Formes héréditaires OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU

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OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
Formes héréditaires
des cancers du rein
I. Coupier, D. Bessis, S. Richard, S. Giraud
État des lieux
Le cancer du rein représente près de 3 % des cancers de l’adulte.
Environ 7 000 nouveaux cas sont découverts chaque année en France.
Les principaux types histologiques comprennent les carcinomes à
cellules claires (75 %), papillaires de type 2 (10 %), papillaires de
type 1 (5 %) et chromophobes (5 %). Les oncocytomes, tumeurs
bénignes, représentent 3 à 5 % des tumeurs rénales. Les prédispositions au cancer du rein peuvent s’inscrire soit dans des syndromes
génétiques, comme la maladie de von Hippel-Lindau (VHL), soit
dans des formes familiales isolées, comme les formes familiales de
cancer du rein à cellules claires associées ou non à des anomalies du
chromosome 3 et les formes familiales de cancer du rein papillaire.
Ces prédispositions héréditaires au cancer du rein représentent 2 à
3 % des cancers rénaux. Des gènes impliqués dans ces prédispositions ont été identifiés. Il est aujourd’hui possible de proposer des
analyses génétiques aux patients atteints (cas index) ainsi qu’à leurs
apparentés, indemnes (analyses génétiques présymptomatiques)
ou non. Une surveillance et un dépistage ciblé peuvent être mis en
place chez les personnes porteuses d’une anomalie génétique (1).
Syndromes génétiques
prédisposant au cancer du rein
nerveux central tous les 2 ans et une IRM ou une TDM des rochers ;
à partir de l’âge de 18 ans, une TDM abdominale puis tous les ans en
alternance échographique, IRM et TDM abdominale (2).
Autres syndromes génétiques
prédisposant au cancer du rein
Certaines maladies génétiques peuvent prédisposer au cancer du
rein, comme les paragangliomes héréditaires associés aux mutations
délétères du gène SDHB, la sclérose tubéreuse de Bourneville, due
aux mutations délétères des gènes suppresseurs de tumeurs TSC1
et TSC2, l’hyperparathyroïdie avec tumeur des mâchoires, due aux
mutations délétères du gène HRPT2 et le diabète MODY 5, dû aux
mutations délétères du gène HMS1β.
Formes familiales de cancer du rein
Cancer du rein à cellules claires familial
Des formes familiales de cancer du rein à cellules claires associées
à une translocation chromosomique ont été rapportées. La translocation implique toujours le chromosome 3.
Cancer héréditaire papillaire de type 1
Il s’agit d’une affection rare, caractérisée par le développement
de carcinomes papillaires de type 1 bilatéraux et multifocaux. Le
plus souvent, la tumeur est isodense au scanner et est invisible en
échographie. Elle se développe le plus souvent dans la cinquième
décennie, mais peut parfois survenir plus tôt. Cette affection est due
à des mutations constitutionnelles activatrices du proto-oncogène
MET, localisé en 7q31, qui code pour un récepteur tyrosine kinase.
Maladie de von Hippel-Lindau
La maladie de VHL est la principale cause de cancer du rein héréditaire. Il
s’agit d’une affection transmise selon un mode autosomique dominant,
avec une pénétrance complète vers l’âge de 60 ans. Les mutations
du gène VHL, identifié en 1993, localisé en 3p25, sont responsables
de la maladie de VHL. Six lésions majeures caractérisent cette pathologie : (1) hémangioblastome du névraxe, (2) hémangioblastome de la
rétine, (3) tumeur du sac endolymphatique, (4) phéochromocytome,
(5) cancer du rein à cellules claires et des kystes du rein et, enfin,
(6) kystes et tumeurs neuro-endocrines du pancréas. Le diagnostic
de VHL est retenu devant au moins deux hémangioblastomes, quelle
que soit leur localisation, devant un hémangioblastome plus une
lésion majeure ou, enfin, devant une seule lésion majeure associée à
une histoire familiale évocatrice. L’analyse moléculaire du gène VHL
peut être indiquée chez les patients présentant l’une de ces lésions,
même isolée, pour écarter ce diagnostic. Le cancer du rein touche
près de 75 % des patients atteints de VHL à 60 ans. L’âge moyen lors
du diagnostic est de 39 ans. Il s’agit toujours de cancers à cellules
claires, le plus souvent bilatéraux et multifocaux. La surveillance
proposée aux patients porteurs d’une mutation comprend à partir
de l’âge de 5 ans un fond d’œil annuel, une échographie abdominale
et des dosages des dérivés méthoxylés annuels à la recherche d’un
phéochromocytome ; à partir de l’âge de 15 ans, une IRM du système
Faits nouveaux
Deux génodermatoses, la léiomyomatose héréditaire cutanée et
utérine et le syndrome de Birt-Hogg-Dubé, dont les gènes, respectivement FH et BHD, ont récemment été identifiés, prédisposent
au cancer du rein.
Léiomyomatose héréditaire cutanée
et utérine
La léiomyomatose héréditaire cutanée et utérine est une affection
à transmission autosomique dominante, dont le gène, FH, localisé
en 1q42.3, code pour la fumarate hydratase, une enzyme mitochondriale qui catalyse la transformation du fumarate en malate (3).
Les léiomyomes cutanés (figure 1, p. 246) sont des tumeurs qui
peuvent être sensibles au toucher, à la pression et au froid. Leur
localisation peut être segmentaire ou diffuse. Elle prédomine
sur le tronc, le cou et les extrémités. Le nombre de léiomyomes
varie de 10 à 100, et leur taille de 0,4 à 2,5 cm. L’âge moyen
au diagnostic est de 25 ans (10-47 ans). L’atteinte cutanée est
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OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
Oncogénétique
associée dans environ 85 %
des cas à une atteinte de
l’utérus. Les léiomyomes
utérins varient en nombre
de 10 à 20 et peuvent
mesurer de 1 à 10 cm.
