ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 Cancer du rein à cellules chromophobes, une entité à part entière. A propos d’une série de 35 cas Michaël PEYROMAURE (1) Service (1), Nicolas THIOUNN (1), Annick VIEILLEFOND (2), Gonzagues de PINIEUX Marc ZERBIB (1), Thierry FLAM (1), Bernard DEBRÉ (1) d’Urologie, (2) Service (2), d’Anatomo-Pathologie, Hôpital Cochin, Paris, France RESUME Objectif: Décrire les caractéristiques cliniques, histologiques et évolutives du cancer du rein à cellules chromophobes. Patients et Méthodes: Les dossiers de 35 patients opérés d'un cancer du rein à cellules chromophobes ont été revus. Il s'agissait de 22 hommes et 13 femmes, d'un âge moyen de 58±13,8 ans. Les circonstances diagnostiques et l'aspect histologique de cette tumeur ont été analysés. L'évolution des patients a été étudiée avec un suivi moyen de 70±20,2 mois. Résultats: Le diagnostic était fortuit dans 66% des cas. L'aspect macroscopique des tumeurs était caractéristique : homogène et de couleur blanche ou beige . En microscopie optique, les tumeurs se composaient de cellules chromophobes (claires) et de cellules éosinophiles en proportions variables. Elles se répartissaient en 15 tumeurs à prédominance éosinophile (43%), 9 tumeurs à prédominance claire (26%) et 11 tumeurs à nombre égal de cellules claires et éosinophiles (31%). Les noyaux étaient irréguliers et incisurés. La coloration de Hale était positive dans tous les cas. La majorité des tumeurs étaient limitées au rein ( T1: 65% et T2: 29%) et de bas grade nucléaire (91% de grades 1 et 2). Aucun patient n'a eu de récidive locale ou de métastase lors du suivi. Le taux global de survie à 5 ans était de 92%. Aucun décès lié à la maladie n'a été rapporté. Conclusion: Le diagnostic histologique du cancer chromophobe est devenu facile et peut être évoqué dés l'examen macroscopique de la pièce opératoire. Cette tumeur semble être de bon pronostic parce qu'elle est le plus souvent limitée au rein et de bas grade nucléaire. Mots clés : Cancer du rein, chromophobe, stade TNM, grade de Führman, pronostic. Le cancer du rein a une incidence croissante qui s'élève en France à environ 5000 nouveaux cas par an [6, 16]. Son type histologique le plus fréquent est le carcinome à cellules claires, ou carcinome à cellules conventionnelles, qui représente 65 à 80% des tumeurs rénales de l'adulte [16, 25]. Le pronostic du cancer du rein est lié au stade tumoral et au grade nucléaire [9, 10]. Depuis 1985, un nouveau type de tumeur rénale a été individualisé : le carcinome à cellules chromophobes, ou cancer chromophobe du rein. Ce type histologique n'est pas rare puisqu'il est retrouvé sur 3,6 à 10,4% des pièces de néphrectomie pour cancer [2, 23]. Une malignité réduite a été attribuée à cette tumeur [7]. Nous avons revu 35 cas consécutifs de cancer chromophobe du rein dans le but d'étudier ses caractéristiques cliniques, radiologiques, anatomo-pathologiques et évolutives. MATERIEL ET METHODES Les dossiers de 35 patients opérés consécutivement d'un cancer du rein à cellules chromophobes entre janvier 1989 et novembre 1998 ont été revus. Ces dossiers appartenaient à une série consécutive de 440 néphrectomies pour tumeur réalisées durant la même période. Les patients se répartissaient en 22 hommes et 13 femmes. Leur âge au moment du diagnostic était de 58 ± 13,8 ans (extrêmes: 33-82). Le traitement a consisté en une Manuscrit reçu : août 2000, accepté : décembre 2000. Adresse pour correspondance : Pr. N. Thiounn, Service d’Urologie, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg Saint Jacques, 75014 