naire continente, de plasties diverses utilisant le tube digestif,
le péritoine, l’épiploon ou des lambeaux musculo-cutanés. Cet
arsenal de techniques doit être connu des chirurgiens qui opè-
rent des cancers gynécologiques, ou ceux-ci doivent constituer
une équipe chirurgicale réunissant ces compétences. Dans ce
groupe, l’anesthésiste-réanimateur a une place capitale pour
prendre en charge les patientes dans des unités de soins post-
opératoires adaptées aux suites de cette chirurgie majeure.
Aujourd’hui cependant, le traitement des tumeurs solides, et en
particulier gynécologiques, est de plus en plus souvent pluri-
disciplinaire. Une série de publications récentes vient par
exemple de montrer l’efficacité de l’association radiothérapie-
chimiothérapie, préopératoire ou non, dans les cancers du col
volumineux et/ou envahissant les paramètres. La chimiothéra-
pie est indispensable au traitement des cancers avancés de
l’ovaire après l’opération. La combinaison des traitements
demande parfois la coopération directe et simultanée de deux
acteurs : c’est le cas, par exemple, de la radiothérapie ou de la
curiethérapie peropératoire, réalisée conjointement par le chi-
rurgien et le radiothérapeute, et qui peut se révéler intéressante
pour certains cancers du col avancés ou certaines récidives pel-
viennes. De même, la chimiothérapie ou l’immunothérapie
intrapéritonéale, séduisante pour les cancers de l’ovaire, néces-
site la collaboration étroite du chirurgien et de l’oncologue
médical. Même si l’efficacité réelle de ces traitements reste
difficile à mesurer, ils bénéficient très probablement à cer-
taines patientes et doivent être réalisés dans les meilleures
conditions de qualité et de sécurité.
Il est de la responsabilité du gynécologue qui reçoit les
patientes d’organiser cette pluridisciplinarité. C’est à lui de
regrouper les différents spécialistes compétents dans le
domaine des tumeurs gynécologiques. Il est important que le
radiothérapeute et l’oncologue médical aient une expertise par-
ticulière en gynécologie. Le radiothérapeute doit participer,
conjointement avec le gynécologue, à l’évaluation clinique ini-
tiale de l’extension locale d’une tumeur utérine et savoir
apprécier les caractéristiques anatomiques qui vont condition-
ner sa technique, et particulièrement l’application de la curie-
thérapie. L’oncologue médical doit savoir gérer les problèmes
hormonaux ou de fertilité qui peuvent résulter du traitement
anti-mitotique. Le chirurgien gynécologue doit organiser la
concertation de ces différents spécialistes. À partir de celle-ci,
des stratégies diagnostiques et thérapeutiques générales sont
définies conformément aux données scientifiques actuelles, et
sont adaptées à chaque cas particulier. Cette concertation per-
manente permet aussi la formation continue de l’équipe, cha-
cun des acteurs pouvant faire bénéficier les autres des progrès
de son domaine spécifique. En cancérologie, c’est une notion
capitale, car le caractère transversal de cette spécialité permet
d’appliquer à un type de tumeur une stratégie qui s’est révélée
bénéfique dans un autre domaine. C’est le cas, par exemple, de
l’association radio-chimiothérapie, reconnue pour le traitement
du cancer du canal anal, et qui se révèle intéressante pour les
cancers vulvaires évolués. C’est le cas aussi de l’intensifica-
tion de la chimiothérapie avec support hématopoïétique utili-
sée pour de nombreuses tumeurs solides chimiosensibles, et
applicable au cancer de l’ovaire.
Les traitements anticancéreux deviennent de plus en plus com-
plexes et ont tendance à s’éloigner de la spécialité d’organe. À
titre d’exemple, l’allogreffe de moelle osseuse a récemment
été proposée pour traiter certaines tumeurs solides chimiorésis-
tantes en comptant sur l’effet thérapeutique de la réaction
immunologique du greffon contre l’hôte : nous l’avons réalisée
chez une jeune patiente porteuse d’un cancer de l’ovaire réci-
divant et nous avons constaté une réponse spectaculaire, qui se
prolonge depuis plusieurs mois.
Ainsi, dans de nombreuses circonstances, il n’existe pas de
standard thérapeutique, et des essais cliniques sont nécessaires.
Il est important que la réflexion du groupe de gynécologie
oncologique envisage aussi ces essais, soit pour participer à
ceux qui sont proposés par d’autres, soit pour les élaborer et
les promouvoir. De l’adhésion du groupe à un essai dépendra
l’inclusion des patientes et le succès de celui-ci.
La réflexion du groupe doit également porter sur les stratégies
de diagnostic, de dépistage et de prévention, car il est certain
qu’un diagnostic précoce est une source de progrès capital per-
mettant des thérapeutiques plus simples, moins coûteuses,
moins agressives et plus efficaces.
Le groupe doit en outre envisager le suivi et la surveillance ulté-
rieure, ainsi que les soins palliatifs et le soutien psychologique,
qui peut être nécessaire à toutes les étapes de la maladie. Là
encore, une compétence particulière des intervenants en gynéco-
logie est souhaitable, et permet une prise en charge mieux adap-
tée. Il doit enfin réfléchir sur l’information des patientes et de
leur famille, qui doit, à chaque étape, être aussi claire et com-
plète que possible afin que, dans l’idéal, la femme puisse deve-
nir une véritable partenaire de sa prise en charge thérapeutique.
La gynécologie oncologique est donc une “sub-spécialité” aux
aspects multiples et parfois très complexes. Elle fait intervenir
de nombreux “sub-spécialistes”, organisés entre eux à l’initia-
tive du “gynécologue oncologue”. Elle se trouve au carrefour
d’une spécialité d’organe, la gynécologie, et d’une spécialité
transversale, la cancérologie, et le bon fonctionnement du
groupe doit permettre l’interpénétration des connaissances, des
techniques et du savoir-faire des deux spécialités.
Ce groupe peut fonctionner idéalement dans une institution ou
dans un regroupement d’institutions, mais c’est surtout la
capacité des femmes et des hommes qui le composent à tra-
vailler ensemble qui en fera le succès.
Le but de l’équipe spécialisée en gynécologie oncologique est
de prendre en charge les femmes atteintes de cancers génitaux
de façon continue et globale depuis la prévention jusqu’à la
guérison et la réinsertion ou aux soins palliatifs pour leur assu-
rer les soins les plus performants, les plus sûrs et la meilleure
qualité de vie possible. ■
POUR EN SAVOIR PLUS...
❒Piana L. Une conception actuelle de la lutte contre le cancer : la “cancéro-
logie de spécialité”. L’exemple de l’oncologie gynécologique et mammaire dans
les centres hospitaliers régionaux. Bull Cancer 1995 ; 82 : 97-100.
❒Philip T. Organisation de la cancérologie. Bull Cancer 1995 ; 82 : 101-5.
❒Hacker N.F. Organization of gynecological cancer care : a time for change.
Inst J Gynecol Cancer 1998 ; 8 : 1-5.
ÉDITORIAL
6
La Lettre du Gynécologue - n° 245 - octobre 1999