Bases de la radiothérapie externe dans le cancer bronchique Particularités du sujet âgé Jean-Emmanuel Bibault Données générales • 180.000 patients en France sont traités par radiothérapie chaque année, quelle que soit l’indication • 2/3 des malades porteurs d’un cancer reçoivent une radiothérapie: - Curative : 2/3 Proportions inverses dans le cancer bronchique - Palliative : 1/3 • 172 centres de radiothérapie en France • < 1h d’un centre de radiothérapie : 0,67 AL/100 000 habitants • Tutelle de l’ASN et de l’HAS : assurance qualité / CREX Radiothérapie du sujet âgé La consultation initiale après RCP • Confirmer l’indication oncologique • Evaluer la fragilité gériatrique Onco G8 - IMC / perte de poids / albuminémie - Clairance de la créatinine MDRD - Comorbidités / polymédication / + score de Charlson - Traitements antérieurs ou associés (chirurgie/chimiothérapie …) - Environnement psychosocial / personne ressource • Avis onco-gériatrique +++ • Evaluer la faisabilité technique de l’irradiation et choisir la technique • Inclusion dans un essai thérapeutique ? Radiothérapie du sujet âgé Aspects logistiques • A prendre en compte dès la Cs initiale / Cs hebdomadaire • Confortés par la Cs manipulatrice / soins de support • Peuvent être responsables d’un défaut d’observance préjudiciable au pronostic oncologique • Concernent : - - - - Le choix adéquat du centre de RT / lieu de vie Les modalités de transport Le temps prévu sur le planning de l’accélérateur Le maintien à domicile , à privilégier +++ avec mise en place des aides à domicile - L’alternative de la structure de soins / EPAD AS MT gériatre “ Déroulement Définir la position de traitement et la maintenir Contention devant assurer : - l’immobilité parfois impossible à obtenir = Parkinson - la reproductibilité Cyphose importante (bascule latérale) Adéquate pour la localisation à traiter : membres supérieurs relevés sauf pour les lésions de l’apex Confortable compliance Acquisition des données anatomiques TDM hélicoïdal en coupes de 2 à 3 mm sur tout le thorax (glotte – L1L2) Injection selon clairance MDRD Attention aux médicaments néphrotoxiques associés : biguanides / IEC / diurétiques… Fusion d’images : améliorer la détermination du volume cible mais utiliser les ex diagnostiques car - longueur de l’examen (IRM ; TEP) - déplacements supplémentaires Délinéation le volume cible - tumeur / résidu tumoral R1 R2 - lit tumoral post-op pour les pT3 pariétaux - éventuellement le médiastin (N2 et N3) les organes à risque - le parenchyme pulmonaire sain : PD/PG - le cœur et les coronaires (ostium) - la moelle épinière - l’œsophage V20 V40 Dmax : 45 Gy - les pace-makers sont des organes à risque ! Préparation du traitement Définir marges : ▷ Balistique ▷ Rayonnement ▷ Dose et fractionnement ▷ Mouvements ▷ Erreurs de repositionnement : PTV Photons X : 6 – 18 MV 10MV Histogramme dose volume Histogramme Dose/Volume : HDV T Poumon G V20 Poumon D D max ➥ % de volume d ’un organe recevant une dose donnée Surveillance en cours de traitement Contacts quotidien avec la technicienne - Confiance - Détection des effets indésirables - Détection des problèmes sociaux Rôle technique - Positionnement - Réalisation de la séance - Surveillance du poste de commande par un système audiovisuel : problème des mal-entendants (gating) “ Toxicité de la radiothérapie thoracique Pneumopathie radique Bradley J et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2004. 58 : 1106 Palma Da et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2013. 