Le groupe quantique compact libre U(n) Introduction

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Le groupe quantique compact libre U(n)
Teodor Banica
Algèbres d’opérateurs et représentations - URA 747 du CNRS, Université de
Paris Jussieu, 4 place Jussieu, 75005 Paris, France
Present adress: Institut de Mathématiques de Luminy, case 930, F-13288
Marseille Cedex 9, France
E-mail: [email protected]
The free unitary compact quantum group
Abstract: The free analogues of U(n) in Woronowicz’ theory [Wo2] are
the compact matrix quantum groups {Au (F ) | F ∈ GL(n, C)} introduced
by Wang and Van Daele. We classify here their irreducible representations.
Their fusion rules turn to be related to the combinatorics of Voiculescu’s
circular variable. If F F ∈ RIn we find an embedding Au (F )red ,→ C(T) ∗red
Ao (F ), where Ao (F ) is the deformation of SU(2) studied in [B2]. We use
the representation theory and Powers’ method for showing that the reduced
algebras Au (F )red are simple, with at most one trace.
Introduction
L’une des constructions de base de l’analyse harmonique est la dualité de
Pontryagin : elle associe à un groupe abélien le groupe abélien de ses caractères et permet d’étudier cette correspondance auto-duale. Cette dualité
a été étendue aux groupes non-commutatifs, mais l’objet dual (l’algèbre de
convolution du groupe) n’est plus de même nature. Afin d’obtenir un cadre
généralisant à la fois les groupes et leur objets duaux, on est amené à définir
de nouveaux objets dans la catégorie des algèbres de Hopf qu’on appelle des
“groupes quantiques”.
Un certain nombre de familles d’exemples ont été étudiées au niveau des
algèbres d’opérateurs. Ainsi, Woronowicz [Wo2] a défini en 1987 la classe des
“groupes quantiques compacts matriciels” : un groupe quantique compact
matriciel est une paire (G, u) formée d’une C∗ -algèbre unifère G et d’une
matrice u ∈ Mn (G) telle que :
(a) les coefficients {uij } de u engendrent une ∗-algèbre Gs dense dans G.
1
(b) il existe un C∗ -morphisme δ : G → G⊗min G qui envoie uij 7→ uik ⊗ukj .
(c) il existe une application linéaire antimultiplicative κ : Gs → Gs telle que
κ(κ(a∗ )∗ ) = a pour tout a ∈ Gs et telle que (Id ⊗ κ)(u) = u−1 .
Cette définition recouvre également le cas “quantique compact” (obtenu
par des limites projectives) et le cas “quantique discret” (par dualité). Le
cas “quantique localement compact” a été traité dans un cadre général par
Baaj et Skandalis [BS].
P
Pour tout n ∈ N, la C∗ -algèbre universelle Au (In ) engendrée par les
coefficients d’une matrice n × n unitaire, telle que sa transposée soit aussi
unitaire, est un groupe quantique compact matriciel [W1, W2, VDW]. Au (In )
est un analogue de U(n) dans la théorie de Woronowicz. Cette algèbre, ainsi
que ses versions “déformées” {Au (F ) | F ∈ GL(n, C)} constitue l’objet
d’étude de ce papier.
Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à mon directeur de thèse,
G. Skandalis. Je voudrais aussi remercier E. Blanchard pour de nombreuses
discussions sur les C ∗ -algèbres de Hopf, ainsi que S.Z. Wang pour plusieurs
commentaires utiles sur ce papier.
1
Définitions et énoncés des résultats
Dans cette section on définit les groupes quantiques compacts matriciels
Au (F ) (d’une manière légérement différente que dans l’article de Wang et
Van Daele [VDW]) et on énonce les resultats principaux. La fin de cette
section contient le plan de l’article, ainsi que des rappels et notations.
1) Il existe plusieures définitions pour les morphismes entre les groupes
quantiques compacts matriciels, auxquelles correspondent des différentes notions d’isomorphisme. Sans rentrer dans les détails (dans ce papier on dira
que (G, u) = (H, v) si G = H en tant que C∗ -algèbres et si u = v), rappelons
la définition [Wo2] de la similarité :
Deux groupes quantiques compacts matriciels (G, u) et (H, v) avec u ∈
Mn (G), v ∈ Mm (H) sont dits similaires (on écrira G ∼sim H) si n = m et
s’il existe une matrice Q ∈ GL(n, C) et un C ∗ -isomorphisme f : G → H tel
que (Id ⊗ f )(u) = QvQ−1 .
2
2) Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel. On appelle représentation de (G, u) toute matrice inversible r ∈ Mk (G) telle que
(Id ⊗ δ)(r) = r12 r13 :=
X
eij ⊗ rik ⊗ rkj
La théorie de “Peter-Weyl” de Woronowicz [Wo2] montre que toute représentation est équivalente à une représentation unitaire. En particulier,
v = Q−1 uQ est unitaire pour une certaine matrice Q ∈ GL(n, C). Quitte
à remplacer (G, u) par un groupe quantique compact matriciel similaire, on
peut supposer que u est unitaire.
3) Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel avec u ∈ Mn (G)
unitaire. Alors la représentation u := (u∗ij ) est équivalente à une représentation unitaire, donc il existe une matrice F ∈ GL(n, C) telle que F uF −1 soit
unitaire. Il en résulte que G est un quotient de la C∗ -algèbre Au (F ), où :
Définition 1 Pour tout n ∈ N et toute matrice F ∈ GL(n, C) on définit la
C∗ -algèbre Au (F ) avec générateurs {uij }1≤i,j≤n et les relations qui rendent
unitaires les matrices u = (uij ) et F uF −1 .
Remarquons que Au (F ) est bien définie : si J est l’idéal bilatère engendré
dans l’algèbre libre sur 2n2 variables L := C < uij , u∗ij > par les relations qui
rendent unitaires les matrices u := (uij ) et F uF −1 := F (u∗ij )F −1 , alors les
images des générateurs uij , u∗ij dans le quotient L/J sont de norme ≤ 1 pour
toute C∗ -norme sur L/J. Donc L/J admet une C∗ -algèbre enveloppante,
qu’on peut noter Au (F ).
(Au (F ), u) est un groupe quantique compact matriciel. En effet, on a v
unitaire =⇒ v12 v13 unitaire, ce qui appliqué à v = u et à v = F uF −1 (avec
la remarque que F u12 u13 F −1 = (F uF −1 )12 (F uF −1 )13 ) permet de définir δ
par propriété universelle. Enfin, par [Wo4] l’existence de l’antipode κ est
équivalente au fait que u, u soient inversibles, ce qui est évident dans le cas
de Au (F ).
Remarquons que pour tout groupe compact G ⊂ U(n), C(G) est un
quotient de C(U(n)). Par ce qui précède, l’analogue de U(n) parmi les
groupes quantiques compacts est la famille {Au (F ) | F ∈ GL(n, C)}.
Remarque. Les relations qui définissent Au (F ) sont :
uu∗ = u∗ u = (F ∗ F )u(F ∗ F )−1 ut = ut (F ∗ F )u(F ∗ F )−1 = I.
3
On en déduit des égalités entre les Au (F ) :
√
Au (F ) = Au ( F ∗ F ) = Au (λF ), ∀ F ∈ GL(n, C), λ ∈ C∗ .
Il existent aussi d’autres similarités entre les Au (F ) - si V, W ∈ U(n) et
F ∈ GL(n, C) alors Au (F ) ∼sim Au (V F W ) (voir la Proposition 6). On
pourrait donc
utiliser d’autres paramètres pour les Au (F )√- par exemple
√
∗
∗
F F , ou F F , ou encore la liste des valeurs propres de F ∗ F etc., voir
[W2, VDW]. Bien-sûr, le choix du paramètre n’est pas un problème sérieux
: on obtient toujours les mêmes objets, au moins modulo la similarité.
Le quotient de Au (F ) par les relations u = F uF −1 pourrait être considéré comme étant une “version orthogonale de Au (F )”. Remarquons que
−1
la condition u = F uF −1 implique u = F uF , donc u = (F F )u(F F )−1 .
Il en résulte que si F F n’est pas un multiple scalaire de l’identité de
Mn (C), alors u est réductible dans ce quotient.
Remarquons également que F F = cIn avec c ∈ C implique F F = cIn ,
donc c = c.
Définition 2 Pour tout n ∈ N et pour toute matrice F ∈ GL(n, C) telle que
F F = cIn avec c ∈ R on note Ao (F ) le quotient de Au (F ) par les relations
u = F uF −1 .
Les représentations irréductibles de Ao (F ) sont indéxées par N, et leur
formules de fusion sont exactement les formules connues pour les représentations de SU(2) ([B2], voir le Théorème 4 ci-dessous).
Notations. N ∗ N est le coproduit dans la catégorie des monoı̈des de deux
copies de N ayant α, β comme générateurs ; e est l’élément neutre de N ∗ N
; − est l’involution antimultiplicative de N ∗ N définie par e = e, α = β et
β = α.
Le résultat principal de ce papier est le suivant :
Théorème 1 Soit n ∈ N et F ∈ GL(n, C). Alors :
(i) Les représentations irréductibles de (Au (F ), u) sont indexées par N ∗
N, avec re = 1, rα = u, rβ = u. Pour tous les x, y ∈ N ∗ N on a les formules
rx = rx et :
X
rx ⊗ ry =
rab .
{a,b,g∈N ∗N |x=ag,y=gb}
4
(ii) La sous-algèbre de Au (F ) engendrée par les caractères de toutes les
représentations est la ∗-algèbre libre sur le caractère χ(u) de la représentation
fondamentale.
(iii) χ(u)/2 est une variable circulaire dans Au (F ), munie de la mesure
de Haar.
(iv) Si F F ∈ RIn alors Au (F )red se plonge dans C(T) ∗red Ao (F ) par
uij 7→ zvij (où v est la représentation fondamentale de Ao (F ) et z est le
générateur canonique de C(T)).
Le point (i) montre que la famille F = {Au (F ) | n ∈ N, F ∈ GL(n, C)}
a la propriété remarquable suivante :
Si G, H ∈ F alors il existe une bijection ψ entre les classes d’équivalence
de représentations de G et celles de H qui préserve les sommes et les produits
tensoriels et qui envoie l’ensemble des représentations irréductibles de G sur
l’ensemble des représentations irréductibles de H, ainsi que la représentation
fondamentale de G sur celle de H.
Un résultat important de ce type, pour la famille (à un paramètre réel
positif) de groupes quantiques compacts matriciels associés à une algèbre de
Lie classique, a été démontré par Rosso [R1, R2]. Un autre résultat dans
cette direction, mais cette fois-ci de “rigidité”, est celui de [B2] - la famille
{Ao (F ) | n ∈ N, F ∈ GL(n, C), F F ∈ RIn }
vérifie la propriété ci-dessus, mais de plus est maximale. Le résultat suivant
est du même type :
Théorème 2 Si les représentations irréductibles d’un groupe quantique compact matriciel (G, u) sont indexées par N ∗ N, avec re = 1, rα = u, rβ = u
P
et rx ⊗ ry = x=ag,y=gb rab , alors il existe un n ∈ N et une matrice F ∈
GL(n, C) tels que et Gp ∼sim Au (F ).
La théorie des représentations de Au (F ) fait l’objet de la première partie (sections 2, 3, 4) de ce papier. Dans la deuxième partie (sections 6, 7, 8)
on utilise la théorie des représentations pour résoudre certaines questions
topologiques liées aux C∗ -algèbres Au (F ) et Au (F )red .
Rappelons que pour un groupe quantique compact matriciel (G, u) la
mesure de Haar h n’est pas forcément une trace, mais elle vérifie la formule
h(xy) = h(y(f1 ∗ x ∗ f1 )), ∀ x, y ∈ Gs
5
où ∗ est la convolution au dessus de Gs et {fz }z∈C est une famille canonique
de caractères de Gs (voir le Théorème 5.6 de [Wo2]).
Théorème 3 Soit n ∈ N et F ∈ GL(n, C). Alors Au (F )red est simple.
Soient s, t ∈ R et soit ψ un état de Au (F )red tel que ∀ x, y ∈ Au (F )s on
ait ψ(xy) = ψ(y(fs ∗ x ∗ ft )). Alors ψ est la mesure de Haar de Au (F )red .
