La question Après un infarctus cérébral, en prévention secondaire, chez

La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. VI - février 2002
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ENQUÊTE EN LIGNE
La question
Après un infarctus cérébral, en prévention secondaire, chez
un patient hypertendu bien équilibré par une double asso-
ciation d’antihypertenseur, ou chez un patient normo-
tendu (inférieur à 140/90 mmHG) :
1 J’applique systématiquement les résultats de PROGRESS ;
2J’applique occasionnellement les résultats de PROGRESS ;
3Je n’arrive pas à appliquer les résultats de PROGRESS ;
4Je ne suis pas convaincu par les résultats de PROGRESS ;
5Je ne connais pas les résultats de PROGRESS.
La réponse
des neurologues
Nombre de réponses : 227 (sur 560 interrogés : 495 neurologues,
45 cardiologues, 20 internistes/gériatres)
Systématiquement : 42
Occasionnellement : 87
N’y arrive pas : 26
N’y croit pas : 17
Ne connaît pas : 5
0
20
40
60
80
100
1 2 3 4 5
18,5 %
38,33 %
11,5 %
7,5 %
24,23 %
On est d’emblée frappé par la faible proportion (moins de 20 %)
de praticiens qui déclarent appliquer systématiquement le résul-
tat de l’étude PROGRESS, c’est-à-dire prescrire Coversyl®±
Fludex®chez leurs patients. Au contraire, une grande majorité
(près de 60 %) ne prescrit ce traitement qu’occasionnellement
ou n’y arrive pas ou n’y croit pas. Ce “sondage” illustre bien la
difficulté qu’ont les praticiens à intégrer dans leur pratique les
résultats de cette étude, dont le message scientifique est majeur.
Ainsi, lorsque l’on met en place un essai thérapeutique, il faut
non seulement vouloir répondre à une vraie question scienti-
fique mais aussi se préoccuper de sa mise en application.
Pour ceux qui ont répondu “Je ne connais pas
PROGRESS”:PROGRESS est une étude de prévention secon-
daire après un AVC ischémique ou hémorragique qui s’est produit
dans les cinq ans précédant l’étude et dont l’objectif était de voir
si baisser la pression artérielle de 10/5 mmHg – que le patient soit
hypertendu ou non – permettait de réduire le risque de récidive.
Le traitement périndopril ± indapamide était donné en plus du
traitement habituel du patient, c’est-à-dire en plus de son traite-
ment antihypertenseur, s’il était préalablement hypertendu traité.
Après 4 ans, les patients sous traitement avaient une réduction
du risque de récidive de 28 % (1). Comme le résultat global
Le commentaire
La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. VI - février 2002 75
était positif, on a pu regarder dans les sous-groupes, dont
l’analyse était planifiée avant l’étude, et l’on s’est aperçu que
le groupe périndopril seul n’avait aucune réduction de risque
et que le groupe qui recevait périndopril + indapamide
(Coversyl®+ Fludex®) avait une réduction de risque de 40 % à
4 ans.
Pour ceux qui ont répondu “Oui, systématiquement”:
bravo ! Politiquement correct. Continuez...
Pour ceux qui ont répondu “Occasionnellementou “Je
n’y arrive pas” ou certains encore avec réalisme “Occasion-
nellement, car je n’y arrive pas”:je suis dans leur cas, bien
que j’eusse préféré pouvoir répondre “Oui, systématiquement”.
Cette étude a été pensée et conduite d’un point de vue épidé-
miologique et, par conséquent, on a une réponse épidémio-
logique : faites baisser la pression artérielle de vos malades.
Mais, comment ? À partir de quel seuil ? Tous les malades ?…
Réponses de l’essai : débrouillez-vous !