87: 690 Pendant et dans les 3 mois Apparait vers la 3ème semaine de traitement en FC Traitement symptomatique : consultation hebdomadaire - compliance +++ - ne pas arrêter le traitement = repopulation tumorale / contrôle local Majoration par la chimiothérapie concomitante : platines, taxanes gemcitabine Contre-indication des anti-angiogéniques (bevacizumab) Guérison en règle sans séquelles Peu prédictifs des effets tardifs Toxicité aigue Pneumopathie radique aigue • Fréquente : jusqu’à 20% • Signes cliniques : dyspnée, toux sèche, fébricule, crépitants, sd inflammatoire • Signes radiologiques : images en verre dépoli dans la zone traitée • Syndrôme restrictif • Diminution de la DLCO • Fibro/lavage : alvéolite lymphocytaire ; éliminer une surinfection bactérienne • Evolution en règle favorable sous corticothérapie dégressive • Rarement SDRA : rechercher une surinfection +++ Le Prieur E et al. J Cancer Res Ther 2013. 9(3) : 447 Pneumopathie radique Méta-analyse sur données individuelles de 826 pts inclus dans 12 études de RT 3D-CT pour cancer bronchique localisé au thorax • Dose médiane = 60 Gy ; 86 % en FC • Suivi médian = 2,3 ans ; 249 PR symptomatiques (29,9 %); 415 décès dont 16 PR (1,9%) = rôle protecteur Sévérité de la pneumopathie V20 > 30 % Risque de PR fatale corrélé à - Dose/f > 2 Gy (p = 0,01) - V20 (p = 0,04) - lobe inférieur (p = 0,007) Palma DA et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2013. 87 : 690 Toxicité aigue Oesophagite 0 à 6 % de G3 ; # 20 % si CT concomitante V50 < 30% si RT-CT longueur d’œsophage irradiée > 10 cm A différencier de la fistule Péricardite aigue 20 à 40 % En règle asymptomatique et d’évolution favorable Toxicité tardive = séquelles • Fonction de la topographie • Après 6 mois, non aggravés par la chimiothérapie concomitante • Perte de la fonctionnalité du tissu atteint • = Fibrose radique / dg différentiel = récidive Ortholan et al, Cancer Radiother 2010 ; 14 : 312 Lacombe J, Azria D et al. Bull cancer 2011. 98 : 12 Toxicité tardive Fibrose radique : aspects radiologiques après RT • • • • Fibrose avec épaississement des septa Images de condensation alvéolaire Bronchectasies de traction, épaississement pleural Diminution du volume pulmonaire Pas de systématisation anatomique MAIS suivant les courbes isodoses “ Comment limiter la toxicité de la radiothérapie ? Stades localement avancés IGRT - RCMI Gating Asservissement respiratoire Variations anatomiques en volume courant • hile distal 1 - 1.5 cm • crosse aortique • lobe moyen 0 - 0.5 cm 0.5 - 2.5 cm • lobe inférieur 1.5 - 4 cm augmenter les marges pour traiter correctement la tumeur Huang et al, Int J Radiat Oncol Biol Phys 1996 = augmenter le risque de PPR Amélioration de la précision du contourage en blocage respiratoire La radiothérapie asservie à la respiration Bloquer la respiration En inspiration • Doit être appliquer lors du TDM dosimétrique • Fenêtre choisie # 80 % du VRI • TDM en respiration libre de sauvetage • Accessible à plus de 80 % des patients (pneumonectomisés compris) • Phase d’apprentissage Difficile si troubles cognitifs, visuels,auditifs, édentation !!! Irradiation La radiothérapie asservie à la respiration Synchroniser la machine à la respiration du patient • Le patient respire librement • Les cycles respiratoires sont détectés par : - Jauge de contrainte Anzai (SiemensR) = une ceinture de contrainte abdominale - Système RPM (VarianR) : = 2 reflecteurs dans un bloc plastique sur l’abdomen • Préférence pour la fin d’expiration • Acquisition des données anatomiques avec le système choisi • Augmente la durée de la séance Bien adapté au sujet âgé Modulation d’intensité (RCMI) Principes • Planification inverse = contraintes de doses • Variation volontaire de la dose (fluence) en chaque point • Appareillage de pointe - informatique / réseau Champ classique Champ modulé - collimateur multilame - contrôle de qualité • Temps physicien +++ • Temps de traitement plus long STANDARD Tomothérapie AL Scanner hélicoïdal AL de 6MV « Hyper modulation » Détecteurs