Paris. e-mail : nicolas.thiounn@cch-ap-hop-paris-fr 209 M. Peyromaure et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 néphrectomie élargie dans 33 cas (dont 7 avec surrénalectomie) et une néphrectomie partielle dans 2 cas. Les 2 néphrectomies partielles ont été réalisées pour des tumeurs polaires : une de 5 cm classée oncocytome en examen extemporané et l'autre de 4 cm classée cancer chromophobe en extemporané. Tous les patients ont eu un examen tomodensitométrique abdominal sans puis avec injection de produit de contraste. Les tumeurs étaient hétérogènes et de densité proche de celle du reste du parenchyme rénal. Elles prenaient le contraste, à l'exception d'un cas où le rein était entièrement envahi. Le rein droit était touché dans 19 cas et le rein gauche dans 16 cas. Quinze tumeurs étaient de siège médio-rénal. Les autres tumeurs étaient situées aux pôles (3 polaires supérieures et 6 polaires inférieures), dans la convexité (1 cas) ou dans le hile rénal (9 cas). Une tumeur volumineuse occupait la totalité du parenchyme rénal. Toutes les pièces histologiques ont été relues secondairement par le même anatomo-pathologiste. Chaque pièce a été ét udiée en colorati on standard (Hématoxyline-éosine-safran) et au fer colloïdal marqué (coloration de Hale). Le diagnostic de cancer chromophobe a été retenu sur les critères morphologiques des cellules claires et des cellules éosinophiles et confirmé par la coloration de Hale [11, 22]. Trois cancers avaient l'aspect radiaire d'un oncocytome. Le stade tumoral était attribué selon la dernière classification TNM proposée en 1997 par l'Union Internationale Contre le Cancer. Le grade nucléaire était attribué selon la méthode de Führman. Les tumeurs ont été classées en 3 types cellulaires : le type clair (contenant plus de 75% de cellules claires), le type éosinophile (contenant plus de 75% de cellules éosinophiles) et le type à cellularité mixte. La taille moyenne des tumeurs était de 6±2,3 cm. Douze cancers avaient une taille inférieure à 4 cm, 12 cancers avaient une taille comprise entre 4 et 7 cm, et 11 cancers avaient une taille supérieure ou égale à 7 cm. Huit patients ont eu une Imagerie par Résonance Magnétique. Celle-ci révélait un hypersignal en T2 dans tous les cas et concluait à une lésion maligne, sans pouvoir orienter le diagnostic histologique. Tous les patients ont été revus régulièrement avec une échographie ou tomodensitométrie abdominale et une radiographie pulmonaire. Cinq patients ont été perdus de vue. Parmi eux, 1 patient n'a jamais été revu et les 4 autres ont été perdus de vue après une surveillance moyenne de 9 mois. La durée moyenne du suivi était de 70±20,2 mois (extrêmes: 13-121). Le taux de survie a été calculé par la méthode statistique de Kaplan-Meier. Bilan d'extension Une radiographie pulmonaire a été réalisée dans tous les cas, une échographie hépatique dans 26 cas, et une scinti graphie osseuse dans 1 cas. Le bilan d'extension était négatif dans tous les cas. Aucun patient n'avait de métastase synchrone, ganglionnaire ou à distance. RESULTATS Au terme du bilan, les tumeurs se répartissaient en : Fréquence - 12 pT1a N0M0 Le cancer chromophobe représentait 8% des 440 tumeurs rénales opérées durant la période de l'étude. - 11 pT1b N0M0 Circonstances diagnostiques -2 La découverte du cancer était fortuite (échographie ou examen tomodensitométrique) dans 66% des cas. Chez les patients symptomatiques, les signes révélateurs étaient : une hématurie dans 6 cas, une lombalgie dans 4 cas et une masse du flanc dans 4 cas (dont une qui s'accompagnait d'une varicocèle). Aucun