Le groupe quantique compact libre U(n) Introduction

Le groupe quantique compact libre U(n)
Teodor Banica
Alg`ebres d’op´erateurs et repr´esentations - URA 747 du CNRS, Universit´e de
Paris Jussieu, 4 place Jussieu, 75005 Paris, France
Present adress: Institut de Math´ematiques de Luminy, case 930, F-13288
Marseille Cedex 9, France
The free unitary compact quantum group
Abstract: The free analogues of U(n) in Woronowicz’ theory [Wo2] are
the compact matrix quantum groups {Au(F)|FGL(n, C)}introduced
by Wang and Van Daele. We classify here their irreducible representations.
Their fusion rules turn to be related to the combinatorics of Voiculescu’s
circular variable. If F F RInwe find an embedding Au(F)red C(T)red
Ao(F), where Ao(F) is the deformation of SU(2) studied in [B2]. We use
the representation theory and Powers’ method for showing that the reduced
algebras Au(F)red are simple, with at most one trace.
Introduction
L’une des constructions de base de l’analyse harmonique est la dualit´e de
Pontryagin : elle associe `a un groupe ab´elien le groupe ab´elien de ses car-
act`eres et permet d’´etudier cette correspondance auto-duale. Cette dualit´e
a ´et´e ´etendue aux groupes non-commutatifs, mais l’objet dual (l’alg`ebre de
convolution du groupe) n’est plus de mˆeme nature. Afin d’obtenir un cadre
g´en´eralisant `a la fois les groupes et leur objets duaux, on est amen´e `a d´efinir
de nouveaux objets dans la cat´egorie des alg`ebres de Hopf qu’on appelle des
“groupes quantiques”.
Un certain nombre de familles d’exemples ont ´et´e ´etudi´ees au niveau des
alg`ebres d’op´erateurs. Ainsi, Woronowicz [Wo2] a d´efini en 1987 la classe des
“groupes quantiques compacts matriciels” : un groupe quantique compact
matriciel est une paire (G, u) form´ee d’une C-alg`ebre unif`ere Get d’une
matrice uMn(G) telle que :
(a) les coefficients {uij}de uengendrent une -alg`ebre Gsdense dans G.
1
(b) il existe un C-morphisme δ:GGmin Gqui envoie uij 7→ Puik ukj .
(c) il existe une application lin´eaire antimultiplicative κ:GsGstelle que
κ(κ(a)) = apour tout aGset telle que (Id κ)(u) = u1.
Cette d´efinition recouvre ´egalement le cas “quantique compact” (obtenu
par des limites projectives) et le cas “quantique discret” (par dualit´e). Le
cas “quantique localement compact” a ´et´e trait´e dans un cadre g´en´eral par
Baaj et Skandalis [BS].
Pour tout nN, la C-alg`ebre universelle Au(In) engendr´ee par les
coefficients d’une matrice n×nunitaire, telle que sa transpos´ee soit aussi
unitaire, est un groupe quantique compact matriciel [W1, W2, VDW]. Au(In)
est un analogue de U(n) dans la th´eorie de Woronowicz. Cette alg`ebre, ainsi
que ses versions “d´eform´ees” {Au(F)|FGL(n, C)}constitue l’objet
d’´etude de ce papier.
Je tiens `a exprimer ma profonde reconnaissance `a mon directeur de th`ese,
G. Skandalis. Je voudrais aussi remercier E. Blanchard pour de nombreuses
discussions sur les C-alg`ebres de Hopf, ainsi que S.Z. Wang pour plusieurs
commentaires utiles sur ce papier.
1 D´efinitions et ´enonc´es des r´esultats
Dans cette section on d´efinit les groupes quantiques compacts matriciels
Au(F) (d’une mani`ere l´eg´erement diff´erente que dans l’article de Wang et
Van Daele [VDW]) et on ´enonce les resultats principaux. La fin de cette
section contient le plan de l’article, ainsi que des rappels et notations.
