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AU COIN DU WEB
Médecine
& enfance
Rédaction : G. Dutau
Dessin : B. Heitz
P. Pascal précise que les recommandations nouvelles concernent surtout la diversification
alimentaire, qu’il est conseillé
de commencer plus tôt (entre
quatre et six mois) que par le
passé (à partir de six mois).
Par expérience, en particulier
en matière d’alimentation du
nourrisson, les recommandations d’hier deviennent parfois
les erreurs d’aujourd’hui (et inversement…) (voir encadré). 왎
◗ Alimentation du nourrisson et de l’enfant jusqu’à
trois ans : du nouveau ?
◗ Contage tuberculeux avéré : que faire ?
◗ Analgésie par le sucre : et le Canadou® ?
◗ Symptôme curieux chez un nourrisson : un bruit
temporal pour l’instant inexpliqué…
◗ Réactions bucco-pharyngées à l’ingestion
d’aliments : syndrome d’allergie orale ?
Alimentation du nourrisson
et de l’enfant jusqu’à trois ans :
du nouveau ?
Notre consœur A.L. Véro
cherche les dernières recommandations en matière d’alimentation du nourrisson et de
l’enfant jusqu’à l’âge de trois
ans. Pour C. Philippe, même si
elles datent de 2003, les recommandations pratiques publiées dans les Archives de pédiatrie (1) restent tout à fait respectables. D. Le Houézec fustige les aliments pour nourrissons et enfants en bas âge, petits pots et plats préparés, qui,
« selon certains documents professionnels, assortis de références récentes (2), seraient des
“alternatives à l’alimentation
préparée à la maison”. En fait,
même si ces produits sont sûrs
en termes de sécurité, leur bé-
néfice nutritionnel serait minimal, et ils sont surtout utiles
lors du sevrage et en complément à l’alimentation préparée
à la maison » (2).
(1) BOCQUET A., BRESSON J.L., BRIEND A. et
al. : « Alimentation du nourrisson et de l’enfant
en bas âge. Réalisation pratique », Arch. Pédiatr., 2003 ; 10 : 76-81.
(2) GHISOLFI J., BOCQUET A., BRESSON J.L.
et al. : « Processed baby foods for infants and
young children : a dietary advance ? A position
paper by the Committee on Nutrition of the
French Society of Paediatrics », Arch. Pédiatr.,
2013 ; 20 : 523-32.
(3) BROZEK J.L., BOUSQUET J., BAENA-CAGNANI C.E. et al. : « Allergic rhinitis and its impact on asthma (ARIA) guidelines : 2010 revision », J. Allergy Clin. Immunol., 2010 ; 126 :
466-76.
(4) KOPLIN J.J., OSBORNE N.J., WAKE M. et
al. : « Can early introduction of egg prevent
egg allergy in infants ? A population-based
study », J. Allergy Clin. Immunol., 2010 ; 126 :
807-13.
(5) KATZ Y., RAJUAN N., GOLDBERG M.R. et
al. : « Early exposure to cow’s milk protein is
protective against immunoglobulin E (IgE)-mediated cow’s milk protein allergy », J. Allergy
Clin. Immunol., 2010 ; 126 : 77-82.
(6) DU TOIT G., KATZ Y., SASIENI P. et al. :
« Early consumption of peanuts in infancy is associated with a low prevalence of peanut allergy », J. Allergy Clin. Immunol., 2008 ; 122 : 98491.
(7) ZUTAVERN A., VON MUTIUS E., HARRIS J.
et al. : « The introduction of solids in relation to
asthma and eczema », Arch. Dis. Child., 2004 ;
89 : 303-8.
Les recommandations de 2003 comportaient un grand nombre de mesures concernant le nourrisson à risque allergique : retarder la diversification alimentaire (ne pas la commencer avant l’âge de six mois et la réaliser très progressivement) ; éviter les aliments très allergisants pendant la
première année (bannir l’arachide et même son huile…) ; retarder l’introduction de l’œuf, des fruits de mer, du kiwi, du céleri, de la moutarde, des
épices après la fin de la première année ; au-delà de un an, introduire de
façon progressive les aliments réputés les plus allergisants (1). Toutes ces
mesures sont devenues pratiquement caduques puisqu’il est maintenant
conseillé que l’alimentation du nouveau-né à risque allergique (un nourrisson ayant un ou plusieurs antécédents allergiques avérés dans la famille nucléaire : mère, père, fratrie) soit identique à celle du nouveau-né normal (3). En effet, l’introduction précoce d’aliments comme l’arachide, l’œuf
ou le lait de vache protégerait, en particulier, contre l’apparition des allergies alimentaires par induction de tolérance alimentaire (4-7).