cas d'altération de l'état général ni de fièvre paranéoplasique n'était rapporté. Aucun patient n'avait d'anémie, d'hypercalcémie ni de polyglobulie. Etude macroscopique Aspects radiologiques Toutes les tumeurs étaient bien circonscrites, constituées de travées et/ou de massifs cellulaires séparés par un stroma fin. Une capsule péri-tumorale était présente dans 25 cas (dont 5 cas où la capsule était partielle). - 10 pT2 N0M0 pT3a N0M0 (Figure 1) La couleur était blanc-nacré ("ivoire") dans 19 cas, beige claire ("chamois") dans 15 cas et brune foncée dans 1 cas (Figure 2). Seize tumeurs contenaient des zones nécrotiques et 9 contenaient des zones hémorragiques. Architecture générale En échographie, les tumeurs correspondaient à une masse unique et hyperéchogène. Aucune étude Doppler n'a été réalisée. 210 M. Peyromaure et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 Figure 1. Répartition des stades tumoraux dans notre série (en %). Figure 2. Cancer chromophobe du rein : limité, homogène, de couleur blanc ivoire (aspect macroscopique). Figure 3. Cancer chromophobe du rein - variante mixte : coexistence de cellules claires et éosinophiles (HES x 40). Figure 4. Cancer chromophobe du rein : coloration de Hale : positivité cytoplasmique diffuse (Hale x 40). Figure 5. Cancer chromophobe du rein : Microvésicules intra cytoplasmiques (ME). 211 M. Peyromaure et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 Extension tumorale Suivi Deux tumeurs s'accompagnaient de micro-emboles vasculaires dans le hile, sans extension aux gros vaisseaux. Il n'existait aucun cas de thrombus de la veine rénale ou de la veine cave. La graisse péri-rénale était envahie dans 2 cas (tumeurs pT3a). Cinq patients ont été perdus de vue. Deux patients sont décédés d'une cause non liée au cancer (cardio-vasculaire) plus de 2 ans après l'intervention. Aucun patient n'a eu de récidive dans la loge de néphrectomie. Aucun patient n'a eu de métastase au cours de la surveillance. Etude des cytoplasmes Le taux global de survie à 5 ans était de 92%. Le taux de décès liés à la maladie était de 0%. Une coexistence de cellules claires et éosinophiles était rapportée dans 30 cas (86%). Les cellules claires étaient de grande taille, à cytoplasme transparent souvent réticulé. Les cellules éosinophiles étaient plus petites et parfois granuleuses (Figure 3). Les types cellulaires se répartissaient en 15 tumeurs éosinophiles (43%), 9 tumeurs claires (26%) et 11 tumeurs mixtes (31%). Une microvacuolisation des cytoplasmes était présente dans 30 cas. Une hypervisibilité membranaire était notée dans 25 cas. Il existait de nombreuses mitochondries, en particulier dans les cellules éosinophiles. En raison du faible nombre de décès, la survie n'a pu être corrélée ni au stade tumoral, ni au grade nucléaire, ni au type cellulaire. DISCUSSION Décrit en microscopie optique couplée à la microscopie électronique par l'équipe de T HOENES en 1985 [20], le cancer rénal à cellules chromophobes est aujourd'hui bien connu et considéré comme une entité à part au sein des tumeurs du rein [25]. Etude des noyaux Les noyaux étaient irréguliers et incisurés dans la majorité des cas. Concernant le grade nucléaire de Fürhman, il y avait 2 tumeurs de grade 1, trente tumeurs de grade 2 et 3 tumeurs de grade 3. Caractérisé par la coexistence de cellules claires et éosinophiles en proportions variables, il se présente sous différentes formes et peut poser un problème de diagnostic différentiel avec le carcinome à cellules conventionnelles ou l'oncocytome. L'aspect macroscopique homogène et limité, et