ter un trouble latent de l’excitabilité sera effectuée dans les cir-
constances suivantes :
1. anomalies franches (conduction, rythme) à l’ECG ou au holter ;
2.
présence de signes fonctionnels (palpitations, malaises, pré-
cordialgies), même si l’exploration électrocardiographique est
normale ;
3.
en cas d’intervention chirurgicale sous anesthésie générale.
Lazarus et al. (5) ont, sur ces critères, effectué un enregistrement
endocavitaire chez 83 patients. Un allongement du HV était
trouvé chez 75 % des patients, supérieur à 70 ms, dans 41 % des
cas. Onze patients sur 20 avaient des anomalies de conduction
infrahissienne, alors que l’ECG de surface était normal. Dans
41 % des cas, une arythmie auriculaire était induite. Le pour-
centage était de 18 % pour les arythmies ventriculaires, avec un
âge moyen de survenue de 31 ans, très significativement plus bas
que chez les patients sans arythmie.
Le déclenchement d’une arythmie ventriculaire comme des tachy-
cardies ventriculaires polymorphes ou des fibrillations ventricu-
laires était associé à l’existence d’anomalies morphologiques et
métaboliques cardiaque en IRM (6). L’existence d’un substrat
anatomique détectable pour ces arythmies induites, habituelle-
ment jugées comme non spécifiques, témoigne probablement de
leur signification pronostique particulière dans cette affection
génétique à haut risque de mort subite (6).
Dans notre expérience, en cas d’allongement du HV supérieur
à 70 ms, la mise en place d’un pacemaker est fortement recom-
mandée, même chez des patients asymptomatiques. Il faut
impérativement recourir à un matériel possédant des mémoires
holter, qui permettent d’enregistrer les événements conductifs et
rythmiques. L’amiodarone est le traitement de choix des troubles
du rythme, qu’ils soient supraventriculaires ou ventriculaires. Les
antiarythmiques de classe IC sont formellement contre-indiqués.
À côté de l’atteinte cardiaque, les autres facteurs de gravité sont
l’intensité de la faiblesse, qui peut conduire au fauteuil roulant,
l’insuffisance respiratoire (par dysfonctionnement diaphragma-
tique), les troubles de déglutition. Ces facteurs, qui peuvent s’as-
socier, rendent compte du mauvais pronostic de la DM avec une
diminution franche de la durée de vie, en moyenne autour de 50-
55 ans (4).
La mutation responsable de la maladie est une expansion d’un
triplet nucléotidique CTG situé dans la région 3’non traduite
d’un gène localisé sur le chromosome 19, codant pour une
protéine-kinase . Le nombre de triplets CTG, grossièrement cor-
rélé à la gravité de la DM, dépasse toujours 50 chez le patient
DM (sujet normal : entre 5 et 35). La taille du triplet augmente
de génération en génération, ce qui explique une tendance à l’ag-
gravation de la maladie d’une génération à l’autre (phénomène
d’anticipation). Les corrélations entre la longueur de la mutation
et la sévérité des troubles de conduction et des troubles ryth-
miques sont discutées (5, 7). La fonction et les cibles de la myo-
tonine-kinase codée par le gène DM restent mal connues.
Le diagnostic de DM s’appuie sur la formule clinique, les anté-
cédents familiaux (myopathie, cataracte, faiblesse musculaire,
mort subite inexpliquée), et trouve une confirmation définitive
par la détection de la mutation sur échantillon sanguin. Cette
détection est systématique pour confirmer le diagnostic, y compris
chez des sujets asymptomatiques qui sont susceptibles de transmettre
la maladie et de développer des complications de la maladie.
Emery-Dreifuss
La myopathie d’Emery-Dreifuss est une dystrophie beaucoup
plus rare que le Steinert et que les myopathies de Duchenne et de
Becker, débutant habituellement dans l’enfance. Cette dystro-
phie est aisément reconnaissable par sa formule clinique asso-
ciant une cardiopathie et une atteinte musculaire peu déficitaire
avant tout marquée par des rétractions des coudes (bloqués en
flexion), du cou et des chevilles.
L’atteinte cardiaque associe une cardiopathie dilatée avec
dysfonction ventriculaire, des troubles de la conduction auri-
culo-ventriculaire et intraventriculaire, ainsi que des troubles
rythmiques avec une fréquence particulièrement élevée de la
fibrillation auriculaire. Le risque de mort subite est très élevé,
y compris chez des patients porteurs de pacemaker, du fait de
troubles du rythme ventriculaire (8, 9). Comme pour la dystro-
phie myotonique, aucune corrélation n’est retrouvée entre
l’atteinte musculaire squelettique et les troubles cardiaques. L’at-
teinte cardiaque peut être isolée dans des familles où d’autres
sujets présentent l’atteinte musculaire (8).
La transmission est variable, soit de type récessif lié à l’X, soit
de type autosomique dominant. Cette hétérogénéité génétique
s’explique par le fait que deux gènes sont en cause, le premier
situé sur le chromosome X (Xp28), codant pour l’émerine, le
second situé sur le chromosome 1 (locus 1q11-23), codant pour
la lamine, qui est déficiente dans la forme dominante d’Emery-
Dreifuss. Les mutations sont très variées pour les deux gènes.
Dans les formes dues à une anomalie de la lamine (laminopa-
thies), la survenue de néomutations est fréquente, rendant compte
de cas sporadiques. Lamine et émerine sont deux protéines voi-
sines, situées dans la membrane nucléaire. D’autres mutations du
gène de la lamine ont été rapportées dans des tableaux différents
de l’Emery-Dreifuss :
1.
cardiomyopathie dilatée isolée particulière par la transmission
dominante et l’association à des troubles rythmiques et conduc-
tifs (8, 9) ;
2.
une forme de myopathie des ceintures de transmission domi-
nante sans rétractions tendineuses et avec cardiopathie dilatée
avec troubles conductifs et rythmiques (Van der Kooy).
Le diagnostic de l’Emery-Dreifuss repose sur le phénotype
clinique musculaire rétractile, la cardiomyopathie dilatée avec
troubles conductifs et rythmiques et le mode de transmission.
S’il s’agit d’une forme liée à l’X, la recherche de l’anomalie pro-
téique sera effectuée : mise en évidence d’une absence d’éme-
rine sur le muscle (absence d’immunomarquage des noyaux et
Western-Blot) et/ou lignées lymphoblastoïdes (Western-Blot),
puis détection de la mutation sur le gène de l’émerine. S’il s’agit
d’une forme dominante, le déficit protéique n’étant pas actuelle-
ment identifiable, c’est l’étude directe des mutations du gène de
la lamine qui sera réalisée. S’il s’agit d’une forme sporadique,
la détection tissulaire de l’émerine sera effectuée ; si elle est nor-
male, la recherche de mutation de la lamine sera pratiquée. La
même démarche sera proposée devant une cardiopathie dilatée
avec troubles conductifs et /ou rythmiques.
La Lettre du Cardiologue - n° 355 - mai 2002
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