique, sont à mettre
en parallèle avec ces données.
Enfin, l’apparition de novo de véritables
épisodes délirants chez les sujets
indemnes d’antécédents psychotiques
personnels ou même familiaux, après la
prise d’agents dopaminostimulants, tels
que les amphétamines et la cocaïne,
apporte un argument supplémentaire
pour supposer que le système dopami-
nergique est impliqué dans la physiopa-
thologie de la schizophrénie. L’absence
de symptômes négatifs dans ces tableaux
réduit cependant leur validité en tant que
modèles pharmacologiques de cette
maladie. Ces agents accroissent la trans-
mission dopaminergique en inhibant de
façon compétitive la recapture neuronale
de la dopamine et, pour les amphéta-
mines, en augmentant la libération
synaptique de dopamine nouvellement
synthétisée. Les modifications de la
concentration synaptique de dopamine
ne sont cependant pas à elles seules res-
ponsables de l’apparition de la sympto-
matologie, puisqu’il existe un décalage
dans le temps entre la concentration des
métabolites de la dopamine dans le plasma
et les troubles psychotiques. C’est parti-
culièrement vrai pour l’administration
chronique d’amphétamines, où l’hypo-
thèse actuelle est de considérer qu’il
existe, secondairement à la déplétion pré-
synaptique, une hypersensibilité des
récepteurs pré- et postsynaptiques abou-
tissant à une altération des mécanismes
de régulation sur les deux versants de la
synapse. Par ailleurs, une faible propor-
tion de patients schizophrènes ne seraient
pas sensibles à ces effets, certains ayant
même une diminution de leurs hallucina-
tions, ce qui est en faveur d’une hétéro-
généité physiopathologique de la schizo-
phrénie.
Modélisations du déséquilibre
dopaminergique
Ces différents travaux ont amené à for-
muler des hypothèses sur les perturba-
tions de la transmission dopaminergique
dans la schizophrénie. À la suite des tra-
vaux de Pycock et al., ayant observé
chez le rat une hyperdopaminergie sous-
corticale après destruction des afférences
dopaminergiques corticales, Weinberger
(7) avança le concept d’une modification
d’équilibre dopaminergique dans la schi-
zophrénie. Selon cet auteur, les symp-
tômes négatifs sont liés à une
hypodopaminergie corticale, alors que
les symptômes positifs sont liés à une
hyperdopaminergie sous-corticale. Grace
proposa également une nouvelle formu-
lation de l’hypothèse dopaminergique
reliant la symptomatologie positive à une
hypofrontalité responsable d’une baisse
de la libération d’acide glutamique dans
les structures sous-corticales, rendant
ainsi les neurones dopaminergiques
mésolimbiques hyperréactifs aux stimuli
environnementaux. La symptomatologie
négative, quant à elle, proviendrait d’une
baisse de libération tonique de dopamine
sous-corticale, au-dessous d’un seuil cri-
tique. Les neurones dopaminergiques
mésolimbiques deviendraient alors
insensibles aux stimuli extérieurs.
L’hypothèse sérotoninergique
Certaines propriétés des neuroleptiques
atypiques ainsi que la meilleure connais-
sance des interactions entre les systèmes
dopaminergique et sérotoninergique ont
donné un nouvel essor à la recherche de
perturbations de la transmission sérotoni-
nergique dans la schizophrénie. Là enco-
re, les travaux se sont orientés, d’une
part, sur le versant postsynaptique par
l’analyse de la densité des récepteurs
sérotoninergiques et, d’autre part, sur le
versant présynaptique avec l’analyse de
marqueurs périphériques.
Densité des récepteurs
sérotoninergiques
De nombreux facteurs peuvent influen-
cer les résultats des études post-mortem
sur la densité des récepteurs sérotoniner-
giques. Parmi ceux-ci, nous citerons l’in-
fluence du traitement antérieur, la prise
de toxiques, le choix de la technique, le
manque de spécificité du ligand utilisé et
enfin le décès par suicide ou non. Ces
facteurs expliquent sans doute en partie
la variabilité des résultats publiés. Dans
une revue de la littérature portant sur
onze études post-mortem comparant la
densité des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C
chez des patients et des témoins, sept
retrouvaient une densité diminuée au
niveau du cortex frontal chez les patients
par rapport aux témoins et quatre des
résultats variables, avec soit une augmen-
tation, soit une absence de différence (8).
