LE THÉORÈME DE FINITUDE DE WIESEND
par
Jean-Baptiste Teyssier
Cette note détaille la preuve du théorème de finitude de Wiesend suivant [Ker11].
Théorème. — Soit Xun schéma arithmétique régulier et soit Uun sous-groupe
normal ouvert du groupe de classe C(X)de X. Alors Uest d’indice fini dans C(X)(1).
Ce résultat a fait l’objet de l’exposé de Giulia Battiston au séminaire "Théorie du
corps de classe en dimension supérieure et ramification" organisé par Hélène Esnault.
1. Preuve du théorème de finitude
On commence par faire quelques remarques générales. On utilisera librement les
notations de [Ker11]. Soit x∈ |X|. On note Nxl’ordre de la classe de xdans C(X)/U.
Par théorème d’existence faible [Ker11, 7.3], il suffit de borner cet ordre pour x
variant dans |X|.
1.1. Interprétation galoisienne de Nx. Stratégie d’attaque. On se donne
x∈ |X|et on note κ(x)le corps résiduel de OX,x. Si Uprovient d’un sous-groupe
ouvert Vde πab
1(X), la commutativité du diagramme
Zx//
Gκ(x)
C(X)//
πab
1(X)
C(X)/U //πab
1(X)/V := G
(1)C’est nécessaire si l’on veut bien croire que Uprovient d’un sous-groupe ouvert de πab
1(X).
2J.-B. TEYSSIER
assure que Nxs’interprète comme l’ordre de l’image de Frobxdans le groupe de Galois
Gdu revêtement de Xassocié à V. Donc
(1.1.1) HomCont(πab
1(X), G)'H1(X, G)
donne l’inégalité
Nxord(πab
1(X)G)H1(X, G)
Le point est que l’on dispose toujours du membre de droite de (1.1.1).
Si i:CXest une courbe arithmétique tracée sur Xdont xest un point régulier,
on peut appliquer la théorie du corps de classe au sous-groupe ouvert i1
(U)de C(C).
Le caractère injectif de
C(C)/i1
(U)C(X)/U
montre que l’ordre de xdans C(C)/i1
(U)est Nx. Si Gest le groupe de Galois du
revêtement de Cassocié à i1
(U), alors Nxest l’ordre de Frobxdans G(2) et on a
NxH1(C, G)
Il est néanmoins illusoire de pouvoir borner les H1(C, G)car
(1) Cvarie sur toutes les courbes sur X.
(2) On a pas vraiment de contrôle sur G.
Une façon de minimiser le problème (1) est de diminuer la liberté du choix de Cen
feuilletant Xsuivant des courbes. C’est possible grâce aux bons voisinages d’Artin
[Gro73, XI 3.1]. Le prix à payer pour cela est la nécessité de travailler localement sur
Xét. Cette réduction sera faite en 1.2.
Pour contrôler Gdans une certaine mesure, on peut exploiter l’observation que
C(X)/U est un groupe abélien de torsion en écrivant sa décomposition -primaire
C(X)/U 'MC(X)/U`
avec UU`qui est tel que les ordres des éléments de C(X)/U`sont des puissances
de . Si on s’est ramené à démontrer le théorème de finitude pour U`, c’est un pro-
grès vis-à-vis du problème (2) car alors Gpeut être supposé de la forme Z/n. Cette
réduction sera traitée en 1.4.
On peut même considérer tous les Z/nd’un coup en considérant Q`/Z`'lim
Z/n.
Pour Ccourbe courant sur l’ensemble des fibres de la fibration d’Artin envisagée, on
aspire à montrer que la collection des entiers
H1(C,Q`/Z`)'lim
H1(C,Z/n)
est majorée, où l’identification provient de [Gro72, VII 3.3]. On sera à même de
mener ceci à bien seulement sur un sous-ensemble assez gros de |X|. Ce sera l’objet
de 1.6. Une subtile application du théorème de Chebotarev permettra néanmoins de
conclure.