la couleur "ivoire" ou "chamois" sont très évocateurs. En cas de doute, la coloration de Hale permet d'affirmer le diagnostic puisqu'elle marque de manière caractéristique le cytoplasme des cellules, qu'elles soient claires ou éosinophiles [21, 22]. Elle est positive dans 100% des cas dans toutes les séries étudiées. Elle marque en bleu tous les cytoplasmes de façon diffuse. Elle permet de différencier le cancer chromophobe de l'oncocytome dont les cellules ne sont que très faiblement marquées et uniquement par endroits [5], et du carcinome à cellules conventionnelles qui n'est pas marqué. En microscopie électronique, les cellules possèdent de nombreuses microvésicules intracytoplasmiques spécifiques [5, 11, 19] dont l'origine, discutée, est probablement mitochondriale [4, 20]. L'étude en microscopie électronique n'est plus systématique dans la mesure où elle est plus longue et plus coûteuse que la coloration de Hale. Le grade nucléaire n'était corrélé ni au stade tumoral (test de Chi-deux : p=0,20), ni au type cellulaire (p=0,92). L'étude de la ploïdie révélait 23 tumeurs aneuploïdes et 12 tumeurs diploïdes. Coloration de Hale La coloration de Hale était toujours positive, avec marquage diffus et microvacuolaire du cytoplasme. Les pourtours cellulaires étaient rehaussés (Figure 4). Microscopie électronique Une étude ulrastructurale en microscopie électronique a été réalisée pour 2 tumeurs de type éosinophile. Dans les 2 cas, elle a mis en évidence une richesse cytoplasmique en microvésicules et en mitochondries. Les microvésicules étaient constituées d'une membrane simple et leur contenu était vide aux électrons (Figure 5). La fréquence du cancer chromophobe au sein des tumeurs rénales varie de 3,6% [23] à 10,4% [2] selon les séries. Multifocalité Les circonstances de découverte de cette tumeur et ses aspects radiologiques sont dénués de spécificité [7, 17, 21]. Les formes asymptomatiques de découverte fortuite sont fréquentes, représentant 66% des cas de notre étude. Deux patients avaient une seconde tumeur sur le rein retiré. Le premier avait un 2ème cancer chromophobe de 0,3 cm situé à plusieurs centimètres du principal (qui mesurait 4 cm). Le second avait un carcinome à cellules conventionnelles de 0,6 cm à distance du cancer chromophobe (qui mesurait 5 cm). Les formes bilatérales sont exceptionnelles et nous 212 M. Peyromaure et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 avons rapporté, à notre connaissance, le premier cas de cancer chromophobe bifocal. Les cancers chromophobes diffèrent sur ce point des carcinomes à cellules conventionnelles qui sont multifocaux dans 14% des cas [6] et bilatéraux dans 1,4 à 5% des cas [16]. respond toujours à des tumeurs qui dépassaient la capsule au moment du diagnostic. Il semblerait donc licite, dans les cas où un examen extemporané mettrait en évidence une tumeur chromophobe, et en l'absence d'impossibilité technique, de limiter l'intervention à une néphrectomie partielle. Cependant, l'existence de formes tumorales mixtes associant cancer chromophobe et carcinome à cellules claires [3, 23] doit inciter à la prudence. En effet, la méconnaissance d'un contingent de cancer à cellules conventionnelles lors de l'examen extemporané exposerait au risque de récidive locale ou de métastase. De plus, plusieurs cas de formes sarcomatoïdes ayant un fort potentiel évolutif ont été décrits [1, 12 ,13, 14]. Ces formes de cancer chromophobe, volontiers métastatiques [1] et sources de récidives précoces [1, 13], ont un pronostic très péjoratif. La particularité majeure du cancer chromophobe est la