Une augmentation de la densité des
récepteurs 5-HT1A au niveau du cortex
préfrontal et temporal a également été
rapportée. Comme pour l’hypothèse
dopaminergique, ces résultats peuvent
s’intégrer dans le schéma d’un déséqui-
libre de la transmission sérotoninergique
avec un hypofonctionnement sérotoni-
nergique préfrontal associé à un hyper-
fonctionnement sérotoninergique sous-
cortical ; Les études d’imagerie in vivo
en TEP ne semblent pas, pour l’instant,
confirmer les données obtenues par des
études post-mortem.
Études périphériques
La plupart des études portant sur les mar-
queurs dits périphériques avec les
dosages de sérotonine plasmatique ou
plaquettaire de son principal métabolite,
le 5 hydroxy-indol-acetic-acid (5HIAA),
dans le plasma ou le LCR et de sa capture
plaquettaire apportent des résultats
contradictoires (9). Cependant, certains
résultats peuvent être en faveur d’un
déséquilibre cortico-sous-cortical de la
transmission sérotoninergique dans la
schizophrénie. Les observations portant
sur l’association entre un taux faible de
5 HIAA dans le LCR et une atrophie cor-
ticale ainsi que la réduction des sites de
recapture de la sérotonine au niveau du
cortex frontal pourraient ainsi s’intégrer
dans l’hypothèse d’un hypofonctionne-
ment sérotoninergique préfrontal (9).
En conclusion, peu d’éléments résultant
d’études spécifiques étayent l’hypothèse
d’un déséquilibre cortico-sous-cortical
sérotoninergique dans la schizophrénie.
Cependant, l’effet psychomimétique des
agonistes dopaminergiques (LSD) et
l’action antipsychotique de certains neu-
roleptiques ayant in vitro des propriétés
antagonistes sérotoninergiques (en parti-
culier sur le récepteur 5-HT2) (clozapine,
rispéridone, olanzapine, chlorpromazine
et thiodazine) seraient en faveur d’un
hyperfonctionnement sérotoninergique
sous-cortical, qui, mis en parallèle avec
les résultats des études périphériques,
permettrait d’argumenter cette hypothèse
d’un déséquilibre de la transmission. Les
interactions étroites entre les systèmes
dopaminergique et sérotoninergique ne
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001 249
mise au point
Mise au point
permettent cependant pas de dire si les
perturbations constatées au niveau de ce
dernier neurotransmetteur sont une cause
ou une conséquence du dysfonctionne-
ment dopaminergique dans la schizo-
phrénie.
Perturbations glutamatergiques
dans la schizophrénie
L’apparition de tableaux schizophréni-
formes après la prise de PCP (phen-
cyclidine), qui agit comme antagoniste
non compétitif des récepteurs glumater-
giques de type N-méthyl-D-aspartate
(NMDA), a permis d’avancer l’hypothèse
d’une implication des acides aminés excita-
teurs dans la physiopathologie de la schizo-
phrénie. Une meilleure connaissance du
rôle du glutamate dans le développement et
le fonctionnement cérébral avec, en parti-
culier, son action sur la plasticité neuronale
(potentialisation à long terme et synaptoge-
nèse développementale) et sur l’apoptose,
ainsi que, parallèlement, une meilleure
appréhension des interactions entre les
fibres glutamatergiques cortico-sous-
corticales et la transmission dopaminer-
gique expliquent la place de celui-ci dans
les modèles étiopathogéniques récents de la
schizophrénie.
Sans apporter des résultats entièrement
concordants, certaines études post-mortem
portant sur la densité des récepteurs gluta-
matergiques chez les patients schizo-
phrènes sont en faveur d’une diminution
de la densité de ceux-ci dans certaines
régions ; au niveau des ganglions de la
base pour les récepteurs NMDA et au
niveau de l’hippocampe pour les récepteurs
non NMDA. Il faut noter que d’autres
études ont retrouvé une densité augmentée
de ces récepteurs au niveau du cortex et
plus particulièrement du cortex orbito-
frontal. Pour la majorité des auteurs, ces
résultats traduisent l’existence d’un hypo-
fonctionnement de la transmission gluta-
matergique avec une hypersensibilité com-
pensatrice des récepteurs. Depuis la publi-
cation d’une étude rapportant une diminution
de la concentration du glutamate dans le
LCR chez des patients schizophrènes, qui
serait alors en faveur d’un hypofonction-
nement glutamatergique, les études ulté-
rieures portant sur ce compartiment biologique
ou dans le sang ont donné des résultats
contradictoires. Les mécanismes d’action
présumés des neuroleptiques peuvent égale-
ment apporter des arguments en faveur de
l’intervention de la transmission glutama-
tergique dans la schizophrénie tout en met-
tant l’accent sur les interactions entre les
systèmes glutamatergique et dopaminergique.
