L Comorbidités psychiatriques dans l’alcoolodépendance DOSSIER THÉMATIQUE

publicité
DOSSIER THÉMATIQUE
Alcoolodépendance
Comorbidités psychiatriques
dans l’alcoolodépendance
Psychiatric comorbidity of alcohol dependence
M. Cognat-Brageot*, P. Louville*, F. Limosin*
M. Cognat-Brageot
L
e syndrome de dépendance à l’alcool consiste
en un mode de consommation pathologique
qui se caractérise notamment par un craving
(envie irrésistible de consommer) et une perte de
contrôle. L’alcoolodépendance a des conséquences
somatiques et sociales dont la sévérité conditionne
le pronostic à long terme. En outre, 50 à 70 % des
patients alcoolodépendants présentent, sur la vie
entière, au moins 1 autre trouble psychiatrique
comorbide (1).
Les troubles psychiatriques associés à l’alcoolo­
dépendance peuvent être schématiquement séparés
en 2 groupes : ceux qui sont directement induits par
l’intoxication alcoolique ou par les phases de sevrage,
et ceux qui préexistent et constituent souvent des
facteurs de vulnérabilité. Dans les 2 cas, leur repérage
est essentiel afin de permettre une prise en charge
précoce, adaptée et intégrée.
L’OMS a proposé des seuils de consommation “à
risque” (encadré 1) [2].
Épidémiologie
* Service universitaire de psychiatrie
de l’adulte et du sujet âgé, hôpital
Corentin-Celton, groupe hospitalier
Hôpitaux universitaires Paris Ouest
(AP-HP), Issy-les-Moulineaux.
Dans la population générale, environ 10 % des
adultes (15 % des hommes et 5 % des femmes),
principalement entre 25 et 64 ans, présentent
un abus ou une dépendance à l’alcool sur la vie
entière (3). Cette proportion est restée stable
depuis le début des années 1990. On évalue à 6 %
le taux de patients hospitalisés pour une pathologie
en rapport avec l’alcool, et à 18 % la proportion
de sujets alcoolodépendants parmi les patients
admis en services médecine-chirurgie-obstétrique
(MCO) [4]. Cette proportion est encore plus élevée
au sein des unités d’hospitalisation psychiatriques,
puisque plus d’un quart des patients qui y sont admis
56 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 2 - mars-avril 2013
ont présenté ou présenteront un abus ou une dépendance à l’alcool (5). Ainsi, la dépendance à l’alcool
augmenterait le risque de dépression ou d’anxiété
d’un facteur 1,8 à 4,7, en fonction de l’âge et du
milieu socioculturel (6).
»» Seuils de consommation
- pas plus de 4 verres par occasion ;
- pas plus de 21 verres par semaine chez l’homme (3 verres/
jour en moyenne), et pas plus de 14 chez la femme
(2 verres/jour en moyenne).
Le terme de “verre” désigne le “verre standard” ou unité
internationale d’alcool (UIA) qui est la quantité “normalisée” délivrée pour chaque catégorie de boisson alcoolique
dans les lieux de consommation publics. Un verre correspond à 10 grammes d’alcool pur.
L’OMS recommande également de s’abstenir au moins
1 jour par semaine de toute consommation d’alcool.
»» Usage à risque : toute conduite d’alcoolisation où la
consommation est supérieure aux seuils définis par l’OMS,
mais qui n’a pas encore entraîné de dommage d’ordre
médical, psychique ou social (y compris la dépendance).
Cette catégorie inclut également les consommations égales
voire inférieures aux seuils de l’OMS quand elles sont associées à une situation à risque et/ou à un risque individuel
particulier.
»» Usage nocif : toute conduite d’alcoolisation caractérisée par l’existence d’au moins 1 dommage d’ordre
médical, psychique ou social induit par l’alcool, quels que
soient la fréquence et le niveau de consommation, et par
l’absence de dépendance à l’alcool.
»» Usage avec dépendance : toute conduite d’alcoolisation caractérisée par la perte de la maîtrise de la consommation. L’usage avec dépendance ne se définit donc ni par
rapport à un seuil ou une fréquence de consommation, ni
par l’existence de dommages induits qui, néanmoins, sont
souvent associés.
Encadré 1. Mésusage d’alcool : définitions.
