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commentés
Maladie de Creutzfeldt-Jakob
P. Verstichel*
Une affaire
de diagnostic
1. Brandel JP et al. Diagnosis of
Creutzfeldt-Jakob disease. Effect of
clinical criteria on incidence estimates.
Neurology 2000 ; 54 : 1095-99.
2. Lemstra et al. 14-3-3 testing in diagnosing Creutzfeldt-Jakob disease. A
prospective study in 112 patients.
Neurology 2000 ; 55 : 514-6.
Allô 14-3-3 !
Les variables de la variante
La fameuse protéine 14-3-3, contenue
dans les neurones et les cellules gliales
et relâchée dans le LCR lors de la destruction du tissu nerveux, apparaît de
plus en plus comme un élément
Avec une augmentation du nombre des
cas de 23 % par an depuis 1994, la
variante bovine de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob représente une
pathologie émergente au Royaume-
A
Pour ceux qui, conscients de la noblesse de
leur métier et des devoirs
de leur charge, n’ont pas
renoncé à évoquer le diagnostic de maladie de
Creutzfeldt-Jakob
(MCJ), au risque, s’ils
sont hospitaliers, de provoquer une psychose
incontrôlable parmi leur
personnel, d’assister au
débarquement commando des représentants locaux du CLIN, de déclencher un plan rouge dans l’établissement, de provoquer un furieux prurit de
“réunionnite” aux plus hauts niveaux
de la structure, de secouer le
Landerneau de la tutelle et, pour finir,
de passer le plus clair de leur temps
plongés dans une copieuse paperasserie, une équipe française (1) a évalué la
validité des critères diagnostiques de la
maladie. Il y a en effet abondance de
critères, puisque trois listes existent sur
le marché. La plus ancienne, américaine, date de 1979 et mérite sans doute
une légère révision. Les plus récentes
sont l’une française et l’autre européenne. Ces deux dernières ont introduit un critère majeur : l’EEG. De plus,
les critères américains acceptent un
diagnostic probable de MCJ, même si
l’examen neuropathologique est négatif. En comparant le degré de suspicion
* Service de neurologie,
hôpital intercommunal, Créteil.
diagnostique de MCJ à partir de ces
critères et les résultats autopsiques, il
apparaît que les critères européens et
français permettent moins souvent d’évoquer le diagnostic que les critères
américains (sensibilité moindre) ;
mais, en revanche, le diagnostic est
plus souvent exact (spécificité supérieure) (tableau 1). Les nouveaux critères associeront désormais le dosage de
la protéine 14-3-3 dans le LCR, dont la
positivité semble avoir une valeur identique à celle des complexes pseudopériodiques de l’EEG.
incontournable du diagnostic de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob. Une
nouvelle étude émanant
des Pays-Bas (2) le
confirme. Il s’agit du
seul laboratoire batave
dosant cette protéine.
Une corrélation entre la
positivité de la recherche
de protéine 14-3-3 dans
le LCR et le diagnostic
établi de CreutzfeldtJakob a été possible chez
110 patients.
Les résultats sont probants : positifs chez 32 CreutzfeldtJakob sur 33 (97 %), et seulement chez
10 patients avec une autre pathologie
sur 77 (13 %). Le diagnostic de maladie de Creutzfeldt-Jakob était posé ici
dans les cas de diagnostic neuropathologique, de maladie probable ou possible. Il y a donc un léger biais dans l’interprétation, mais il faut noter que,
dans les 25 cas où le diagnostic était
autopsique, le dosage de protéine 14-33 était positif. On peut donc considérer
que la sensibilité de cette recherche est
de 97 % et sa spécificité de 87 %.
u millénaire commençant plane un vent de folie sur
notre alimentation. Les placides bovidés, qui
n’impressionnaient guère que quelques rares phobiques
des bêtes à cornes, objets de la commisération générale
sinon de dérision, effraient désormais les plus courageux.
Les vaches, plus personne ne veut les voir. Pas plus
en tranches que sur pattes, et encore moins dans son
assiette. Tout cela met au premier plan la maladie de
Creutzfeldt-Jakob et sa variante d’origine bovine, qui
figurent (encore) parmi les plus rares des affections
neurologiques.
Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 3-4, mars/avril 2001
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Tableau. Les critères diagnostiques de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
MCJ définie
MCJ probable
Sensibilité
Spécificité
MCJ possible
Sensibilité
Spécificité
Symptômes
cliniques + EEG
Critères de Masters
Critères français
Critères européens
Confirmation neuropathologique
dans le cas d’une démence progressive
avec au moins un des symptômes
cliniques de la liste.
Confirmation neuropathologique
et/ou positivité du marquage
immunocytochimique
de la PrPsc en Western blot
et/ou fibrilles associées à la scrapie
Confirmation neuropathologique
et/ou positivité du marquage
immunocytochimique
de la PrPsc en Western blot
et/ou fibrilles associées à la scrapie
Même présentation clinique,
mais l’examen neuropathologique
ne confirme pas le diagnostic.