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Médecine
& enfance
Contage tuberculeux avéré :
que faire ?
Un patient de S. El Yafi, âgé actuellement de vingt-six mois,
vacciné par le BCG à l’âge de
un mois, aurait été en contact
durant une soirée avec un
adulte chez lequel une tuberculose pulmonaire nécessitant
une hospitalisation a été diagnostiquée peu après.
Plusieurs collègues, dont
F. Vié Le Sage, indiquent que
les cas contacts doivent être
gérés par le CLAT (Comité de
lutte antituberculeuse) local.
Les CLAT ont des critères très
précis pour définir les sujets
contacts à traiter en fonction
de la durée d’exposition et de
l’importance du contact. Un
document de l’Inpes (2009)
fait parfaitement le point sur le
sujet (1).
Même si son incidence baisse
régulièrement en France, la tuberculose reste une maladie
contagieuse potentiellement
grave, qu’il ne faut pas négliger. Les retards au diagnostic
souvent constatés ont de
lourdes conséquences, en particulier un risque d’augmentation du nombre de personnes
contaminées dans l’entourage.
Une vigilance toute particulière
est donc nécessaire, tant pour
le dépistage que pour le diagnostic précoce et la surveillance, que ce soit pour l’infection
tuberculeuse latente (appelée
aussi tuberculose infection) ou
pour la tuberculose maladie.
Voir aussi le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (2, 3). 왎
(1) INPES : « La tuberculose. Dépistage et diagnostic précoce (2/2) », coll. Repères pour
votre pratique, 2009 ; www.inpes.sante.fr/
CFESBases/catalogue/detaildoc.asp?
numfiche=1183.
(2) « Actualités de la tuberculose », Bull. Epidémiol. Hebd., 2009 ; 12-13 : 105-24.
(3) ROMBY A., MIJATOVIC D., VINCENTI-DELMAS M. : « Investigations croiseées autour de
cas de tuberculose en lycée, Seine-Saint-Denis, France, 2009-2010 », Bull. Epidémiol.
Hebd., 2011 ; 39 : 405-9.
Analgésie par le sucre :
et le Canadou® ?
Notre confrère D. Lemaitre,
abordant l’analgésie des nouveau-nés par le sucre, se demande pourquoi le site de Pédiadol précise que le Canadou®
(qui correspond à du G70)
n’est pas indiqué et qu’il vaut
mieux utiliser du G30. D. Lemaitre a donc suivi les recommandations de Pédiadol dans
les cliniques où les bébés reçoivent systématiquement le BCG
et le vaccin de l’hépatite B à la
naissance (particularité du calendrier vaccinal calédonien).
A l’usage, les infirmières ont
observé que 1 ml de Canadou®
était très efficace, alors qu’avec
2 ml de G30 les bébés hurlent
pour l’Engerix B®… Alors,
pourquoi ne pas utiliser le Canadou® ? A la maternité de
Chambéry, M. Robert utilisait
avec succès une compresse imprégnée de sucre de canne.
Pour E. Fournier-Charrière,
« les recommandations internationales, étayées par des dizaines d’études ayant déjà fait
l’objet de méta-analyses de la
Cochrane, sont intégrées dans
le protocole Pédiadol, récemment mis à jour (1) ». Pourquoi
donner du saccharose à plus de
80 % (Canadou®) (2) si le 24 %
suffit ? Pour notre consœur, les
multiples manipulations du
goulot ne sauraient être acceptées aujourd’hui par le CLIN
(Centre de lutte contre les infections nosocomiales)… En
principe, le G30 ou le saccharose à 24 %, associés à la succion
non nutritive d’une tétine (et à
un portage enveloppant, regroupement des quatre
membres et peau à peau
quelques minutes auparavant)
ou à un allaitement au sein,
ont le même effet antalgique.
