06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 Physiologie de l’escarre Définition Une escarre (du grec eskhara : croûte) Définition « usuelle » : nécrose ischémique des tissus comprimés entre un relief osseux et le plan de contact sur lequel repose le patient. Synonymes : ulcère de pression, ulcère de décubitus Définition proposée par la conférence de consensus NPUAP 2007 (San Antonio USA) Escarre : lésions localisé à la peau et/ou au tissu sous-cutané en regard d’une proéminence osseuse résultant d’une pression ou d’une pression associée à un cisaillement et/ou un frottement. Application prolongée de 3 forces (pressions, cisaillement, frottement) entrainant une diminution durable de la vascularisation tissulaire, puis une nécrose et une ulcération. Epidémiologie et conséquence économiques Intérêt des études épidémiologiques : - Améliorer la connaissance des malades porteurs d’escarres Améliorer la prise en charge (prévention et traitement) Evaluer l’impact économique Fréquence des escarres mal évaluée : - Evaluation de catégories de patients très spécifiques (grabataires en LS, blessés médullaires…) : données discordantes Escarre stade 1 (NPUAP) ou rose (couleur) souvent négligée Méthodologie variable d’une étude à l’autre (étude transversale ou longitudinale ? population général ou à risque ? durée d l’observation ? taille de l’échantillon ? méthodes statistiques ?) Rodriguez et al 1994 Blessés médullaires USA Barrois et col. 1993 Centre hospitalier de Gonesse 150 Hôpitaux région Ile de France 600 malades Hôpitaux Institutions France 37 307 malades Barrois et col. 1995 PERSE 2004 12 050 malades 50 à 80% ont eu des escarres dans leur vie 5,4% escarres dont 40% stade 1 8% : escarres dont 39% stade 1 Age moyen : 76 ans Prévalence : 8,9% 31% stade 1 Age moyen : 80,7 ans 1 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 Consensus en France Incidence : 300 000 escarres Environ 5 à 10% des personnes hospitalisées 70% des patients porteurs d’escarres ont plus de 70ans Physiopathologie de l’escarre Lésions cutanée de la peau résultant d’un processus ischémique. L’importance de ce processus est déterminée par des facteurs ischémiant locaux et généraux qui sont la résultant de : - Causes intrinsèques liés à l’état clinique du patient Causes extrinsèques 3 types (conférence de consensus Paris Nov. 2001) - L’escarre « accidentelle » : liée à un trouble temporaire de la mobilité et/ou de la conscience L’escarre « neurologique » : conséquence dune pathologie neurologique chronique, motrice et/ou sensitive L’escarre « plurifactorielle » : combinaison de causes extrinsèques et intrinsèques 3 facteurs extrinsèques majeurs 1. La pression P ext. > P capillaires compressions des voix, ischémie tissulaire en aval, nécrose tissulaire Les conséquences dépendront de plusieurs facteurs : - Intensité, durée et gradient de la pression Danger si : P forte pendant un temps court P faible pendant un temps long 2 06.11.09 UE.4.1.S1 - Compétence 3 P de 60mmHg pendant 2h escarre Localisation et facteurs de risques associés Pour une pression externe > 20 mmHg : diminution du flux micro-circulatoire Pour une pression externe > 40 mmHg : diminution de la TcpO2 Les dégâts sont plus étendus en profondeur 2. Le cisaillement Définition : glissement et étirement des couches cutanées et sous-cutanées les unes sur les autres. Forces 3 fois plus ischémiantes que les forces de pression « verticales ». - - Etirement, cassure des micro-vaisseaux : ischémie tissulaire Survient lors des massages-pétrissages Position semi-assise au lit Position latérale avec tête au lit surélevée Glissement dans le fauteuil Fissure du pli inter-fessier par étirement de la peau lors de la manipulation Spasticité Favorisé par : L’humidité (macération), des vêtements trop ajustés Une housse ou un drap trop tendu La position semi-assise au lit 3 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 3. Le frottement - Agit