95,9 %
17,5 %
Démence progressive, EEG typique :
au moins 2 des 4 symptômes
cliniques listés.
65,3 %
95 %
Démence progressive, EEG typique,
au moins 2 des 4 symptômes
cliniques listés.
65,3 %
95 %
Histoire clinique évoquant
une démence progressive, avec :
– myoclonies et une évolution
de moins de 3 ans ;
– un membre de la famille ayant une MCJ
définie ou probable transmissible ;
– au moins 2 des symptômes cliniques listés
ainsi qu’une atteinte prédominante et
précoce du neurone moteur périphérique
(forme amyotrophique de MCJ).
98,5 %
10 %
Démence progressive,
au moins 3 des 4 symptômes
cliniques listés, sans EEG réalisé,
ou avec un EEG atypique.
Démence progressive,
au moins 3 des 4 symptômes
cliniques listés, sans EEG réalisé,
ou avec un EEG atypique,
évolution de moins de 2 ans.
88,3 %
50 %
91,3 %
27,5 %
◆ Myoclonies
Signes pyramidaux
Signes cérébelleux
◆ Signes extra-pyramidaux
◆ EEG caractéristique
◆ Myoclonies
◆ Signes pyramidaux
◆ EEG caractéristique
◆ Signes cérébelleux
◆ Myoclonies
◆ Signes pyramidaux
◆ EEG caractéristique
◆ Signes cérébelleux
◆
◆
Uni. En reprenant le nombre de cas
recensés depuis cette époque et en les
soumettant à une moulinette statistique, Andrew et al. (3) semblent révéler une tendance notable à l’augmentation de l’incidence de la maladie. Évidemment (et heureusement !), cette
analyse ne s’appuie pas sur des chiffres
astronomiques : 75 cas étaient rapportés en août 2000 (dont 69 décès), et
85 cas en novembre. Toutefois, si l’on
considère que 18 patients étaient morts
de cette affection au cours de l’année
1998, et 14 dans les 6 premiers mois
seulement de 2000, on peut se rendre
compte de l’évolution défavorable de
l’“épidémie”.
◆
Signes extra-pyramidaux
Avec 5 cas en 2 ans, le comté de
Lancester est devenu non seulement un
foyer de la maladie, mais aussi un centre d’observation. Allrogen et al. (4)
ont décrit en mars les 3 plus récents cas
de vCJD dans cette région. Il s’agissait
de patients jeunes (23, 17 et 35 ans),
chez qui la maladie s’était déclarée sur
un mode psychiatrique (dépressif) ou
démentiel. Contrairement à la présentation habituelle, les symptômes sensitifs manquaient ici. En revanche, tous
ont régulièrement évolué vers un
mutisme akinétique terminal, associé à
des signes pyramidaux, des mouvements anormaux comprenant des myoclonies, un syndrome cérébelleux.
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◆
Signes extra-pyramidaux
L’EEG n’était jamais typique. Le dosage de la protéine 14-3-3 dans le LCR
était négatif dans un cas.
Enfin, l’immunomarquage de l’amygdale
avec des anticorps anti-PrP était positif
les deux fois où il fut réalisé.
Constatation non anodine, mais systématiquement omise dans les informations
délivrées au grand public, les 3 patients,
comme tous les autres cas de vCJD,
avaient un génotype particulier : une
homozygotie méthionine-méthionine sur
le codon 129 de la protéine du prion.
3. Andrew NJ et al. Incidence of
variant Creutzfeldt-Jakob disease in
the UK. Lancet 2000 ; 356 : 481-2.
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4. Allrogen et al. New variant CreutzfeldtJajob disease : three case reports from
Lancestershire. J Neurol Neurosurg
Psychiatry, 2000 ; 68 : 375-8.
Mais où est passée
l’épidémie ?
Ironside et al. (5) l’ont recherché avec
pugnacité dans les tissus lymphoïdes
de patients opérés des amygdales ou
de l’appendice entre 15 et 54 ans. Il
leur a suffit pour cela de se plonger
dans les archives anatomo-pathologiques d’Édimbourg et Plymouth, de
récupérer les tissus plongés dans la
paraffine entre 1995 et 1998, et de
soumettre les coupes réalisées aux
pires traitements susceptibles de révéler un prion endormi. Au total, 3 075
spécimens ont été étudiés. Résultat :
aucun des prélèvements n’était positif.
Cette négativité pourrait être considérée comme une bonne nouvelle.
Hélas ! elle ne permet pas de déduire
la prévalence des sujets infectés dans
la population générale, ni donc de prédire l’expansion de la maladie au
Royaume-Uni. Certains, par une
cabriole statistique, parviennent tout
de même à estimer qu’avec un tel
résultat, il ne devrait pas y avoir plus
de 210 000 cas environ de variante
humaine d’encéphalite spongiforme
bovine (6). De plus, essayez donc de
faire plaisir aux gens ! Soumis à la
pression des médias, le gouvernement
britannique a jugé utile de communiquer les résultats initiaux un mois
avant la parution de l’article dans le
Lancet, mais cette initiative a eu l’effet
d’un pétard mouillé (7) : apparemment
décontenancés par cette annonce, les
quotidiens nationaux l’ont reléguée
dans les pages intérieures, quand ils ne
l’ont pas complètement ignorée.
