Recommandations de l’ANAES sur le diagnostic de l’ostéoporose M

publicité
M
É T H O D E S
D I A G N O S T I Q U E S
Recommandations de l’ANAES
sur le diagnostic de l’ostéoporose
ANAES guidelines for the diagnosis of osteoporosis
! Ph. Orcel*
P o i n t s
f o r t s
" L’Agence nationale d’accréditation et d’éva-
luation en santé (ANAES) a élaboré en 2001, à
la demande de la Direction générale de la santé
et de la Caisse nationale d’assurance maladie,
des recommandations de pratique professionnelle pour le diagnostic de l’ostéoporose chez
la femme ménopausée et chez l’adulte des deux
sexes traité par corticoïdes.
" Ce rapport définit les conditions d’utilisation
de l’ostéodensitométrie par DXA et précise ses
indications à titre diagnostique.
" Il a servi de document de référence pour l’inscription de l’acte d’ostéodensitométrie à la
nomenclature générale et pour définir ses
conditions de remboursement.
Mots-clés : Ostéoporose - Densitométrie osseuse Facteurs de risque - Ménopause.
Keywords: Osteoporosis - Bone densitometry Risk factors - Menopause.
U
ne enquête réalisée en 1999 par une agence de communication révélait que moins de 40 % des femmes
françaises bénéficiaient d’une ostéodensitométrie pour
le diagnostic d’ostéoporose (Enquête Monitor, communication personnelle)... Parmi les femmes qui n’avaient pas passé
cet examen, deux sur trois auraient souhaité le faire, dont près
d’un quart à n’importe quel prix ! Ces chiffres, même s’ils sont
* Fédération de rhumatologie, hôpital Lariboisière (AP-HP), 75010 Paris.
8
probablement entachés de biais de mesure, sont tout de même
éloquents sur l’insuffisance de la prise en charge diagnostique
de l’ostéoporose en France. L’ostéodensitométrie n’est toujours pas remboursée à l’heure où nous écrivons ces lignes,
malgré le travail considérable effectué ces deux dernières
années pour définir les indications de cet examen et les conditions de son remboursement dans notre pays. Cette lenteur
administrative à prendre les décisions contraste avec la motivation de la communauté rhumatologique, mobilisée autour
de ce projet de remboursement. Elle a participé activement
aux groupes de travail avec les administrations concernées,
elle s’est engagée résolument dans les procédures de contrôle
de qualité des appareils mis en place il y a deux ans sous l’égide
du GRIO, elle se presse, de plus en plus nombreuse, dans les
salles de cours où sont dispensées des formations spécialisées
sur l’ostéodensitométrie... Il ne reste plus à nos autorités
gouvernementales qu’à valider tous ces efforts en facilitant
l’accès de nos patients à la mesure de leur “capital osseux”.
L’enjeu est important. Parmi les 10,5 millions de femmes françaises ménopausées, environ un tiers sont ostéoporotiques, et
une sur sept environ a déjà eu une complication fracturaire de
l’ostéoporose. La prise en charge diagnostique et thérapeutique n’est mise en œuvre que chez environ 800 000 de ces
patientes. En 2000, le coût global de la prise en charge
de l’ostéoporose s’élevait à près d’un milliard d’euros, dont
plus des deux tiers pour la prise en charge des fractures et de
leurs complications. Ces chiffres soulignent l’importance du
travail d’éveil des consciences, de formation et d’information
qui reste à effectuer en France, auprès des pouvoirs publics,
des milieux médicaux et du grand public.
POURQUOI UN DIAGNOSTIC
DE L’OSTÉOPOROSE ?
Le diagnostic d’ostéoporose doit être suspecté devant des
symptômes d’une grande banalité : fracture, perte de taille,
déformation du rachis, douleurs rachidiennes aiguës (épisodes
La Lettre du Rhumatologue - n° 294 - septembre 2003
M
É T H O D E S
de fracture vertébrale) ou chroniques (consécutives à la déformation). Il est aussi souvent évoqué en l’absence de tout symptôme, lors d’un dépistage densitométrique. Dans ces situations, il est important d’établir le diagnostic d’ostéoporose en
écartant les diagnostics différentiels, d’identifier les facteurs
de risque, d’évaluer le risque de fracture et, enfin, de choisir
le traitement le plus approprié.