En particulier, si F est un multiple scalaire d’une matrice unitaire, alors
Au (F )red est simple à trace unique ; sinon, Au (F )red est simple sans trace.
Parmi les autres résultats sur Ao (F ) et Au (F ), citons :
- un résultat de commutation dans Au (I2 ).
- l’égalité de facteurs Au (I2 )”red = W ∗ (F2 ).
- la non-moyennabilité de Ao (F ) et Au (F ).
- la non-nucléarité de Ao (In )red et Au (In )red .
- des remarques sur les mesures de Haar de Ao (F ) et Au (F ).
Une partie de ces résultats sont des cas particuliers d’énoncés plus généraux
sur les groupes quantiques compacts. Citons ici le résultat de simplicité
(la Proposition 9), dont la démonstration pour G = C∗red (Fn ) contient une
simplification par rapport aux démonstrations classiques [P, H, HS] de la
simplicité de C∗red (Fn ).
L’organisation de ce travail est la suivante :
2eme section : on rappelle les résultats de [B2] sur Ao (F ) et on donne une
description (en termes de certaines partitions non-croisées) de l’espace des
vecteurs fixes de la représentation u⊗k de Ao (F ).
3eme section : on construit l’algèbre abstraite A engendrée par des {rx |
P
x ∈ N ∗ N} qui se multiplient par les formules rx ry = x=ag,y=gb rab et on
montre que A ' C < X, X ∗ >. En utilisant cette algèbre, ainsi que la même
methode que dans le cas “orthogonal” [B2], on voit que la démonstration
du théorème 1 est équivalente au calcul des dimensions des commutants des
représentations de la forme
u⊗m1 ⊗ u⊗n1 ⊗ u⊗m2 ⊗ u⊗n2 ⊗ ...
(?)
Ces dimensions sont des ∗-moments du caractère χ(u) de la représentation
fondamentale de Au (F ) par rapport à la mesure de Haar, et en fait on voit
que χ(u)/2 doit être une variable circulaire.
6
4eme section : si F F ∈ RIn on combine les résultats sur Ao (F ) avec un
résultat de probabilités non commutatives pour demontrer le théorème 1.
On utilise ensuite des résultats de reconstruction de [Wo3] pour trouver un
système de générateurs des espaces des vecteurs fixes des représentations de
la forme (?). Les dimensions de ces espaces sont exactement les ∗-moments
de χ(u), et en utilisant cette remarque on passe du cas F F ∈ RIn au cas
général F ∈ GL(n, C).
5eme section : on decrit les Ao (F ) et Au (F ) pour F ∈ GL(2, C). Le
point (iv) du théorème 1 permet d’identifier Au (I2 )red comme une sous-C∗ algèbre de C(T) ∗red C(SU(2)), et on en déduit deux plongements (de C∗ algèbres de Hopf) de C(SO(3)) dans Au (I2 ), ainsi que l’égalité de facteurs
Au (I2 )”red = W ∗ (F2 ).
6eme section : on utilise les caractères {fz } de [Wo2] pour “perturber” la
représentation adjointe d’un groupe quantique compact matriciel.
7eme section : on généralise aux groupes quantiques compacts la “Propriété de Powers” de de la Harpe [H], ainsi que la démonstration de simplicité
de [HS]. L’idée est de remplacer les automorphismes intérieurs x 7→ ug xu∗g
du cas discret par les applications complètement positives de la forme x 7→
b
ad(r)(x), avec r ∈ A.
8eme section : Au (F )red n’a pas la propriété de Powers, mais en utilisant
les calculs de la 6eme et 7eme section on arrive à démontrer le théorème 3.
Rappels et Notations :
A) matrices : on note {e1 , ..., en } la base canonique de Cn , et eij le
système d’unités matricielles de Mn (C), qui vérifie eij : ej 7→ ei . Si A est
P
P
eij ⊗ u∗ij ,
une ∗-algèbre et u ∈ Mn (A), u =
eij ⊗ uij , on note u =
P
P
t
∗
∗
u = eij ⊗ uji , u = eij ⊗ uji .
B) représentations : pour tout groupe quantique compact G on note
Rep(G) l’ensemble des classes d’équivalence de représentations unitaires de
b ⊂ Rep(G) l’ensemble des classes de représentations unitaires irréducG et G
tibles.
P
P
Si u = eij ⊗ uij ∈ Mn (G) et v = eij ⊗ vij ∈ Mm (G) sont des repréP
sentations, on note u ⊗ v la matrice u13 v23 := eij ⊗ ekl ⊗ uij vkl , et u + v la
matrice diag(u, v). Alors u⊗v et u+v sont des représentations. L’application
(u, v) 7→ u ⊗ v induit une structure de monoı̈de sur Rep(G). De même pour
l’application (u, v) 7→ u + v
P
Le caractère de u est χ(u) := uii ∈ G. On a χ(u + v) = χ(u) + χ(v) et
7
χ(u ⊗ v) = χ(u)χ(v). (voir [Wo2, Wo3]).
C) théorie de “Peter-Weyl” de Woronowicz : on note Gcentral l’espace
linéaire (donc ∗-algèbre) engendré dans la ∗-algèbre “des coefficients” Gs
par les caractères de toutes les représentations. On utilisera souvent, sans
référence, le résultat fondamental suivant (Th. 5.8 de [Wo2]) :
b
La mesure de Haar est une trace sur Gcentral . L’ensemble {χ(u) | u ∈ G}
est une base de Gcentral , orthonormée par rapport au produit scalaire associé
à la mesure de Haar.
D) version pleine et réduite : la version réduite d’un groupe quantique
compact matriciel (G, u) est Gred = G/{x | h(xx∗ ) = 0} (h étant la mesure de
Haar de G). La version pleine est Gp = C ∗ (Gs ) (la C∗ -algèbre enveloppante
de Gs ). Alors Gp et Gred sont des groupes quantiques compacts matriciels
(cf. [Wo2, BS]). G est dit moyennable si la projection Gp → Gred est un
isomorphisme. Il est dit plein (resp. réduit) si la projection Gp → G (resp.
G → Gred ) est un isomorphisme. On a Gs = Hs ⇐⇒ Gred = Hred ⇐⇒ Gp =
Hp . Notons aussi que Ao (F ) et Au (F ) sont pleins.
E) liberté : si (A, φ) est une ∗-algèbre unifère munie d’une forme linéaire
unitale, une famille de sous-algèbres 1 ∈ Ai ⊂ A (i ∈ I) est dite libre si
aj ∈ Aj ∩ ker(φ) avec ij 6= ij+1 , 1 ≤ j ≤ n − 1 implique a1 a2 ...an ∈ ker(φ)
(voir [VDN]). Deux éléments a, b ∈ A sont dits ∗-libres si les deux ∗-algèbres
unifères qu’ils engendrent dans A sont libres. Exemple fondamental : soient
(A, φ) et (B, ψ) deux C∗ -algèbres unifères munies d’états et A ∗ B le produit
libre (= coproduit dans la catégorie des C∗ -algèbres unifères) de A et B. Si
on note φ∗ψ le produit libre de φ et ψ et πφ∗ψ la représentation GNS associée,
alors πφ∗ψ (A) et πφ∗ψ (B) sont libres dans πφ∗ψ (A ∗ B) (voir [A, VDN]).
F) produits libres : si (G, u) et (H, v) sont deux groupes quantiques compacts alors (G ∗ H, diag(u, v)) est un groupe quantique compact matriciel
plein, et sa mesure de Haar est le produit libre h ∗ k des mesures de Haar
h de G et k de H (voir [W2]). Le produit libre réduit πh∗k (G ∗ H) sera
noté G ∗red H ; c’est un groupe quantique compact matriciel réduit. Notons
que h, k étant fidèles sur Gred , Hred respectivement, on a des plongements
canoniques de Gred et Hred dans G ∗red H.
G) ∗-distribution : pour tout élément a ∈ (M, φ) d’une ∗-algèbre munie
d’une forme linéaire, sa ∗-distribution est la fonctionnelle sur C < X, X ∗ >
donnée par P 7→ φ(P (a, a∗ )), i.e. la composée :
X7→a
φ
C < X, X ∗ > −→ M −→ C.
8
Les ∗-moments de a sont les valeurs de µa sur les monomes non-commutatifs
en X, X ∗ , i.e. sur le monoı̈de engendré dans (C < X, X ∗ >, ·) par X et X ∗ .
Si (M, φ) est une C∗ -algèbre munie d’un état fidèle et a = a∗ , alors la ∗distribution µa peut être vue (par restriction à C[X], ensuite en complètant)
comme une mesure de probabilité sur le spectre de a.
H) variables
circulaires : la loi semicirculaire (centrée) est la mesure
√
2
γ0,1 = 2/π 1 − t dt sur [−1, 1]. Tout hermitien ayant cette distribution est
dit semicirculaire. Un quart-circulaire
est un élément positif ayant comme
√
distribution la mesure 4/π 1 − t2 dt sur [0, 1]. Un Haar-unitaire est un unitaire u tel que µu (X k ) = 0 pour tout k 6= 0. Une variable g est dite circulaire
si 2−1/2 (g + g ∗ ) et −i2−1/2 (g − g ∗ ) sont semicirculaires et libres (voir [VDN]).
2
Compléments sur Ao(F )
0 1
On voit facilement à partir de la définition de Ao (F ) que Ao
−1 0
C(SU(2)), et même plus, qu’on a une égalité (modulo la similarité)
=
{Ao (F ) | F ∈ GL(2, C), F F ∈ RI2 } = {Sµ U(2) | µ ∈ [−1, 1] − {0} }
où Sµ U(2) sont les déformations de S1 U(2) := C(SU(2)) définies par Woronowicz dans [Wo1, Wo2] (voir 5eme section). Si F ∈ GL(n, C) avec n
arbitraire on a le résultat suivant.
Théorème 4 [B2] Soit n ∈ N et F ∈ GL(n, C) avec F F ∈ RIn . Alors les
représentations irréductibles de Ao (F ) sont auto-adjointes et indexées par N,
avec r0 = 1, r1 = u et
rk ⊗ rs = r|k−s| + r|k−s|+2 + ... + rk+s−2 + rk+s
(i.e. les mêmes formules que pour les représentations de SU(2)).
Rappelons brièvement la démonstration : la condition F F ∈ RIn montre
P
que la projection sur C Fji ei ⊗ ej , qui entrelace u⊗2 , définit pour tout
k une représentation de l’algèbre de Jones Aβ,k dans M or(u⊗k , u⊗k ). En
utilisant les résultats de [Wo3] on voit que cette représentation est surjective,
et l’inégalité dim(M or(u⊗k , u⊗k )) ≤ dim(Aβ,k ) ≤ Ck ainsi obtenue permet
9
de construire (par récurrence sur k) des représentations irréductibles rk de
Ao (F ) qui vérifient les mêmes formules de multiplication que celles de SU(2).
Un corollaire de la démonstration (voir Remarque (ii) de [B2]) est l’égalité
dim(M or(u⊗k , u⊗k )) = dim(Aβ,k ) = Ck =
(2k)!
.
k!(k + 1)!
Notons h la mesure de Haar de Ao (F ). On a (cf. Rappel C) :
dim(M or(u⊗k , u⊗k )) = h(χ(u)⊗2k ) = dim(M or(1, u⊗2k )).
Les nombres de Catalan Ck ont une autre propriété remarquable - ce sont les
moments de la loi semicirculaire de Wigner et Voiculescu. En effet, on peut
calculer les moments de γ0,1 a l’aide de 3.3 et 3.4. de [VDN], de la formule
des résidus et celle du binôme:
2k
−1
−1
γ0,1 (X ) = (2k + 1) (2πi)
Z
(z −1 + z/4)2k+1 = 4−k
T
(2k)!
.
k!(k + 1)!
En combinant toutes ces égalités, on en déduit que :
Proposition 1 χ(u)/2 ∈ (Ao (F ), h) est une variable semicirculaire. 2
0 1
Remarque. Si F =
, alors la caractère de la représentation
−1
0
a b
de Ao (F ) = C(SU(2)) est χ(u) = 2Re(a). Le
fondamentale u =
−b a
fait que Re(a) soit semicirculaire par rapport à la mesure de Haar de SU(2)
peut être vu géometriquement, en identifiant SU(2) avec la sphère S3 , et sa
mesure de Haar avec la mesure uniforme sur cette sphère.