scanographiques Direction du patient Allongement de la durée de la séance Pénibilité chez le sujet âgé ? Moelle Stade précoce Radiothérapie stéréotaxique CyberKnife Multiples faisceaux non coplanaires Parfois non isocentriques CyberKnife 1 - Imagerie embarquée 2 – Tête accélératrice 3 – Détecteurs silicium amorphe 4 – Table de traitement CyberKnife Radiothérapie stéréotaxique • Dose et fractionnement = f(topographie, taille) ; < 10f • Dose radiobiologique (BED) >100 Gy • Schéma le plus utilisé : 3 x 20 Gy (T périphériques) • Complications - Aigues : toux et dyspnée (6%) - Tardives: ü PR < 3% ; douleur costale / fracture # 2 % ü diminution du VEMS < 5% ; diminution de la DLCO # 7% Guckenberger et al.Int J Radiat Oncol Biol Phys.2013. 85 : 1074 - 81 • Essais randomisés chirurgie vs RTS : STARS (MD/ Accuray) et néerlandais Rosel stoppés • Essai Veterans Affairs en cours Avant traitement Dosimétrie 3 mois après traitement avec isodose Indications Radiothérapie des NPC Dates historiques clefs AUCUN ESSAI GERIATRIQUE > 70 ans +++ • 1968 : RT > soins palliatifs Etude du Veterans’ affairs group Roswit B et al. Radiol. 1968 ; 90 : 688-97 • 1980-1990 : faisabilité du séquentiel # 12 essais de phase III Amélioration du taux de réponse et de la SG # 10 % • 1995 : RT < RT + CT 11 essais de la méta-analyse du BMJ « Trials comparing radical radiotherapy with radical radiotherapy plus chemotherapy gave a hazard ratio of 0.87 (13% reduction in the risk of death; absolute benefit of 4% at two years) » Non small cell lung cancer collaborative groupe. 1995; 311 : 899-909 Radiothérapie des NPC • 1990-2000: faisabilité du concomitant • 2007 : concomitant > séquentiel N essais Shaake-Koning et al. N Engl J Med 1992 ; 326 : 524-30 Jeremic et al. J Clin Oncol 1996 ; 14 :1065-70 Méta-analyse de Aupérin et al (6 essais, 1205 patients) Augmentation de la toxicité aigue +4,5% Aupérin A et al. JCO 2010. 28 : 2181-90 Radiochimiothérapie concomitante exclusive des NPC • • • • • • • • Formes localisées au thorax Sans épanchement pleural/péricardique tumoral RT-CT supérieure à la RT seule et au séquentiel Avec cytostatique radiosensibilisant : sels de platine, VP16, pemetrexed, paclitaxel, vinorelbine Toxicité de la gemcitabine Prudence des thérapies ciblées Niveau de dose : 66 Gy (2 Gy/fr) Essai d’escalade de dose : RTOG 0617 • Modifications du fractionnement = RT hyperfractionnée accélérée Mieux ? plus toxique (19% d’oesophagite G3) De Ruysscher D et al. JCO 2010 ; 28:2181-10 Maugen A et al. JCO 2012 ; 30 : 2788 - 97 Quelle place pour la RT pré-opératoire des NPC ? • Tumeurs de l’apex (Pancoast Tobias) • Radio-chimiothérapie concomitante - niveau de dose de 45 - 55 Gy FC - augmente la résécabilité - augmente le nombre de R0 - environ 15 % de RCH - morbidité acceptable pour chirurgien spécialisé Rush VW et al. J Thorac Cardiovasc Surg 2001. 121 : 472-83 Rush VW. JCO 2007. 25 : 313 – 318 Truntzer P et al. Radiat Oncol 2014. 26 : 259 Quelle place pour la RT postopératoire des NPC ? RT délétère sauf peut-être pour les pN2 Lung-ART >18 ans Base SEER : 1307 pts >65 ans pN2 ; RT dans 710 cas Pas de bénéfice en survie WisniveskyJPetal.Cancer2012;118:4478-85 Radiothérapie stéréotaxique T1-T2 N0 M0 Inopérables : Lobectomie impossible : • • VEMS préopératoire < 80% (American College of Chest Physicians Guidelines) VEMS post-opératoire prévisible <49% BPCO Grade 3 FEVG<40% Obésité (BMI>30) Radiothérapie stéréotaxique Senthi S, Lagerwaard FJ, Haasbeek CJA, Slotman BJ, Senan S. Patterns of disease recurrence after stereotactic ablative radiotherapy for early stage non-small-cell lung cancer: a retrospective analysis. Lancet Oncol 2012; published online June 22. Radiochimiothérapie concomitante des PC ; IPC • • • • • • • • Formes localisées au thorax Sans