par abrasion mécaniques de la peau Massage-pétrissage Frottement des talons contre les draps du lit (malade agité) Remontée du patient dans le lit réalisée dans de mauvaises conditions, chaussage inadapté… - Talon, sacrum, coude Les massages-pétrissages sont interdits Agitation et chaussage : dénutrition 4. Les autres facteurs de risques - La baisse du niveau d’activité, l’immobilité o - Les attitudes vicieuses et les mauvaises postures Les équipements orthopédiques inadaptés o - Attelles, plâtres… La dénutrition (malnutrition protéino-énergétique) et la déshydratation L’humidité excessive, la macération o - Troubles de la conscience et de la vigilance, atteintes musculaires, neurologiques ou osseuse, per op et post op Fièvre incontinence urinaire difficile à gérer L’incontinence fécale La perte de la sensibilité avec l’incapacité à ressentir une douleur ou percevoir une situation d’inconfort o Neuropathies périphériques, lésions neurologiques centrales Exemple de facteur de risque : escarre sous plâtre 4 06.11.09 UE.4.1.S1 - Compétence 3 L’atteinte de l’appareil respiratoire et cardio-vasculaire o - Hypotensions artérielle (anesthésie, médicaments,…), anémie, artériopathies, état de choc, insuffisances respiratoires et cardiaques, toute situation favorisant une hypoxie ou une altération des échanges gazeux et circulatoires Le plan dur (carrelage, matelas…) Le poids (faible ou trop important) L’âge (peau plus fine, moins élastique et moins bien vascularisé) La polymédication Le tabac Souvent une association des facteurs de risque Maladie en phase aigüe, patients très âgés, fin de vie, pathologies neurologiques Les conséquences - Douleurs, odeurs, altération de la qualité de vie Impact psychologique (patient, entourage, soignants) Impact social : perte d’autonomie, source de rejet ? Infection du site, loco-régionale et généralisées Porte d’entrée potentielle du tétanos Cancérisation : très rare, mais y penser Incontinence urinaire par urgence mictionnelle Cachexie avec dénutrition et déshydratation Etat grabataire Décès Infection - - Malade tétraplégique Escarres dans les régions trochantérienne et périnéale (tunnel) Fièvre, frissons Bactériémie à Staph. Doré Malade paraplégique Escarres dans les régions ischiatiques Subfébrile, sueurs nocturnes CRP élevée Prélèvements osseux : Staph. doré Escarre trochantérienne : évacuation d’un liquide purulent après incision de la plaque noire. Escarre trochantérienne dans les suites d’une intervention orthopédique : infection sur prothèse et ostéite. 5 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 Impact économique : - Coût moyen : 15 000 à 30 000E/escarre Double la durée de l’hospitalisation 30% des escarres exigent 1 à 6 mois de soins et 20% plus de 6 mois Impact sur la T2A ? Pénalités financières au japon Impact juridique : responsabilité médicales et soignante Escarre : « affection nosocomiale ? » Les localisations - Le sacrum Les trochanters Les talons Pli inter-fessier, ischions Colonne dorsale (cyphose) Bord externe des pieds, malléoles Plâtre, attelle de posture ou autre matériel Plus rarement : scrotum (urinal), oreilles, nez (SNG ou O2), cuisses (sonde urinaires), gland (sonde urinaire), omoplates, occiput, coudes, paumes (ongles), … Clinique de l’escarre constituée La survenue d’une escarre - Soins médicaux et soignants longs et difficiles Pronostic vital du malade transformé Qualité de vie altérée Implications économiques et sociales importantes En présence d’une escarre - Evaluation de la plaie Evaluation globale concomitante 6 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 L’évaluation de la plaie Langage commun pour décrire les plaies. Absence de classification idéale. - National Pressure Ulcer Advisory panel. Classification des couleurs. Classification NPUAP - Stade 1 ou plaque érythémateuse o Si peau pigmentée, induration, œdème et modification de couleur o Evolution réversible par des mesures