Corollaire 1 (G. Skandalis) Si F ∈ GL(2, C) alors Ao (F ) est moyennable.
Si F ∈ GL(n, C) et n > 2 alors Ao (F ) n’est pas moyennable.
Démonstration. Le support de la loi semicirculaire étant [−1, 1] et h
étant fidèle sur Ao (F )red , on obtient que Sp(χ(u)/2) = [−1, 1] dans Ao (F )red
(voir Rappels). Donc si n ≥ 3, alors n − χ(u) est inversible dans Ao (F )red .
Mais la coünité de Ao (F ) est un ∗-morphisme unital qui envoie n − χ(u) sur
0, donc Ao (F ) 6= Ao (F )red .
10
Enfin, si F ∈ GL(2, C), alors Ao (F ) est similaire à un certain Sµ U(2)
(voir 5eme section), qui est moyennable, cf. [N, Bl]. 2
Remarque. Une partie des résultats classiques sur la moyennabilité a été
étendue aux groupes quantiques localements compacts dans [BS, Bl] (voir
aussi la Proposition 10 ci-dessous). La démonstration ci-dessus de la nonmoyennabilité de Ao (F ) peut être étendue à des groupes quantiques compacts
matriciels quelconques - on démontre par la même méthode que (G, u) avec
u ∈ Mn (G) est moyennable si et seulement si le support de la loi de Re(χ(u))
par rapport à la mesure de Haar contient n.
Rappelons que pour toute représentation r ∈ B(Hr ) ⊗ G d’un groupe
quantique compact G, les vecteurs fixes de r sont les x ∈ Hr tels que
r(x ⊗ 1) = (x ⊗ 1). Ces vecteurs forment un sous-espace vectoriel de Hr
qui s’identifie naturellement avec M or(1, r).
On va donner maintenant une description des vecteurs fixes de la représentation u⊗k de Ao (F ). Les résultats qui suivent seront utilisés dans la 4eme
section, pour démontrer le Théorème 1 pour les matrices F qui ne vérifient
pas (!) la condition F F ∈ RIn . Ainsi, le lecteur intéressé uniquement par les
algèbres Au (F ) avec F F ∈ RIn (e.g. par Au (In )) pourra passer directement
à la section suivante.
Lemme 1 [B2] Soit n ∈ N et F ∈ GL(n, C) avec F F ∈ RIn . Soit H = Cn ,
avec la base orthonormale {ei }.
P
(i) L’opérateur E ∈ B(C, H ⊗2 ), x 7→ x ei ⊗ F ei est dans M or(1, u⊗2 ).
(ii) On a (E ∗ ⊗ IdH )(IdH ⊗ E) ∈ CIdH .
(iii) Pour r, s ∈ N, on définit les ensembles M or(r, s) ⊂ B(H ⊗r , H ⊗s ) des
combinaisons linéaires de produits (composables) d’applications de la forme
IdH ⊗k ou IdH ⊗k ⊗ E ⊗ IdH ⊗p ou IdH ⊗k ⊗ E ∗ ⊗ IdH ⊗p . Alors la W ∗ -catégorie
concrète monoı̈dale des représentations de Ao (F ) est la complétion (dans le
sens de [Wo3]) de la W ∗ -catégorie concrète monoı̈dale
W (F ) := {N, +, {H ⊗r }r∈N , {M or(r, s)}r,s∈N }. 2
En gardant toutes les notations, on a :
Lemme 2 (i) On note I(p) = IdH ⊗p et V (p, q) = I(p) ⊗ E ⊗ I(q). Alors
tout morphisme de W (F ) est une combinaison linéaire d’applications de la
forme I(.) ou de la forme V (., .) ◦ ... ◦ V (., .) ◦ V (., .)∗ ◦ ... ◦ V (., .)∗ .
11
(ii) Pour tout k ≥ 0, les applications de la forme M ⊗ I(1) ⊗ N avec
M ∈ M or(0, 2x), N ∈ M or(0, 2y) et x + y = k engendrent M or(1, 2k + 1).
(iii) Pour tout k ≥ 0, les applications de la forme (I(1) ⊗ M ⊗ I(1) ⊗
N ) ◦ E avec M ∈ M or(0, 2x), N ∈ M or(0, 2y) et x + y = k engendrent
M or(0, 2k + 2).
Démonstration. Le point (i), i.e. le fait qu’on “peut passer les ∗ à droite”,
résulte du point (ii) du Lemme 1. On démontre (ii) par récurrence sur k.
Pour k = 0 le point (i) montre que M or(1, 1) = {CI(1)}. Soit donc k ≥ 1
et A ∈ M or(1, 2k + 1). Par le point (i), A est une combinaison linéaire
d’applications de la forme V (k1 , s1 ) ◦ ... ◦ V (km , sm ), avec k1 + s1 = 2k − 1
et T := V (k2 , s2 ) ◦ ... ◦ V (km , sm ) dans M or(1, 2k − 1). Par l’hypothèse de
récurrence T est une combinaison linéaire d’applications de la forme B =
(M ⊗ I(1) ⊗ N ) pour certains M ∈ M or(0, 2x) et N ∈ M or(0, 2y), avec
x + y = k − 1, donc :
- soit k1 ≥ 2x + 1, et alors V (k1 , s1 ) ◦ B = M ⊗ I(1) ⊗ ((I(k1 − 2x − 1) ⊗
E ⊗ I(s1 )) ◦ N ).
- soit k1 ≤ 2x, et alors V (k1 , s1 ) ◦ B = ((I(k1 ) ⊗ E ⊗ I(2x − k1 )) ◦ M ) ⊗
I(1) ⊗ N .
On démontre maintenant (iii) : soit A ∈ M or(0, 2k + 2). Par le point (i),
A est une combinaison linéaire d’applications de la forme B = V (k1 , s1 ) ◦ ... ◦
V (km , sm ). Remarquons que V (km , sm ) = V (0, 0), donc on peut considérer
le plus petit p tel que kp = 0. Alors B = (I(1) ⊗ G) ◦ (E ⊗ I(sp )) ◦ K, avec
G = V (k1 − 1, s1 ) ◦ ... ◦ V (kp−1 − 1, sp−1 ) et K = V (kp+1 , sp+1 ) ◦ ... ◦ V (km , sm ).
Il en résulte que :
B = (I(1) ⊗ G) ◦ (I(2) ⊗ K) ◦ E = (I(1) ⊗ (G ◦ (I(1) ⊗ K))) ◦ E.
Mais G ◦ (I(1) ⊗ K) ∈ M or(1, 2k + 1) est, par le point (ii), de la forme
M ⊗ I(1) ⊗ N , pour certains M ∈ M or(0, 2x) et N ∈ M or(0, 2y), et (iii) en
résulte. 2
Proposition 2 On définit pour tout k ∈ N la partie W2k (F ) ⊂ M or(0, 2k)
par W0 (F ) = 1 et (par récurrence) par :
W2k+2 (F ) = ∪k=x+y {(I(1) ⊗ M ⊗ I(1) ⊗ N ) ◦ E | M ∈ W2x (F ), N ∈ W2y (F )}
Alors W2k (F ) est une base de M or(0, 2k), ∀ k ≥ 0.
12
Démonstration. Les nombres Dk := Card(W2k (F )) vérifient D0 = D1 = 1
et
Dk+1 =
X
Dx Dy .
k=x+y
Ce sont donc les nombres de Catalan (classique, considérer le carré de la série
P
Dk z k ...). Il en résulte que Card(W2k (F )) = dim(M or(0, 2k)). D’autre
part, le point (iii) du Lemme 2 montre que W2k (F ) engendre M or(0, 2k). 2
`
`
Remarque. Soit P = P1 ... Pk une partition non-croisée en parties à
deux éléments de {1, ..., 2k}, i.e. une partition telle que si on note Pm =
{im , jm } avec im < jm pour chaque 1 ≤ m ≤ k, alors :
∀ m 6= n, im < in < jm =⇒ jn < jm .
On associe à P le vecteur suivant de (Cn )⊗2k :
v(P ) =
X
1≤s1 ...s2k ≤k
Fsj1 si1 ...Fsjk sik es1 ⊗ ... ⊗ es2k
On peut montrer par récurrence sur k, en utilisant la Proposition 2, que
l’ensemble de ces v(P ) coincı̈de avec l’ensemble {X(1) | X ∈ W2k (F )}, donc
est une base de l’espace des vecteurs fixes de la représentation u⊗2k de Ao (F ).
Ceci permet en principe de calculer la mesure de Haar de Ao (F ) - pour toute
representation r d’un groupe quantique compact matriciel on a (Id ⊗ h)(r) =
projecteur sur l’espace des vecteurs fixes de r (voir [Wo2]).
3
Reconstruction de Au(F )central
On construit et on étudie dans cette section l’algèbre A engendrée par des
P
{rx | x ∈ N ∗ N} qui se multiplient par les formules rx ry = x=ag,y=gb rab .
Notations. N ∗ N est le produit libre (i.e. coproduit dans la catégorie
des monoı̈des) de deux copies de N, notées multiplicativement {e, α, α2 , ...}
et {e, β, β 2 , ...}. On considère l’ensemble A de fonctions N ∗ N → C avec
support fini. On va identifier N ∗ N ⊂ A, comme masses de Dirac. Avec
l’addition et la multiplication des fonctions A est l’algèbre des polynômes
non commutatifs en deux variables, c’est à dire on a un isomorphisme :
(C < X, X ∗ >, +, ·) ' (A, +, ·) par X 7→ α , X ∗ 7→ β.
13
On définit sur N ∗ N une involution antimultiplicative par e = e, α = β et
β = α. Cette involution s’étend par antilinéarité en une involution de A,
notée encore −.
On note En ⊂ A l’espace linéaire engendré par les éléments de N ∗ N de
longeur ≤ n.
Soit l2 (N ∗ N) la complétion de A pour la norme 2. Notons que les
éléments de N ∗ N (vus comme éléments de A, donc de l2 (N ∗ N), voir les
identifications ci-dessus) forment une base orthonormée de l2 (N ∗ N).
Soit τ0 : x 7→< x(e), e > l’état canonique sur B(l2 (N ∗ N)). On définit
S, T ∈ B(l2 (N ∗ N)) par linéarité et S(x) = αx, T (x) = βx pour tout x ∈
N ∗ N.
Rappel. A tout espace de Hilbert H on peut associer [VDN] l’espace de
Fock plein F (H) : si {hi }i∈I une base orthonormale de H, alors {hi1 ⊗ hi2 ⊗
... ⊗ hik | k ≥ 0} est une base orthonormale de F (H) (on fait la convention
que pour k = 0, le vecteur correspondant est celui du vide).
Notons {fi }i∈I les générateurs du monoı̈de libre N∗I . Alors la base orthonormale canonique de l2 (N∗I ) est la famille {δm }, avec m ∈ N∗I , donc de
la forme m = fi1 ...fik . On a donc une isometrie :
l2 (N∗I ) ' F (H) par δfi1 ...fik 7→ hi1 ⊗ hi2 ⊗ ... ⊗ hik .
L’opérateur de création l(hi ) correspond ainsi à λN ∗I (fi ), où λN ∗I est la représentation régulière gauche (par isometries !) du monoı̈de N∗I .
Pour I = {1, 2} on a S = λN ∗N (α) et T = λN ∗N (β), donc en identifiant
l (N ∗ N) = F (H), avec H de base orthonormale {h1 , h2 }, on a :
2
S = l(h1 ), T = l(h2 ).
Lemme 3 On définit l’application : N ∗ N × N ∗ N → A par
X
xy =
ab.
x=ag,y=gb
(i) s’étend par linéarité en une multiplication associative sur A.
(ii) Si P : (A, +, ·) → (B(l2 (N ∗ N)), +, ◦) est le ∗-morphisme défini par
α 7→ S + T ∗ et J : A → A est l’application f 7→ P (f )e, alors (J − Id)En ⊂
En−1 pour tout n.
(iii) J est un isomorphisme de ∗-algèbres (A, +, ·) ' (A, +, ).
14
Démonstration. (i) Notons que est bien définie, car la somme est finie.