(2)En particulier, Nxest fini et ainsi le groupe C(X)/U est de torsion.
LE THÉORÈME DE FINITUDE DE WIESEND 3
1.2. Réduction au cas d’une fibration d’Artin. Par définition, le morphisme
XSpec Zest de type fini avec Xrégulier. En particulier, XQest lisse de type
fini sur Q. Alors [Gro73, XI 3.3] prédit l’existence d’un ouvert Y XQet d’un
diagramme commutatif
(1.2.1) Yj////
p
##
Y
p
Z
i
oo
pZ
{{
W
Spec Q
avec
(a) pprojectif lisse à fibres géométriques irréductibles de dimension 1.
(b) Wlisse(3) de dimension dim X1.
(c) pZétale.
Puisque tous les schémas intervenant dans (1.2.1) s’écrivent à l’aide d’un nombre fini
d’équations, on peut supposer que (1.2.1) est défini sur un corps de nombre K.
Par le même argument de finitude, on peut supposer que (1.2.1) est défini sur un
ouvert de Spec OK. Mais attention ! Ce faisant, on y perd éventuellement la lissité
des schémas en jeu ainsi que (c)et la lissité de pdans (a). Ceci peut néanmoins se
réparer en rétrécissant cet ouvert convenablement. On note Sle schéma ainsi obtenu,
qu’on peut toujours supposer étale sur Spec Z.
Yj////
p$$
Y
p
Z
i
oo
pZ
{{
W
Spec K//
Yj////
p%%
Y
p
Z
i
oo
pZ
zz
W
Spec OK
Yj////
p
Y
p
Z
i
oo
pZ
~~
W
ooS
Alors, Yest un ouvert de XScomme cherc(4), avec XSXétale.
1.3. Comportement par morphisme étale. Ainsi, pour pouvoir se ramener
au cas d’une fibration d’Artin, on doit démontrer que si f:X0Xest un mor-
phisme étale induisant un revêtement galoisien de son image, alors le théorème de
finitude vaut pour Udès qu’il vaut pour le sous-groupe ouvert f1
(U)de C(X0).
(3)West de plus construit comme ouvert d’un certain espace projectif sur Q. En particulier, W
provient par extension des scalaires d’un schéma lisse sur un corps de nombre.
(4)Idest avec (a),(b),(c)satisfaits (Ok pour (b)et (c), mais comment voir dans (a)que les fibres
géométriques de psont encore irréductibles?)
4J.-B. TEYSSIER
Pour le voir, on part de la suite exacte courte
(1.3.1)
0//C(X0)/f1
(U)//C(X)/U //C(X)/(f(C(X0)) + U)//0
et on suppose que le membre de gauche de (1.3.1) est fini. Par théorème d’existence
faible, il suffit de montrer que C(X)/U est d’exposant fini. Par exactitude, il suffit
pour cela de montrer que le membre de droite de (1.3.1) est d’exposant fini.
Or par définition du morphisme f:C(X0)C(X), pour tout point xX0, on
af(x) = [κ(f(x)) : κ(x)]f(x). Puisque l’entier [κ(f(x)) : κ(x)] divise le degré ddu
morphisme étale f, on en déduit que le morphisme
d·:C(X)/(f(C(X0)) + U)C(X)/(f(C(X0)) + U)
s’annule sur le sous-groupe
H:= Im yf(X0)ZyC(X)/(f(C(X0)) + U)
de C(X)/(f(C(X0)) + U). Or par régularité de X, on sait d’après [Ker11, 4.5] que
Hest dense dans C(X)/(f(C(X0))+U). On en déduit(5) que C(X)/(f(C(X0))+U)
est d’exposant d.
1.4. Réduction au cas U=U`. — D’après 1.3 et 1.2, on peut supposer que X
est fibré en courbes. Avec les notations de 1.2, on peut alors raisonner par récurrence
et supposer que le théorème de finitude est acquis pour W.