1) Il existe plusieures d´efinitions pour les morphismes entre les groupes
quantiques compacts matriciels, auxquelles correspondent des diff´erentes no-
tions d’isomorphisme. Sans rentrer dans les d´etails (dans ce papier on dira
que (G, u) = (H, v) si G=Hen tant que C-alg`ebres et si u=v), rappelons
la d´efinition [Wo2] de la similarit´e :
Deux groupes quantiques compacts matriciels (G, u)et (H, v)avec u
Mn(G), v Mm(H)sont dits similaires (on ´ecrira Gsim H) si n=met
s’il existe une matrice QGL(n, C)et un C-isomorphisme f:GHtel
que (Id f)(u) = QvQ1.
2
2) Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel. On appelle repr´e-
sentation de (G, u) toute matrice inversible rMk(G) telle que
(Id δ)(r) = r12r13 := Xeij rik rkj
La th´eorie de “Peter-Weyl” de Woronowicz [Wo2] montre que toute re-
pr´esentation est ´equivalente `a une repr´esentation unitaire. En particulier,
v=Q1uQ est unitaire pour une certaine matrice QGL(n, C). Quitte
`a remplacer (G, u) par un groupe quantique compact matriciel similaire, on
peut supposer que uest unitaire.
3) Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel avec uMn(G)
unitaire. Alors la repr´esentation u:= (u
ij) est ´equivalente `a une repr´esenta-
tion unitaire, donc il existe une matrice FGL(n, C) telle que F uF 1soit
unitaire. Il en r´esulte que Gest un quotient de la C-alg`ebre Au(F), o`u :
D´efinition 1 Pour tout nNet toute matrice FGL(n, C)on d´efinit la
C-alg`ebre Au(F)avec g´en´erateurs {uij }1i,jnet les relations qui rendent
unitaires les matrices u= (uij )et F uF 1.
Remarquons que Au(F) est bien d´efinie : si Jest l’id´eal bilat`ere engendr´e
dans l’alg`ebre libre sur 2n2variables L:= C< uij , u
ij >par les relations qui
rendent unitaires les matrices u:= (uij ) et F uF 1:= F(u
ij)F1, alors les
images des g´en´erateurs uij, u
ij dans le quotient L/J sont de norme 1 pour
toute C-norme sur L/J. Donc L/J admet une C-alg`ebre enveloppante,
qu’on peut noter Au(F).
(Au(F), u) est un groupe quantique compact matriciel. En effet, on a v
unitaire =v12v13 unitaire, ce qui appliqu´e `a v=uet `a v=F uF 1(avec
la remarque que F u12u13F1= (F uF 1)12(F uF 1)13 ) permet de d´efinir δ
par propri´et´e universelle. Enfin, par [Wo4] l’existence de l’antipode κest
´equivalente au fait que u, u soient inversibles, ce qui est ´evident dans le cas
de Au(F).
Remarquons que pour tout groupe compact GU(n), C(G) est un
quotient de C(U(n)). Par ce qui pr´ec`ede, l’analogue de U(n) parmi les
groupes quantiques compacts est la famille {Au(F)|FGL(n, C)}.
Remarque. Les relations qui d´efinissent Au(F) sont :
uu=uu= (FF)u(FF)1ut=ut(FF)u(FF)1=I.
3
On en d´eduit des ´egalit´es entre les Au(F) :
Au(F) = Au(FF) = Au(λF ),FGL(n, C), λ C.
Il existent aussi d’autres similarit´es entre les Au(F) - si V, W U(n) et
FGL(n, C) alors Au(F)sim Au(V F W ) (voir la Proposition 6). On
pourrait donc utiliser d’autres param`etres pour les Au(F) - par exemple
FF, ou FF, ou encore la liste des valeurs propres de FFetc., voir
[W2, VDW]. Bien-sˆur, le choix du param`etre n’est pas un probl`eme s´erieux
: on obtient toujours les mˆemes objets, au moins modulo la similarit´e.
Le quotient de Au(F) par les relations u=F uF 1pourrait ˆetre con-
sid´er´e comme ´etant une “version orthogonale de Au(F)”. Remarquons que
la condition u=F uF 1implique u=F uF 1, donc u= (F F )u(F F )1.