épanchement pleural/péricardique tumoral RT-CT supérieure à la RT seule et au séquentiel Précoce, après 1 à 2 cycles de CT (< 9 semaines) Avec cytostatique radiosensibilisant : sels de platine, VP16 Niveau de dose >55 gy et < 70 gy en FC 45 Gy Bifractionné (Turrisi) IPC 25 gy : diminue le risque de métastases cérébrales et améliore la survie mais données sur les < 70 ans LePechouxetal;LancetOncol,2009:467–474 Urgences palliatives • Indications - syndrome cave supérieur (stent) - hémoptysies non embolisables - métastases osseuses et cérébrales • RT volontiers hypofractionnée • Questions préalables - Espérance de vie : la patient va-t-il terminer la RT ? - Est-ce utile pour sa qualité de vie ? - Est-ce le bon centre de RT : transport ++ - Est-ce techniquement possible ? : orthopnée, immobilité (douleur, confusion) - Le patient a-t-il déjà été irradié à ce niveau ? dossier technique antérieur Faisabilité de la RT chez le sujet âgé I Quelques études seulement mais en progrès … Attestent globalement de la faisabilité de la RT NPC localement avancé : les patients âgés sont moins traités - Base SEER (6325 pts >66 ans) = 34% sans traitement Davidoff AJ et al. J Thorac Oncol 2011 ; 6 : 934 – 41 - Veterans affairs Central cancer registry (4635 pts >66 ans) = 35 % Wang S et al. J Clin Oncol 2012 ; 30 : 1447 – 55 « frilosité » pour la CT concomitante Etude rétrospective : 189 pts > 70 ans : 10,7 % de CT concomitante Kadono K et al. Oncol Rep 2002 ; 9 : 1273 - 6 Faisabilité de la RT chez le sujet âgé II Pignon T et al. Radiother Oncol 1998; 46 : 239 - 48 - 6 essais randomisés de l’EORTC (1208 pts) de RT thoracique - analyse selon l’âge (50-80) : pas de différence en survie ni en tolérance Hayakawa et al. Lung cancer 2001 ; 32 : 81 - 8 - Étude rétrospective (303 pts ; 67 de 75 – 79 ans et 30 > 80 ans) - Même survie ; même évolution du PS selon l’âge Atagi et al. Lancet Oncol 2012 ; 13 : 671 – 78 +++++ - Etude de phase III dans les stades III - 200 pts >70 ans (77 ans) : 60 Gy FC + carboplatine - MS : 22,4 mois (CT) vs 16,9 mois p = 0,01 - 7 décès toxiques : 3 (CT) vs 4 Faisabilité de la RT chez le sujet âgé III Stade localisé Etude de cohorte de 120 pts > 75ans chirurgie vs Stéréo : - survie globale 1/3 ans : 75 % - 60% vs 87 % - 42 % - mortalité à 30 jours : 8,3 % vs 1,7 % p=0,22 Palma D et al. Radiother Oncol 2011; 101: 240–244 Etude rétrospective de 10923 pts > 66 ans (75 ans) - lobectomie (59 %) ; segmentectomie (11.7%) ; RT classique (14.8%); observation (12.6%) ; stéréo (1.1%) - le risque de décès dans les 6 mois le plus bas = stéréo HR 0.48; 95% IC : 0.38–0.63 Shirvani SM et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2012; 84: 1060–1070 “ ▷ Take home messages Radiothérapie du sujet âgé Maintien des indications oncologiques certaines • RT • RT +/- CT Maintien des doses d’irradiation +++ « on fait ou on ne fait pas MAIS on ne fait pas à moitié ! » Intérêt des nouvelles techniques • Gating RPM • Stéréotaxie : limiter la fatigue des transports / rupture des repères quotidiens Radiothérapie du sujet âgé Aménagements Choisir le BON centre de radiothérapie : transport +++ Vérifier la clairance de la créatinine pour le TDM de dosimétrie Temps planning » supérieur en cas de difficulté de mobilisation Eviter l’hospitalisation si possible +++ Consultation hebdomadaire indispensable - dénutrition / déshydratation si oesophagite ++ - dépression Relations avec le médecin traitant : polypathologies Cas particulier des pacemakers et des défibrillateurs Cas particulier des patients déments consentement / immobilité / risque de chute / évaluation de la tolérance Radiothérapie du sujet âgé • Evaluation gériatrique • Suivi clinique > hebdomadaire • Soins de support • Favoriser les nouvelles techniques • Essais thérapeutiques spécifiques