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La démarche préventive a pour objectif de
prévenir l’initialisation de la consommation
de cannabis, d’évaluer et d’aider à une auto-
évaluation pour apprendre à gérer son usage
à moindre risque, et d’empêcher l’évolution
vers une dépendance et les dommages qui en
découlent. Ces objectifs sont pris en compte
dans les consultations cannabis avec comme
outils l’évaluation, l’information et l’orienta-
tion. Nous ne développerons pas cet aspect de
la prise en charge.
Des patients dépendants
en grandes difficultés
La démarche curative que nous souhaitons
aborder se situe plutôt en aval de la consom-
mation. Elle vise des patients dans une situa-
tion de dépendance, de souffrance ou de dom-
mages liés à un usage abusif.
La tranche d’âge des patients qui viennent
consulter et demander une aide au sevrage, va
de 15 à 45 ans. Ce sont plutôt des hommes,
bien que la proportion de femmes demandant
un soutien soit plus élevée que la proportion
connue de femmes consommatrices de can-
nabis. La dépendance est souvent importante
et ancienne : de quelques années à plus de 10,
voire 15 à 20 ans pour certains. La consom-
mation de joints est quotidienne, et peut aller
de 4 à 5 joints jusqu’à 25-30.
Un nombre important d’entre eux consomme
des “douilles”, des “bangs” (parfois 15 à
20 par jour), un mode de “défonce” au
caractère violent qui peut difficilement
durer longtemps. Aussi, en général, les
consommateurs reviennent-ils aux joints.
La situation sociale varie beaucoup en
fonction de l’intensité de la consommation,
de l’ancienneté de la dépendance et de
l’âge de début. Plus la consommation et la
dépendance sont importantes, plus la déso-
cialisation est avérée avec perte de travail
ou grande difficulté à le conserver ou inca-
pacité à avoir un projet professionnel.
Lorsque la dépendance est récente, avec une
consommation relativement contrôlée (4 à 5
joints par jour), on a affaire à des patients
insérés, conciliants, malgré les difficultés
(vie professionnelle, relationnelle et usage).
Si la dépendance est précoce, le jeune est
souvent en échec scolaire et, par la suite,
n’a pas de projet professionnel.
Conjointement à la dépendance, les premiers
dommages dont se plaignent les patients sont
les troubles de la mémoire, assez vite res-
sentis et pouvant être très gênants. Ils accu-
sent également un ralentissement général,
avec manque d’entrain, diminution des
réflexes et difficultés à élaborer un projet. On
observe un décalage par rapport à la réalité,
un isolement, une rupture sociale. La
consommation devient solitaire et les seules
personnes rencontrées ne sont que des
consommateurs. L’essentiel du temps est
passé à consommer et à dormir quand la
dépendance et la consommation sont impor-
tantes. Les troubles de la mémoire, la dépen-
dance et les difficultés professionnelles ou
scolaires sont les premières raisons amenant
les patients à consulter, ainsi que l’échec
répété des tentatives d’arrêt.
Il est utile bien sûr de resituer tous ces élé-
ments dans un contexte plus général. La
plupart des consommateurs de cannabis,
comme ceux d’alcool contrôlent leur
consommation et ne sont pas des usagers
abusifs. Seuls 10 à 20 % d’entre eux évo-
luent vers une dépendance (comme les
consommateurs d’alcool). Aussi, dans les
“consultations cannabis”, avons-nous à
faire à des patients en grandes difficultés,
ce qui n’est évidemment pas le cas de la
plupart des fumeurs de cannabis.
Ces patients dépendants savent, depuis des
années, qu’ils sont “accros” et éprouvent
de grandes difficultés à arrêter.
D’abord évaluer la dépendance
et les dommages induits
La première étape est une évaluation de la
consommation, de la dépendance, des dom-
mages et des pathologies associées, soma-
tiques et psychiatriques. L’approche est
importante et va permettre de poser un
cadre. La prise en charge va être longue et
souvent difficile. Plusieurs partenaires sont
nécessaires et une préparation au sevrage
est indispensable.
On considère en matière de cannabis une
dépendance psychologique, comportemen-
tale et pharmacologique. L’absence de
dépendance physique au cannabis est sou-
vent mise en avant car il n’existe pas de
signes physiques du manque, comme on peut
les observer dans les dépendances avérées à
l’alcool. Encore que beaucoup d’alcoolodé-
pendants ne présentent pas non plus ces
signes qui n’apparaissent que dans les formes
évoluées. Pour le tabac, on parle plus de
dépendance pharmacologique, nicotinique
que de dépendance physique, le syndrome de
manque au tabac ne ne manifeste pas par les
signes physiques de la dépendance à l’alcool
alors que la dépendance est majeure. Le syn-
drome de manque cannabique est assez
proche de celui du tabac avec parfois des
troubles du comportement qui peuvent être
importants (agitation...).
La prise en charge s’appuie sur un accom-
pagnement psychothérapique et comporte-
mental et agit sur l’aspect pharmacologique
de la double dépendance tabac-cannabis.
La place du soutien psycho-
logique et médicamenteux
Le soutien psychothérapique est un pilier
essentiel. Comme dans toutes les addictions,
le produit est un élément qui ne doit pas mas-
quer la personnalité de l’individu. Chez les