préventives immédiates. - Stade 2 ou altérations superficielle de la peau o Destructions de l’épiderme et atteinte partielle du derme (érosion ou phlyctène) - Stade 3 ou atteinte complète de la peau et du tissus sous-cutané jusqu’au fascia Stade 4 ou atteinte tissulaire profonde (Muscles, tendons, articulations, os) Un trajet fistuleux peut être associé Cette classification est importante car : - Elle précise la profondeur des tissus atteints Inconvénients et limites : Stade 1 et peau pigmentée Retirer la plaque de nécrose adhérente avant d’évaluer Impression erronée d’une progressions et d’une cicatrisation ordonnées (ex : stade lésion profonde probable) Classification colorielle ou RYB Color Code - Couleur noire : nécrose (humide ou sèche) Couleur jaune : fibrine Couleur rouge : bourgeonnement Couleur rose : épidémisation Couleur verte : infection Limites de la classification : - Profondeur de la plaie ? Nature des tissus atteints ? 7 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 Les autres caractéristiques de la plaie - Taille : les mesures Profondeur : contact osseux ? sinus ou tunnel ? Localisation Importance et aspect des exsudats Douleurs ? Odeurs ? Aspect des bords et de la peau périlésionnelle Mise à nu de tendons, d’un fascia, d’un plan osseux… Autres complications ? Autres méthodes de mesure : - Claques avec analyse informatique Photographies standardisées Sérum physio et film de poly-uréthane …. Complications - Extension en nombre et en taille des plaies Complications osseuses infectieuses ou non Hémorragies Cancérisation ? Complications vasculaires Odeurs nauséabondes Douleurs Infections Les douleurs - Sont fréquentes mais pas toujours présentes Ne sont proportionnelles ni à la taille, ni au stade évolutif de la plaie Ne sont pas exclusivement liées à la plaie (Mobilisations, gestes techniques, pathologies associées…) Tenir compte des dimensions affective, cognitive et socioculturelle 8 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 Éléments cliniques pouvant nous orienter vers une infection Œdème, rougeur, augmentation de la chaleur locale, mauvaises odeurs (pyocyaniques, anaérobies), tissus nécrosés, présence de pus, contact osseux (ostéite?), douleur, lymphangite, adénopathie, fièvre, hypothermie, érysipèle, retard de cicatrisation. - Beaucoup de ces signes sont aspécifiques La clinique est parfois trompeuse Ne pas négliger d’autres causes potentielles d’infection Si suspicion d’une infection: documenter +++ - CRP, NFS, hémocultures, imagerie - Prélèvements bactériologiques locaux uniquement si arguments en faveur d’une infection locorégionale ou à distance (pas de prélèvement systématique) - Biopsie osseuse si suspicion d'ostéite +++ - Quid des Bactéries Multi-Résistantes ? la plaie chronique favorise le portage de BMR la présence de BMR n’augmenterait pas le risque infectieux et ne retarderait pas la cicatrisation (dans le cadre d’une flore polymicrobienne) si survenue d’une infection: traitement plus difficile 9 06.11.09 UE.4.1.S1 Compétence 3 Complications Retard de cicatrisation: Infection, malnutrition, hyperbourgeonnement, antiseptiques, corticothérapie, retentissement d’une ou plusieurs pathologies ? Altération de la qualité de vie Répercussions physiques, psychiques, entourage, sociales L’évaluation clinique globale Identifier les facteurs de risque extrinsèques et intrinsèques qui ont favorisé l’apparition de l’escarre. Les échelles d’évaluation des facteurs de risque ne dispensent en aucun cas de l’examen clinique. Se méfier des patients présentant une artériopathie diabétique ! Conclusion Synthèse de l’évaluation clinique: - détermine la nature précise de l’escarre, les causes responsables, les facteurs associés de retard de cicatrisation - oriente le choix du pansement et des examens complémentaires - permet une prise en charge globale et cohérente du malade - permet d’établir des stratégies de prévention secondaire et tertiaire 10