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O S S I E R
Traitement de la ménopause par les phytohormones
et la tibolone après l’étude de WHI
Treating menopause with phytohormone and tribolone
after the WHI study
! P. Marès, S. Ripart-Neveu*
L
e traitement de la ménopause est devenu, apparemment, un espace de conflit entre les tenants d’un traitement et leurs opposants. La particularité de ce
débat est de limiter la prise en charge de la ménopause à l’un
ou l’autre des paramètres évalués par les études, qui abordent
rarement une prise en charge globale des femmes.
Si l’étude WHI (Women’s Health Initiative) a été particulièrement médiatisée, les risques du THS sur le sein étaient déjà
connus depuis la méta-analyse d’Oxford en 1997. L’apport
nouveau de la WHI a été de préciser que le THS n’a pas
d’effet sur la prévention du risque vasculaire, contrairement à
ce qu’avaient annoncé de nombreuses études préalables pourtant conduites par d’éminents épidémiologistes.
Toutefois, la WHI confirme l’effet protecteur du THS au
niveau osseux et à l’égard du cancer du côlon puisque, face aux
8 cas supplémentaires du cancer du sein pour 1 000 femmes
suivies pendant 10 ans, on doit opposer la diminution de 8 cas
de cancer colique, dont on connaît l’évolution particulièrement
grave, pour 1 000 femmes suivies pendant 10 ans.
La ménopause constitue une période charnière de la vie de la
femme marquée par des événements physiques et/ou psychiques dont l’impact doit être évalué. La prise en charge doit
tenir compte de l’incidence sur la vie quotidienne et des risques à
venir mais aussi des possibilités thérapeutiques, aucun traitement
n’ayant la capacité de tout traiter et/ou prévenir.
Le traitement de la ménopause ne se limite donc pas à l’utilisation simple du THS mais doit être multicarte avec le choix
entre THS, phytohormones, tibolone, SERM, acupuncture,
traitement symptomatique, homéopathie… sans hésiter à envisager des associations entre ces différentes possibilités.
La question, en fait, n’est pas de savoir s’il faut ou non prescrire le THS, mais de préciser si une femme est gênée par sa
ménopause et quelle est la solution qui paraît la meilleure en
raison de son histoire, de son contexte et de son vécu.
Il n’y a donc pas une opposition simpliste entre ceux qui sont
pour le traitement ou ceux qui sont contre le traitement.
* Service de gynécologie obstétrique, CHU de Nîmes, rue Pr Robert-Debré
30000.
La Lettre du Gynécologue - n° 283 - juin 2003
En clinique, on se retrouve, en fait, devant trois types de situation :
– des femmes qui vont bien et pour lesquelles une surveillance
doit être proposée (prévention mammaire, osseuse, cardiovasculaire, génito-urinaire, cancer de l’endomètre…) ;
– des femmes qui sont invalidées par les troubles de la ménopause
et qui bénéficieront d’un THS personnalisé, adapté et évolutif
dans le temps en fonction de la tolérance et des symptômes ;
– des femmes gênées par leur ménopause et qui refusent le THS
de principe ou présentent une contre-indication relative au THS
ou pour laquelle une adaptation du traitement reste difficile.
Dans le cadre de cette présentation, nous nous intéresserons
essentiellement à ce troisième groupe.
Le choix du traitement se fera autour de deux questions essentielles :
– quand peut-on proposer ces thérapeutiques ?
– sur quelle base leur efficacité est-elle démontrée ?
LES PHYTOHORMONES
Quand proposer ce traitement ?
– En périménopause, lorsqu’il existe des bouffées de chaleur
alors même que la sécrétion d’estradiol ovarienne persiste, les
phyto-estrogènes constituent une solution efficace et simple à
gérer.
– En postménopause récente, les femmes qui refusent par principe ou par peur des effets secondaires du THS. Lorsque le
THS est difficile à équilibrer pour des fibromes, des mastodynies, une endométriose…
• Parce que les bouffées de chaleur sont minimes et peu invalidantes et qu’il n’y a pas de prise en charge à prévoir au niveau
d’un risque ostéoporotique.
• Parce que l’on hésite à prescrire un THS chez une femme
avec des antécédents familiaux directs de cancer du sein.
• Parce que persistent les bouffées de chaleur malgré un THS
dont la dose ne peut être augmentée en raison, par exemple, de
mastodynies.
• Parce que l’on veut essayer un relais thérapeutique après un
délai d’utilisation du THS pour savoir si ce dernier doit être
poursuivi.
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• Parce que l’on a décidé d’arrêter le THS et qu’il persiste des
bouffées de chaleur peu invalidantes.
Action des phytohormones
Au niveau clinique
– De nombreuses études ont confirmé l’efficacité des phytohormones en ménopause sur les symptômes de la lignée vasomotrice :
Albertazzi et al. (Obstet Gynecol, 1998) obtiennent une diminution de 45 % des bouffées de chaleur versus placebo pour des
femmes ayant au moins 7 bouffées de chaleur par jour.
– Drapier Faure et al. (Maturitas, 2002) confirment une réduction
nette des bouffées de chaleur sous phytohormones, diminuant de
65,8 % contre 32,4 % sous placebo.
