Les nombres de Liouville
Historique
Etudiés par Liouville en 1844, les nombres présentés ici sont les premiers nombres transcendants jamais
exhibés. Il faudra attendre 1873 pour que Hermite établisse la transcendance de e: Quelques années plus
tard, en 1882, Lindemann démontrera la transcendance de ; prouvant du même coup l'impossibilité de la
quadrature du cercle.
Dénitions
Un nombre réel est dit algébrique de degré ns'il est racine d'un polynôme de degré nirréductible dans
l'anneau Q[X]des polynômes à coefcients rationnels.
Ainsi, les nombres algébriques de degré 1 sont les nombres rationnels et p2est un nombre algébrique de
degré 2.
Un nombre réel est dit transcendant s'il n'est pas algébrique.
On appelle nombre de Liouville tout nombre réel du type
+1
P
k=1
ak
10k!(ak)k1est une suite d'éléments
de f0;1;2;3;4;5;6;7;8;9gqui ne converge pas vers 0.
Rappel de numération
Tout élément xde ]0;1] se décompose de manière unique sous la forme x=
+1
P
k=1
ak
10k(ak)k1est
une suite d'éléments de f0;1;2;3;4;5;6;7;8;9gqui ne converge pas vers 0.
En particulier, si xest décimal, alors ak= 9 à partir d'un certain rang.
Ainsi 1
3= 0;333 : : : =
+1
P
k=1
3
10ket 1
4= 0;25 = 2
10 +4
102+
+1
P
k=3
9
10k:
Proposition 1 L'ensemble Ldes nombres de Liouville n'est pas dénombrable.
En effet l'application :
+1
P
k=1
ak
10k7!
+1
P
k=1
ak
10k!est une bijection de ]0;1] dans L, donc card L=card R:
Proposition 2 Tout nombre de Liouville est transcendant.
La justication repose sur le théorème suivant.
Théorème de Liouville (1844)
Pour tout nombre algébrique xde degré n; il existe un nombre réel c(x)>0vériant :
(8a2Z) (8b2N)x6=a
b=)xa
bc(x)
bn
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Démonstration du théorème
Soit xun nombre algébrique de degré net soient deux entiers a2Zet b2Ntels que r=a
b6=x:
Si n= 1;alors xest rationnel, donc x=
avec 2Zet 2N:
Alors jxrj=
a
b=jb aj
b 1
b car le numérateur est un entier non nul
et donc c(x) = 1
convient.
Si n > 1; x est alors racine d'un polynôme p(X) = 0+1X++nXnà coefcients entiers
irréductible dans Q[X]. Alors p(r)6= 0 car p(X)n'est pas divisible par bX adonc
jp(r)j=0bn+1abn1++nan
bn1
bncar le numérateur est un entier non nul.
La fonction dérivée p0étant continue et donc bornée sur l'intervalle Ix= [x1; x + 1] ;
On pose K= sup
t2Ixjp0(t)j>0:Alors
si jxrj  1;1
bn jp(r)j=jp(x)p(r)j  Kjxrj(inégalité des accroissements nis)
si jxrj>1;1
bn1 jxrj:
Dans les deux cas, c(x) = min 1;1
Kconvient.
Démonstration de la proposition 2
Soit x=
+1
P
k=1
ak
10k!un nombre de Liouville.
Pour tout entier m1;on considère le nombre rationnel rm=
m
P
k=1
ak
10k!=Am
10m!Am2N:
Alors 0< x rm=
+1
P
k=m+1
ak
10k!
+1
P
k=(m+1)!
9
10k=1
10(m+1)!11
10m:m!:
Supposons que xsoit un nombre algébrique de degré n: D'après le théorème de Liouville, il existerait
une constante c(x)>0vériant : (8m1) jxrmj  c(x)
10n:m!:
On aurait alors : (8m1) 0 < c (x)10n:m!jxrmj  10n:m!
10m:m!=1
10(mn):m!
ce qui est impossible puisque lim
m!1
1
10(mn):m!= 0:Donc xne peut-être que transcendant.
Ghislain.Dupont@univ-lemans.fr 2/2 Département de Mathématiques
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