L’âge moyen au diagnostic
est de 30 ans (18-53 ans).
Dans plus de 50 % des
cas, les léiomyomes
utérins conduisent à une
Figure 1. Léiomyomes cutanés du bras :
multiples nodules érythémateux regrouhystérectomie avant l’âge
pés de façon segmentaire.
de 30 ans. La léiomyomatose cutanée et utérine
prédispose au cancer du rein papillaire de type 2. Il s’agit de tumeurs
de haut grade, de très mauvais pronostic, souvent métastatiques
au moment du diagnostic. Dans la majorité des cas, la tumeur du
rein est solitaire et unilatérale, d’une taille allant de 3,8 à 14 cm.
L’âge moyen au diagnostic est de 44 ans ; cependant, plusieurs cas
de sujets de moins de 30 ans ont été décrits dans la littérature (16,
23, 26 et 28 ans). Le risque cumulé de cancer du rein en présence
d’une mutation délétère du gène FH varie, selon les études, de
15,6 à 24 %. Certains auteurs rapportent un risque de cancer du sein
et de cancer de la vessie, associé aux mutations du gène FH. Ces
données nécessitent d’être confirmées. Une surveillance dermatologique, rénale et gynécologique doit être proposée aux patients
porteurs d’une mutation du gène FH.
Syndrome de Birt-Hogg-Dubé
De transmission autosomique dominante, le syndrome de BirtHogg-Dubé est caractérisé, sur le plan dermatologique, par l’association de tumeurs cutanées à type de fibrofolliculomes (figure 2),
trichodiscomes et acrochordons (4). Ces lésions, non constantes,
apparaissent entre 30 et 40 ans. Elles prédominent sur le visage,
le cou, le haut du thorax et, parfois, le cuir chevelu. Les autres
manifestations cliniques sont des pneumothorax spontanés, des
kystes pulmonaires et des tumeurs rénales de différents types
histologiques : cancers chromophobes le plus souvent, mais aussi
oncocytomes et formes hybrides chromophobes-oncocytomes.
Les cancers du rein à cellules claires et papillaires sont rares.
Le risque de cancer du rein
est multiplié par 7, et l’âge
de survenue de la maladie
est variable. Les tumeurs
peuvent être uniques ou,
le plus souvent, bilatérales et multifocales. Des
atteintes thyroïdiennes et
des polypes coliques ont
également été rapportés,
sans que leur appartenance Figure 2. Fibrofolliculomes du visage :
macules, papules blanc-gris, en dômes
au spectre clinique soit de surface lisse.
actuellement démontrée.
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Une surveillance dermatologique, pulmonaire et rénale doit être
mise en place chez les patients porteurs d’une mutation du gène
BHD. Nous devons nous interroger sur la nécessité de mettre en
place une surveillance thyroïdienne et colique chez ces patients.
Références bibliographiques
1. Richard S, Joly D, Corréas JM et al. Prédispositions héréditaires au cancer rénal. Flammarion Médecine-Sciences éds. Actualités néphrologiques 2006:131-50.
2. Richard S, Parker F, Aghakhani N et al. Von Hippel-Lindau disease: recent advances in
genetics and clinical management. J Neuroradiol 2005;32(3):157-67.
3. Tomlinson IP, Alam NA, Rowan AJ et al. Germline mutations in FH predispose to dominantly inherited uterine fibroids, skin leiomyomata and papillary renal cell cancer. Nat
Genet 2002;30(4):406-10.
4. Birt AR, Hogg GR, Dubé WJ. Hereditary multiple fibrofolliculomas with trichodiscomas
and acrochordons. Arch Dermatol 1977;113(12):1674-7.
Prédispositions génétiques
au cancer chez l’enfant
M. Gauthier-Villars
État des lieux
La plupart des cancers de l’enfant surviennent de façon sporadique, en
dehors de toute histoire familiale, et on ne retient pas de majoration
du risque chez les apparentés par rapport à la population générale.
L’existence d’une maladie génétique sous-jacente ou d’antécédents
familiaux de cancer a tout de même permis d’évoquer la possibilité
de prédispositions génétiques dans certains cas de cancer de l’enfant.
Maladies génétiques
prédisposant au cancer
Des maladies génétiques, et certaines anomalies chromosomiques,
peuvent être associées à une augmentation du risque de cancer dès
l’enfance. Cette augmentation peut être liée aux effets d’un gène
unique ou à un syndrome de gènes contigus. Le diagnostic peut
parfois être difficile, reposant sur l’examen soigneux du patient,
sur l’histoire médicale de ses apparentés et sur des éléments radiologiques, biologiques et cytogénétiques.
Ces maladies sont regroupées en trois classes :
➤ les syndromes avec des anomalies du développement diverses,
comme les prédispositions au néphroblastome (syndromes WAGR,
de Denys-Drash, de Beckwith-Wiedemann, etc.) ;
➤ les hamartomatoses*, associées à un risque tumoral très
variable d’un syndrome à l’autre et qui peut apparaître dès l’enfance
(maladie de Cowden, syndrome de Peutz-Jeghers, etc.) ;
➤ les syndromes de fragilité chromosomique ou maladies cassantes
de l’ADN, qui sont des maladies héréditaires, de transmission autosomique récessive, associées à un risque accru de cancer (ataxie
télangiectasie, syndrome de Bloom, anémie de Fanconi, etc.).
* Maladie liée à l’existence d’hamartomes, lésions correspondant au développement
architectural anormal d’un tissu donné.
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