Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 3-4, mars/avril 2001
44
Une affaire
de diagnostic
Pour ceux qui, cons-
cients de la noblesse de
leur métier et des devoirs
de leur charge, n’ont pas
renoncé à évoquer le dia-
gnostic de maladie de
Creutzfeldt-Jakob
(MCJ), au risque, s’ils
sont hospitaliers, de pro-
voquer une psychose
incontrôlable parmi leur
personnel, d’assister au
débarquement commando des repré-
sentants locaux du CLIN, de déclen-
cher un plan rouge dans l’établisse-
ment, de provoquer un furieux prurit de
“réunionnite” aux plus hauts niveaux
de la structure, de secouer le
Landerneau de la tutelle et, pour finir,
de passer le plus clair de leur temps
plongés dans une copieuse paperasse-
rie, une équipe française (1) a évalué la
validité des critères diagnostiques de la
maladie. Il y a en effet abondance de
critères, puisque trois listes existent sur
le marché. La plus ancienne, américai-
ne, date de 1979 et mérite sans doute
une légère révision. Les plus récentes
sont l’une française et l’autre euro-
péenne. Ces deux dernières ont intro-
duit un critère majeur : l’EEG. De plus,
les critères américains acceptent un
diagnostic probable de MCJ, même si
l’examen neuropathologique est néga-
tif. En comparant le degré de suspicion
diagnostique de MCJ à partir de ces
critères et les résultats autopsiques, il
apparaît que les critères européens et
français permettent moins souvent d’é-
voquer le diagnostic que les critères
américains (sensibilité moindre) ;
mais, en revanche, le diagnostic est
plus souvent exact (spécificité supé-
rieure) (tableau 1). Les nouveaux critè-
res associeront désormais le dosage de
la protéine 14-3-3 dans le LCR, dont la
positivité semble avoir une valeur iden-
tique à celle des complexes pseudo-
périodiques de l’EEG.
1. Brandel JP et al. Diagnosis of
Creutzfeldt-Jakob disease. Effect of
clinical criteria on incidence estimates.
Neurology 2000 ; 54 : 1095-99.
Allô 14-3-3 !
La fameuse protéine 14-3-3, contenue
dans les neurones et les cellules gliales
et relâchée dans le LCR lors de la des-
truction du tissu nerveux, apparaît de
plus en plus comme un élément
incontournable du dia-
gnostic de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob. Une
nouvelle étude émanant
des Pays-Bas (2) le
confirme. Il s’agit du
seul laboratoire batave
dosant cette protéine.
Une corrélation entre la
positivité de la recherche
de protéine 14-3-3 dans
le LCR et le diagnostic
établi de Creutzfeldt-
Jakob a été possible chez
110 patients.
Les résultats sont pro-
bants : positifs chez 32 Creutzfeldt-
Jakob sur 33 (97 %), et seulement chez
10 patients avec une autre pathologie
sur 77 (13 %). Le diagnostic de mal-
adie de Creutzfeldt-Jakob était posé ici
dans les cas de diagnostic neuropatho-
logique, de maladie probable ou possi-
ble. Il y a donc un léger biais dans l’in-
terprétation, mais il faut noter que,
dans les 25 cas où le diagnostic était
autopsique, le dosage de protéine 14-3-
3 était positif. On peut donc considérer
que la sensibilité de cette recherche est
de 97 % et sa spécificité de 87 %.
2. Lemstra et al. 14-3-3 testing in dia-
gnosing Creutzfeldt-Jakob disease. A
prospective study in 112 patients.
Neurology 2000 ; 55 : 514-6.
Les variables de la variante
Avec une augmentation du nombre des
cas de 23 % par an depuis 1994, la
variante bovine de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob représente une
pathologie émergente au Royaume-
* Service de neurologie,
hôpital intercommunal, Créteil.
Au millénaire commençant plane un vent de folie sur
notre alimentation. Les placides bovidés, qui
n’impressionnaient guère que quelques rares phobiques
des bêtes à cornes, objets de la commisération générale
sinon de dérision, effraient désormais les plus courageux.
Les vaches, plus personne ne veut les voir. Pas plus
en tranches que sur pattes, et encore moins dans son
assiette. Tout cela met au premier plan la maladie de
Creutzfeldt-Jakob et sa variante d’origine bovine, qui
figurent (encore) parmi les plus rares des affections
neurologiques.
o-op
n
on
Biblio-Opinion
Maladie de Creutzfeldt-Jakob
P. Verstichel*
Synthèse
thématique
d’articles
commentés