Je vais donc faire une réponse certainement non politiquement
correcte. Voici ma “recette” en consultation. Partons des
recommandations actuelles qui sont de mettre les patients au-
dessous de 140/90 mmHg (2, 3) :
– demandez à vos patients de faire une auto-mesure tensionnelle
matin et soir (de nombreux dispositifs automatiques sont main-
tenant disponibles et fiables) et de la noter dans un carnet ;
– expliquez-leur que l’étude PROGRESS a montré qu’avec une
baisse de 10/05 mmHg, leur risque de récidive diminuerait de
40 % ;
– dites-leur qu’ils doivent faire diminuer leurs chiffres tension-
nels de 10/5 mmHg sur une période de 3 mois en prenant
mieux leur traitement, en mangeant moins salé, en perdant du
poids, en faisant de l’exercice physique, etc. Vous leur dites que
s’ils n’arrivent pas à baisser leurs chiffres tensionnels de
10/05 mmHg dans 3 mois, vous devrez ajouter les deux médi-
caments de PROGRESS ;
– trois mois plus tard, ils reviennent à la consultation, avec leur
carnet montrant des chiffres tensionnels habituellement inchan-
gés et disent d’eux-mêmes : “Docteur, je crois que vous allez
devoir me prescrire les deux médicaments dont vous m’avez
parlé.” Cette phase de 3 mois est donc utile pour sensibiliser
les patients à la baisse des chiffres tensionnels, à la difficulté de
l’obtenir et à “s’approprier” leur futur traitement. Elle est aussi
utile pour informer les médecins généralistes et obtenir leur
adhésion ;
– revoyez le patient après 1 mois pour vérifier la tolérance, car
il ne faut pas oublier que seuls les patients tolérant le traitement
après une phase de 1 mois dite de run-in ont été inclus dans
l’étude PROGRESS.
Mon objectif personnel (non politiquement correct) est d’es-
sayer de les mettre au moins au-dessous de 130/85 mmHg (soit
10/5 mmHg de moins que les recommandations actuelles).
Pour ceux qui ont répondu “Je n’y crois pas”:je pense
qu’ils veulent surtout dire qu’ils ne croient pas que cela soit
réalisable en pratique, et cela se réfère à l’absence de message
clair laissé pour le praticien par l’étude PROGRESS. Comme
écrit plus haut, je suis assez d’accord avec cela et je pense qu’il
y a la place pour une nouvelle étude randomisée contre place-
bo, en fixant cette fois un objectif cliniquement perceptible,
tenant compte de la diminution de 10/5 mmHg de PROGRESS
et de ses effets sur les événements, des recommandations
actuelles (< 140/90) et des résultats récents de l’étude de
Framingham (4) sur le risque des sujets à pression artérielle
“normale” en fonction de leurs chiffres tensionnels (figure).
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.
PROGRESS Collaborative Group. Randomised trial of a perindopril-based
blood-pressure-lowering regimen among 6 105 individuals with previous stroke
or transient ischaemic attack. Lancet 2001 ; 358 : 1033-41.
2.
Gorelick PB, Sacco RL, Smith DB et al. Prevention of a first stroke. A review
of guidelines and a multidisciplinaire consensus statement from the National
Stroke Association. JAMA 1999 ; 281 : 1112-20.
3.
Bogousslavsky J, Kaste M, Olsen TS et al for the EUSI Executive Committee.
Recommandations for stroke management. Risk factors and stroke prevention.
Cerebrovasc Dis 2000 ; 10 (suppl. 3) : 12-21.
4.
Vasan RS, Larson MG, Leip EP et al. Impact of high-normal blood pressure
on the risk of cardiovascular disease. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1291-7.
Pr P. Amarenco,
Service de neurologie et centre d’accueil
et de traitement de l’attaque cérébrale, hôpital Bichat, Paris.
12
10
8
6
4
2
0
5,8 [4,2-7,4]
1,9 [1,1-2,7]
7,6 [6,0-9,1]
2,8 [1,9-3,8]
10,1 [8,1-12,1]
4,4 [3,2-5,5]
< 120/80 120-129/80-84 130-139/85-89
Optimal Normal Normal haut
Incidence d'AVC à 10 ans
Vasan et al. N Engl J Med 2001 ; 345 : 1291-7
Hommes
Femmes
Framingham heart study : 6 859 participants de 35 à 65 ans
1 / 2 100%
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