Points forts
»» La dépendance à l’alcool est une pathologie fréquente qui s’associe dans la moitié des cas à une
autre comorbidité psychiatrique.
»» Jusqu’à 40 % des patients dépendants qui consomment de l’alcool présentent des symptômes dépressifs, mais seuls 4 % d’entre eux présentent les critères de dépression majeure après 1 mois d’abstinence.
»» La dépendance à l’alcool augmente le risque de passage à l’acte suicidaire, surtout en cas de troubles
psychiatriques associés.
»» Les comorbidités psychiatriques et la dépendance à l’alcool doivent idéalement être pris en charge
par une même équipe, de manière à améliorer la cohérence (programmes intégrés).
De même, des troubles anxieux sont retrouvés chez
environ 1 patient alcoolodépendant sur 10 sur la vie
entière. Parmi ces troubles, le trouble panique et la
phobie sociale sont ceux le plus souvent associés
au diagnostic de dépendance à l’alcool, puisqu’ils
sont retrouvés respectivement 4,2 et 2,6 fois plus
fréquemment chez ces patients que dans la population générale (3). L’état de stress post-traumatique
est lui aussi associé de façon fréquente à l’alcoolodépendance, en particulier chez l’homme. Enfin, les
troubles bipolaires ont une prévalence 4 fois plus
importante chez les sujets alcoolodépendants (7).
Personnalité prémorbide
Selon les études, il a été estimé que 11 à 78 % des
patients alcoolodépendants présentent un trouble de
la personnalité associé (8). Parmi les personnalités
pathologiques retrouvées, on constate une forte
représentation de personnalités anxieuses (personnalité évitante, dépendante ou obsessionnelle) et de
personnalités du groupe B (personnalité borderline,
antisociale, histrionique ou narcissique). Ainsi, 15 %
des patients alcoolodépendants ont une personnalité antisociale ou psychopathique, alors que cette
personnalité est rare dans la population générale (2 à
3 %) [8]. Les traits de personnalité antisociale sont
plus fréquemment associés à une alcoolodépendance
primaire, commençant précocement (avant 25 ans).
Mais plus qu’une catégorie diagnostique spécifique
de personnalité pathologique, ce sont plutôt certains
traits de personnalité qui constituent des facteurs de
vulnérabilité à l’addiction. Il s’agit principalement
des dimensions de dépendance, de sentiment de
vide et de recherche de sensations.
La dépendance est à envisager ici comme un mode
global de fonctionnement. Il existe certes une dépendance à certaines substances ou comportements, mais
également une dépendance relationnelle, interpersonnelle, se traduisant par une difficulté à faire face à la
solitude. Lorsque le cadre de vie rassurant (environnement professionnel et personnel) de ces individus
disparaît ou se fragilise, leurs faibles capacités d’autonomie rendent alors moins opérantes leurs stratégies
adaptatives, une consommation d’alcool pouvant s’y
substituer comme une réponse compensatoire.
Le sentiment de vide et d’abandon que les patients
dépendants peuvent avoir se retrouve aussi chez les
patients borderline. Chez ces derniers, la dépendance
à l’alcool s’instaure par des consommations régulières dont l’objectif est généralement double : la lutte
contre l’anxiété et la recherche de sensations (3).
Celle-ci est un des traits principaux chez les patients
ayant un trouble de personnalité antisociale. Outre la
satisfaction de ce besoin, l’alcoolisation est responsable d’une désinhibition qui renforce les aspects
de dépassement des limites et d’intolérance à la
frustration qui caractérisent ces patients.
Bien que ces traits précèdent la dépendance et soient
donc largement fixés, une prise en charge adaptée
peut permettre aux patients, par le biais de l’apprentissage de la gestion des émotions et des impulsions,
de modifier leur consommation.
Comorbidités psychiatriques
et alcool
Bien que la pertinence de la distinction classique
entre alcoolisme primaire et alcoolisme secondaire
ait été mise en cause, il s’agit néanmoins d’une
question pratique que le psychiatre est souvent
amené à se poser lorsqu’il est confronté à un
patient dépendant à l’alcool et présentant d’autres
troubles psychiatriques. En effet, la consommation d’alcool peut s’inscrire comme une réponse à
des symptômes préexistants (alcoolisme “secondaire”), qu’elle aggrave et dont une prise en charge
adaptée constituera une étape-clé dans la perspective de l’abstinence. Chez d’autres patients,
les troubles psychiatriques prennent leur source
dans la consommation chronique d’alcool (alcoolisme “primaire”), le sevrage permettant alors leur
amélioration, voire leur disparition, sans prise en
charge spécifique.