rareté des formes métastatiques. Seul s 2 cas d'atteinte ganglionnaire synchrone ont été rapportés dans la littérature [3, 21]. De même, un seul cas de métastase synchrone a été décrit : il s'agissait d'un volumineux cancer chromophobe à contingent sarcomateux associé à une localisation pulmonaire [1]. Il sembl e donc que le cancer chromophobe soit moins souvent diagnostiqué à un st ade métastatique que les autres types de cancer du rein, qui s'accompagnent, tous types confondus, de métastase(s) synchrone(s) dans 11 à 28% des cas [8]. Le cancer chromophobe est le plus souvent limité au rein (stades pT1 et pT2) et de bas grade nucléaire. Le taux de cancers limités au rein est, tous types histologiques confondus, d'environ 60% [6, 9]. Or, la majorité des auteurs rapportent pour les cancers chromophobes un taux supérieur à 80% [2, 5, 7, 17]. Seul T HOENES a rapporté un taux plus faible, égal à 53% [21]. Aucun cas de thrombus cave n'a été décrit pour cette tumeur, bien que 2 cancers dépassant le fascia de Gerota aient été rapportées [21, 23]. Le taux de tumeurs de bas grade nucléaire (grades 1 et 2) varie, dans les différentes séries publiées, de 64% (18) à 100% [7]. CONCLUSION Nos résultats sont comparables à ceux des séries déjà publiées. Le carcinome rénal à cellules chromophobes se caractérise par un taux élevé de tumeurs de stade limité et de bas grade nucléaire. Les formes métastatiques ou récidivantes sont exceptionnelles. Cette tumeur semble avoir un un taux de survie à 5 ans supérieur aux autres cancers du rein, sauf lorsqu'elle possède un contingent sarcomatoïde. Une étude prospective comparant cancers chromophobes et carcinomes à cellules conventionnelles de stades et de grades identiques permettrait de savoir si le type histologique "chromophobe" constitue un facteur pronostique indépendant. Le stade tumoral et le grade nucléaire étant les deux principaux facteurs pronostiques indépendants du cancer du rein [8, 9, 10], ces constatations pourraient expliquer le faible taux de récidives locales et de métastases lors de l'évolution. Seuls 4 cas de récidive locale de cancer chromophobe ont été rapportés dans la littérature [1, 7, 13]. Deux d'entre eux concernaient des tumeurs initiales sarcomatoïdes. De même, peu de métastases de cancer chromophobes ont été décrites. CROTTY a rapporté 2 cas de métastases osseuses survenant sur un cancer limité au rein et un cancer T3 [7]. K IKUCHI a rapporté 1 cas de métastases hépatiques multiples traitées par chimioembolisation puis chirurgie [15]. Enfin, RENSHAW a rapporté 7 cas de métastases, dont 5 hépatiques et 2 pulmonaires [18]. Les 2 métastases pulmonaires étaient d'origine discutable car elles correspondaient à des tumeurs mixtes associant un cancer papillaire. Remerciements : au Dr. Sharon Deslignères sans qui ce travail n'aurait pu être réalisé. REFERENCES 1. AKHTAR M., KFOURY H., KARDAR A., LINJAWI T., KOVACS G. Sarcomatoïd chromophobe cell carcinoma of the kidney. J. Urol. Pathol., 1996, 4, 155-166. 2. AKHTAR M., LINJAWI T., MAC CLINTOCK J., ASHRAF ALI M. Chromophobe cell carcinoma of the kidney : a clinicopathologic study of 21 cases. Am. Surg. Pathol., 1995, 19, 1245-1256. 3. BILLIS A., CARVALHO R.B., MAGRINI E., MATTOS A.C., NEGRETTI F., NIERO V.R. & coll. Chromophobe renal cell carcinoma : clinicopathological study of 7 cases. Ultrastruct. Pathol., 1998, 22, 19-26. Le taux de survie à 5 ans des cancers rénaux, tous types histologiques confondus, est d'environ 60% [8]. Celui du cancer chromophobe paraît meilleur, comme en témoigne notre série. Les taux de survie à 5 ans rapportés par ONISHI et THOENES sont respectivement de 82% [17] et 92% [21]. 