Plusieurs médicaments sont désormais disponibles en France
dans l’indication du traitement de l’ostéoporose. Cette indication a été obtenue sur la base d’études répondant aux critères actuels de la médecine fondée sur les preuves et ayant
montré une diminution du nombre de fractures chez les
femmes traitées. Toutes ces études ont été conduites dans des
populations de femmes ostéoporotiques, l’ostéoporose étant
définie par la diminution de la densité minérale osseuse à
l’extrémité supérieure du fémur ou au rachis. Récemment, il
a été montré que ces traitements sont efficaces lorsqu’ils sont
prescrits chez des femmes sélectionnées après un diagnostic
densitométrique, mais qu’ils sont sans effet chez des femmes
traitées sur la base de facteurs cliniques de risque d’ostéoporose
(sans confirmation densitométrique).
C’est dans cette perspective d’efficacité thérapeutique que doit
être discutée aujourd’hui la place de l’ostéodensitométrie.
POURQUOI UN RAPPORT DE L’ANAES ?
Dans ce contexte, et à la suite des déboires du premier rapport
de l’ANDEM en 1991 (1), il était nécessaire de définir les
conditions d’utilisation des méthodes diagnostiques de l’ostéoporose, en particulier de l’ostéodensitométrie. Il est en effet
difficile, à l’heure actuelle, d’envisager un dépistage systématique de l’ostéoporose à la ménopause, celui-ci n’ayant pas
démontré son efficacité en termes de stratégie de prévention
des fractures à large échelle. Il engendrerait par ailleurs un
coût considérable. D’un autre côté, l’absence de prise en
charge de l’ostéodensitométrie, lorsqu’elle est justifiée et utile
pour un patient, est particulièrement injuste et place notre pays
dans le peloton des “attardés” de la prise en charge de l’ostéoporose en Europe... Le GRIO, qui avait lui-même publié,
en 1994, un rapport de recommandations pour les mesures
d’ostéodensitométrie (2), a donc fortement sollicité les autorités administratives ces dernières années, en leur demandant
de prendre leurs responsabilités.
L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
(ANAES) a donc élaboré en 2001, à la demande de la Direction générale de la santé et de la Caisse nationale d’assurance
maladie, des recommandations de pratique professionnelle
pour l’utilisation de la densitométrie pour le diagnostic d’ostéoporose. Les recommandations pour la pratique clinique
concernant l’ostéodensitométrie sont publiées dans un rapport : L’ostéoporose chez les femmes ménopausées et chez les
sujets traités par corticoïdes : méthodes diagnostiques et indications, disponible sur le site de l’ANAES (3), ainsi qu’une
La Lettre du Rhumatologue - n° 294 - septembre 2003
D I A G N O S T I Q U E S
actualisation du rapport d’évaluation des Indications des
mesures quantitatives du tissu osseux par le Service d’évaluation des technologies (4). Elles sont destinées à tous les
professionnels impliqués dans la prise en charge de l’ostéoporose.
MÉTHODOLOGIE DU RAPPORT DE L’ANAES
Ces recommandations professionnelles ont été élaborées selon
la méthode des recommandations pour la pratique clinique
publiées par l’ANAES. Un chef de projet de l’ANAES a coordonné les recherches bibliographiques, par interrogation systématique des banques de données, en identifiant, sur une
période de dix ans, les recommandations pour la pratique clinique, les conférences de consensus, les articles de décision
médicale, les revues systématiques et les méta-analyses. Ainsi,
sur 385 articles identifiés, 145 ont été passés en revue de façon
détaillée et 39 sont analysés dans l’argumentaire du rapport.