Dans un grand nombre de cas, toutefois, les
2 dimensions sont intriquées et il est alors très
difficile de faire la part entre alcoolisme primaire
et alcoolisme secondaire. L’obtention d’une abstinence pendant au moins 1 mois doit alors constituer
l’objectif premier, son maintien passant ensuite par
le traitement des autres pathologies psychiatriques
si elles perdurent.
Mots-clés
Alcoolodépendance
Dépression
Troubles anxieux
Schizophrénie
Comorbidités
Highlights
»» Alcohol dependence is a
common disorder, associated
with psychiatric comorbidity in
half of the cases.
»» Up to 40% of alcohol addict
patients are depressed. After a
month of abstinence, only 4%
of them remain depressed.
»» A l c o h o l d e p e n d e n c e
increases suicidal risk, particularly in case of psychiatric
comorbidity.
»» Psychiatric comorbidity and
alcohol dependence should be
managed by a single medical
team to increase coherence
(integrated programs).
Keywords
Alcohol dependence
Depression
Anxiety disorders
Schizophrenia
Dual diagnosis
La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 2 -mars-avril 2013 | 57
DOSSIER THÉMATIQUE
Alcoolodépendance
Comorbidités psychiatriques dans l’alcoolodépendance
Schizophrénie
On estime que 20 à 50 % des patients souffrant de
schizophrénie présentent un abus ou une dépendance à l’alcool. Or la consommation d’alcool est
susceptible d’induire plusieurs complications chez
le patient schizophrène (9) :
▶▶ elle est susceptible d’accentuer les phénomènes
hallucinatoires et d’augmenter le risque d’inobservance du traitement, elle favorise l’échappement
thérapeutique ;
▶▶ elle augmente l’adhésion au délire ;
▶▶ elle peut aggraver une composante dépressive
ou anxieuse et augmente le risque de tentative de
suicide, avec pour conséquence des hospitalisations
plus fréquentes ;
▶▶ elle majorerait, de même que les autres comorbidités addictives, les comportements hétéro-agressifs.
Certains auteurs ont suggéré que l’utilisation de
l’alcool par les patients souffrant de schizophrénie
pourrait être une tentative d’automédication : la
consommation d’alcool permettrait, en diminuant
certains symptômes négatifs, une meilleure socialisation, et réduirait certains effets indésirables des
antipsychotiques (effets moteurs, déficit émotionnel).
Cette hypothèse reste néanmoins contestée.
plusieurs neuromédiateurs, dont la sérotonine et la
noradrénaline (régulation négative) [11]. De plus, la
dépendance à l’alcool est émaillée de complications
sociales, professionnelles et familiales (isolement,
perte d’emploi, perte de logement, etc.) qui peuvent
aggraver une dépression ou en favoriser l’apparition.
▶▶ La dépendance à l’alcool est secondaire à une
dépression préexistante. Les états dépressifs majeurs
précédant la dépendance à l’alcool sont assez rares
chez l’homme (1 cas sur 10 environ), mais sont en
revanche plus fréquents chez les femmes (12).
Dans une large étude réalisée sur plus de
2 700 patients dépendants à l’alcool pris en charge
pour un sevrage, 40 % d’entre eux présentaient
des symptômes dépressifs à l’admission alors
que seuls 4 % restaient déprimés après 1 mois
d’abstinence, en l’absence de tout traitement
antidépresseur (10). Un sevrage préalable est
donc souhaitable avant d’envisager un traitement
spécifique des troubles dépressifs chez le patient
dépendant à l’alcool, la majorité des dépressions
régressant à l’arrêt de l’intoxication. Il faut toutefois garder à l’esprit que cet arrêt peut lui-même
favoriser la survenue d’un épisode dépressif, qui
apparaît généralement durant le mois qui suit
l’interruption de la consommation.