Les quantités ont été réduites :
ce qui importe, c’est le goût sucré sur la langue, et non que la
solution sucrée soit avalée. Il
est maintenant recommandé
de déposer goutte à goutte la
solution sur la langue. 왎
(1) http://www.pediadol.org/Modalites-d-utilisation-du.html.
(2) Le Canadou® est un sirop de sucre concentré à 70 %. L’efficacité et les éventuels effets
secondaires de cette concentration importante
n’ont pas été étudiés. L’utilisation du Canadou® n’est pas préconisée par les recommandations actuelles. Voir : http://pediadol.org/So
lutions-sucrees-de-la-naissance,587.html#q6.
Symptôme curieux chez un
nourrisson : un bruit temporal
pour l’instant inexpliqué…
Notre consœur E. Berberides,
suit depuis la naissance un
nourrisson dont les antécédents se résument à un petit
torticolis et à un eczéma discret. En câlinant leur bébé, les
parents ont été alarmés par un
bruit entendu dans la région
temporale gauche, au-dessus
de l’oreille. Notre consœur a
également perçu ce bruit de façon intermittente au stéthoscope, à l’endroit indiqué par les
parents. C’est un bruit aigu, en
« va-et-vient ». Que faut-il en
penser ? Faut-il demander un
angio-scanner ?
De nombreux collègues, intrigués, évoquent plusieurs possibilités : craniotabès (F. Vié Le
Sage), perforation tympanique
(D. Lemaitre), fistule artérioveineuse (A. Quesney)… Il y a
quelques années, à l’auscultation systématique du crâne,
P. Deberdt avait perçu un
souffle intracrânien associé à
un souffle systolique d’hyper-
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débit cardiaque : il s’agissait
d’un anévrisme artério-veineux, qui fut diagnostiqué par
angiographie et guéri par embolisation. A la question de
C. Copin sur les caractéristiques de ce bruit, E. Berberides indique qu’il ne ressemble
pas à un souffle, est sans lien
avec les battements cardiaques
et n’est pas affecté par l’ouverture ou la fermeture de la
bouche. P. Popowski souligne
l’intérêt de l’auscultation systématique du crâne, qu’il pratique depuis trente-cinq ans
chez les nourrissons. Comme
E. Deberdt, il a observé un cas
d’anévrisme artério-veineux
qui soufflait au niveau de la
fontanelle antérieure, également associé à un souffle systolique fonctionnel.
Pour M. François le plus probable, chez cet enfant de cinq
mois, et surtout le plus urgent
à éliminer, est un bruit d’origine vasculaire, qui pourrait né-
Médecine
& enfance
cessiter un geste de radiologie
interventionnelle. Les autres
bruits que l’on peut entendre
lorsqu’on met son oreille près
de la tête d’un patient sont :
첸 des myoclonies du voile ou
du muscle du marteau, ou d’un
autre muscle dans la région
(cela fait clic-clic-clic, de manière intermittente) ;
첸 un bruit d’origine tubaire
(bruit respiratoire qui passe
par la trompe d’Eustache et est
audible à travers un tympan
perforé, le bruit cessant
lorsque le patient se met en
apnée).
E. Berberides est certaine
d’avoir entendu le bruit : elle
réfute l’hypothèse d’un syndrome de Münchhausen par procuration. Elle nous donne surtout des nouvelles de son patient, qui a passé un scanner
avec injection : résultat normal. On attend avec intérêt le
diagnostic final.
Cette observation, même si elle
n’est pas encore résolue, démontre l’importance de l’auscultation systématique du crâne chez le nourrisson, à poursuivre peut-être jusqu’à la fermeture de la fontanelle. 왎
Réactions bucco-pharyngées
à l’ingestion d’aliments :
syndrome d’allergie orale ?
Notre collègue C. Morlat est intrigué par l’observation relativement fréquente d’enfants qui
réagissent localement par des
symptômes cutanés buccaux et
péribuccaux à l’absorption
d’aliments. Il se souvient de réactions péribuccales inflammatoires au lait qui coule, à la
mangue, à l’aubergine et aux
noix. Dans ce dernier cas, l’arachide était bien supportée. Il
n’a jamais observé de réactions
plus générales (urticaire, asthme, choc). Chez ces patients, il
peut exister (ou non) des antécédents allergiques familiaux.
Comment interpréter cette
réaction ? Quel est le mécanisme (brûlure chimique ou allergie) ? Quelle est la conduite à
tenir (éviction, lavage) et l’évolution ?
