Approche socio-historique de la construction du Réseau de Cancérologie Aquitaine : Premiers résultats. LYNDA SIFER 1. Le RCA : un contexte favorable à sa création Le contexte de mise en place du réseau se caractérise par trois points clés : 1. Un contexte politique légitimant et impulsant la dynamique « réseau » : Les ordonnances du 24 Avril 1996 La circulaire du 24 mars 1998 Le soutien des tutelles 2. Un contexte régional favorable : « un réseau informel pré-existant » : Les professionnels de santé fonctionnaient déjà avec des institutions et/ou des libéraux : habitudes de travail et identités d’intervention déjà constituées Ce que les médecins désignent « le réseau de copains » - maillage pré-existant 3. Une initiative « médicale » 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 2 2. Les étapes formelles de la construction du réseau 1. Généralités Objectifs : Permettre aux malades d’accéder à la même qualité de soins, quel que soit l’établissement ou le médecin que le patient rencontre au départ de sa prise en charge. En favorisant la collaboration ou coordination des professionnels de santé => le réseau est centré essentiellement sur l’activité de soins Contexte : Quelques réseaux informels et formels à un niveau local Pas de réseaux informels au niveau régional Plusieurs sites sanitaires Soutien des tutelles régionales Volonté individuelle de certains praticiens 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 3 2. Les étapes formelles de la construction du réseau 2. Deux grands axes participent à la construction du réseau de façon simultanée et interactive : a)La construction structurelle du réseau : Définition des objectifs du réseau Elaboration des documents fondateurs (cahiers de charge, charte de qualité, règlement intérieur, etc.) Définition du fonctionnement du GIP et du réseau : composition – rôle Désignation d’un président, d’un directeur et d’un coordinateur du réseau Principes généraux de fonctionnement des UCPO Etc. => Elaboration de l’identité organisationnelle du RCA b) Les moyens - axes organisationnels mis en place pour atteindre les objectifs du réseau La mise en place des UCPO et des CPS (missions, etc. mise en place progressivement de secrétariat d’UCP) La mise en place des GTR (une dizaine est opérationnelle depuis 2002) Le projet SIRCA (composant du projet « télésanté Aquitaine ») => La réussite de chacune des parties étant étroitement liées. 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 4 2. Les étapes formelles de la construction du réseau On en déduit que le réseau s’est construit autour : D’une délimitation objective des tâches de chaque professionnel de santé par des textes précis qui détermine l’étendue et la nature des compétences de chacun L’importance des procédures (toutes situations particulières qui peuvent se référer à un texte général – charte par exemple), toujours en cours de construction. => Il s’organise simultanément sur un niveau vertical des échanges obligés et un niveau horizontal de relations qui va engendrer échange et synergie. L’organisation régionale s’apparente ainsi à une structure divisionnalisée : Organisée en fonction des sites – UCPO Organisée en fonction d’axes de travail précis : La concertation pluridisciplinaire L’élaboration de référentiels régionaux 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 5 3. Conditions nécessaires initiales 1. Généralités : La construction du réseau : Ne se limite pas à une construction organisationnelle Se comprend par et dans un processus complexe S’analyse par l’appropriation que les professionnels de santé en ont Repose sur de nombreux liens interprofessionnels informels L’organisation formelle du réseau a favorisé et a été favorisée par l’émergence d’une identité culturelle spécifique qui s’appuie sur : Une nouvelle approche du pouvoir Une nouvelle approche de la hiérarchie Un nouveau rapport au partage de l’information => qui entraîne un processus de réorganisation de la prise en charge du malade et qui participe à modifier le travail médical (culture, pratique, etc.) 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 6 3. Conditions nécessaires initiales 2. Trois notions importantes caractérisent sa construction : a) La notion de pouvoir : Le réseau signifie une dilution du pouvoir entre tous ses membres car : Chaque membre du réseau participe pour partie à une décision (UCPO, GTR, Décision du bureau, etc) Pour partie à son exécution b) La notion de hiérarchie La dilution du pouvoir implique une absence de hiérarchie « classique » au bénéfice d’une organisation marquée par un besoin de coordination non autoritaire c) La notion d’information Le réseau signifie un nécessaire partage transversal de l’information ( objectifs du SIRCA par exemple ) => Le réseau se construit autour de l’idée de la délégation du pouvoir : forme de distribution du pouvoir radicalement opposée à des structures strictement verticales. 