Parmi eux, le rapport récent du National Institutes of Health
américain a été une base et un guide pour le travail de
l’ANAES (5). L’argumentaire et les recommandations ont été
élaborés et discutés par le groupe de travail, puis affinés par
des allers et retours avec le groupe de lecture. La composition de ces groupes avait été définie d’après les suggestions
de quatre sociétés savantes impliquées dans l’organisation du
projet : Société française de rhumatologie, Société française
de gérontologie, Société française de médecine interne,
Société française de radiologie et imagerie médicale. Les
recommandations ont été discutées par le conseil scientifique
(section évaluation) de l’ANAES, et finalisées par le groupe
de travail (3).
LES RECOMMANDATIONS DE L’ANAES
Les recommandations du rapport de l’ANAES concernent,
d’une part, le diagnostic de l’ostéoporose chez la femme ménopausée et, d’autre part, le diagnostic de l’ostéoporose chez
l’adulte des deux sexes traité par corticoïdes. Par conséquent,
la recherche d’une maladie responsable d’une ostéoporose
secondaire est un préalable justifiant la réalisation d’examens
complémentaires appropriés et l’instauration d’un traitement
adapté.
L’objectif de ces recommandations est de préciser la place des
méthodes diagnostiques de l’ostéoporose afin de définir les
conditions optimales d’une prise en charge thérapeutique,
médicamenteuse ou non, ayant pour but de prévenir la survenue de fractures. Le travail de l’ANAES a été mené en parallèle avec celui de l’Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé (AFSSAPS), élaborant un guide de bonnes
pratiques thérapeutiques dans l’ostéoporose postménopausique et l’ostéoporose cortisonique.
9
M
É T H O D E S
D I A G N O S T I Q U E S
Les moyens diagnostiques de l’ostéoporose
Ont été envisagés et discutés les méthodes radiologiques
conventionnelles, les méthodes densitométriques (absorptiométrie biphotonique, ultrasons, tomodensitométrie) et les marqueurs biochimiques du remodelage osseux.
Pour les radiographies standard, le rapport stipule que
“les radiographies standard n’ont pas d’indication pour le
diagnostic positif de l’ostéoporose non fracturaire, ni en préalable systématique à l’ostéodensitométrie”. La méthode est
insuffisamment sensible pour détecter la déminéralisation : les
aspects classiques de vertèbres “peignées” ou d’“hypertransparence” correspondent à une perte de DMO de l’ordre de 30
à 50 %. La réalisation “systématique” de radiographies pour
aider le positionnement du patient ou le repérage de la zone
de mesure densitométrique n’a aucun sens et n’est pas justifiée. La radiographie reste cependant l’outil indispensable du
diagnostic des fractures ostéoporotiques, en particulier des
fractures vertébrales.
La méthode de mesure densitométrique de choix est clairement indiquée dans le rapport : “Il est recommandé, pour
mesurer la densité minérale osseuse, d’utiliser la technique
de l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X”. Cette
méthode de mesure est actuellement LA méthode de référence, de façon incontestable. La technique repose sur la
mesure de l’absorption de photons X ; cette absorption dépend
de la quantité d’énergie émise, et de la nature et de l’épaisseur du milieu traversé. Les conditions de réalisation de l’examen dépendent de l’appareil, et sont bien standardisées : irradiation très faible, de 1 à 10 µSv (soit en moyenne, un dixième
de la dose émise en radiographie thoracique), grande exactitude de la mesure, avec une erreur inférieure à 10 %, reproductibilité de 1 à 5 % en fonction de l’âge des sujets et du site
de mesure.
Le résultat, appelé densité minérale osseuse (DMO, bone
mineral density ou BMD pour les Anglo-Saxons), s’exprime
en grammes par centimètre carré et correspond en réalité à un
“dosage du minéral osseux”.
# Comme tout dosage biologique, cet examen doit répondre
à des normes rigoureuses de qualité, ce qu’indique le rapport : “L’ostéodensitométrie ne doit être pratiquée que lorsque
les conditions techniques optimales à sa réalisation sont
réunies. Le préalable à sa réalisation est d’avoir vérifié les
qualités métrologiques de l’appareil et d’être assuré que les
bases de références validées pour les sites, l’âge, le sexe et les
populations concernées soient disponibles pour l’interprétation des résultats. Le groupe de travail recommande donc
qu’une procédure d’assurance qualité obligatoire soit rapidement élaborée et mise en œuvre en France”. Un tel système
de contrôle de qualité standardisé a été mis en place en France
par le Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO), au sein du laboratoire de biophysique de l’université de Bordeaux.
