avons rapporté, à notre connaissance, le premier cas de
cancer chromophobe bifocal. Les cancers chromo-
phobes diffèrent sur ce point des carcinomes à cellules
conventionnelles qui sont multifocaux dans 14% des
cas [6] et bilatéraux dans 1,4 à 5% des cas [16].
La particularité majeure du cancer chromophobe est
la rareté des formes métastatiques. Seuls 2 cas d'at-
teinte ganglionnaire synchrone ont été rapportés dans
la littérature [3, 21]. De même, un seul cas de méta-
stase synchrone a été décrit : il s'agissait d'un volu-
mineux cancer chromophobe à contingent sarcoma-
teux associé à une localisation pulmonaire [1]. Il
semble donc que le cancer chromophobe soit moins
souvent diagnostiqué à un stade métastatique que les
autres types de cancer du rein, qui s'accompagnent,
tous types confondus, de métastase(s) synchrone(s)
dans 11 à 28% des cas [8].
Le cancer chromophobe est le plus souvent limité au
rein (stades pT1 et pT2) et de bas grade nucléaire. Le
taux de cancers limités au rein est, tous types histolo-
giques confondus, d'environ 60% [6, 9]. Or, la majorité
des auteurs rapportent pour les cancers chromophobes
un taux supérieur à 80% [2, 5, 7, 17]. Seul THOENES a
rapporté un taux plus faible, égal à 53% [21]. Aucun
cas de thrombus cave n'a été décrit pour cette tumeur,
bien que 2 cancers dépassant le fascia de Gerota aient
été rapportées [21, 23]. Le taux de tumeurs de bas grade
nucléaire (grades 1 et 2) varie, dans les différentes
séries publiées, de 64% (18) à 100% [7].
Le stade tumoral et le grade nucléaire étant les deux prin-
cipaux facteurs pronostiques indépendants du cancer du
rein [8, 9, 10], ces constatations pourraient expliquer le
faible taux de récidives locales et de métastases lors de
l'évolution. Seuls 4 cas de récidive locale de cancer chro-
mophobe ont été rapportés dans la littérature [1, 7, 13].
Deux d'entre eux concernaient des tumeurs initiales sar-
comatoïdes. De même, peu de métastases de cancer chro-
mophobes ont été décrites. C
R O T T Y
a rapporté 2 cas de
métastases osseuses survenant sur un cancer limité au
rein et un cancer T3 [7]. K
I K U C H I
a rapporté 1 cas de
métastases hépatiques multiples traitées par chimio-
embolisation puis chirurgie [15]. Enfin, R
E N S H AW
a rap-
porté 7 cas de métastases, dont 5 hépatiques et 2 pulmo-
naires [18]. Les 2 métastases pulmonaires étaient d'origi-
ne discutable car elles correspondaient à des tumeurs
mixtes associant un cancer papillaire.
Le taux de survie à 5 ans des cancers rénaux, tous types
histologiques confondus, est d'environ 60% [8]. Celui
du cancer chromophobe paraît meilleur, comme en
témoigne notre série. Les taux de survie à 5 ans rap-
portés par ONISHI et THOENES sont respectivement de
82% [17] et 92% [21].
Le taux de décès lié au cancer chromophobe est nul
dans la majorité des séries publiées. Dans les autres, il
est toujours faible, variant de 2% [7] à 4% [21], et cor-
respond toujours à des tumeurs qui dépassaient la cap-
sule au moment du diagnostic.
Il semblerait donc licite, dans les cas où un examen
extemporané mettrait en évidence une tumeur chromo-
phobe, et en l'absence d'impossibilité technique, de
limiter l'intervention à une néphrectomie partielle.
Cependant, l'existence de formes tumorales mixtes
associant cancer chromophobe et carcinome à cellules
claires [3, 23] doit inciter à la prudence. En effet, la
méconnaissance d'un contingent de cancer à cellules
conventionnelles lors de l'examen extemporané expo-
serait au risque de récidive locale ou de métastase. De
plus, plusieurs cas de formes sarcomatoïdes ayant un
fort potentiel évolutif ont été décrits [1, 12 ,13, 14]. Ces
formes de cancer chromophobe, volontiers métasta-
tiques [1] et sources de récidives précoces [1, 13], ont
un pronostic très péjoratif.
CONCLUSION
Nos résultats sont comparables à ceux des séries déjà
publiées. Le carcinome rénal à cellules chromophobes
se caractérise par un taux élevé de tumeurs de stade
limité et de bas grade nucléaire. Les formes métasta-
tiques ou récidivantes sont exceptionnelles. Cette
tumeur semble avoir un un taux de survie à 5 ans supé-
rieur aux autres cancers du rein, sauf lorsqu'elle possè-
de un contingent sarcomatoïde. Une étude prospective
comparant cancers chromophobes et carcinomes à cel-
lules conventionnelles de stades et de grades identiques
permettrait de savoir si le type histologique "chromo-
phobe" constitue un facteur pronostique indépendant.
Remerciements : au Dr. Sharon Deslignères sans qui
ce travail n'aurait pu être réalisé.
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