Montrons qu’elle est associative. Soient x, y, z ∈ N ∗ N. Alors
(x y) z =
X
X
ab z =
{g,a,b∈N ∗N |x=ag,y=gb}
cd
{g,h,a,b,c,d∈N ∗N |x=ag,y=gb,ab=ch,z=hd}
Remarquons que pour a, b, c, h ∈ N ∗ N l’égalité ab = ch est équivalente
à une décomposition de la forme b = uh, c = au avec u ∈ N ∗ N, ou de la
forme a = cv, h = vb pour un certain v ∈ N ∗ N. Donc
(x y) z =
X
X
aud +
{g,h,a,d,u∈N ∗N,x=ag,y=guh,z=hd}
cd
{g,b,c,d,v∈N ∗N,x=cvg,y=gb,z=bvd}
Un calcul similaire montre que x (y z) est donné par la même formule,
donc est associative.
(ii) Soit f ∈ A. On peut vérifier facilement que P (α)f = (S + T ∗ )f =
α f . Donc J(αg) = P (α)J(g) = α J(g) = J(α) J(g) pour toute g ∈ A,
et par le même argument on obtient J(βg) = J(β) J(g), pour toute g ∈ A.
(A, +, ·) étant engendrée par α et β, il en résulte que J est un morphisme
d’algèbres :
J : (A, +, ·) → (A, +, ).
On démontre par récurrence sur n ≥ 1 que (J − Id)En ⊂ En−1 . Pour
n = 1 on a J(α) = α, J(β) = β et J(e) = e, et comme E1 est engendrée par
e, α, β on a J = Id sur E1 . Supposons que c’est vrai pour n et soit k ∈ En+1 .
On ecrit k = αf + βg + h avec f, g, h ∈ En (a noter que cette décomposition
n’est pas unique). Alors :
(J − Id)k = J(αf + βg + h) − (αf + βg + h) =
= [(S + T ∗ )J(f ) + (S ∗ + T )J(g) + J(h)] − [Sf + T g + h] =
= S(J(f ) − f ) + T (J(g) − g) + T ∗ J(f ) + S ∗ J(g) + (J(h) − h).
En appliquant l’hypothèse de récurrence à f, g, h on trouve que En contient tous les termes de la somme, donc contient (J − Id)k et on a fini.
Enfin, pour démontrer (iii) il nous reste à voir que J préserve l’involution
∗ et qu’il est une bijectif. On a J∗ = ∗J sur les générateurs {e, α, β} de A,
donc J préserve l’involution. Aussi par (ii), la restriction de J − Id à En est
un endomorphisme nilpotent, donc J est bijectif. 2
15
Lemme 4 Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel et soit ΨG :
(A, +, ) → G l’unique morphisme défini par α 7→ χ(u), β 7→ χ(u) (cf.
point (iii) du Lemme 3).
Soit n ≥ 1 et supposons que ΨG (x) est le caractère d’une représentation
irréductible rx de G, pour tout x ∈ N ∗ N de longeur ≤ n. Alors ΨG (x) est
le caractère d’une représentation (non nulle) de G, pour tout x ∈ N ∗ N de
longeur n + 1.
Démonstration. Pour n = 1 c’est clair. Supposons n ≥ 2 et soit x ∈ N∗N
de longeur n + 1. Si x contient une puissance ≥ 2 de α ou de β, par exemple
si x = zα2 y, alors on pose rx := rzα ⊗ rαy et on a fini. Supposons donc
que x est un produit des α alternant avec des β. On peut supposer que x
commence avec α. Alors x = αβαy, avec y ∈ N ∗ N de longeur n − 2.
Notons que l’égalité ΨG (z) = ΨG (z)∗ est vraie sur les générateurs {e, α, β}
de N ∗ N, donc elle est vraie pour tout z ∈ N ∗ N. Si <, > est le produit
scalaire sur G associé à la mesure de Haar, alors (voir Rappels)
< χ(rα ⊗ rβαy ), χ(rαy ) >=< χ(rβαy ), χ(rβ ⊗ rαy ) >=
< χ(rβαy ), ΨG (β αy) >=< χ(rβαy ), ΨG (βαy) + ΨG (y) >=
< χ(rβαy ), χ(rβαy ) + χ(ry ) > ≥ 1.
Comme rαy est irréductible, il en résulte qu’elle est une sous-représentation de rα ⊗ rβαy . Donc χ(rα ⊗ rβαy ) − χ(rαy ) = ΨG (α βαy − αy) = ΨG (x)
est le caractére d’une représentation de G. 2
Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel et notons fx = ΨG (x)
pour tout x ∈ N ∗ N (notations du Lemme 4). Alors la famille {fx | x ∈
P
N ∗ N} vérifie fe = 1, fα = χ(u), fβ = χ(u) et fx fy = x=ag,y=gb fab . On
veut montrer :
- le Théorème 1 (i) : pour G = Au (F ), les fx sont exactement les caractères des représentations irréductibles de Au (F ).
- le Théorème 2 : si les fx sont les caractères des représentations irréductibles de G, alors Gp ∼sim Au (F ) pour une certaine matrice F .
Il est commode de considérer, pour tout n ∈ N et F ∈ GL(n, C) et pour
tout groupe quantique compact matriciel (G, u) avec u, F uF −1 unitaires, le
diagramme suivant :
16
N∗N
N∗N
∩
∩
% Ψu
(A, +, )
G
−→
τ↓
(?)
C
C
−→
C < X, X ∗ >= (A, +, ·)
J
−→
P ↓
B(l2 (N ∗ N))
τ
0
−→
Au (F )
Ψ
Id
↓Φ
Gp
↓h
C
où :
- τ0 , J, P ont déjà été définies et τ (f ) = f (e) = coefficient de e dans f .
La commutation du carré est évidente.
- Gp est la version pleine de G (voir Rappels) et Φ est la surjection
canonique, définie par la propriété universelle de Au (F ).
- ΨG (resp. Ψu ) est l’unique ∗-morphisme (voir Lemme 3 (iii)) qui envoie
α sur le caractère de la représentation fondamentale de Gp (resp. de Au (F )).
La commutation du triangle est évidente.
- h est la mesure de Haar de G.
Notons que les inclusions (voir Notations du début) N ∗ N ⊂ A ne commutent pas avec J.
Proposition 3 Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel avec u et
F uF −1 unitaires. Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
1) Les représentations irréductibles de G sont indexées par N ∗ N, avec
P
re = 1, rα = u, rβ = u et rx ⊗ ry = x=ag,y=gb rab .
2) Le diagramme (?) commute.
3) χ(u)/2 est une variable circulaire dans (G, h).
4) Tous les ∗-moments de χ(u)/2 ∈ (G, h) sont plus petits que les ∗moments d’une variable circulaire, i.e. µχ(u)/2 (M ) ≤ µc (M ) pour tout monome non commutatif M (où µc est la ∗-distribution de la variable circulaire).
De plus, si ces conditions sont vérifiées, alors :
5) Φ : Au (F ) → Gp est un ∗-isomorphisme.
Note. On verra dans la section suivante que la condition 5) est en fait
equivalente à 1)-4).
17
Démonstration. (1 ⇒ 2) Il est clair que N∗N est un système orthonormal
dans ((A, +, ), τ ). Si 1) est vraie, alors ΨG (N ∗ N) = {χ(rx ) | x ∈ N ∗ N}
est un système orthonormal dans (Gs , h), d’où la commutativité de (?).
(2 ⇒ 3) Remarquons que (?) commute ⇐⇒ hΨG J = τ0 P . En identifiant
(C < X, X ∗ >, +, ·) = (A, +, ·) on a (voir Rappel G):
- la ∗-distribution de χ(u) ∈ (G, h) est la fonctionnelle hΨG J.
- la ∗-distribution de S + T ∗ ∈ (B(l2 (N ∗ N)), τ0 ) est la fonctionnelle τ0 P .
D’autre part, les identifications du début de cette section montrent que
(S + T ∗ )/2 a la même ∗-distribution que la variable (l(h1 ) + l(h2 )∗ )/2 sur
l’espace de Fock plein, qui est l’exemple standard de variable circulaire (voir
1ere section de [V]).
(3 ⇒ 4) est trivial. Montrons (4 ⇒ 1). Toujours en identifiant (C <
X, X ∗ >, +, ·) = (A, +, ·), les monômes non-commutatifs en X, X ∗ correspondent aux éléments de N ∗ N ⊂ A. Donc l’hypothèse sur les ∗-moments
de χ(u)/2 se traduit tout simplement par :
(i)
hΨG J ≤ τ J sur N ∗ N
On démontre par récurrence sur n ≥ 0 que pour tout z ∈ N ∗ N de longeur n,
ΨG (z) est le caractère d’une représentation irréductible rz de G. Pour n = 0
on a ΨG (e) = 1, qui est le caractère de la représentation triviale. Supposons
donc que c’est vrai pour n ≥ 0 et soit x ∈ N ∗ N de longeur n + 1.
Le point (ii) du lemme 3 implique J(x) = x + z avec z ∈ En . Notons
AN ⊂ A l’ensemble des fonctions f telles que f (x) ∈ N pour tout x ∈ N ∗ N.
Alors J(α), J(β) ∈ AN , donc par multiplicativité, J(N ∗ N) ⊂ AN . En
particulier, J(x) ∈ AN . Il en résulte qu’il existe des entiers positifs m(z) tels
que :
X
J(x) = x +
m(z)z.
z∈N ∗N,l(z)≤n
Calculons à l’aide de cette formule hΨG J(xx) et τ J(xx) :
a) Il est clair que si a, b ∈ N ∗ N, alors τ (a b) = δa,b . On obtient donc :
τ J(xx) = τ ((x +
X
m(z)z) (x +
X
m(z)z)) = 1 +
X
m(z)2 .
b) Par l’hypothèse de récurrence et par le lemme 4, ΨG (x) est le caractère d’une représentation rx de G. Donc ΨG J(x) est le caractère de
18
P
rx +
on a :
z∈N ∗N,l(z)≤n
m(z)rz . Par les formules d’orthogonalité des caractères
hΨG J(xx) ≥ h(χ(rx )χ(rx )∗ ) +
X
m(z)2 .
En utilisant (i), a) et b) on conclut que rx est irréductible, ce qui termine
la récurrence.
Le fait que les rx ainsi construites soient distinctes résulte de (i). En
effet, N ∗ N étant une base orthonormée de ((A, +, ), τ ), on obtient que
pour tous les x, y ∈ N ∗ N, x 6= y on a τ (x y) = 0, donc que :
h(χ(rx ⊗ ry )) = hΨG J(xy) ≤ τ J(xy) = τ (x y) = 0.
(1 ⇒ 5) On montre par récurrence sur n ≥ 0 que pour tout x ∈ N ∗ N
de longeur n, Ψu (x) est le caractère d’une représentation irréductible px de
Au (F ). Pour n = 0 c’est trivial - Ψu (e) est le caractère de la représentation
triviale. Supposons-le pour n et soit x ∈ N ∗ N de longeur n + 1. Par le
lemme 4, Ψu (x) est le caractère d’une représentation px . Comme Φ envoie
px 7→ rx , qui est irréductible, px est aussi irréductible, donc on a fini.
La surjection Φ envoie donc les (classes de) représentations irréductibles
de Au (F ) sur les (classes de) représentations irréductibles de Gp . On conclut
en utilisant un argument standard (Th. 5.7 de [Wo2]) : soit {ci } une base
de Au (F )s formée des coefficients des représentations irréductibles ; alors
{Φ(ci )} est une base de Gs formée des coefficients des représentations irréductibles. Il en résulte que Φ : Au (F ) → Gp est bijective. 2
4
Représentations de Au(F )
Cette section est consacrée à la démonstration des théorèmes 1 et 2. On verra
que la Proposition 3 implique facilement le théorème 2, ainsi que (modulo
un résultat de probabilités libres) le théorème 1 pour des matrices vérifiant
F F ∈ RIn . Le théorème 1 sera ensuite démontré pour des matrices F ∈
GL(n, C) arbitraires, en utilisant les résultats obtenus pour F = In .
Démonstration du théorème 2. On se donne un groupe quantique compact
matriciel (G, u) avec u ∈ Mn (G) tel que ses représentations irréductibles sont
indexées par N ∗ N, avec re = 1, rα = u, rβ = u et telles que ∀ x, y
X
rx ⊗ ry =
x=ag,y=gb
19
rab .
