550 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 10 - décembre 2009
Radiothérapie des cancers digestifs:
évolution des concepts et nouvelles techniques
DOSSIER THÉMATIQUE
Radiothérapie
30 Gy et la toxicité intestinale : le taux de toxi-
cités aiguës de grade 3 en fonction du paramètre
V30 Gy (> 450 cm
3
versus ≤ 450 cm
3
) était respecti-
vement de 33 % et 8 % (p = 0,003) [34]. Une étude
de phase II du RTOG (essai 0529) testant l’IMRT
est en cours.
Par ailleurs, dans cette étude comme dans la mise
à jour à 10 ans des résultats de l’essai de phase II
du RTOG (essai 92-08), il a été démontré que le
gap était délétère sur le contrôle local (10 à 15 % de
rechutes locorégionales sans gap versus 27 à 29 %
en cas de gap) [33, 35].
Cancers du foie
Les carcinomes hépatocellulaires sont très souvent
diagnostiqués à un stade tumoral avancé, ou bien
le patient est inopérable. Moins de 15 à 20 % des
patients sont opérés avec une visée curative. Il est
admis que l’ensemble du foie ne peut tolérer des
doses supérieures à 28 Gy avec un fractionnement
classique. L’arrivée de la RT 3D a permis de reconsi-
dérer les indications d’irradiation, permettant une
irradiation partielle hépatique plus facile, avec une
escalade de dose dont la limite dépend du volume
de foie sain irradié à plus faible dose. Les travaux
pionniers de l’équipe du Princess Margaret Hospital,
à Toronto, et de l’équipe de Ann Harbor, dans le
Michigan, ont permis d’établir des contraintes au
foie sain à respecter, permettant de délivrer sur
ces tumeurs primitives une dose totale inférieure
ou égale à 90 Gy (36, 37). En respectant une dose
moyenne au foie de 32 Gy, le risque d’hépatopa-
thie radio-induite, qui était la principale toxicité
limitante, était de 5 %. Plusieurs essais de phase II
et de larges études rétrospectives ont clairement
montré la faisabilité d’une escalade de dose avec
des doses comprises entre 55 Gy et 66 Gy (38-43).
Un effet dose sur le contrôle local a clairement
été établi par plusieurs séries (39, 41-43) avec un
cut-off à 50 Gy. Parmi les facteurs pronostiques
retrouvés, la présence d’une cirrhose associée
semble avoir un impact négatif (44). Le score de
Child B ou C est retrouvé de manière inconstante
dans les séries, en analyse multivariée, mais doit
inciter à la prudence, car une majoration péjora-
tive du score de Child a pu être constatée après
irradiation. Compte tenu des contraintes à imposer
au foie sain, il apparaît logiquement que la taille
tumorale est un facteur limitant. Les données de
phase II de l’essai français RTF-01 ont permis de
retrouver un taux de réponse objective de 80 % avec
3 palliers de dose (en fonction de la dose au foie
sain), jusqu’à 66 Gy en 33 séances (40). La limite
de taille des tumeurs était de 5 cm environ (ou bien
2 nodules de 3 cm). La révolution majeure du trai-
tement de ces tumeurs par irradiation est beaucoup
plus récente. Elle tient à l’irradiation en conditions
stéréotaxiques et à la radiochirurgie. Les nouveaux
accélérateurs permettant de traiter en IGRT et le
système de gating respiratoire (45-47) avec opti-
misation de la contention rendent possible une
délivrance plus importante des doses par fraction.
Les principaux schémas utilisés dans les séries plus
larges comprenaient 1 à 6 fractions permettant de
délivrer une dose totale de 15 à 45 Gy en 5 à 15 jours
(48, 49). En radiochirurgie, les équipes du Karo-
linska Hospital et de Heidelberg ont établi la faisa-
bilité d’une fraction unique de 15 à 26 Gy pour des
tumeurs allant jusqu’à 6 cm de diamètre (48, 49).
La même approche a été testée pour les patients
oligométastatiques, quel que soit le primitif, avec
des résultats tout aussi encourageants. La toxicité
de ce traitement est principalement liée à la proxi-
mité du tube digestif avec le volume cible (risque
de gastrite, de colite hémorragique ou d’ulcère
duodénal). Néanmoins, avec un recul de 6 mois à
1 an, il est observé de manière reproductible des taux
de contrôle local compris entre 65 % et 95 % (48,
49). Ces résultats encourageants, jamais observés
auparavant, devraient placer cette stratégie en
compétition avec la chirurgie et la radiofréquence
dans les futurs essais cliniques.
Cancers du pancréas
Les adénocarcinomes pancréatiques, réséqués ou
non résécables, restent des tumeurs peu radio-
sensibles pour lesquelles aucun standard théra-
peutique validé n’existe à ce jour. De toutes les
tumeurs digestives, ce sont celles qui sont de plus
mauvais pronostic. Une revue exhaustive de la
littérature réalisée dans le but d’établir les Stan-
dards, Options et Recommandations (SOR) pour ces
tumeurs localement avancées aboutit à la même
conclusion (50). Bien qu’un essai randomisé euro-
péen (ESPAC-1) ait mis en évidence un effet délétère
de la RTCT adjuvante, ce traitement reste stan-
dard aux États-Unis (51). Il faut rappeler, pour les
tumeurs réséquées R0, les deux larges expériences
de RTCT adjuvante publiées par la Mayo Clinic et le
Johns Hopkins Hospital, incluant respectivement
466 et 616 patients (52, 53). Dans ces deux études
majeures, en comparaison avec les tumeurs R0 sans
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