J. Joannic a également observé
de telles réactions « en crèche,
limitées au tour de la bouche,
lors de repas comportant des
Le syndrome d’allergie orale
Le SAO a été décrit pour la première fois en par Amlot et Lessof (2), puis
par Ortolani et al. (3), et ensuite par un très grand nombre d’allergologues.
Le SAO se manifeste surtout pour des fruits ou
des légumes (rosacées, bétulacées, ombellifères). Le tableau complet est constitué en
moins de 30 mn (voir tableau) (1). Même si des aliments d’origine animale peuvent être la cause
d’un SAO, la tendance actuelle serait de réserver ce terme aux syndromes associant une allergie pollinique et alimentaire.
Le SAO doit être distingué des réactions d’irritation induites par certains aliments (par
exemple le prurit buccal et les aphtes provoLésions péribuccales à
qués par certains fromages comme le gruyère)
type d’urticaire au cours ou des rougeurs et démangeaisons suite à l’ind’un SAO à la pomme.
gestion d’aliments histamino-libérateurs (œuf,
fraises, etc.). Exemples : une urticaire provoquée par la consommation
d’une seule fraise est probablement d’origine allergique IgE-dépendante ;
une urticaire faisant suite à l’ingestion d’un bol de fraises est sûrement
due à une histamino-libération non spécifique. Le SAO peut être suivi de
symptômes systémiques dans près de 20 % des cas.
Les symptômes du syndrome d’allergie orale et leur chronologie
d’apparition (d’après (2))
aliments comme des tomates
ou des pommes crues, chez des
enfants ayant un terrain allergique ou non », sans que cela
aille plus loin dans son expérience. Elle pense qu’il s’agit
d’un syndrome oral ou encore
syndrome de Lessof a minima.
Elle indique un site canadien (1). Un grand nombre de
fruits et de légumes (pulpe et
jus) peut occasionner des éruptions cutanées et de la diarrhée,
surtout chez les jeunes enfants : les pommes, les raisins,
les oranges, les tomates. Les
fraises causent parfois de l’urticaire. Les références sur ce thème sont très nombreuses (2-4).
Toutefois, comme le souligne
notre consœur, ces réactions ne
sont pas toujours associées au
syndrome d’allergie orale
(SAO) (voir encadré). Le traitement est simple : lavage et essuyage en cas de symptômes
non allergiques ; rechercher
Délai d’apparition
des symptômes
Symptômes initiaux
après l’ingestion
de l’aliment
Observations
Nombre (%)
Moins de 15 minutes*
Irritation orale
Striction laryngée
Gonflement labial/salivation
Aphtes
36 (100)
30 (83,3)
21 (58,3)
11 (30,6)
15-60 minutes
Urticaire
Conjonctivite/œdème
des paupières
Asthme
Anaphylaxie
9 (25)
10 (27,8)
3 (8,3)
Douleurs abdominales
Nausées et vomissements
Diarrhée
Rhinite
6 (16,7)
10 (27,8)
3 (8,3)
3 (8,3)
30-60 minutes
8 (22,2)
* Possibilité de flush facial.
une allergie alimentaire en cas
de SAO (antécédents atopiques
personnels comme un eczéma
ou une rhinite saisonnière). 왎
(1) http://www.inspection.gc.ca/aliments/
information-pour-les-consommateurs/fichesde-renseignements/etiquetage-emballage-etentreposage-des-aliments/allergenes/
syndrome-d-allergie-orale/fra/1332351950134/
1332352076501.
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(2) AMLOT P.L., KEMENY D.M., ZACHARY C.
et al. : « Oral allergy syndrome (OAS) : symptoms of IgE-mediated hypersensitivity to
foods », Clin. Allergy, 1987 ; 17 : 33-42.
(3) ORTOLANI C., ISPANO M., PASTORELLO
E. et al. : « The oral allergy syndrome », Ann.
Allergy, 1988 ; 61 : 47-52.
(4) NIAID-SPONSORED EXPERT PANEL, BOYCE J.A., ASSA’AD A., BURKS A.W. et al. : « Guidelines for the diagnosis and management of
food allergy in the United States : report of the
NIAID-sponsored expert panel », J. Allergy
Clin. Immunol., 2010 ; 126 (6 suppl.) : S1-58.
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