On peut supposer (modulo la similarité) que u est unitaire. Il existe donc
F ∈ GL(n, C) telle que F uF −1 soit unitaire, et le théorème résulte alors de
l’implication (1 ⇒ 5) de la Proposition 3. 2
Démonstration du théorème 1 dans le cas F F ∈ RIn . Soit n ∈ N et
F ∈ GL(n) telle que F F ∈ RIn . On note u la représentation fondamentale
de Au (F ), v la représentation fondamentale de Ao (F ) et z ∈ C(T) la fonction
x 7→ x. Soit G la sous-C∗ -algèbre de C(T) ∗red Ao (F ) engendrée par les
coefficients de la matrice zv = (zvij )ij . Alors :
• χ(v)/2 est semicirculaire par rapport à la mesure de Haar de Ao (F ) (cf.
Prop. 1).
• z est un Haar-unitaire dans C(T) muni de sa mesure de Haar (évident).
• χ(v)/2 et z sont ∗-libres dans C(T) ∗red Ao (F ) par rapport a sa mesure de
Haar (cf. Rappel F ).
Ces trois conditions impliquent que le produit zχ(v)/2 est circulaire dans
C(T) ∗red Ao (F ) (ceci est une version connue du théorème de Voiculescu [V]
de décomposition polaire des variables circulaires, voir par exemple [B1] ou
[NS]). Mais zχ(v) = χ(zv) est le caractère de la représentation fondamentale
de (G, zv), donc on peut appliquer la Proposition 3 :
(3 ⇒ 5) implique Au (F ) = Gp , donc que Au (F )red = G, d’où le point (iv)
du théorème 1.
(3 ⇒ 1) classifie les représentations de Gp = Au (F ), d’où (i,ii,iii). 2
Remarque. On aurait pu démontrer le théorème 1 dans le cas F F ∈ RIn
de la manière suivante. On considère le groupe quantique compact G ⊂
C(T) ∗red Ao (F ) engendré par les coefficients de zv, v étant la représentation fondamentale de Ao (F ). En combinant la théorie des représentations de
Ao (F ) de [B2] avec la théorie des représentations des produits libres de [W2],
on peut classifier les représentations de G. On applique ensuite le théorème
2, pour voir que Au (F )red = G. Notons que cette démonstration ne fournit
aucun outil pour aborder le cas général.
Démonstration du théorème 1 dans le cas général. Soit n ∈ N et F ∈
GL(n, C) quelconque. Notons u la représentation fondamentale de Au (F ).
On doit estimer les ∗-moments du caractère χ(u), i.e. les nombres :
h(χ(u)a1 χ(u)∗b1 χ(u)a2 ...) = dim(M or(1, u⊗a1 ⊗ u⊗b1 ⊗ u⊗a2 ⊗ ...)).
En utilisant le fait que N ∗ N est un monoı̈de libre :
20
- on associe à tout espace de Hilbert H une famille d’espaces de Hilbert
{Hx }x∈N ∗N de la manière suivante : He = C, Hα = H, Hβ = H (l’espace
conjugué de H), et Hab = Ha ⊗ Hb , ∀ a, b ∈ N ∗ N.
- on définit une famille {ux }x∈N ∗N de représentations unitaires de Au (F )
n
de la manière suivante : ue = 1, uα = u, uβ = F uF −1 (agissant sur C ) et
uab = ua ⊗ ub , ∀ a, b ∈ N ∗ N. Notons que ux ∈ B(Cnx ) ⊗ Au (F ) pour tout x.
Les ∗-moments de χ(u) sont ainsi les nombres
{dim(M or(1, uk )) | k ∈ N ∗ N}.
On va les estimer en appliquant le Th. 1.3. de [Wo3] :
Lemme 5 Soit n ∈ N et F ∈ GL(n, C). Soit H = Cn , avec la base orthonormale {ei }. On considère les applications linéaires E1 : He → Hαβ
P
P
−1
définie par 1 7→ F (ei )⊗ei et E2 : He → Hβα définie par 1 7→ ei ⊗F (ei ).
(i) E1 ∈ M or(1, uαβ ) et E2 ∈ M or(1, uβα ).
(ii) (E2∗ ⊗IdHβ )(IdHβ ⊗E1 ) ∈ CIdHβ et (E1∗ ⊗IdHα )(IdHα ⊗E2 ) ∈ CIdHα .
(iii) Pour r, s ∈ N ∗ N, on définit les ensembles M or(r, s) ⊂ B(Hr , Hs )
des combinaisons linéaires de produits (composables) d’applications de la
forme IdHk ou IdHk ⊗ E1 ⊗ IdHp ou IdHk ⊗ E2 ⊗ IdHp ou IdHk ⊗ E1∗ ⊗ IdHp ou
IdHk ⊗ E2∗ ⊗ IdHp . Alors la W ∗ -catégorie concrète monoı̈dale des représentations de Au (F ) est la complétion (dans le sens de [Wo3]) de la W ∗ -catégorie
concrète monoı̈dale
Z(F ) := {N ∗ N, ·, {Hr }r∈N ∗N , {M or(r, s)}r,s∈N ∗N }.
Démonstration. (i) Si w ∈ Mn (B) est une matrice unitaire à coefficients
P
dans une ∗-algèbre B et si ζ = ei ⊗ ei ∈ Cn ⊗ Cn alors
(w13 w23 )(ζ ⊗ 1) =
X
∗
ei ⊗ ek ⊗ wia wka
=
X
ei ⊗ ek ⊗ δik 1 = (ζ ⊗ 1).
En particulier :
P
- pour B := Au (F ) et w := u cela montre que (1 ⊗ F )ζ = ei ⊗ F ei est
un vecteur fixe de (1 ⊗ F )(u ⊗ u)(1 ⊗ F )−1 = u ⊗ (F uF −1 ).
P
−1
- pour B := Au (F ) et w := F uF −1 cela montre que (1 ⊗ F )ζ = ei ⊗
−1
F ei est un vecteur fixe de (1 ⊗ F )−1 (w ⊗ w)(1 ⊗ F ) = (F uF −1 ) ⊗ u.
Par définition des ux on a uαβ = (idCn ⊗ φ ⊗ idAu (F ) )(u ⊗ (F uF −1 ))
n
et uβα = (φ ⊗ idCn ⊗ idAu (F ) )((F uF −1 ) ⊗ u), où φ : B(Cn ) → B(C ) est
l’isomorphisme canonique, et (i) en résulte.
21
(ii) est un calcul facile. Pour (iii), notons que Z(F ) est par construction
une W ∗ -catégorie monoı̈dale concrète. Soit j : Hα → Hβ l’application antilinéaire définie par ei → F (ei ). Alors (avec les notations de [Wo3], page 39)
on a tj = E1 et (tj )∗ = tj −1 = E2 , donc tj ∈ M or(e, αβ) et tj ∈ M or(1, βα),
donc α = β dans Z(F ). Par [Wo3], la paire universelle Z(F )-admissible est
un groupe quantique compact (G, v).
Le point (i) montre que (Au (F ), u) est une paire Z(F )-admissible, donc
qu’on a un C∗ -morphisme f : G → Au (F ) tel que (id ⊗ f )(v) = u. D’autre
part la propriété universelle de Au (F ) permet de construire un C∗ -morphisme
g : Au (F ) → G tel que (id ⊗ g)(u) = v. Il en résulte que (G, v) = (Au (F ), u).
2
La démonstration du Lemme suivant est similaire à celle du Lemme 2.
Lemme 6 (i) On note I(p) = IdHp et Vi (p, q) = I(p)⊗Ei ⊗I(q) pour i = 1, 2.
Alors tout morphisme de Z(F ) est une combinaison linéaire d’applications
de la forme I(.) ou de la forme V· (., .) ◦ ... ◦ V· (., .) ◦ V· (., .)∗ ◦ ... ◦ V· (., .)∗ .
(ii) L’ensemble des applications de la forme M ⊗ I(α) ⊗ N avec M ∈
M or(e, x), N ∈ M or(e, y) et xαy = k engendre M or(α, k). L’ensemble des
applications de la forme M ⊗ I(β) ⊗ N avec M ∈ M or(e, x), N ∈ M or(e, y)
et xβy = k engendre M or(β, k).
(iii) L’ensemble des applications de la forme (I(α) ⊗ M ⊗ I(β) ⊗ N ) ◦ E1
avec M ∈ M or(e, x), N ∈ M or(e, y) et αxβy = k, ou des applications de la
forme (I(β) ⊗ M ⊗ I(α) ⊗ N ) ◦ E2 avec M ∈ M or(e, x), N ∈ M or(e, y) et
βxαy = k engendre M or(e, k). 2
Proposition 4 On définit pour tout k ∈ N ∗ N la partie Zk (F ) ⊂ M or(e, k)
par Ze (F ) = 1, Zα (F ) = Zβ (F ) = ∅ et (par récurrence) par
Zk (F ) = ∪k=αxβy {(I(α) ⊗ M ⊗ I(β) ⊗ N ) ◦ E1 | M ∈ Zx (F ), N ∈ Zy (F )}
si k commence par α et
Zk (F ) = ∪k=βxαy {(I(β) ⊗ M ⊗ I(α) ⊗ N ) ◦ E2 | M ∈ Zx (F ), N ∈ Zy (F )}
si k commence par β. Alors :
(i) Zk (F ) engendre M or(e, k).
(ii) Zk (In ) est une base de M or(e, k) (pour F = In ).
22
Démonstration. (i) résulte du point (iii) du Lemme 6.
Rappelons que Hk est un certain produit tensoriel entre H et son conjugué. Soit ψ : H → H l’isometrie donnée par ei 7→ ei . En identifiant H
avec H à l’aide de ψ, on obtient une isometrie ψk : Hk → H ⊗l(k) , où l(k) est
la longeur du mot k.
En regardant les définitions, il est clair que ψk envoie l’ensemble {X(1) |
X ∈ Zk (In )} sur une partie de l’ensemble {X(1) | X ∈ Wl(k) (In )}.
En utilisant la Proposition 2, l’ensemble {X(1) | X ∈ Wl(k) (In )} est
formé de vecteurs linéairement indépendents de H ⊗l(k) . Ceci implique que
{X(1) | X ∈ Zk (In )} est formé de vecteurs linéairement indépendents, donc
que Zk (In ) est une base de M or(e, k). 2
Fin de la démonstration du théorème 1. Rappelons que n ∈ N et F ∈
GL(n, C) sont arbitraires. Par construction de Zk (F ) on a Card(Zk (F )) =
Ck , où les nombres {Cx }x∈N ∗N sont définis par Ce = 1, Cα = Cβ = 0 et
P
P
Ck = k=αxβy Cx Cy + k=βxαy Cx Cy pour k ∈ N ∗ N.
Notons u(F ) la représentation fondamentale de Au (F ). En utilisant les
points (iii) du Lemme 5 et (i) de la Proposition 4 on a pour tout k ∈ N ∗ N :
dim(M or(1, u(F )k )) = dim(M or(e, k)) ≤ Card(Zk (F )) = Ck .
La Proposition 4 (ii) dit que pour F = In on a égalité. Donc :
dim(M or(1, u(F )k )) ≤ dim(M or(1, u(In )k )).
Mais les nombres dim(M or(1, u(F )k )) sont les ∗-moments du caractère de
u(F ) et les nombres dim(M or(1, u(In )k )) sont les ∗-moments du caractère de
u(In ), donc les ∗-moments d’une variable circulaire (par le point (iii) du th.
1 appliqué a F = In , cas déjà résolu). On conclut à l’aide de la proposition
3. 2
Remarque. Il est clair maintenant que pour toute matrice F , {X(1) |
X ∈ Zk (F )} est une base de l’ensemble des vecteurs fixes de la représentation u(F )k de Au (F ). Si F F ∈ RIn , l’application ψk qu’on a construit dans
la démonstration de la Proposition 4 permet d’identifier ces vecteurs comme
une partie de la base des vecteurs fixes de la représentation u⊗l(k) de Ao (F )
de la fin de la section 2 (en fait, cette identification est celle qui correspond
à la flèche canonique Au (F ) → Ao (F )).