Commençons par une observation d’ordre général. Par théorème de Katz-Lang(6)
[KL81], le terme de gauche de la suite exacte(7)
0//Ker //πab
1(X)//πab
1(W)//0
est fini. Quitte à effectuer un changement de base de la situation via un morphisme
étale W0Widoine (ce que l’on peut toujours faire par 1.3), on peut toujours
supposer d’après [GD67, 17.16.3] que le morphisme p:XWadmet une section
s. On en déduit une identification
πab
1(X)'Ker ×s(πab
1(W))
(5)Ce n’est pas totalement immédiat car C(X)n’est même pas séparé, donc il n’est par exemple
pas vrai que deux applications f, g :C(X)C(X)coïncidant sur un sous-ensemble dense sont
égales. Par contre, pour tout sous-groupe ouvert Ude C(X), le quotient C(X)/U est séparé. Pour
le voir, notons π:I(X)C(X)le morphisme canonique. On a C(X)/U 'I(X)1(U). Or
I(X)est séparé, et puisque π1(U)est un sous-groupe ouvert de I(X), cela en est aussi un sous-
groupe fermé. On conclut alors avec le fait que le quotient d’un groupe topologique séparé par un
sous-groupe topologique fermé est séparé.
Dans le cas qui nous occupe, f(C(X0)) + Uest ouvert dans C(X)car Ul’est.
(6)Toutes les conditions sont réunies: quitte à rétrécir W(c’est loisible par 1.3), on peut supposer
psurjectif, West connexe et normal par propriété de permanence des morphismes lisses [Gro71, I
3.1], etc.
(7)L’exactitude à droite n’est pas totalement triviale. Voir [KL81, Lemme 2].
LE THÉORÈME DE FINITUDE DE WIESEND 5
En particulier, si Uprovient d’un sous-groupe ouvert Vde πab
1(X), on a
Ker 'πab
1(X)/s(πab
1(W)) ////πab
1(X)/V C(X)/U
?_
oo
dès que Vcontient s(πab
1(W)). Par commutativité du diagramme
C(X)//
πab
1(X)
C(W)//
s
>>
πab
1(W)
s
``
et par U=ρ1(V), c’est équivalent à dire que Ucontient s(C(W)). En terme galoi-
sien, c’est juste dire que la restriction à Wdu revêtement étale de Xassocié à Vest
triviale.
On observe que l’inclusion s(πab
1(W)) Vpeut toujours être obtenue après chan-
gement de base étale sur Wassocié au sous-groupe s1
(V)de πab
1(W), qui est aussi
le groupe associé à s1
(U)par la théorie du corps du classe pour les schémas arith-
métiques de dimension <dim X.
On en déduit que si on écrit la décomposition -primaire
C(X)/U 'MC(X)/U`, U U`
de C(X)/U et si on suppose que le théorème de finitude vaut pour les ouverts U`,
alors C(X)/U`est fini pour tout et trivial pour presque tout dès que l’inclusion
s(C(W)) Uvaut. Cela donne exactement la finitude de C(X)/U.
Il ne reste qu’à se ramener au cas où Ucontient s(C(W)). Il faut pour cela
trouver le bon revêtement étale de W. Etant donnée la discussion précédente, il est
maintenant aisé à deviner: par récurrence, on sait que s1
(U)est d’indice fini dans
C(W)donc par théorème d’existence faible, s1
(U)provient d’un sous-groupe ouvert
Vde C(W). Notons fW:W0Wle revêtement étale de Wassocié à V, et
considérons le diagramme cartésien
X0fX//
X
W0
fW
//
s0
;;
W
s
dd
D’après 1.3, il suffit de montrer le théorème de finitude pour f1
X(U). En contemplant
les diagrammes commutatifs
C(X0)//C(X)
C(W0)//
s0
OO
C(W)
s
OOC(W0)//
πab
1(W0)
C(W)//πab
1(W)
on a la chaine d’égalités
s0−1
f1
X(U) = f1
Ws1
(U) = f1
Wρ1
W(V) = ρ1
W0f1
W0(V) = ρ1
W0(πab
1(W0)) = C(W0)
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