mise au point
Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 8, octobre 2001 248
L’étude du mécanisme d’action des neu-
roleptiques a également permis de nuan-
cer cette théorie d’une simple et exclusive
hyperdopaminergie d’origine postsynap-
tique. L’existence d’un délai entre le blo-
cage des récepteurs D2 par les neurolep-
tiques, qui est effectif dès les premiers
jours de traitement, et l’apparition d’une
amélioration clinique, le plus souvent
après plusieurs semaines, laisse supposer
que cette action antagoniste ne corrige
pas à elle seule le déséquilibre physio-
pathologique. Ce délai semble en effet
correspondre à l’apparition d’un état de
“blocage par dépolarisation” (depolari-
zation block) qui rend silencieux les neu-
rones dopaminergiques, excepté les neu-
rones dopaminergiques mésocorticaux.
Le fait que les patients résistants au trai-
tement neuroleptique présentent un taux
d’occupation des récepteurs D2 iden-
tique à celui des patients répondeurs
limite également l’hypothèse d’une
simple hyperdopaminergie. Par ailleurs,
l’observation courante d’une moindre
efficacité des neuroleptiques sur la
symptomatologie négative laisse suppo-
ser que d’autres perturbations sous-ten-
dent cette symptomatologie. Enfin,
l’avènement depuis les années 1980 de
nouvelles molécules a mis l’accent sur
l’implication d’autres récepteurs dopa-
minergiques mais également sérotoniner-
giques comme cibles potentielles de l’ac-
tion antipsychotique. L’antagonisme des
récepteurs D1 (clopenthixol, flupen-
thixol), D3 présynaptiques (sulpiride,
amisulpride) ou D4 (clopazine) pourrait
intervenir dans l’efficacité clinique de
ces molécules. Sans remettre en cause la
théorie d’une hyperdopaminergie, ces
observations permettent d’évoquer l’im-
plication d’autres récepteurs dopaminer-
giques que les récepteurs D2.
Hyperdopaminergie d’origine
présynaptique
Les dosages de l’acide homovanillique
(HVA), catabolite principal de la dopa-
mine, les mesures de l’activité de la
monoamine-oxydase et de la capture pla-
quettaire de dopamine sont actuellement
utilisés comme indicateurs de l’activité
dopaminergique présynaptique centrale.
Par ailleurs, les données pharmacolo-
giques concernant les agents dopamino-
stimulants ont permis d’étayer l’hypothèse
d’une implication dopaminergique
d’origine présynaptique dans la schizo-
phrénie.
Les mesures du taux d’HVA, quel que
soit le compartiment biologique étudié,
nécessitent de prendre en compte de
nombreux facteurs, tels le régime ali-
mentaire, l’exercice physique, la clairan-
ce rénale, les variations circadiennes de
l’HVA et l’exposition préalable à un trai-
tement neuroleptique. Ces différents fac-
teurs sont probablement en cause dans le
manque d’homogénéité des résultats
publiés, que ce soit dans les études, peu
nombreuses, concernant le liquide
céphalo-rachidien (4) ou dans le plasma
(5).Certaines observations peuvent
cependant être faites. Chez les patients
non traités, les taux d’HVA plasmatiques
élevés seraient corrélés avec la sympto-
matologie positive de la maladie, alors
que, dans un sous-groupe de patients
ayant des symptômes négatifs prédomi-
nants, les taux d’HVA de base seraient
comparativement plus bas. Ces observa-
tions furent un des arguments pour envi-
sager qu’une hyper- mais également une
hypodopaminergie pouvaient intervenir
dans la schizophrénie. Par ailleurs, les
patients ayant un taux de base élevé avant
tout traitement présenteraient une
meilleure réponse au traitement neuro-
leptique, comparativement aux patients
ayant un taux de base plus bas.
Les données sur l’activité enzymatique
de la monoamine-oxydase (MAO) –
enzyme intracellulaire impliquée dans la
dégradation des monoamines – dans la
schizophrénie sont quant à elles plus
contradictoires. La plupart des études
mesurent et utilisent l’activité MAO au
niveau plaquettaire (MAOp) comme
reflet de l’activité MAO cérébrale.
Plusieurs études sont en faveur d’une
diminution de l’activité MAOp dans la
schizophrénie avec, pour certaines, une
association au sous-type paranoïde ; mais
cette diminution n’est pas retrouvée dans
d’autres études tout aussi nombreuses
(6). La mesure de cette activité enzyma-
tique peut être influencée par de nom-
breux facteurs, tels le régime alimentaire,
le tabagisme, le sexe, l’origine ethnique
ainsi que les traitements neuroleptiques
associés, ce qui peut expliquer, en partie,
la variabilité des résultats.
La mesure de la capture plaquettaire de
dopamine comme modèle d’étude de la
capture neuronale de dopamine n’a pas
apporté de résultats plus probants, avec
une diminution ou une augmentation,
selon les études, chez les patients schizo-
phrènes par rapport à une population
témoin. Là encore, le modèle utilisé, qui
semble approximatif par rapport à la cap-
ture neuronale, et les facteurs de varia-
tion, comme le sexe ou la notion d’un
traitement neuroleptique, sont à mettre
en parallèle avec ces données.
Enfin, l’apparition de novo de véritables
épisodes délirants chez les sujets
indemnes d’antécédents psychotiques
personnels ou même familiaux, après la
prise d’agents dopaminostimulants, tels
que les amphétamines et la cocaïne,
apporte un argument supplémentaire
pour supposer que le système dopami-
nergique est impliqué dans la physiopa-
thologie de la schizophrénie. L’absence
de symptômes négatifs dans ces tableaux
réduit cependant leur validité en tant que
modèles pharmacologiques de cette
maladie. Ces agents accroissent la trans-
mission dopaminergique en inhibant de
façon compétitive la recapture neuronale
de la dopamine et, pour les amphéta-
mines, en augmentant la libération
synaptique de dopamine nouvellement
synthétisée. Les modifications de la
concentration synaptique de dopamine