23
Il est facile à détérminer les partitions non-croisées en parties à deux
éléments de {1...l(k)} qui correspondent aux vecteurs fixes de la représentation uk de Au (F ). En fait, on peut obtenir une base de l’ensemble des
vecteurs fixes de la représentation uk de Au (F ) en ecrivant k = x1 ...xl(k) avec
` `
xi ∈ {α, β} et en associant à toute partition non-croisée P = P1 ... Pl(k)/2
de {1, ..., k} avec des parties de la forme Ps = {is , js } telles que (xis , xjs ) soit
égale à (α, β) ou à (β, α) pour tout s le vecteur suivant :
X
v=
Fsj1 si1 ...Fsjl(k)/2 sil(k)/2 es1 ⊗ ... ⊗ esl(k) .
1≤s1 ...sl(k) ≤l(k)
5
Le cas n = 2
Rappelons que pour µ ∈ [−1, 1] − {0} le groupe quantique compact matriciel
Sµ U(2) est défini avec générateurs α, γ et relations
α∗ α + γ ∗ γ = 1, αα∗ + µ2 γγ ∗ = 1, γγ ∗ = γ ∗ γ, µγα = αγ, µγ ∗ α = αγ ∗ .
On a S1 U(2) = C(SU(2)) (voir [Wo1] et les formules (1.33) de [Wo2]).
Proposition 5 Ao
0
−µ−1
1
0
u11
u21
Démonstration. Notons
= Sµ U(2).
u12
u22
la représentation fondamentale de
0
1
0
1
Ao
. Les relations qui définissent Ao
sont uu∗ =
−1
−1
−µ
0
−µ
0
u∗ u = 1 et :
∗
u11 u∗12
0 −µ
u11 u12
0
1
.
=
u∗21 u∗22
1 0
u21 u22
−µ−1 0
u11 u12
u∗22
−µu∗21
En multipliant,
=
. Si α := u11 et γ :=
u21 u22
−µ−1 u∗12
u∗11
α −µγ ∗
0
1
u21 , alors u =
et les relations qui définissent Ao
γ
α∗
−µ−1 0
∗
∗
sont celles données par uu = u u = 1, i.e. :
α −µγ ∗
γ
α∗
α∗
−µγ
γ∗
α
=
α∗
−µγ
γ∗
α
α −µγ ∗
γ
α∗
=
1 0
.
0 1
En calculant on obtient les relations qui définissent Sµ U(2). 2
24
Proposition 6 Pour tous les n ∈ N, F ∈ GL(n, C), λ ∈ C∗ et V, W ∈
U(n) on a les similarités suivantes :
(i) Ao (F ) ∼sim Ao (λV F V t ) (si F vérifie F F ∈ RIn ).
(ii) Au (F ) ∼sim Au (λV F W ).
Démonstration. (i) Notons u (resp. v) la représentation fondamentale
de Ao (F ) (resp. Ao (λV F V t )). Alors v = (λV F V t )v(λV F V t )−1 est unitaire
=⇒ v = V F V t vV F −1 V ∗ est unitaire . Il en résulte que V ∗ vV = F V ∗ vV F −1
est unitaire, donc on peut définir f : Ao (F ) → Ao (λV F V t ) par la propriété
universelle et par (Id ⊗ f )(u) = V ∗ vV . Par les mêmes arguments, il existe
g : Ao (λV F V t ) → Ao (F ) avec (Id ⊗ g)(v) = V uV ∗ . Donc f et g sont des
bijections inverses, donc f est un isomorphisme, donc une similarité.
(ii) Notons u (resp. v) la représentation fondamentale de Au (F ) (resp.
Au (λV F W )). Alors v et (λV F W )v(λV F W )−1 sont unitaires, donc W vW t et
F W vW ∗ F −1 sont unitaires, donc W vW t et F W vW t F −1 sont unitaires. On
peut donc définir f : Au (F ) → Au (λV F W ) par la propriété universelle et par
(Id ⊗ f )(u) = W vW t . Par les mêmes arguments, il existe g : Au (λV F W ) →
Au (F ) avec (Id ⊗ g)(v) = W t uW . Alors f et g sont des bijections inverses.
2
Proposition 7 Pour tout µ ∈ [−1, 1] − {0} soit Gµ la C∗ -algèbre engendrée
dans C(T) ∗red Sµ U(2) par les coefficients de la matrice zuµ , uµ étant la représentation fondamentale de Sµ U(2). Alors on a (modulo la similarité) les
égalités suivantes :
(i) {Ao (F ) | F ∈ GL(2, C) } = {Sµ U(2) | µ ∈ [−1, 1] − {0} }.
(ii) {Au (F )red | F ∈ GL(2, C) } = {Gµ | µ ∈ [−1, 1] − {0} }.
Démonstration. (i) Il suffit de montrer que pour chaque F ∈ GL(2, C)
C) multiple scalaire d’une matrice
telle que F F ∈ R, il existe V ∈ GL(2,
0
1
unitaire tel que λV F V t =
pour un certain µ (cf. Propositions
−µ−1
0
x y
5 et 6). Soit donc F =
. Si x 6= 0, soit α une solution de α2 x +
z
t
α 1
α(y + z) + t = 0 et V =
, qui est un multiple scalaire d’une matrice
−1 α
unitaire ; alors V F V t a le 1er coefficient
α2 x + α(y + z) + t = 0, donc on
0 y
yz
yt
peut supposer x = 0. Dans le cas F =
on a F F =
.
z t
tz zy + tt
25
Comme F F ∈ R, t = 0 et yz = zy, donc F = y
Si | k |≥ 1 on a fini. Sinon, on pose V =
0 1
k 0
avec k = z/y ∈ R∗ .
0 −1
.
1 0
(ii) Il suffit de montrer que pour chaque F ∈ GL(2, C) il existent V, W ∈
U(2) telles que V F W V F W ∈ R (cf. point (i) et Proposition 6). En effet, on
peut supposer (par décomposition
polaire) que F > 0 ; en la diagonalisant,
x 0
on peut supposer F =
, avec x, y > 0, et dans ce cas on pose
0 y
0 −1
V =
et W = 1. 2
1 0
a b
, (z) et u les représentations fondamentales de
−b a
C(SU(2)), C(T) et Au (I2 ) respectivement. Alors il existe un plongement :
Lemme 7 Notons
Au (I2 )red ,→ C(T) ∗red C(SU(2)) , u 7→
Démonstration. On a Ao
Au (I2 ) = Au
0 1
−1 0
0 1
−1 0
za
−zb
zb
.
za
= S1 U(2) = C(SU(2)) (Prop. 5),
√
(car Au (F ) = Au ( F ∗ F ) pour toute F ), et par le
théorème 1 on a un plongement Au
0 1
−1 0
,→ C(T) ∗red Ao
0 1
. 2
−1 0
Théorème 5 Les coefficients de la représentation rβα = u ⊗ u − 1 de Au (I2 )
commutent entre eux et engendrent une C∗ -algèbre égale à C(SO(3)). De
même pour les coefficients de rαβ = u ⊗ u − 1.
Démonstration. En utilisant le Lemme 7 on voit que la représentation
u ⊗ u de Au (I2 )red est la representation
za zb
−zb za
⊗
za zb
−zb za
=
a b
−b a
⊗
a b
.
−b a
de C(T) ∗red C(SU(2)). Il en résulte que la représentation u ⊗ u − 1 de
Au (I2 )red correspond à la représentation de dimension 3 de SU(2), i.e. à la
représentation fondamentale de SO(3). Donc les coefficients de la représentation rβα = u ⊗ u − 1 de Au (I2 )red commutent entre eux et engendrent une
26
C∗ -algèbre commutative égale à C(SO(3)). On conclut en remarquant que
C(SO(3)) est la C∗ -algèbre enveloppante de C(SO(3))s . 2
On va montrer maintenant que l’algèbre de von Neumann Au (I2 )”red (le
bicommutant de l’image de Au (I2 ) par sa représentation régulière gauche sur
l2 (Au (I2 ), h), h étant la mesure de Haar) est isomorphe au facteur W ∗ (F2 )
associé au groupe libre a deux générateurs F2 .
Rappelons que si (M, φ) est une ∗-algèbre munie d’une forme linéaire
unitale et si A ⊂ M est une ∗-algèbre unifère, alors un élément x ∈ M est
dit ∗-libre par rapport à A si la ∗-algèbre engendrée par x dans M est libre
par rapport à A. On va utiliser le Lemme technique suivant.
Lemme 8 Soit (M, φ) une ∗-algèbre munie d’une trace, 1 ∈ A ⊂ M une
sous-∗-algèbre, d ∈ A un unitaire tel que φ(d) = φ(d∗ ) = 0 et u ∈ M un
Haar-unitaire ∗-libre par rapport à A. Alors ud est un Haar-unitaire ∗-libre
par rapport à A.
Démonstration. ud est clairement un Haar-unitaire. Pour montrer que ud
est ∗-libre par rapport à A il suffit de vérifier que si ai ∈ Z∗ et fi ∈ A∩ker(φ)
(1 ≤ i ≤ n), alors P := (ud)a1 f1 (ud)a2 f2 ... est dans ker(φ).
P est un produit de termes de la forme u ou u∗ alternant avec des termes
de la forme d, d∗ , fi , dfi , fi d∗ ou dfi d∗ . Remarquons que φ(d) = φ(d∗ ) =
φ(fi ) = φ(dfi d∗ ) = 0 et que les termes de la forme dfi ou fi d∗ apparaissent
dans P entre u et u ou entre u∗ et u∗ .
On ecrit chaque dfi sous la forme [φ(dfi )1] + [dfi − φ(dfi )1] et chaque fi d∗
sous la forme [φ(fi d∗ )1] + [fi d∗ − φ(fi d∗ )]. En developpant P , on obtient une
combinaison linéaire de termes, chaqun étant un produit d’éléments de la
forme uk avec k ∈ Z∗ alternant avec des éléments de A ∩ ker(φ). Il en résulte
que φ(P ) = 0. 2
Théorème 6 Au (I2 )”red = W ∗ (F2 ).
Démonstration. Par le Lemme 7 on a un plongement :
Au (I2 )”red
∞
∞
,→ L (T) ∗ L (SU(2)) , u 7→
za zb
.
−zb za
Notons d = sgn ◦ (a + a), i.e. la composée de a + a : SU(2) → R avec la
fonction signe sgn : R → {−1, 0, 1}. Alors d ∈ L∞ (SU(2)) est un unitaire
tel que d2 = 1.
27
La partie polaire de za + za est zd, donc zd ∈ Au (I2 )”red . Il en résulte
que dz ∗ ∈ Au (I2 )”red , et en multipliant a gauche par dz ∗ les générateurs
za, zb, za, zb de Au (I2 )”red , on obtient que Au (I2 )”red est engendrée par zd,
da, db, da, db.
En utilisant le Lemme 8 on obtient que W ∗ (da, db, da, db) et W ∗ (zd) sont
des sous-algèbres abéliennes diffuses libres qui engendrent Au (I2 )”red , ce qui
implique Au (I2 )”red = W ∗ (F2 ) (voir Th. 2.6.2 de [VDN]). 2
Remarque. Soit Unnc la C∗ -algèbre universelle engendrée par les coeffinc
⊗
cients d’une matrice de taille n unitaire u. En combinant la formule Un,red
∗
Mn = Mn ∗red C(T) de McClanahan [MC1] avec la formule Mn ∗ W (Fs ) =
nc,”
W ∗ (Fn2 s ) ⊗ Mn de Dykema [D] on obtient U2,red
= W ∗ (F4 ).
6
Remarques sur la représentation adjointe
La représentation adjointe d’un groupe discret Γ est un outil important
pour traiter plusieurs problèmes liés aux C∗ -algèbres C∗ (Γ) et C∗red (Γ) :
moyennabilité de Γ, nucléarité de C∗red (Γ), simplicité de C∗red (Γ) etc. On
va se poser les mêmes questions pour les C∗ -algèbres Au (F ) et Au (F )red , qui,
du point de vue de la dualité de Pontryagin, sont les “C∗ (Fn ) et C∗red (Fn )
quantiques”.
Si G est un groupe quantique compact matriciel tel que sa mesure de Haar
soit une trace, on peut définir sur Gp les représentations régulières gauche λ
et droite ρ par λ(x)(y) = xy et ρ(x)(y) = yκ(x), et la représentation adjointe
comme étant la composée :
λ⊗ρ
δ
Gp −→Gp ⊗max Gp −→B(l2 (Gred )).
