
La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 2 - mars-avril 2012 | 49
ÉDITORIAL
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d’aménagement du vécu d’incomplétude inhérent à l’expérience humaine et dont l’ennui est
une des formes d’expression. L’action, l’urgence, la performance, soclesde notre modernité,
auraient ainsi généré 2 formes différentes pour un même enjeu – formes apparemment
opposées – : l’homme pressé et le toxicomane. Digne représentant de notre société
quiconfond nouveauté et changement, le toxicomane en incarne une sorte de quintessence.
Lascène agitée de la drogue, les nouvelles substances, les nouveaux usages loin
de la créativité manifestent la dictature pathologique de l’addiction.
Tout se passe donc comme si ces 2 blocs apparemment opposés avaient radicalisé
l’incontournable et consubstantielle dualité de l’être humain. Changement et inertie,
désird’identité et désir de différence, ces mouvements permanents et opposés
de la conscience humaine ne s’inscriraient plus dans la pathologie addictive comme
des modalités dialectiques, mais séparées.
Il est intéressant de constater que la sensation est ce qui permet au bien-portant,
àchaque instant, de combiner dans un tout signifiant la dualité dont nous venons de parler.
La sensation est ainsi matérialité, puisqu’elle fonde notre présence et nos actions ;
elle est aussi subjectivité et évanescence. Personnelle et commune tout à la fois, elle constitue
unepossibilité de conscience et de réalité en dépit de l’incomplétude fondamentale
denotre humanité. On peut ainsi s’interroger : la toxicomanie serait-elle une pathologie
dela sensation ? Dès lors, comme nous le montrent Didier Touzeau et Gilbert Lagrue
dansce numéro, le sevrage dans sa radicalité n’est plus forcément l’option thérapeutique
préférable. La consommation “sensible”, qui porte néanmoins encore le nom de “contrôlée”,
devient une véritable possibilité thérapeutique.
Concevoir l’addiction comme une pathologie de la sensation ouvre de nombreuses
pistes fondamentales et thérapeutiques. Si, sur le plan neurophysiologique, la sensation
serapproche de la notion de salience dopaminergique, la sensation et ses représentations
intéressent aussi les psychothérapeutes dans la mesure où la perception de toute sensation
se conçoit dans un questionnement dialectique. C’est souvent ce questionnement qui est
en difficulté chez l’usager de drogues.
Pied de nez à l’ennui et à la répétition, tentons ainsi de promouvoir le sensible
dansnotre rencontre avec les toxicomanes.
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