Il en r´esulte que si F F n’est pas un multiple scalaire de l’identit´e de
Mn(C), alors uest r´eductible dans ce quotient.
Remarquons ´egalement que F F =cInavec cCimplique F F =cIn,
donc c=c.
D´efinition 2 Pour tout nNet pour toute matrice FGL(n, C)telle que
F F =cInavec cRon note Ao(F)le quotient de Au(F)par les relations
u=F uF 1.
Les repr´esentations irr´eductibles de Ao(F) sont ind´ex´ees par N, et leur
formules de fusion sont exactement les formules connues pour les repr´esenta-
tions de SU(2) ([B2], voir le Th´eor`eme 4 ci-dessous).
Notations. NNest le coproduit dans la cat´egorie des mono¨ıdes de deux
copies de Nayant α, β comme g´en´erateurs ; eest l’´el´ement neutre de NN
;est l’involution antimultiplicative de NNd´efinie par e=e,α=βet
β=α.
Le r´esultat principal de ce papier est le suivant :
Th´eor`eme 1 Soit nNet FGL(n, C). Alors :
(i) Les repr´esentations irr´eductibles de (Au(F), u)sont index´ees par N
N, avec re= 1, rα=u, rβ=u. Pour tous les x, y NNon a les formules
rx=rxet :
rxry=X
{a,b,gNN|x=ag,y=gb}
rab.
4
(ii) La sous-alg`ebre de Au(F)engendr´ee par les caract`eres de toutes les
repr´esentations est la -alg`ebre libre sur le caract`ere χ(u)de la repr´esentation
fondamentale.
(iii) χ(u)/2est une variable circulaire dans Au(F), munie de la mesure
de Haar.
(iv) Si F F RInalors Au(F)red se plonge dans C(T)red Ao(F)par
uij 7→ zvij (o`u vest la repr´esentation fondamentale de Ao(F)et zest le
g´en´erateur canonique de C(T)).
Le point (i) montre que la famille F={Au(F)|nN, F GL(n, C)}
a la propri´et´e remarquable suivante :
Si G, H ∈ F alors il existe une bijection ψentre les classes d’´equivalence
de repr´esentations de Get celles de Hqui pr´eserve les sommes et les produits
tensoriels et qui envoie l’ensemble des repr´esentations irr´eductibles de Gsur
l’ensemble des repr´esentations irr´eductibles de H, ainsi que la repr´esentation
fondamentale de Gsur celle de H.
Un r´esultat important de ce type, pour la famille (`a un param`etre r´eel
positif) de groupes quantiques compacts matriciels associ´es `a une alg`ebre de
Lie classique, a ´et´e d´emontr´e par Rosso [R1, R2]. Un autre r´esultat dans
cette direction, mais cette fois-ci de “rigidit´e”, est celui de [B2] - la famille
{Ao(F)|nN, F GL(n, C), F F RIn}
v´erifie la propri´et´e ci-dessus, mais de plus est maximale. Le r´esultat suivant
est du mˆeme type :
Th´eor`eme 2 Si les repr´esentations irr´eductibles d’un groupe quantique com-
pact matriciel (G, u)sont index´ees par NN, avec re= 1,rα=u,rβ=u
et rxry=Px=ag,y=gb rab, alors il existe un nNet une matrice F
GL(n, C)tels que et Gpsim Au(F).
La th´eorie des repr´esentations de Au(F) fait l’objet de la premi`ere par-
tie (sections 2,3,4) de ce papier. Dans la deuxi`eme partie (sections 6,7,8)
on utilise la th´eorie des repr´esentations pour r´esoudre certaines questions
topologiques li´ees aux C-alg`ebres Au(F) et Au(F)red.
Rappelons que pour un groupe quantique compact matriciel (G, u) la
mesure de Haar hn’est pas forc´ement une trace, mais elle v´erifie la formule
h(xy) = h(y(f1xf1)),x, y Gs
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