Trouble bipolaire
Anxiété
La dépendance à l’alcool est également fréquente
chez les patients bipolaires. Dans 1 cas sur 4, le
trouble bipolaire est d’ailleurs diagnostiqué après
l’apparition de la dépendance, l’alcool ayant un
effet aggravant sur l’évolution du trouble, en favorisant notamment la survenue d’états mixtes (10).
La consommation d’alcool est plus importante au
cours des phases maniaques, hypomaniaques et lors
des épisodes mixtes. À l’inverse, seuls 20 à 30 % des
patients bipolaires en phase dépressive augmentent
leur consommation d’alcool.
L’anxiété est une comorbidité fréquente chez les
patients dépendants à l’alcool, qu’il s’agisse d’attaques de panique, d’une phobie sociale ou d’une
anxiété généralisée (13).
Dans une large étude en population générale ayant
porté sur plus de 43 000 personnes, le diagnostic
actuel d’alcoolodépendance augmentait d’un
facteur 3,5 le risque de présenter un trouble
panique, d’un facteur 3 le risque d’anxiété généralisée, et de 2,3 celui de phobie spécifique ou de
phobie sociale (14). R.C. Kessler et al. ont également
retrouvé une association significative avec l’état de
stress post-traumatique (15).
Plusieurs modèles théoriques ont tenté d’expliquer
l’association entre les troubles anxieux et l’usage
d’alcool (16). Le modèle du facteur commun propose
qu’un même facteur facilite l’apparition de l’un et
l’autre trouble, qui peuvent aussi être associés. Dans
le modèle de l’usage secondaire de substance, le
trouble anxieux préexistant va faciliter l’usage de
l’alcool, consommé dans un premier temps comme
une automédication pour tenter de soulager les
symptômes anxieux. Le modèle de l’automédication
Dépression
On évalue à 80 % la proportion de patients dépendants à l’alcool non abstinents présentant des symptômes dépressifs, parmi lesquels 30 % répondent
aux critères d’état dépressif majeur caractérisé (10).
De nombreux auteurs ont tenté de préciser les relations qui unissent ces 2 pathologies :
▶▶ L’alcool est un facteur dépressogène avéré.
L’alcool module les concentrations cérébrales de
58 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 2 - mars-avril 2013
DOSSIER THÉMATIQUE
semble fréquemment correspondre à l’association
entre l’alcoolodépendance et la phobie sociale ou
l’état de stress post-traumatique. Dans le modèle
de la psychopathologie secondaire, l’usage initial
de l’alcool entraîne des modifications neurobio­
logiques qui aboutissent à l’apparition d’un trouble
anxieux. L’association entre l’alcoolodépendance et
le trouble panique semble correspondre à ce modèle.
Enfin, le modèle bidirectionnel postule que chacun
des 2 troubles joue un rôle dans l’apparition et le
maintien de l’autre.
L’anxiété est également l’un des symptômes prépondérants du syndrome de sevrage. Elle se caractérise
dans ce cas par son caractère matinal et la présence
des signes physiques classiques qui lui sont associés
(sueurs, tremblements, troubles digestifs). Elle disparaît dès l’ingestion d’alcool ou grâce au traitement
du syndrome de sevrage (benzodiazépines).
des patients alcoolodépendants était plus altérée
quand ils présentaient un trouble psychiatrique
comorbide (20). La comorbidité entre un trouble
mental et l’alcoolodépendance entraîne une inflation
des problèmes de santé et des difficultés sociales
qui constitue un véritable enjeu de santé publique.
Conséquences
des comorbidités
Modalités de traitement
des comorbidités
La cooccurrence d’un trouble psychiatrique et d’une
dépendance à l’alcool est considérée comme un
facteur d’évolution péjorative pour les 2 troubles. Le
mésusage de substance et le trouble psychiatrique
peuvent interagir de plusieurs façons, la consommation d’alcool étant susceptible :
▶▶ d’accentuer certains troubles psychiatriques ;
▶▶ de simuler ou, à l’inverse, de masquer des symptômes psychiatriques ;
▶▶ d’entraîner une atténuation des symptômes
psychiatriques, qui seront dans ce cas sous-estimés ;
▶▶ de diminuer l’efficacité des traitements médicamenteux, voire d’amener le patient à utiliser la
substance pour remplacer son traitement.