Déception sans doute de n’avoir pas pu
passer le message
de l’imminence
d’une grande épidémie !
D’ailleurs, le
Sunday Time, qui
avait prétendu,
inter prétant de
travers un congrès
de prionologues,
que plusieurs
échantillons d’amygdales ou
d’appendices
étaient
positifs
pour la protéine du
prion, n’a pas cru
bon de démentir
ses propos.
Cette épidémie
est évidemment
crainte par les
pouvoirs publics.
Compte tenu de l’âge de début de la
variante de la maladie de CreutzfeldtJakob, plus précoce que celui de la
forme sporadique, une unité de surveillance a été constituée au collège
royal de pédiatrie (8). Le principe en
est simple : il s’agit de recenser systématiquement tous les déficits intellectuels et neurologiques rapidement progressifs de l’enfant, de façon à apprécier l’apparition éventuelle de maladies de Creutzfeldt-Jakob. En 3 ans,
885 cas ont été rapportés. Parmi eux, 3
correspondaient effectivement à des
variantes de la maladie de CreutfeldtJakob. Le plus jeune enfant atteint
avait 12 ans, ce qui signifie qu’il a été
contaminé avant l’âge de 3 ans, les
mesures de protection alimentaire
ayant été mises en place outre-Manche
vers 1989. Si ces mesures ont eu une
réelle efficacité, il est clair qu’on ne
devrait plus voir de variante d’origine
bovine de la maladie de CreutzfeldtJakob se déclarer chez des enfants de
moins de 11 ans.
Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 3-4, mars/avril 2001
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Figure. Variante
de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
En IRM T2 ou
FLAIR, l’hypersignal des pulvinars
et des noyaux
dorso-médians
(en blanc sur le
schéma) réalise
un aspect dit en
“crosse de hockey”.
5. Ironside JW et al. Retrospective
study of prion-protein accumulation in
tonsil and appendix tissues. Lancet 2000 ;
355 : 1693-4.
6. Ashraf H. Early results of study into vCJD
epidemic inconclusive. Lancet 2000 ; 355 :
1619.
7.The future for vCJD (editorial). Lancet
2000 ; 355 : 1567.
8. Verity CM et al. Variant CreutzfeldtJakob disease in UK children : a national
surveillance study. Lancet 2000 ; 356 :
1224-7.
Du gris
bien blanc
On sait depuis les balbutiements de
l’IRM que la maladie de CreutzfeldtJakob peut occasionnellement s’accompagner d’un hypersignal des
noyaux gris, principalement des structures striatales. En 1999, Bahn et al.
(9) avaient constaté que l’IRM de diffusion visualisait plus régulièrement
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cet hypersignal. Plus récemment,
Vranker et al. (10), grâce à la séquence
FLAIR, ont vu le cortex d’un patient
briller de tous ses feux, alors que le
thalamus et les noyaux gris paraissaient normaux.
Dans la variante d’origine bovine de la
maladie, Zeidler et al. (11) ont montré
que cet hypersignal était très fréquent
sur les séquences T2 (32 cas sur 36
patients examinés), et que, petite différence d’avec la maladie de
Creutzfeldt-Jakob sporadique, il siégeait plutôt dans le pulvinar. On peut
d’ailleurs le retrouver aussi dans le
thalamus dorso-médian ou la substance grise péri-aqueducale. Il traduit la
gliose.
Pour les auteurs, ce signal IRM est un
bon argument diagnostique ; sa sensibilité atteint 78 %, et sa spécificité
100 % pour la variante de la maladie,
ce qui le rend aussi performant qu’une
positivité de la protéine 14-3-3. Riche
de cet enseignement, Oppenheim et al.
ont passé le deuxième patient français
atteint de la variante autochtone d’origine bovine de la maladie dans l’IRM
et ont fait la même constatation : le
pulvinar ainsi que le striatum scin-
tillent sous l’effet de la magnétique
résonance (figure).
9. Bahn et al. Abnormal diffusion-weighted magnetic resonance images in
Creutzfeldt-Jakob disease. Arch Neurol 1999 ;
56 : 577-83.
10. Vranker et al. FLAIR MRI in sporadic
Creurzfeldt-Jakob disease. Neurology 2000 ;
55 : 147-8.
11. Zeidler et al. The pulvinar sign on magnetic resonance imaging in variant CreutzfeldtJakob disease. Lancet 2000 ; 355 : 1412-18.
12. Oppenheim C et al. MRI and the second
French case of vCJD. Lancet 2000 ; 356 :
253-4.
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