4. BONSIB S.M., LAGER D.J. Chromophobe cell carcinoma : analysis of five cases. Am. J. Surg. Pathol., 1990, 14, 260-267. 5. COCHAND-PRIOLLET B., MOLINIE V., BOUGARAN J., BOUVIER R., DAUGE-GEFFROY M.C., DESLIGNIERES S & coll. Renal chromophobe cell carcinoma and oncocytoma. A comparative morphologic, histochemical, and immunohistochemical study of 124 cases. Arch. Pathol. Lab. Med., 1997, 121, 1081-1086. Le taux de décès lié au cancer chromophobe est nul dans la majorité des séries publiées. Dans les autres, il est toujours faible, variant de 2% [7] à 4% [21], et cor213 M. Peyromaure et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 6. COULANGE C., BRETEAU D. Enquête épidémiologique nationale annuelle sur les tumeurs du rein (avril 1993-mars 1994 : 970 patients). Prog. Urol., 1995, 5, 529-539. 23. 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Thoenes donnait dans ces publications les particularités pathologiques de ce type de cancer, par rapport au cancer à cellules claires, et encore valides actuellement (tableau). Le terme de chromophobe a été utilisé par opposition au cancer classique de l’époque dit chromophile [14]. En microscopie optique à l’hématoxylline éosine, les cellules chromophobes sont peu opaques avec un cytoplasme finement réticulaire. Mais la caractéristique principale est la forte coloration du cytoplasme par le fer colloïdal ou coloration de Hale, par opposition au cancer à cellules claires [1, 11, 14]. Il existe 2 sous-types de cancer à cellules chromophobes, le type clair (70%) et le type éosinophile, en fonction de l’aspect des cellules en microscopie optique [14]. Par ailleurs, certains auteurs ont identifié 2 types de cancers chromophobes éosinophiles : une forme trabéculo-vésiculaire e t une forme oncocytique [5]. L’intérê t pronostique de cette sous-classification n’est pas connue. Depuis les premières publications de Thoenes, il faut reconnaître que peu de progrès dans la connaissance du cancer du rein à cellules chromophobes a été réalisé. Déjà pour Thoenes, cette forme de cancer paraissait de meilleur pronostic que le cancer classique. Ce meilleur pronostic a été confirmé par la suite [9], avec une meilleure survie que le cancer à cellules 12. GOMEZ-ROMAN J.J., MAYORGA-FERNANDEZ F., FERNANDEZ F., VAL-BERNAL J.F. Sarcomatoïd chromophobe cell carcinoma : immunohistochemical and lectin study in one case. Gen. Diagn. Pathol., 1997, 143, 63-69. 13. HES O., MICHAL M., KINKOR Z., TOMES P., ZUCHOVA M., NAPRAVNIK I. Sarcomatous chromophobe cell renal carcinoma. 2 case reports. Cesk. Pathol., 1999, 35, 15-19 (abstract). 14. JOUBERT M., CASSAGNAU E., BOULLANGER P., LABOISSE C., BUZELIN F. Variante sarcomatoïde du carcinome renal à cellules chromophobes. Ann. Pathol., 1997, 17, 392-395. 15. KIKUCHI E., TANOMOGI H., HASEGAWA S., SHIMIZU K., YAMATAKA K., MIYAKITA M. 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Cytopathol., 2000, 22, 3-6. conventionnelles et un faible risque métastatique [8, 10]. Les méthodes diagnostiques se sont complétées par la positivité des immunomarquages, cytokératine 18, 7, 19 et plus récemment 7 [7]. Comme les autres types de cancers à cellules rénales, il peut avoir une différenciation sarcomatoïde, qui pourrait expliquer l’agressivité de certains cancers chromophobes publiés dans la littérature [12]. 