L’administration chronique d’halopéridol
entraîne une augmentation des concentra-
tions extracellulaires de glutamate au
niveau du cortex préfrontal sans modifier
les concentrations au niveau du striatum.
Ainsi, l’hyperdopaminergie, proposée
comme mécanisme causal des schizophrénies,
engendrerait, par une inhibition excessive,
une hypoglutaminergie qui serait corrigée
par le blocage des récepteurs dopaminer-
giques par les neuroleptiques via une
désinhibition de la sortie de glutamate,
rétablissant ainsi un flux glutamatergique
correct. Par ailleurs, l’hyperactivité loco-
motrice et les stéréotypies induites chez
l’animal par l’administration d’antago-
nistes des récepteurs NMDA répondent à
un traitement par halopéridol via l’antago-
nisme des récepteurs D2. Enfin, l’adminis-
tration chronique d’un traitement neuro-
leptique interviendrait sur l’expression
préférentielle de certaines sous-unités
protéiques des récepteurs glutamatergiques
de type NMDA ou AMPA.
Que ce soit par une altération primaire des
récepteurs NMDA liée à un mécanisme
excitotoxique lors du développement céré-
bral, comme le proposent Olney et Farber
(10), ou par des interactions avec le systè-
me dopaminergique (11), l’implication
d’un dysfonctionnement glutamatergique
dans la schizophrénie suscite un intérêt
croissant.
L’hypothèse
noradrénergique
Compte tenu de la place de la dopamine
dans la voie de synthèse de la noradré-
naline et des interactions entre ces
deux systèmes de neurotransmission,
l’hypothèse d’un dysfonctionnement
noradrénergique dans la schizophrénie
a été évoquée relativement précoce-
ment. Certains résultats portant sur
le dosage des taux de noradrénaline
ou de son métabolite principal, le
3-méthoxy-4-hydroxy-phénylglycol
(MHPG), seraient en faveur d’une
hypernoradrénergie, parfois corrélée
avec une symptomatologie de type
négatif. Les arguments d’ordre phar-
macologique sont actuellement encore
peu nombreux pour confirmer cette
hypothèse. La mesure du taux de
MHPG après le test à la clonidine
(agoniste des récepteurs alpha 2 pré-
synaptiques) serait en faveur d’une
hyposensibilité de ces récepteurs asso-
ciée à un hyperfonctionnement relatif
des neurones noradrénergiques cen-
traux. Les variations de ce taux lors
d’un traitement neuroleptique seraient
plus contradictoires. La modélisation
des interactions entre les systèmes
noradrénergique et dopaminergique
dans la schizophrénie semble encore
difficile. Selon Van Kammen et al.
(12), un dysfonctionnement des sys-
tèmes noradrénergiques induirait une
phase prépsychotique, démasquant
secondairement une perturbation dopa-
minergique lorsque la noradrénaline est
activée au-delà de la capacité du système
par une stimulation environnementale
telle qu’un stress. L’hyperéveil, lié à
une hyperactivité noradrénergique du
locus cœruleus (à partir duquel sont
issus principalement les neurones nora-
drénergiques) stimulé par le stress, par-
ticiperait ainsi à l’apparition des symp-
tômes positifs de la schizophrénie.
mise au point
Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001 250
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001 251
mise au point
Mise au point
L’hypothèse GABAergique
À partir de certains résultats d’études
post-mortem retrouvant une diminution
de la densité des récepteurs GABAAet
des sites de capture du GABA, l’hypo-
thèse d’un hypofonctionnement
GABAergique dans la schizophrénie fut
avancée. Compte tenu du rôle inhibiteur
de ce neurotransmetteur, un déficit de
l’inhibition de la transmission dopami-
nergique par le GABA pourrait être en
cause. L’évaluation in vivo de la densité
de ces récepteurs n’a cependant pas
confirmé ces résultats. Par ailleurs, les
résultats contradictoires des dosages du
GABA dans le LCR ne permettent pas
de renforcer cette hypothèse.