Les études ont montré que, comparativement à un
trouble mental isolé, dans les troubles concomitants :
▶▶ les symptômes psychiatriques sont plus sévères ;
▶▶ la compliance au traitement est moindre ;
▶▶ la chronicisation des troubles est plus fréquente,
et le risque de rechutes, plus élevé ;
▶▶ le risque de conduites suicidaires ou autoagressives est majoré (encadré 2).
Ces patients, qui bénéficient d’un moindre soutien
social, recourent de façon plus fréquente et plus
coûteuse aux soins médicaux et aux ressources de
santé mentale (utilisation des services d’urgence,
hospitalisations). Les troubles concomitants sont
aussi associés à des risques accrus de commettre des
crimes ou des délits ou d’avoir des comportements
violents (19). On a pu montrer que la qualité de vie
Face aux troubles concomitants, plusieurs stratégies
thérapeutiques ont été proposées. Classiquement,
les patients peuvent être pris en charge de façon
séquentielle, l’un des 2 troubles étant traité en
premier par une équipe, puis le second trouble par
une autre équipe, le plus souvent sans contact entre
les intervenants successifs. Plus récemment, on a
proposé un abord parallèle des 2 troubles, 2 équipes,
là encore distinctes, abordant en même temps le
trouble psychiatrique et la dépendance. Le modèle le
plus récent vise une approche intégrée des stratégies
thérapeutiques, le traitement étant dispensé par une
seule équipe dans le cadre d’un programme unique,
avec comme objectif que les troubles psychiatriques
et la dépendance soient traités simultanément et
de manière cohérente, y compris dans la communication avec les patients. Cette dernière approche a
fait l’objet de nombreuses études contrôlées, qui ont
permis de démontrer sa supériorité sur les modèles
séquentiel ou parallèle. Notamment, on a mis en
évidence, chez les patients comorbides traités selon
le modèle intégré, une meilleure compliance au traitement et une meilleure récupération du fonctionnement social (19). Une revue de 45 études contrôlées
évaluant les différents types d’interventions utilisées
pour les traitements intégrés des troubles concomitants graves et persistants a permis d’identifier
plusieurs techniques intéressantes (21) :
▶▶ les thérapies de groupe ;
▶▶ la réduction des dommages ;
Il a été montré que 17 à 32 % des tentatives de suicide
prises en charge aux urgences sont associées à une
prise d’alcool : jusqu’à 32 % des suicidants présentent un
abus ou une dépendance à l’alcool (17). Quelle que soit
la pathologie psychiatrique sous-jacente (18), l’intoxication
alcoolique favorise le passage à l’acte autoagressif par
un effet de levée d’inhibition qui augmente par ailleurs la
létalité du geste. La réalisation d’une alcoolémie doit donc
être systématique chez tout patient pris en charge pour une
tentative de suicide.
Encadré 2. Alcool et risque suicidaire.
La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 2 -mars-avril 2013 | 59
DOSSIER THÉMATIQUE
Alcoolodépendance
Comorbidités psychiatriques dans l’alcoolodépendance
▶▶ les programmes intensifs de longue durée en
milieu résidentiel protégé lors de l’échec de l’approche ambulatoire.
Conclusion
La prise en charge de la cooccurrence d’un trouble
psychiatrique et d’une dépendance nécessite le repérage le plus précoce possible de l’association de ces
2 troubles. Les psychiatres doivent ainsi rechercher
systématiquement une addiction susceptible de
compliquer l’évolution des troubles psychiatriques
de leurs patients, et, de même, les addictologues
doivent évaluer l’ensemble de la psychopathologie
du patient afin de repérer d’éventuels troubles relevant d’une prise en charge adaptée. La prévalence
importante des troubles concomitants souligne la
nécessité d’une collaboration clinique et thérapeutique entre les 2 disciplines, de façon à ce que soient
proposées à ces patients fragiles, peu compliants et
résistants aux stratégies thérapeutiques centrées sur
un seul trouble, des interventions adaptées, cohérentes et efficaces.
■
Références bibliographiques
1. Kessler RC, Crum RM, Warner LA, Nelson CB, Schulenberg
J, Anthony JC. Lifetime co-occurrence of DSM-III-R alcohol
abuse and dependence with other psychiatric disorders in
the National Comorbidity Survey. Arch Gen Psychiatry
1997;54(4):313-21.