4. KOVACS G., AKHTAR M., BECKWITH B.J ., BUGERT P., COOPER C.S., DELAHUNT B., EBLE J. N. , FLEMING S. , LJUNGBERG B., MEDEIROS L.J., MOCH H., REUTER V.E., RITZ E., ROOS G., SCHMIDT D., SRIGLEY J.R., STORKEL S., VAN DEN BERG E., ZBAR B. The Heidelberg classification of renal cell tumours. J. Pathol., 1997, 183, 131-133. Les pr oblè mes posés actuellement par les cancers du re in à cellule s chromophobe s sont : le diagnostic pré-opératoire, le diagnostic différentiel, le s aspects génétiques, la f ilia tion adé nom e oncocytaire- cance r chrom ophobe et le tra ite ment conservateur. 5. LATHAM B., DICKERSIN G.R., OLIVA E. Subtypes of chromophobe cell renal carcinoma : an ultrastructural and histochemical study of 13 cases. Am. J. Surg. Pathol., 1999, 23, 530-535. 6. LECHEVALLIER E., ANDRE M., BARRIOL D., DANIEL L., EGHAZARIAN C., DE GROMONT M., ROSSI D., COULANGE C. Fine-needle percutaneous biopsy of renal masses with helical-CT guidance. Radiology, 2000, 216, 506-510. La moindre agressivité tumor ale de ces tumeur s pour rait justifie r leur diagnostic pré -opératoire afin d’ adapter le traitement. Il ne se mble pas exister de signe r adiologique spécifique de c e type tumoral. La cyto-aspira tion ou la ponction biopsie pour rait être utilisée avec fiabilité [6, 15], mê me pour différencier cancer chromophobe et adénome oncocytaire. Le s diagnostics différentiels à évoquer sont le ca ncer à cellules conventionnelles pour le type chr omophobe à cellules cla ires mais surtout l’a dénome oncocytaire pour la forme é osinophile. Dans ce c as, l’intensité et le type de coloration de s ce llules pa r le fer colloïdal [11] e t les immunomarqua ges [1] permettent de faire la différence même sur des biopsies per cutanées [6]. L’analyse extemporanée de la tumeur, lors d’une chir urgie conservatric e ne paraît pas suffisamm ent spécifique pour pouvoir être utilisée dans le diagnostic différentiel. En cytogénétique, la carac tér istique du cancer à cellule s chromophobes est la perte des chr omosome s 1, 2, 6, 10, 13, 17 et 21 [4, 6]. C es monosomies existe nt dans 50-98% de s c ancer s c hr omophobes [2]. Certaines de ce s anomalies peuvent s’observer dans les adé nomes oncocyta ires [16] . Ce tte similitude c ytogénétique peut faire évoquer une filiation entre l’adénome oncocyta ire et le cancer chrom ophobe. Par ailleurs, ces 2 tum eur s semblent impliquer la pa rticipation des m itoc hondries. Du fait de cette proximité histo-génétique, la bé nignité de l’ adénome oncocytaire nécessite d’être confirm ée par des études de suivi et de survie à long te rme. 7. LEROY X., MOUKASSA D., COPIN M;C., SAINT F., MAZEMAN E., GOSSELIN B. Utility of cytokeratin 7 for distinguishing chromophobe renal cell carcinoma from renal oncocytome. Eur. Urol., 2000, 37, 484-487. 8. LJUNGBERG B., ALAMDARI F.I., STENLING R., ROOS G. Pronostic significance of the Heidelberg classification of renal cell carcinoma. Eur. Urol., 1999, 36, 565-569. 9. MOCH H., GASSER T., AMIN M.B., TORHORST J., SAUTER G., MIHATSCH M.J. Prognostic utility of the recently recommended histologic classification and revised TNM staging system of renal cell carcinoma : a Swiss experience with 588 tumors. Cancer, 2000, 89, 604-614. 10. SANZ PEREZ G., AROCENA GARCIA-TAPIA J., ZUDAIRE BERGERA J.J., DIEZ-CABALLERO F., MARTIN-MARQUINA A., RODRIGUEZ-RUBIO CORTADELLAS F., ROSELL-COSTA D., ROBLES J.E., B ERIAN POLO J.M. Chromophobe carcinoma of the kidney. Actas Urol. Estp., 1999, 23, 323-326. 11. SKINNIDER B.F., JONES E.C. Renal oncocytoma and chromophobe renal cell carcinoma. A comparison of colloidal iron staining and electron microscopy. Am. J. Clin. Pathol., 1999, 111, 796-803. 12. TARDIO J.C. Chromophobe cell renal carcinomas with sarcomatoid areas. Histopathology, 2000, 36, 184-185. 