Le régime d’éviction alimentaire est-il nécessaire dans le syndrome oral ?
Anne CHABBERT
Qu’est-ce que le syndrome oral ?
Il est aussi appelé syndrome de Lessof ou oral allergy syndrome (OAS). C’est un ensemble de symptômes
provoqués par exposition de la muqueuse oro-pharyngée à des allergènes alimentaires. Il est dû au contact des
allergènes alimentaires (essentiellement d’origine végétale) sur la muqueuse buccale provoquant prurit et
œdème des lèvres et éventuellement une dysphagie. Souvent ces réactions ne nécessitent pas de traitement
médicamenteux et les réactions locales disparaissent rapidement.
Les fruits et légumes crus (la pomme, des fruits à coque, la pêche, le fenouil, la cerise et le céleri) sont les plus
couramment impliqués. Il est fréquemment associé à une pollinose, et plus particulièrement à l’allergie au
pollen de bouleau ou d’armoise. Les fruits et légumes le plus souvent associés au bouleau sont la pomme, la
pêche, la prune, la poire, la cerise, l’abricot, l’amande, la carotte, le céleri, l’arachide et la noisette.
L’allergène le plus souvent en cause dans le syndrome d’allergie orale est une protéine Bet v 1 like tels que Mal
d 1 (pomme), Pru p 1 (pèche), Cor a 1 (noisette). Cette protéine est sensible à la chaleur et à la digestion. Les
propriétés allergéniques diminuent donc considérablement avec la cuisson, ce qui explique pourquoi les fruits
et les légumes en question sont souvent bien tolérés une fois cuits. De plus la digestion et l’acidité diminuant
l’allergénicité de ces protéines, cela explique la moindre réactivité à d’autres organes que la bouche et la
sphère oro-pharyngée. La protéine allergénique sera exprimée différemment selon le degré de maturité et le
stress ou les agressions (champignons, bactéries…) subis par l’aliment.
Les profilines ont peu de pertinence clinique sauf pour certains aliments tels que le melon ou la tomate qui
peuvent entrainer des réactions locales voir générales.
Les LTP sont peu souvent associés à une pollinose et elles peuvent entrainer des réactions cliniques à distance
et plus sévères. En effet elles sont plus résistantes à la chaleur et à la digestion.
Ce syndrome peut également être provoqué occasionnellement par certains produits d’origine animale tels
que le lait, les œufs et le poisson ou par des protéines végétales telles que les protéines de stockage. C’est
souvent alors le premier signe d’une allergie alimentaire généralisée.
En allergie alimentaire le traitement préventif repose sur l’éviction de l’allergène, dans les syndromes oraux un
régime d’éviction n’est pas toujours préconisé du fait de l’absence de sévérité des réactions. De plus il n’existe
pas de recommandations pour la prise en charge du SAO en ce qui concerne l’éviction ou le traitement. Dans
une étude de Ma en 2003 10% des allergologues interrogés ne préconise aucun régime alors que 50% propose
un régime d’éviction complet. Avant d’autoriser l’absence de régime d’éviction on doit se poser plusieurs
questions.
1/ est ce uniquement un syndrome oral ou les premiers signes d’une réaction allergique plus généralisée ?
Dans une étude de 2011 publié dans le JACI Marija Geroldinger-Simic 89% des patients qui rapportent une
allergie alimentaire relié à une pollinose aux pollens de bouleaux ont un syndrome oral mais dans 58,2% des
cas il y a une rhinite et dans 57,6% des cas une conjonctivite. Des réactions plus sévères apparaissent avec
dyspnée dans 28 ,5% des cas et chute de la TA dans 8,9% des cas.
Pour Sicherer dans 7% des cas le syndrome oral est associé à un œdème au-delà de la cavité buccale et dans 1 à
2% des cas à une anaphylaxie.
2/est ce bien une allergie aux PR10 ou profiline ou une réaction minime à un allergène à potentiel
allergénique plus sévère tel que LTP ou protéines de stockage ?
Parfois les premiers signes d’une réaction allergique sont un syndrome oral. Si le patient a ingéré une faible
dose de l’allergène la réaction peut ne pas se généraliser. L’ingestion ultérieure de ce même allergène à une
dose supérieure pourra alors entraîner une réaction plus sévère. Sans bilan biologique il peut être difficile de
savoir si une réaction a de la pèche est due à une LTP ou à une PR10 ; il en est de même par exemple après
ingestion de noisette s’agit-il uniquement d’une réaction à la Cor a 1 ou bien aux protéines de stockage
contenus dans ce fruit à coque.
3/ Y a-t-il des cofacteurs pouvant aggraver la réaction allergique ?
De nombreux cofacteurs ont été décrits pouvant aggraver une réaction allergique.
La présence d’un asthme est un facteur d’allergie sévère
L’ingestion d’alcool, la pratique d’un sport, l’existence d’une mastocytose, la prise concomitante de
médicaments tels que aspirine, Ains, béta-bloquant, le lieu de l’accident allergique sont des facteurs
potentiellement aggravants de toute réaction allergique.
D’autres facteurs spécifiques au syndrome oral sont aussi cités : la saison pollinique et la forme d’ingestion de
l’aliment avec les jus de soja ou les smoothies frais qui bus rapidement, peuvent ne pas faire ressentir les
premiers signes et donc entrainer une réaction plus généralisé.
4/ Certaines PR10 ne sont-elles pas plus à risque que d’autres ?
L’allergie au soja par l’intermédiaire des PR10 est potentiellement sévère comme cela a été décrit à plusieurs
reprises.
Des réactions sévères relié à une allergie au soja par l’intermédiaire des PR10 ont été décrites en 2002 25% des
patients avaient une réaction systémique avec baisse de la tension ou somnolence et 30% une gêne
respiratoire.
En 2004 Mittag décrit des réactions sévères dans 25% des cas lors d’un TPO en double aveugle chez des
patients allergiques au soja par l’intermédiaire de Gly m 4.
Le réseau français d’allergo-vigilance décrit une augmentation de la fréquence des anaphylaxies sévères
médiées par Gly m 4.
Cela a été décrit plus récemment par une équipe allemande qui rapporte une réaction anaphylactique après
ingestion de soja.
5/ Une réaction ultérieure sera-t-elle de même intensité que les précédentes ?
En effet la sévérité d’une réaction allergique n’est pas prédite par la gravité de la réaction précédente.
6/ le patient ne fait-il pas déjà un régime d’éviction ?
En effet les réactions sont désagréables et souvent anxiogènes pour le patient qui de lui-même va éviter les
aliments lui ayant entrainé un syndrome oral. Il évite les fruits et légumes crus et il est parfois difficile de le
persuader qu’il peut les ingérer cuits sans danger.
En synthèse
Si dans la plus part des cas un syndrome oral n’est pas potentiellement vère il est important de réaliser un
bilan très précis de cette allergie en particulier sur le plan des allergènes moléculaires afin de minimiser tout
risque d’allergie plus sévère. Il est important aussi de prévenir le patient des cofacteurs aggravant.
Si le régime d’éviction strict n’est pas utile, une éviction des aliments crus incrimés sera la plus part du temps
faite par le patient. Des protocoles d’induction de tolérance pourraient être proposés.
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