10
# Les sites de la mesure densitométrique sont classiquement le rachis lombaire et la hanche : “Il est recommandé de
réaliser la mesure de la densité minérale osseuse sur deux
sites, de préférence le rachis lombaire et l’extrémité supérieure
du fémur. En cas d’impossibilité d’interprétation ou de mesure
de ces deux sites, ils peuvent être remplacés par une mesure
du radius”.
# L’arthrose rachidienne lombaire peut fausser la mesure,
en la surestimant, et induire une erreur d’interprétation : “Chez
le sujet atteint d’une pathologie rachidienne susceptible de
fausser les résultats de l’examen, on privilégie les sites autres
que rachidiens”. Dans ce cas, les mesures à la hanche sont
généralement les seules utilisées, mais il faut savoir que leur
reproductibilité et leur sensibilité au changement sous traitement sont moins bonnes que pour la mesure rachidienne.
# La dernière recommandation d’ordre technique sur l’absorptiométrie biphotonique concerne les mesures successives : “L’interprétation de l’évolution de la densité minérale
osseuse sur des mesures successives ne peut être valable que
si ces mesures sont réalisées sur le même appareil ou au moins
un appareil de la même marque, sur les mêmes sites et, si possible, avec la même fenêtre d’acquisition”.
Les méthodes de mesure ultrasonores et tomodensitométriques ne sont actuellement pas recommandées. De nombreuses recherches témoignent de leur intérêt potentiel, mais
leur application n’est pas possible, pour diverses raisons :
reproductibilité et sensibilité au changement insuffisantes pour
les ultrasons, irradiation et manque de disponibilité des
machines pour le scanner. “La mesure densitométrique par
scanner n’est pas recommandée actuellement pour établir le
diagnostic d’ostéoporose”. “La mesure de la masse osseuse
par ultrasons n’est pas recommandée actuellement pour établir le diagnostic d’ostéoporose”.
La recommandation négative sur les marqueurs biochimiques : “L’utilisation des marqueurs du remodelage osseux
n’est pas recommandée actuellement pour établir le diagnostic d’ostéoporose” est probablement celle qui a suscité le plus
de réactions à ce rapport. Il s’agit manifestement d’une recommandation “par défaut”. Elle n’est pas en contradiction avec le
remboursement des marqueurs biochimiques, disponibles
depuis plusieurs années, et qui nous rendent incontestablement
des services en pratique clinique. La place de ces marqueurs a
d’ailleurs été définie par un important rapport d’un groupe d’experts européens, publié en 2000 (6). En l’état actuel des
connaissances, le dosage des marqueurs peut être un appoint
pour l’évaluation du risque de fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez les femmes âgées (plus de 65 ans dans la
cohorte américaine SOF, plus de 75 ans dans la cohorte française EPIDOS). Ces marqueurs sont aussi utiles pour évaluer,
chez certains patients, la réponse au traitement antiostéoclastique. Mais il reste vrai qu’ils n’ont pas d’utilité en eux-mêmes
ni de place dans l’établissement du diagnostic d’ostéoporose.
La Lettre du Rhumatologue - n° 294 - septembre 2003
M
É T H O D E S
Les indications
La place des radiographies est bien définie dans le diagnostic de l’ostéoporose. Il s’agit notamment de les utiliser à bon
escient pour diagnostiquer les fractures vertébrales. On sait
que celles-ci sont souvent asymptomatiques (dans les deux
tiers des cas environ), mais que toutes les fractures augmentent considérablement le risque de fractures ultérieures. Leur
repérage précoce dans certaines circonstances est donc particulièrement critique pour définir les conditions d’un traitement visant la prévention des récidives fracturaires. Ces circonstances sont précisées : “Les radiographies doivent être
réalisées en cas de suspicion de fracture vertébrale récente
ou ancienne, et en particulier dans les circonstances suivantes : douleur vertébrale aiguë, diminution de taille inexpliquée, modification de la courbure rachidienne d’apparition
récente. Il est recommandé de réaliser une radiographie du
rachis dorsal et/ou lombaire face et profil”. Pour repérer les
fractures vertébrales, seuls les clichés de profil du rachis dorsal et lombaire sont utiles, et l’on pourrait très bien se passer
des incidences de face... ce qui ne semble pas être prévu par
la nomenclature des actes radiologiques !