Autres voies de recherche
Plus récemment, des travaux se sont
orientés vers la recherche d’une impli-
cation des neuropeptides dans la schizo-
phrénie. La neurotensine, la chlolécys-
tokinine, la somatostatine sont
actuellement ceux qui ont fait l’objet de
publications, que ce soit à l’occasion de
l’étude de leur taux à l’état de base ou
lors d’un traitement neuroleptique. Ces
résultats restent cependant isolés, sans
qu’il soit actuellement possible de
modéliser d’éventuelles perturbations
de ces systèmes neuropeptidergiques
dans la schizophrénie.
La mesure des taux de neurotrophines et
de la densité de leurs récepteurs semble
également être une voie intéressante,
compte tenu de leur rôle en tant que fac-
teur de régulation de la différenciation
neuronale et de la plasticité synaptique.
Par ailleurs, les arguments en faveur
d’un déficit immunitaire ou d’une infec-
tion virale chez les patients schizo-
phrènes demandent à être confirmés
(13).
Enfin, comparativement aux études réa-
lisées dans les troubles affectifs, les tra-
vaux concernant la neuroendocrinologie
dans la schizophrénie sont moins nom-
breux (4).
Conclusion
Depuis l’hypothèse initiale, qui postu-
lait qu’une hyperactivité dopaminer-
gique d’origine postsynaptique sous-
tendait la physiopathologie de la
schizophrénie, de nombreux travaux
sont venus nuancer ce propos. Sans
remettre en cause cette hypothèse initiale,
celle-ci s’intègre maintenant dans diffé-
rents modèles dans lesquels intervien-
nent d’autres neurotransmetteurs, permet-
tant ainsi de mieux rendre compte
de la richesse sémiologique de cette
pathologie (14).
Mots clés. Schizophrénie – Dopamine –
Sérotonine – Glutamate.
Références
1.
Gurevich EV, Bordelon Y, Shapiro RM et
al. Mesolimbic dopamine D3 receptors and
use of antipsychotics in patients with schi-
zophrenia. Arch Gen Psychiatry 1997 ; 54 :
225-32.
2.
Wong DF, Wagner HN, Tune LE et al.
Positron emission tomography reveals ele-
vated D2-dopamine receptors in drug-
naive schizophrenics. Science 1986 ; 234 :
1558-63.
3.
Zakzanis KK, Hansen KT. Dopamine D2
densities and the schizophrenic brain.
Schizophrenia Res 1998 ; 32 : 201-6.
4.
Lieberman JA, Koreen AR.
Neurochemistry and neuroendocrinology
of schizophrenia : a selective review.
Schizophrenia Bull 1993 ; 19(2) : 371-
429.
5.
Friedhoff AJ, Amin F. Plasma homova-
nillic acid in schizophrenia. Implications
for presynaptic dopamine dysfunction.
Washington DC : American Psychiatric
Press, 1997.
6.
Marcolin MA, Davis JM. Platelet mono-
amine oxydase in schizophrénia : a meta-
analysis. Schizophrenia Res 1992 ; 7 : 249-
67.
7.
Weinberger DR. Implications of normal
brain development for the pathogenesis of
schizophrenia. Arch Gen Psychiatry 1987 ;
44(7) : 660-9.
8.
Soares JC, Innis RB. Neurochemical
brain imaging investigations of schizophre-
nia. Biol psychiatry 1999 ; 46 : 600-15.
9.
Breier A. Serotonin, schizophrenia and
antipsychotic drug action. Schizophrenia
Res 1995 ; 14 : 187-202.
10.
Olney JW, Farber NB. Glutamate recep-
tor dysfonction and schizophrenia. Arch
Gen Psychiatry 1995 ; 52 : 998-107.
11.
Carlsson M, Carlsson A.
Schizophrenia : a subortical neurotrans-
mitter imbalance syndrome ?
Schizophrenia Bull 1990 ; 16(3) : 425-32.
12.
Van Kammen DP, Kelley M. Dopamine
and norepinephrine activity in schizophre-
nia. An integrative perspective.
Schizophrenia Res 1991 ; 4 : 173-91.
13.
De Lisi LE. Is there a viral or immune
dysfunction etiology to schizophrenia ?
Re-evaluation a decade later. Schizophrenia
Res 1996 ; 22 : 1-4.
14.
Bonnet-Brilhault F, Thibaut F, Petit M.
Données biologiques de la schizophrénie.
In : Encyclopédie médico-chirurgicale.
Traité de psychiatrie. À paraître.
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !