Les moyens diagnostiques de l’ostéoporose
Ont été envisagés et discutés les méthodes radiologiques
conventionnelles, les méthodes densitométriques (absorptio-
métrie biphotonique, ultrasons, tomodensitométrie) et les mar-
queurs biochimiques du remodelage osseux.
Pour les radiographies standard, le rapport stipule que
“les radiographies standard n’ont pas d’indication pour le
diagnostic positif de l’ostéoporose non fracturaire, ni en préa-
lable systématique à l’ostéodensitométrie”. La méthode est
insuffisamment sensible pour détecter la déminéralisation : les
aspects classiques de vertèbres “peignées” ou d’“hypertrans-
parence” correspondent à une perte de DMO de l’ordre de 30
à 50 %. La réalisation “systématique” de radiographies pour
aider le positionnement du patient ou le repérage de la zone
de mesure densitométrique n’a aucun sens et n’est pas justi-
fiée. La radiographie reste cependant l’outil indispensable du
diagnostic des fractures ostéoporotiques, en particulier des
fractures vertébrales.
La méthode de mesure densitométrique de choix est clai-
rement indiquée dans le rapport : “Il est recommandé, pour
mesurer la densité minérale osseuse, d’utiliser la technique
de l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X”. Cette
méthode de mesure est actuellement LA méthode de réfé-
rence, de façon incontestable. La technique repose sur la
mesure de l’absorption de photons X ; cette absorption dépend
de la quantité d’énergie émise, et de la nature et de l’épais-
seur du milieu traversé. Les conditions de réalisation de l’exa-
men dépendent de l’appareil, et sont bien standardisées : irra-
diation très faible, de 1 à 10 µSv (soit en moyenne, un dixième
de la dose émise en radiographie thoracique), grande exacti-
tude de la mesure, avec une erreur inférieure à 10 %, repro-
ductibilité de 1 à 5 % en fonction de l’âge des sujets et du site
de mesure.
Le résultat, appelé densité minérale osseuse (DMO, bone
mineral density ou BMD pour les Anglo-Saxons), s’exprime
en grammes par centimètre carré et correspond en réalité à un
“dosage du minéral osseux”.
#Comme tout dosage biologique, cet examen doit répondre
à des normes rigoureuses de qualité, ce qu’indique le rap-
port : “L’ostéodensitométrie ne doit être pratiquée que lorsque
les conditions techniques optimales à sa réalisation sont
réunies. Le préalable à sa réalisation est d’avoir vérifié les
qualités métrologiques de l’appareil et d’être assuré que les
bases de références validées pour les sites, l’âge, le sexe et les
populations concernées soient disponibles pour l’interpréta-
tion des résultats. Le groupe de travail recommande donc
qu’une procédure d’assurance qualité obligatoire soit rapi-
dement élaborée et mise en œuvre en France”. Un tel système
de contrôle de qualité standardisé a été mis en place en France
par le Groupe de recherche et d’information sur les ostéopo-
roses (GRIO), au sein du laboratoire de biophysique de l’uni-
versité de Bordeaux.
#Les sites de la mesure densitométrique sont classique-
ment le rachis lombaire et la hanche : “Il est recommandé de
réaliser la mesure de la densité minérale osseuse sur deux
sites, de préférence le rachis lombaire et l’extrémité supérieure
du fémur. En cas d’impossibilité d’interprétation ou de mesure
de ces deux sites, ils peuvent être remplacés par une mesure
du radius”.
#L’arthrose rachidienne lombaire peut fausser la mesure,
en la surestimant, et induire une erreur d’interprétation : “Chez
le sujet atteint d’une pathologie rachidienne susceptible de
fausser les résultats de l’examen, on privilégie les sites autres
que rachidiens”. Dans ce cas, les mesures à la hanche sont
généralement les seules utilisées, mais il faut savoir que leur
reproductibilité et leur sensibilité au changement sous traite-
ment sont moins bonnes que pour la mesure rachidienne.
#La dernière recommandation d’ordre technique sur l’ab-
sorptiométrie biphotonique concerne les mesures succes-
sives :“L’interprétation de l’évolution de la densité minérale
osseuse sur des mesures successives ne peut être valable que
si ces mesures sont réalisées sur le même appareil ou au moins
un appareil de la même marque, sur les mêmes sites et, si pos-
sible, avec la même fenêtre d’acquisition”.
Les méthodes de mesure ultrasonores et tomodensitomé-
triques ne sont actuellement pas recommandées. De nom-
breuses recherches témoignent de leur intérêt potentiel, mais
leur application n’est pas possible, pour diverses raisons :
reproductibilité et sensibilité au changement insuffisantes pour
les ultrasons, irradiation et manque de disponibilité des
machines pour le scanner. “La mesure densitométrique par
scanner n’est pas recommandée actuellement pour établir le
diagnostic d’ostéoporose”. “La mesure de la masse osseuse
par ultrasons n’est pas recommandée actuellement pour éta-
blir le diagnostic d’ostéoporose”.
La recommandation négative sur les marqueurs biochi-
miques : “L’utilisation des marqueurs du remodelage osseux
n’est pas recommandée actuellement pour établir le diagnos-
tic d’ostéoporose” est probablement celle qui a suscité le plus
de réactions à ce rapport. Il s’agit manifestement d’une recom-
mandation “par défaut”. Elle n’est pas en contradiction avec le
remboursement des marqueurs biochimiques, disponibles
depuis plusieurs années, et qui nous rendent incontestablement
des services en pratique clinique. La place de ces marqueurs a
d’ailleurs été définie par un important rapport d’un groupe d’ex-
perts européens, publié en 2000 (6). En l’état actuel des
connaissances, le dosage des marqueurs peut être un appoint
pour l’évaluation du risque de fracture de l’extrémité supé-
rieure du fémur chez les femmes âgées (plus de 65 ans dans la
cohorte américaine SOF, plus de 75 ans dans la cohorte fran-
çaise EPIDOS). Ces marqueurs sont aussi utiles pour évaluer,
chez certains patients, la réponse au traitement antiostéoclas-
tique. Mais il reste vrai qu’ils n’ont pas d’utilité en eux-mêmes
ni de place dans l’établissement du diagnostic d’ostéoporose.
La Lettre du Rhumatologue - n° 294 - septembre 2003
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MÉTHODES DIAGNOSTIQUES