Les indications de l’ostéodensitométrie (tableau I) sont
développées, en précisant d’emblée que “quel que soit le
contexte, une ostéodensitométrie ne doit être conseillée que si
le résultat de l’examen peut a priori conduire à une modification de la prise en charge du patient”. Précaution oratoire
de bon sens : cela va sans dire, mais il est peut-être mieux de
le préciser !
# Les indications de l’ostéodensitométrie chez la femme
ménopausée ont été établies après des discussions souvent
longues et animées au sein du groupe de travail, les partisans
de l’exhaustivité se heurtant aux partisans de la concision pour
définir les facteurs de risque devant figurer dans la liste des
indications. Inclure dans la liste de ces facteurs tous ceux qui
ont été identifiés dans la littérature comme facteur de densité
minérale osseuse abaissée ou comme facteur de risque de fracture ostéoporotique rendrait l’examen densitométrique systématique chez toute femme ménopausée... Limiter la liste la
rend plus opérationnelle, sans restriction excessive des indications. Il a été récemment évalué par la Direction générale
de la santé que 30 % des femmes de plus de 50 ans (soit près
de 3,2 millions) auraient au moins un facteur de risque de cette
liste, et que 7,4 % (environ 785 500) en auraient au moins
deux. Environ 700 000 femmes de plus de 50 ans auraient un
indice de masse corporelle inférieur à 19 kg/m2. Les facteurs
de risque retenus sont ceux qui étaient le plus fréquemment
cités dans les recommandations extérieures analysées pour ce
rapport.
En dehors des facteurs de risque, l’ostéodensitométrie doit être
réalisée pour confirmer la nature ostéoporotique d’une fracture vertébrale ou périphérique non traumatique. Ce point peut
être sujet à discussion car, dans ce cas, l’indication d’un traitement est logique quel que soit le résultat de la densitoméLa Lettre du Rhumatologue - n° 294 - septembre 2003
D I A G N O S T I Q U E S
trie. Il est toutefois utile de faire cet examen pour avoir une
valeur de DMO de référence au début d’un traitement. Les
antécédents de pathologies ostéopéniantes sont une indication
logique, admise depuis longtemps. La DMO permet d’évaluer
le retentissement osseux spécifique de la maladie sous-jacente,
souvent une endocrinopathie, et de définir les indications d’un
traitement à visée osseuse, en association éventuelle avec le
traitement de l’affection causale.
Tableau I. Indications de l’ostéodensitométrie chez la femme ménopausée.
1. Il est recommandé de réaliser une ostéodensitométrie devant :
# la découverte radiologique d’une fracture vertébrale sans caractère
traumatique ni tumoral évident ;
# un antécédent personnel de fracture périphérique survenue sans traumatisme majeur (sont exclues de ce cadre les fractures du crâne, des
orteils, des doigts et du rachis cervical) ;
# des antécédents documentés de pathologies potentiellement inductrices d’ostéoporose, en particulier : hypogonadisme prolongé, hyperthyroïdie évolutive non traitée, hypercorticisme et hyperparathyroïdie primitive.