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 7 3. Conditions nécessaires initiales Ces notions nous permettent d’identifier les fondements de la construction du réseau : Identification d’une activité commune : une activité médicale intéressant les professionnels de santé La reconnaissance et l’acception de valeurs communes Un « paradigme » partagé Des modus communs (notamment au travers de la mise en place de référentiels communs) Le réseau s’est construit autour : ⇒ D’un accord sur un projet commun Un objectif clairement affirmé Le réseau a ainsi pu produire autre chose que lui-même : c’est-à-dire autre chose que sa forme purement organisationnelle 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 8 3. Conditions nécessaires initiales 3. Des volontés individuelles de certains praticiens indispensables à sa construction Le profil des « initiateurs » du réseau semble avoir un impact important et favorable à l’adhésion de l’ensemble des membres du réseau. Les caractéristiques de ces personnes sont fréquemment citées de la manière suivante : « Consensuel » « Représentatif de l’ensemble des praticiens » : c’est-à-dire exerçant en établissement public ou privé Facilitant les ajustements locaux « Neutre » « Disponibilité » Le réseau s’initie sur un petit groupe de médecins cancérologues : Facilitant l’adhésion des établissements et/ou des médecins cancérologues libéraux Facilitant le compromis et la négociation Facilitant la diffusion d’une première culture commune Les initiateurs créent dès le début des premiers standards souples permettant de : Décider de ce qui est Décider de ce qui peut être Décider de ce que l’on peut faire et de comment on peut le faire ensemble 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 9 3. Conditions nécessaires initiales 4. Un contrat tacite Le réseau doit répondre au minimum à : Ne pas déséquilibrer le recrutement direct des patients Un niveau d’activités communes et un niveau de contrôle nécessaire mais sans qu’il soit localisé et nominatif individuellement A répondre aux attentes des médecins et non pas aux attentes des « tutelles » « ne pas traiter avec l’ennemi » (extrait d’entretien) Respecter l’autonomie individuelle Il favorise de fait des mises en synergie d’acteurs individuels plus que d’institutions (qui impliquent un risque de conflit de représentation institutionnelle) : Qui dynamise la mise en place des actions concrètes (comme l’élaboration des référentiels régionaux ou la participation à des RCP) Qui entraîne l’implication progressive de plus en plus de professionnels => Cette mise en place induit dans les faits un rapport complexe à la « centralité » du réseau et à sa pérennisation. 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 10 3. Conditions nécessaires initiales 5. Des rapports de confiance précaires La construction du réseau correspond à la réorganisation des liens qui unissaient les différents professionnels : elle crée une nouvelle forme d’action collective entre les professionnels de santé caractérisée par un fort degré d’incertitudes. Pour autant, nombreux sont ceux qui interrogent l’utilité du réseau par rapport à d’autres formes de réorganisation du travail médical. Cette « méfiance » renvoie: Aux notions de pouvoir et de hiérarchie Aux notions d’information et de savoir En effet, le besoin d’une forme de hiérarchie est parfois ressentie dans le but de contrôler les incertitudes inhérentes aux réseaux : Perte de patients Un nouveau pouvoir naissant : celui des coordinateurs Des alliances entre certains établissements Les doutes relatifs à la pérennisation financière du réseau Les doutes relatifs aux enjeux du réseau La redéfinition de la compétence (en corrélation avec la notion d’évaluation / en rapport avec la construction de la réputation) 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 11 3. Conditions nécessaires initiales Ces rapports de confiance précaires participent de la construction particulière du réseau : les formes de régulation correspondent à ce dont les professionnels ont besoin, à ce que les professionnels définissent et négocient. => Il s’agit « d’un ordre négocié » : opérant parce que les relations en son sein sont majoritairement perçues comme utiles des relations en perpétuelle négociant évoluant dans un environnement complexe et mouvant 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 12 Conclusion Le RCA s’est construit sous la forme d’une structure divisionnalisée. Son organisation et son fonctionnement correspondent à une « adhocratie » : c’est-à-dire qu’elle repose sur des ajustements mutuels et locaux permanents par excès de sa complexité et de son environnement dus à : Sa taille importante : le niveau de la région Son âge : organisation récente Ses formes de distribution de l’autorité et du pouvoir : ambiguës et en négociation permanente. 2ème Journée Régionale du RCA – 28 novembre 2003 LYNDA SIFER 13