13. THOENES W., STORKEL S., RUMPELT H.J. Human chromophobe cell renal carcinoma Virchows. Arch. B Cell. Pathol. Incl. Mol. Pathol., 1985, 48, 207-217. Actuellement, le traitement standard reste la néphrectomie élargie mais le bon pronostic du cancer à cellules chromophobes pourrait justifier une chirurgie rénale conservatrice, peut-être même quelle que soit la taille [1 bis]. Cependant, peu ou pas de données existent sur ce sujet concernant l’évolution après chirurgie conservatrice du cancer chromophobe ni même le taux de multifocalité du cancer chromophobe. Dans ce travail, les auteurs rapportent un taux de multifocalité de 2/35, dont un cas est un cancer à cellules conventionnelles associé, soit un taux de 1/35 (3%). 14. THOENES W., STORKEL S., RUMPELT H.J., MOLL R., BAUM H.P., WERNER S. Chromophobe cell renal carcinoma and its variants - a report on 32 cases. J. Pathol., 1988, 155, 277-287. 15. WIATROWSKA B.A., ZAKOWSKI M.F. Fine-needle aspiration biopsy of chromophobe renal cell carcinoma and oncocytoma : comparison of cytomorphologic features. Cancer, 1999, 87, 161-167. 16. ZAMBRANO N.R., LUBENSKY I.A., MERINO M.J., LINEHAN W.M., WALTER M.M. Histopathology and molecular genetics of renal tumors toward unification of a classification system. J. Urol., 1999, 162, 1246-1258. REFERENCES 1. COCHAND-PRIOLLET B., MOLINIE V., BOUGARAN J., BOUVIER R., DAUGE-GEFFROY M.C., DESLIGNIERES S., FOURNET J.C., GROS P., LESOURD A., SAINT-ANDRE J.P., TOUBLANC M., VIEILLEFOND A., WASSEF M., FONTAINE A., GROLEAU L. Cancer du rein chromophobe et oncocytome : étude comparative morphologiq ue, histochimique et immunohis tochimique d’une série de 124 cas. Arch. Pathol. Lab. Med., 1997, 121, 1081-1086. ____________________ SUMMARY Clear cell renal carcinoma: a distinct entity, based on a series of 35 cases. Objective:To describe the clinical and histological characteris tics and natural history of clear cell renal carcinoma. 1 bis. COULANGE C., RAMBEAUD J.J. Cancer du rein de l’adulte. Prog. Urol., 1997, 5, 723-910. 215 M. Peyromaure et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 209-216 Patients and Methods: The case files of 35 patients (22 men and 13 women, with a mean age of 58 ± 13.8 years) operated for clear cell renal carcinoma were reviewed. The circumstances of diagnosis and the histological features of the tumour were ana lysed. The outcome of the patients was studied with a mean fol low-up of 70 ± 20.2 months. ted. Hale stain was positive in every case. The majority of tumours were confined to the kidney (T1: 65% and T2: 29%) with a low nuclear grade (91% of grades 1 and 2). No patient developed local recurrence or metastasis during follow-up. The overall 5-year survival rate was 92%. No death related to the disease was reported. Results: The diagnosis was incidental in 66% of cases. The Conclusion: The histological diagnosis of clear cell renal can macroscopic appearance of the tumour was characteristic: cer is now easy and can be suggested even on macroscopic exa homogeneous and beige or white colour. On light microscopy, mination of the operative specimen. This tumour appears to have tumours were composed of variable proportions of clear cells a good prognosis, as it is usually confined to the kidney with a and eosinophilic cells. The were classified as 15 predominantly low nuclear grade. eosinophilic tumours (43%), 9 predominantly clear cell tumours Key-Words: renal cancer, clear cell, TNM stage, Führman (26%) and 11 tumours composed of equal number of clear cells and eosinophilic cells (3 1%). Nuclei were irregular and inden - grade, prognosis ____________________ 216