2. La réalisation d’une ostéodensitométrie peut être proposée chez
la femme ménopausée en présence d’un ou de plusieurs des facteurs de risque suivants :
# antécédents de fracture vertébrale ou du col fémoral sans traumatisme
majeur chez un parent au premier degré ;
# un indice de masse corporelle < 19 kg/m2 ;
# ménopause avant 40 ans, quelle qu’en soit la cause, ou ménopause
iatrogénique ;
# antécédent de corticothérapie prolongée (> 3 mois) à la dose de corticoïde équivalent prednisone 7,5 mg/j.
3. Il n’est pas recommandé de réaliser une ostéodensitométrie chez
une femme ménopausée chez laquelle le traitement hormonal
substitutif (THS) est indiqué, prescrit à dose efficace (pour assurer une prévention de l’ostéoporose) et bien suivi.
4. Lorsque le résultat de l’ostéodensitométrie est normal et qu’aucun traitement n’est institué, une deuxième ostéodensitométrie
peut être proposée 2 à 5 ans après la réalisation de la première,
et ce en fonction de l’ancienneté de la ménopause, du résultat de
la première mesure et de la persistance ou de l’apparition de
facteurs de risque.
# La discussion de la place de l’ostéodensitométrie dans
le contexte d’un traitement hormonal substitutif (THS) a
aussi été très animée. Autoriser cet examen au début d’un THS
à bonne dose équivalait à recommander un dépistage systématique à la ménopause et à élargir considérablement les indications de l’examen (voir discussion plus haut). En pratique,
le pourcentage de vraies “non-répondeuses” au THS est très
faible, dès lors que le dérivé estrogénique est pris à dose suffisante et que l’observance est bonne. Il reste possible de faire
l’examen densitométrique si ces conditions ne sont pas réunies
ou si la motivation de la patiente pour commencer ce THS ou
pour le poursuivre à bonne dose nécessite un “encouragement”
objectif.
11
M
É T H O D E S
D I A G N O S T I Q U E S
# Enfin, en ce qui concerne la surveillance de l’évolution
de l’ostéoporose en l’absence de traitement, la densitométrie osseuse est un examen utile, mais elle ne doit pas être répétée trop fréquemment. Un délai standard est impossible à fixer.
Le délai doit être ajusté en fonction de la valeur initiale de la
DMO, de l’âge de la patiente, de l’apparition éventuelle de
nouveaux facteurs de risque : chez une femme de la soixantaine ayant une ostéopénie proche du seuil de l’ostéoporose et
qui a perdu 8 kg en deux ans, on sera enclin à répéter l’examen plus tôt que chez une femme de 55 ans ayant une ostéopénie modérée, qui a cessé de fumé et a corrigé sa ration calcique alimentaire.
# L’indication de la densitométrie dans la situation d’ostéoporose cortisonique est maintenant bien admise de tous.
“Il est recommandé de réaliser une ostéodensitométrie lors
de la mise en route d’une corticothérapie systémique prévue
pour une durée d’au moins 3 mois consécutifs, à une dose de
7,5 mg/j équivalent prednisone”. Pourtant, c’est celle dont
le fondement dans la littérature est le moins solide ! Elle ne
repose en effet que sur deux publications de recommandations
(7, 8), il est vrai soutenues maintenant par plusieurs études
thérapeutiques contrôlées contre placebo. De plus, une exposition à un traitement cortisonique systémique à cette dose est
un facteur de risque majeur de perte osseuse rapide et de fracture, surtout chez les femmes ménopausées et chez les
hommes, et ce risque doit être évalué par cet examen (9).
par centimètre carré et en T score, la marque et le type de l’appareil utilisé, la référence de la courbe de normalité. Ce
rapport doit être tenu à la disposition du médecin conseil.
Tableau II. Indications ne figurant pas dans le rapport de l’ANAES,
ajoutées lors des discussions à la Commission permanente de la
nomenclature de la CNAM.
$ Chez les personnes ayant une déficience immunologique secondaire
et présentant les éléments détaillés pour la femme ménopausée.
$ Chez l’homme ayant au moins un des éléments suivants :
# la découverte radiologique d’une fracture vertébrale sans caractère
traumatique ni tumoral évident,
# un antécédent personnel de fracture périphérique survenue sans traumatisme majeur (sont exclues de ce cadre les fractures du crâne, des
orteils, des doigts et du rachis cervical),
# des antécédents documentés de pathologies potentiellement inductrices d’ostéoporose, en particulier : hypogonadisme prolongé, hyperthyroïdie évolutive non traitée, hypercorticisme et hyperparathyroïdie primitive.