– Albert et al. (Phytomédecine, 2002) démontrent une efficacité des phytohormones sur les troubles du sommeil, l’anxiété
et la sécheresse vaginale, avec une réduction de 61 % contre
32,6 % sous placebo pour les troubles du sommeil, de 39,53 %
à 33 % sous placebo pour l’anxiété, de 52,48 % contre seulement 31,8 % sous placebo pour la sécheresse vaginale.
Mécanisme d’action
L’action des phytohormones s’appuie sur une meilleure
connaissance des récepteurs à l’estradiol et la découverte de
deux types de récepteurs RE-α et RE-β. Les phytohormones
ont une affinité plus importante plus les RE-β. Il apparaît également que la conformation adaptée par les récepteurs RE-β en
présence de génistéine est différente de celle adaptée en présence d’estradiol 17 β, ce qui modifie les interactions physiques du récepteurs β et l’action moléculaire.
L’action des phytohormones est également modulée par la
densité des récepteurs α et β qui varie d’un tissu à l’autre.
Enfin, l’expression du récepteur β est prédominante dans le
tissu normal par rapport au tissu cancéreux dans de nombreux
tissus (Pujol et al. Cancer Res, 1998).
L’action des phytohormones est donc fonction :
– de l’expression des récepteurs α et β dans les tissus ;
– du composé considéré (génistéine, datséine, etc.) ;
– du tissu cible.
Les phytohormones peuvent être prescrites sous forme de
gélules, mais aussi sous forme de crème à utilisation locale
pour la prévention de la sécheresse vaginale.
LA TIBOLONE
Quand prescrire ?
Les indications de la tibolone sont :
– la prise en charge de la ménopause confirmée symptomatique ;
– toutes les indications évoquées pour les phytohormones à
l’exception des patientes refusant un traitement hormonal. En
revanche, les femmes ayant une contre-indication relative pour
fibrome, endométriose, mastodynie et THS peuvent bénéficier
de ce traitement ;
– les indications peuvent être plus spécifiques à la tibolone,
telle que la persistance d’une sécheresse vaginale malgré un
traitement bien conduit ;
– la diminution de la libido ;
– des bouffées de chaleur avec un risque d’ostéoporose ;
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– une mastodynie et/ou une surveillance mammaire radiologique difficile en raison de seins denses ;
– un bilan métabolique limite au niveau du cholestérol ou des
triglycérides.
Mécanisme d’action
La tibolone est un dérivé 19-nortestostérone, elle est administrée
avec une prise quotidienne par voie orale.
La tibolone est métabolisée en dérivé 3-α et 3-β-hydroxytibolone
qui circule sous forme sulfatée. On trouve également de faibles
taux circulants résiduels de tibolone et d’un autre métabolique qui
est le delta 4 isomère qui a, pour sa part, un effet progestatif et faiblement androgénique.
Les dérivés 3-α et 3-β-OH sont des produits avec des effets estrogéniques se fixant sur les récepteurs RE-α. Certains tissus, comme
l’endomètre, transforme les dérivés 3-β-OH et 3-α par conversion
en delta 4 isomère qui est un produit sans effet estrogénique.
La tibolone exerce donc un effet androgénique faible au niveau
hépatique, un effet estrogénique sur la majorité des tissus estrogéno-sensibles, à l’exception des tissus produisant le delta 4 isomère comme l’endomètre et le sein.
Au niveau du sein, la tibolone bloque, par ailleurs, la sulfatase et
la 17-β hydroxydrogénase, réduisant ainsi le passage du sulfate
d’estrone vers l’estrone puis vers l’estradiol qui réduit le taux
d’estradiol tissulaire.
La prescription de la tibolone doit respecter les règles de contreindication et constitue une proposition efficace pour toutes les
indications préalablement envisagées.
L’apparition du traitement hormonal de la ménopause a représenté la première solution efficace et reconnue des symptômes les
plus classiques de la ménopause, en particulier vasomoteurs.
L’efficacité dans la prévention des troubles à moyen et long terme
est démontrée essentiellement pour l’ostéoporose.
Actuellement, la prise en charge de la ménopause ne saurait se limiter à l’utilisation du traitement hormonal de la ménopause, mais
s’inscrit dans la prise en charge globale de la ménopause qui doit
utiliser, à côté du THS, toutes les solutions thérapeutiques que nous
avons envisagées, sans oublier les possibilités telles que les SERM.
Le traitement de la ménopause, qui ne constitue pas une prévention du vieillissement, devrait être instauré à la suite d’un interrogatoire qui dépistera les symptômes et mesurera l’incidence de
ces derniers sur la vie quotidienne.
L’interrogatoire et l’examen clinique permettront de préciser le
souhait de la patiente, son attente, ses questions par rapport aux
différentes solutions proposées et aux risques suspectés pour la
patiente aussi bien pour sa santé que pour les traitements.
La consultation doit toujours favoriser le dépistage (frottis, mammographie, ostéo-densitométrie, problèmes génito-urinaires). Le
traitement sera prescrit dans le cadre d’une approche globale en
insistant sur les conseils d’hygiène de vie tels que l’alimentation, maintien d’une activité physique suffisante, arrêt du tabac
et de l’alcool…
À l’issue, dans la mesure où le THS ne peut pas être prescrit
ou n’est pas souhaité par la patiente, on pourra faire appel aux
phytohormones ou à la tibolone dans le cadre des indications
qui ont été envisagées.
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La Lettre du Gynécologue - n° 283 - juin 2003
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