Le cas général est plus subtil, et on va utiliser le Théorème suivant de
Woronowicz (voir aussi les Rappels 5.1 de [BS]).
Théorème 7 [Wo2] A tout groupe quantique compact matriciel G on peut
associer une (unique) famille de caractères (fz )z∈C de Gs qui vérifient les
formules suivantes :
(i) h(ab) = h(b(f1 ∗ a ∗ f1 )), pour tous les a ∈ Gs et b ∈ G.
(ii) κ2 (a) = f−1 ∗ a ∗ f1 , pour tout a ∈ Gs .
(iii) f0 = e (la coünité de Gs ) et fz+t = fz ∗ ft , pour tous les z, t ∈ C.
28
(iv) fz ∗ κ(a) = κ(a ∗ f−z ) et κ(a) ∗ fz = κ(f−z ∗ a) pour tous les a ∈ Gs
et z ∈ C.
b et si F
De plus, les fz sont définis de la manière suivante : si u ∈ G
∗
est l’unique matrice positive qui entrelace u et (I ⊗ κ)(u ) = (I ⊗ κ2 )(u),
normalisée telle que T r(F ) = T r(F −1 ) (cf. Th. 5.4 de [Wo2]), alors :
(Id ⊗ fz )(u) = F z .
Notations. L(Gred ) est l’algèbre des opérateurs bornés Gred → Gred .
b → G sera notée χ (voir Rappels B et C).
L’application caractère G
s
Corollaire 2 Soit G un groupe quantique compact matriciel et a, b, c, d ∈ C.
(i) L’application x 7→ fa ∗x∗fb est un automorphisme de Gs . L’application
λa,b : Gs → L(Gred ) donnée par λa,b (x)(y) = (fa ∗ x ∗ fb )y est un morphisme
de C-algèbres unifères.
(ii) L’application x 7→ fc ∗ κ(x) ∗ fd est un antiautomorphisme de Gs .
L’application ρc,d : Gs → L(Gred ) donnée par ρc,d (x)(y) = y(fc ∗ κ(x) ∗ fd )
est un morphisme de C-algèbres unifères.
λa,b ⊗ρc,d
δ
(iii) L’application Gs −→Gs ⊗ Gs −→ L(Gred ) est un morphisme de Calgèbres unifères. 2
L’application définie au point (iii) permet d’associer à tous les a, b, c, d ∈
b → L(G ). L’intérêt du Lemme suivant apparaı̂tra
C une application ad : G
red
dans les démonstrations de simplicité, quand on va utiliser plusieures applications ad de ce type.
Lemme 9 Soit G un groupe quantique compact matriciel et a, b, c, d ∈ R.
Soit :
b → L(G ).
ad = (λa,b ⊗ ρc,d ) ◦ δ ◦ χ : G
red
b et soit F la matrice définie dans le Théorème 7. Alors :
Soit u ∈ G
(i) ad(u)(z) = i,k (F b uF a )ik z(F −c u∗ F −d )ki
(ii) Si a + c = b + d = 0, alors ad(u) est une application de la forme
P
z 7→ ak za∗k avec ak ∈ Gs (somme finie).
(iii) Si a = c, alors ad(u)(1) = K · 1 avec K ∈ R∗+ .
(iv) Soient s, t ∈ R et supposons que t + b − d = 0 ou que s + a − c + 1 = 0.
Alors il existe M ∈ R∗+ tel que ad(u)/M préserve tout état φ de Gred tel que
φ(xy) = φ(y(fs ∗ x ∗ ft )), ∀ x, y ∈ Gs .
P
29
Démonstration. (i) En utilisant le Théorème 7, on a
X
fa ∗ uij ∗ fb = (fb ⊗ Id ⊗ fa )(
uis ⊗ usk ⊗ ukj ) = (F b uF a )ij .
Par Th. 7 (iv) et en utilisant (I ⊗ κ)(u) = u∗ on obtient
fc ∗ κ(uij ) ∗ fd = κ(f−d ∗ uij ∗ f−c ) = (F −c u∗ F −d )ij .
On a donc (λa,b ⊗ ρc,d )(uik ⊗ ulj )(z) = (F b uF a )ik z(F −c u∗ F −d )lj , d’où :
(λa,b ⊗ ρc,d )δ(uij )(z) =
X
(F b uF a )ik z(F −c u∗ F −d )kj .
k
(ii) On a (F −c u∗ F −d )ki = [(F −c u∗ F −d )∗ ]∗ik = (F −d uF −c )∗ik (rappelons que
F > 0), donc si a + c = b + d = 0, alors :
ad(u) : z 7→
X
(F b uF a )ik z(F b uF a )∗ik .
i,k
(iii) Si a = c alors ad(u)(1) =
P
i,k (F
b
uF a )ik 1(F −a u∗ F −d )ki = T r(F b−d )1.
(iv) On a φ(ad(u)(z)) = φ[ (fa ∗ uik ∗ fb )z(fc ∗ κ(uki ) ∗ fd )] = φ(zM ), où
P
M :=
X
(fc ∗ κ(uki ) ∗ fd )(fs+a ∗ uik ∗ ft+b ).
i,k
Si t + b − d = 0 alors en utilisant les formules de la démonstration de (i) on a
M=
X
(F −c u∗ F −d )ki (F t+b uF s+a )ik = T r(F s+a−c ) > 0.
i,k
Supposons maintenant que s + a − c + 1 = 0. En utilisant le point (ii) du
Théorème 7 on a uik = f1 ∗ κ2 (uik ) ∗ f−1 . En utilisant cette formule, ainsi
que le point (iv) du Théorème 7 et les formules de la démonstration de (i)
on obtient
M=
= κ[
P
P
i,k (fc
∗ κ(uki ) ∗ fd )(fs+a+1 ∗ κ2 (uik ) ∗ ft+b−1 ) =
i,k (f−t−b+1
∗ κ(uik ) ∗ f−s−a−1 )(f−d ∗ uki ∗ f−c )] =
= κ[(I ⊗ T r)(F t+b−1 u∗ F s+a+1−c uF −d )] = T r(F t+b−1−d ) > 0. 2
30
7
La Propriété de Powers
Soit (A, τ ) une C∗ -algèbre unifère munie d’une trace fidèle. Haagerup et
Zsido ont montré [HZ] que A est simple à trace unique si et seulement si elle
a la propriété de Dixmier :
Pour tout a ∈ A, l’enveloppe convexe fermée de {uau∗ | u unitaire }
contient un multiple scalaire de 1A .
La simplicité de C∗red (Fn ) a été démontrée en [P], et la méthode de Powers
a été étendue par de nombreux auteurs aux produits libres [A, MC2] ou aux
C∗ -algèbres de groupes discrets [H, HS, BCH]. Ces démonstrations de simplicité utilisent des estimations techniques dans B(l2 (A, τ )), qui “bougent”
vers 0 tout élément de trace 0, en utilisant des sommes d’automorphismes
intérieurs, i.e. qui prouvent la propriété de Dixmier.
Dans le cas des C∗ -algèbres réduites de groupes discrets Γ, l’estimation
dans l2 (Γ) est obtenue en utilisant des propriétés combinatoires, géométriques
etc. de Γ. Une d’entre elles est la propriété de Powers, définie dans [H] :
Pour tout ensemble fini F ⊂ Γ−{1}, il existe des éléments g1 , g2 , g3 ∈ Γ et
`
une partition Γ = D E telles que F ·D ∩D = ∅ et gs ·E ∩gk ·E = ∅, ∀ s 6= k.
On voit facilement que les groupes libres Fn ont la propriété de Powers.
Cette propriété apparait dans beaucoup d’autres contextes - voir [H] - par
exemple toute action fortement hyperbolique, minimale et fortement fidèle
`
de Γ sur un espace de Hausdorff fournit une partition Γ = D E et des (en
fait, une infinité de) éléments gi comme en haut. La preuve de la simplicité
de C∗red (Γ) de [HS] a deux étapes :
I. Si x ∈ l2 (F ) est hermitien de trace 0, alors || 1/3 ugs xu∗gs ||≤ 0.98 || x ||.
II. C∗red (Γ) a la propriété de Dixmier, donc est simple à trace unique.
P
On va étendre cette démonstration aux groupes quantiques compacts “de
Powers” :
Définition 3 Soit G un groupe quantique compact. On munit l’ensemble
b des parties de G
b avec l’involution A = {a | a ∈ A} et la multiplication
P (G)
◦ définie par :
b | ∃ a ∈ A, ∃ b ∈ B avec r ⊂ a ⊗ b}.
A ◦ B = {r ∈ G
b
On dira que G a la propriété de Powers si pour toute partie finie F ⊂ G−{1},
`
b et une partition G
b = D E telles que
il existe des éléments r1 , r2 , r3 ∈ G
F ◦ D ∩ D = ∅ et rs ◦ E ∩ rk ◦ E = ∅, ∀ s 6= k.
31
Le but de cette dernière partie du papier est de montrer que les algèbres
Au (F )red sont simples (et avec au plus une trace). En principe on doit
résoudre trois questions :
a) Etendre la démonstration de simplicité de [HS] aux groupes quantiques
compacts de Powers ayant une mesure de Haar traciale.
b) Etendre a) aux groupes quantiques compacts de Powers quelconques.
c) Etendre b) à Au (F ), qui n’a pas la Propriété de Powers - le Théorème
1 montre que la partie F = {rαβ , rβα } a la propriété rx ∈ F ◦ {rx }, pour
toute 1 6= rx ∈ Aud
(F ).
En fait, toutes les démonstrations de simplicité et de non-existence d’états
KMS qu’on va donner seront basées sur la même estimation (Prop. 8). Remarquons que :
- si la mesure de Haar de G est une trace, l’énoncé de la Prop. 8 se
simplifie considèrablement. De même pour sa démonstration - on ne doit pas
utiliser la 6eme section.
∗
∗
- si de plus G = Cred
(Γ) (e.g. Cred
(F2 )), alors la Proposition 8 est le
lemme technique de [HS], mais l’estimation qu’on obtient ici est plus forte
√
2 2
1 X
∗
ug xu ||≤
|| x || .
||
3 s=1,2,3 s gs
3
Notons que les méthodes qu’on developpe ici n’ont aucune chance de
s’appliquer à Ao (F ), car Ao (F )central est commutative.
b l’ensemble des
Notation. Pour tout x ∈ Gs on note supp(x) ⊂ P (G)
représentations irréductibles qui ont des coefficients qui apparaissent dans
x (rappelons que l’espace des coefficients de r ∈ B(Hr ) ⊗ Gs est G(r) :=
{(φ ⊗ Id)(r) | φ ∈ B(Hr )∗ } ; par [Wo2] on a Gs = ⊕r∈GbG(r)).
Proposition 8 Soit (G, u) un groupe quantique compact matriciel réduit et
b = D ` E une partition et r , r , r ∈ G
b telles que
soient s, t ∈ R. Soit G
1 2 3
rl ◦ E ∩ rk ◦ E = ∅, ∀ l 6= k.
Alors il existe une application linéaire unitale T : G → G telle que :
(a) il existe une famille finie {ai } d’éléments de Gs tels que T : z 7→
P
ai za∗i .
(b) T préserve les états φ ∈ G∗red vérifiant φ(xy) = φ(y(fs ∗x∗ft )), ∀ x, y ∈
Gs .
32
(c) pour tout z = z ∗ ∈ Gs tel que supp(z) ◦ D ∩ D = ∅, on a || T (z) ||≤
0.95 || z || et supp(T (z)) ⊂ ∪i ri ◦ supp(z) ◦ ri .
Démonstration. Le Lemme 9 appliqué avec a = c = 0 et d = −b = t/2
b → L(G) (rappelons que G
fournit une certaine application ad : G
red = G).
Notons que le choix de a, b, c, d implique a + c = b + d = 0, a = c et
t + b − d = 0, donc on peut appliquer les points (ii-iv) du Lemme 9 avec
u := ri , pour i = 1, 2, 3. On obtient trois familles finies {ai,k }k d’éléments de
Gs et six réels positifs non nuls Ki , Mi (i = 1, 2, 3) tels que pour tout i :
P
(i) ad(ri )(z) = k ai,k za∗i,k .