La spécificité rhumatologique de l’interprétation de l’ostéodensitométrie a également été reconnue. Un acte clinique rhumatologique pourra être comptabilisé dans le même temps de
consultation, si cette dernière aboutit à une modification de la
prise en charge du patient. Si ces bonnes décisions (intentions ?) étaient validées prochainement par le ministère de la
Santé, ce serait une excellente nouvelle pour nos patients et
pour la communauté rhumatologique.
"
ET MAINTENANT ?
La limite méthodologique principale de ces recommandations
tient à leur élaboration à partir de recommandations antérieures,
même correctement analysées, voire rediscutées. Il eût été préférable de conduire une analyse de la littérature “primaire”,
c’est-à-dire des grandes études cliniques et épidémiologiques
ayant évalué l’intérêt et l’impact de la densitométrie sur le diagnostic de l’ostéoporose et pour la prise en charge des patients.
Leur principal intérêt est de fournir un argumentaire détaillé
pour défendre l’inscription de l’ostéodensitométrie à la nomenclature générale des actes et définir les conditions de son remboursement. Cette démarche a été réalisée dans le courant de
l’année 2002 et a abouti, le 11 décembre, à l’inscription de
l’acte densitométrique à la nomenclature générale, avec une
codification Z27,1. Cette codification dite “traçante” permettra d’assurer un suivi des prescriptions de cet examen. La Commission permanente de la nomenclature de la CNAM a souhaité ajouter deux indications ne figurant pas dans le rapport
de l’ANAES : l’une concerne les sujets atteints de déficits
immunitaires, l’autre les hommes (tableau II).
De plus, les conclusions de la commission précisent que tout
examen densitométrique osseux doit être accompagné d’un
compte-rendu écrit, signé par le médecin, comportant l’indication et les résultats des mesures des deux sites en grammes
12
Bibliographie
1. Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale. Évaluation
de l’ostéodensitométrie. Paris : ANDEM, 1991.
2. Intérêt et indications cliniques des mesures de masse osseuse par absorptiométrie biphotonique à rayons X. Rapport du Comité scientifique du GRIO. Rev
Rhum (ed. fr.) 1994 ; 61 (7-8 bis) : 69S-86S.
3. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. L’ostéoporose chez
les femmes ménopausées et chez les sujets traités par corticoïdes : méthodes
diagnostiques et indications. Paris ; ANAES, 2001. http://www.anaes.fr/ANAES/
publications.nsf/wEdition/ RE_ASSI-57JEAY
4. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Les indications des
mesures quantitatives du tissu osseux : actualisation. Paris : ANAES, 2000.
http://www.anaes.fr/ANAES/publications.nsf/wEdition/RA_LILF-548DGR
5.
National Institutes of Health. NIH Consensus Development Conference on
Osteoporosis Prevention, Diagnosis and Therapy. March 27-29, 2000. Bethesda
(MD) : NIH, 2000.
6. Delmas PD, Eastell R, Garnero P, Seibel MJ, Stepan J (Committee of Scientific
Advisors of the International Osteoporosis Foundation). The use of biochemical
markers of bone turnover in osteoporosis. Osteoporos Int 2000 ; 11 (Suppl. 6) :
S2-S17.
7. American College of Rheumatology Task Force on Osteoporosis Guidelines.
Recommendations for the prevention and treatment of glucocorticoid-induced
osteoporosis. Arthritis Rheum 1996 ; 39 : 1791-801.
8. Eastell R, Reid DM, Compton J et al. A UK consensus group on management
of glucocorticoid-induced osteoporosis. An update. J Intern Med 1998 ; 244 :
271-92.
9. Orcel Ph, Roux C. Ostéoporose cortisonique. Rev Rhum [Ed Fr] 2001 ; 68 :
678-84.
La Lettre du Rhumatologue - n° 294 - septembre 2003
Téléchargement