2. Rehm J, Room R, Monteiro M et al. Alcohol. In: WHO
(ed). Comparative quantification of health risks: Global
and regional burden of disease due to selected major risk
factors. Genève : WHO, 2004.
3. Lejoyeux M, Embouazza H. Troubles psychiatriques et
addictions. In: Lejoyeux M (ed). Addictologie. Paris : Masson,
2009.
4. Reynaud M, Leleu X, Bernoux A, Meyer L, Lery JF, Ruch C.
Alcohol use disorders in French hospital patients. Alcohol
Alcohol 1997;32(6):769-75.
5. Liraud F, Verdoux H. [Clinical and prognostic characteristics associated with addictive comorbidity in hospitalized
psychiatric patients]. Encephale 2000;26(3):16-23.
6. Dawson DA, Grant BF, Stinson FS, Chou PS. Psychopathology associated with drinking and alcohol use disorders
in the college and general adult populations. Drug Alcohol
Depend 2005;77(2):139-50.
7. Verheul R, Kranzler HR, Poling J, Tennen H, Ball S, Rounsaville BJ. Axis I and Axis II disorders in alcoholics and drug
addicts: fact or artifact? J Stud Alcohol. 2000;61(1):101-10.
8. Bottlender M, Preuss UW, Soyka M Association of personality disorders with Type A and Type B alcoholics. Eur Arch
Psychiatry Clin Neurosci 2006;256(1):55-61.
9. Schwan R, Malet L. Impact des consommations et
abus d’alcool chez les sujets psychotiques. Encephale
2007;33(S5):192-6.
10. Schuckit MA, Tipp JE, Bucholz KK et al. The life-time rates
of three major mood disorders and four major anxiety disorders in alcoholics and controls. Addiction 1997;92(10):1289304.
11. Tollefson GD. Serotonin and alcohol: interrelationships.
Psychopathology 1989;22(Suppl. 1):37-48.
12. Limosin F. Spécificités cliniques et biologiques de l’alcoolisme de la femme. Encephale 2002;28(6 Pt 1):503-9.
13. Lejoyeux M, Cardot H. Alcoolisme, anxiété et dépression.
Sante Ment Que 2001;26(2):47-61.
14. Hasin DS, Stinson FS, Ogburn E, Grant BF. Prevalence,
correlates, disability, and comorbidity of DSM-IV alcohol
abuse and dependence in the United States: results from
the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related
Conditions. Arch Gen Psychiatry 2007;64(7):830-42.
15. Kessler RC, Chiu WT, Demler O, Merikangas KR,
Walters EE. 2005. Prevalence, severity, and comorbidity
of 12-month DSM-IV disorders in the National Comorbidity
Survey Replication. Arch Gen Psychiatry 2005;62(6):617-27.
60 | La Lettre du Psychiatre • Vol. IX - no 2 - mars-avril 2013
16. Mueser KT, Noordsky DL, Drake RE, Fox L. Integrated
Treatment for dual disorders: A guide to effective practice.
New York: The Guilford Press, 2003.
17. Boenisch S, Bramesfeld A, Mergl R et al. The role of
alcohol use disorder and alcohol consumption in suicide
attempts--a secondary analysis of 1921 suicide attempts.
Eur Psychiatry 2010;25(7):414-20.
18. McLean D, Gladman B, Mowry B. Significant relationship
between lifetime alcohol use disorders and suicide attempts
in an Australian schizophrenia sample. Aust N Z J Psychiatry
2012;46(2):132-40.
19. Donald M, Dower J, Kavanagh D. Integrated versus
non-integrated management and care for clients with
co-occurring mental health and substance use disorders:
a qualitative systematic review of randomised controlled
trials. Soc Sci Med 2005 Mar;60(6):1371-83.
20. Kalman D, Lee A, Chan E et al. Alcohol dependence,
other psychiatric disorders, and health-related quality of
life: a replication study in a large random sample of enrollees
in the Veterans Health Administration. Am J Drug Alcohol
Abuse 2004;30(2):473-87.
21. Drake RE, O’Neal EL, Wallach MA. A systematic review
of psychosocial research on psychosocial interventions for
people with co-occurring severe mental and substance use
disorders. J Subst Abuse Treat 2008;34(1):123-38.
Téléchargement