(ii) ad(ri )(1) = Ki · 1.
(iii) ad(ri )/Mi préserve φ.
Comme φ(ad(ri )(1)) = Mi (par (iii)) et φ(ad(ri )(1)) = Ki (par (ii)), on a
Ki = Mi pour tout i. Posons
1
T :=
3
!
ad(r1 ) ad(r2 ) ad(r3 )
+
+
.
M1
M2
M3
Il nous reste à vérifier la condition (c).
Notons h la mesure de Haar de G (qui est fidèle par hypothèse) et (H, π)
la construction GNS associée à (G, h). Pour i = 1, 2, 3 notons :
Ti0 : B(H) → B(H), P 7→ Mi−1
X
π(ai,k )P π(a∗i,k ).
k
Soit T 0 = (T10 + T20 + T30 )/3. C’est une application complètement positive
unitale. Soit p (resp. q) la projection dans H sur la fermeture de l’espace
linéaire engendré par les coefficients des représentations de D (resp. E). On
b = D ` E et supp(z) ◦ D ∩ D = ∅, d’où :
aG
p + q = 1 , pπ(z)p = 0.
Si t 6= s ∈ {1, 2, 3}, alors rt ◦ rs ◦ E ∩ E = ∅ : en effet, si r, p ∈ E
sont telles que r ⊂ rt ⊗ rs ⊗ p, alors on a h(χ(rt ⊗ r ⊗ rs ⊗ p)) ≥ 1, donc
rt ⊗ r et rs ⊗ p ont une composante irréductible commune, qui doit être dans
rs ◦ E ∩ rt ◦ E = ∅, contradiction (cf. Rappel C). Il en résulte que si a (resp.
b) sont des coefficients arbitraires de rt (resp. rs ), alors qπ(a∗ b)q = 0. Les
ai,k étant des coefficients de ri pour tout i (cf. Lemme 9 (i)), on a :
Tt0 (q) Ts0 (q) = (Mt Ms )−1
X
π(at,k )qπ(a∗t,k as,h )qπ(a∗s,h ) = 0.
k,h
33
Il en résulte que la norme de T 0 (q) est
X
X
1
1
1
1
1
|| T 0 (q) ||= lim || T 0 (q)n || n = lim || ( Ti0 (q))n || n = lim || (Ti0 (q))n || n
3
3
i
i
donc plus petite que 13 (car les (Ti0 )n sont des applications complètement
positives unitales). L’assertion de (c) sur supp(T (z)) est évidente. L’inégalité
|| T (z) ||≤ 0.95 || z || résulte du lemme suivant (avec f = T 0 , x = π(z) et
δ = 1/3) et du fait que la représentation GNS π est isometrique :
Lemme 10 Soit H un espace de Hilbert, x = x∗ ∈ B(H), p + q = 1 projections dans H, et f : B(H) → B(H) une application complètement
positive
√
2
unitale. Si pxp = 0 et || f (q) ||≤ δ < 1/2, alors || f (x) ||≤ 2 δ − δ || x ||.
Démonstration (G. Skandalis). Soit√ζ ∈ H arbitraire de norme un. On
veut montrer que | < f (x)ζ, ζ >| ≤ 2 δ − δ 2 || x ||. Par le théorème de
Stinespring on peut supposer que f (z) = ω ∗ zω avec ω ∗ ω = 1. En posant
ξ = ωζ, il suffit de démontrer l’énoncé suivant :
Si H est un espace de Hilbert, x = x∗ ∈ B(H), p + q = 1 sont des
projections dans H avec pxp = 0, et ξ √
∈ H est de norme 1 et tel que <
qξ, ξ > ≤ δ < 1/2, alors | < xξ, ξ > | ≤ 2 δ − δ 2 || x ||.
Notons E ∈ B(H) la projection sur Cpξ ⊕ Cqξ. Alors on peut remplacer
dans l’énoncé ci-dessus H, p, q, x, ξ par E(H), EpE, EqE, ExE, ξ. En effet,
on a < qξ, ξ >=< EqEξ, ξ >, < xξ, ξ >=< ExEξ, ξ > et || ExE ||≤|| x ||.
On peut aussi supposer que || x ||=
1. 0
0
1 0
a b
2
et
Soient donc H = C , p =
, q =
, x =
b 0
0 1
0 0
m
ξ=
avec a ∈ R et b, m, n ∈ C. On a :
n
< xξ, ξ >=<
m
am + bn
,
bm
n
>= a | m |2 +2Re(b n m).
On a | m |2 =< qξ, ξ > ≤ δ et | m |2 + | n |2 =|| ξ ||2 = 1, donc :
q
| < xξ, ξ > |≤ δ | a | +2 δ(1 − δ) | b | .
2
2
On peut
q supposer que a ≥ 0. Les racines de det(x − zI) = z − az− | b |
sont (a ± a2 + 4 | b |2 )/2. Mais || x ||= 1, donc ces racines sont dans [−1, 1],
34
ce qui implique que
q
a2 + 4 | b |2 ≤ 2 − a, d’où a ≤ 1− | b |2 . On a donc :
q
√
√
| < xξ, ξ > |≤ δ(1− | b |2 ) + 2 δ(1 − δ) | b |= 1 − ( 1 − δ − δ | b |)2 .
√
√
− δ | b |)2 atteint son
On a δ < 1/2, donc la fonction b 7→ 1 − ( 1 − δ √
maximum sur [−1, 1] en b = ±1. Ce maximum est 2 δ − δ 2 . 2
Enfin, on utilisera le lemme suivant au lieu de la propriété de Dixmier :
Lemme 11 Soit (A, φ) une C∗ -algèbre munie d’un état fidèle, soit ψ ∈ A∗
un état, soit As ⊂ A une ∗-algèbre dense et soit 0 < δ < 1. Supposons que
pour tout hermitien x ∈ ker(φ) ∩ As il existe une famille finie d’éléments
P
ai ∈ A telle que l’application z 7→ ai za∗i soit unitale, préserve φ et ψ et
envoie x sur un élément de norme ≤ δ || x ||. Alors A est simple et ψ = φ.
Démonstration. On peut supposer As = A. En appliquant plusieures fois
l’hypothèse, on peut supposer que δ > 0 est aussi petit que l’on veut.
Soit J ⊂ A un idéal bilatère. Soit y ∈ J et z = yy ∗ /φ(yy ∗ ). Alors on
peut trouver des ai avec || Σai (1 − z)a∗i ||< 1, i.e. avec Σai za∗i inversible.
Mais Σai za∗i ∈ J, donc J = A.
Soit x = x∗ ∈ ker(φ) quelconque et > 0 petit. On peut trouver un
y = Σai xa∗i de norme plus petite que , donc | ψ(x) |=| ψ(y) |≤ . On obtient
ψ(x) = 0, donc que ψ = φ sur les éléments hermitiens. Tout opérateur étant
une combinaison linéaire finie de 1 et de hermitiens de ker(φ), on a ψ = φ.
2
Proposition 9 Si G à la propriété de Powers alors Gred est simple.
Supposons de plus qu’on se donne un état ψ de Gred tel que ∀ x, y ∈ Gs
on ait ψ(xy) = ψ(y(f1 ∗ x ∗ f1 )). Alors ψ = h (la mesure de Haar de Gred ).
Donc si h est une trace, alors elle est la trace unique de Gred .
Démonstration. Soit x ∈ ker(h) ∩ Gs un hermitien.
Remarquons que 1 n’est pas dans F := supp(x). G ayant la propriété de
Powers, on peut appliquer la Proposition 8 avec s = t = 1. On obtient donc
P
une application unitale f de la forme z 7→ ai za∗i qui laisse invariantes h et
ψ (par le point (b) de la Prop. 8), telle que || f (x) ||≤ 0.95 || x || (normes de
Gred ). On conclut à l’aide du Lemme 11 (avec A = Gred , As = Gs et φ = h).
2
35
8
Simplicité de Au(F )red
Au (F )red n’a pas la propriété de Powers (prendre F = {rαβ , rβα }), mais on
va montrer qu’elle est simple en utilisant la Proposition 8. On identifie les
objets définis dans la section précédente pour G = Au (F ). En utilisant la
déscription des représentations de Au (F ), on peut identifier Aud
(F ) = N ∗ N.
La multiplication ◦ sur P (N ∗ N) est donnée (pour x, y ∈ N ∗ N) par la
formule suivante :
{x} ◦ {y} = {ab | ∃ g ∈ N ∗ N avec x = ag, y = gb}.
Notation. Pour w ∈ N ∗ N on note {w...} (resp. {...w}) l’ensemble des
mots de N ∗ N qui commencent (resp. finissent) avec w. Pour w, y ∈ N ∗ N
on note {w...y} = {w...} ∩ {...y}. On note (βα)N le mot βαβα...βα (N fois).
Lemme 12 On considère les ensembles D = {α...}, E = {β...} ∪ {e}, F =
{β...α} et les éléments r1 = βαβ, r2 = βα2 β et r3 = βα3 β. Alors N ∗ N =
`
D E est une partition, F ◦ D ∩ D = ∅ et rs ◦ E ∩ rk ◦ E = ∅, ∀ s 6= k. 2
Notation. On fixe n ∈ N, F ∈ GL(n, C) et on note G = Au (F )red et h
sa mesure de Haar.
Corollaire 3 Soient s, t ∈ R et > 0. Soit ψ un état de G tel que ψ(xy) =
ψ(y(fs ∗ x ∗ ft )), ∀ x, y ∈ Gs .
Alors il existe une application linéaire unitale V : G → G de la forme
P
z 7→
ai za∗i (somme finie, avec ai ∈ Gs ) qui préserve ψ telle que pour
tout x = x∗ ∈ Au (F )s avec supp(x) ⊂ {β...α} on a || V (x) ||≤ || x || et
supp(V (x)) ⊂ {β...α}.
Démonstration. On applique la Proposition 8 aux parties définies dans le
Lemme 12. On obtient ainsi une certaine application T : G → G de la forme
P
z 7→ bi zb∗i (somme finie, avec bi ∈ Gs ) qui préserve ψ. En posant z = x
dans le point (c) de la Prop. 8 on obtient
|| T (x) ||≤ 0.95 || x ||,
supp(T (x)) ⊂ ∪i ri ◦ supp(x) ◦ ri ⊂ {β...β} ◦ {β...α} ◦ {α...α} ⊂ {β...α}.
La condition (a) de la Prop. 8 implique que T (x) = T (x)∗ ∈ Gs , donc on
peut appliquer le point (c) de la Prop. 8 avec z = T (x), puis avec z = T 2 (x)
etc. On choisit m ∈ N tel que 0.95m ≤ et on pose V = T m . 2
36
Lemme 13 ∀ F ⊂ N ∗ N finie, (βα)N ◦ F ◦ (βα)N ⊂ {β...α} ∪ {e} pour N
grand.
Démonstration. Si Y ⊂ N ∗ N est l’ensemble des mots alternés (i.e. qui
ne contiennent ni α2 ni β 2 ), on voit facilement que
(a) Y ◦ {...α} ∩ {...β} = ∅ ; (b) Y ◦ {...β} ∩ {...α} = ∅
(c) {α...} ◦ Y ∩ {β...} = ∅ ; (d) {β...} ◦ Y ∩ {α...} = ∅.
Il suffit démontrer le Lemme pour les parties de cardinal 1. Soit F = {z}
une telle partie.
• Supposons z ∈ Y . Par (d), (βα)N ◦ z est égal à e (et dans ce cas on
a fini), ou commence par β. En utilisant encore une fois (d) on voit que
(βα)N ◦ z ◦ (βα)N est égal à e ou commence par β. De même, en appliquant
deux fois (a), on voit que (βα)N ◦ z ◦ (βα)N est égal à e ou finit par α. Donc
(βα)N ◦ z ◦ (βα)N est dans {β...α} ∪ {e}.
• Supposons z ∈ N∗N−Y , par exemple que z = xα2 y. Alors (βα)N ◦xα ⊂
{...α} ∪ {e} par (a). Pour N ≥ l(x), il est clair que (βα)N ◦ xα ⊂ {β...α}.
Par les mêmes arguments, αy ◦ (βα)N ⊂ {α...α} pour N ≥ l(y). Donc pour
N grand :
(βα)N ◦ (xα2 y) ◦ (βα)N = [(βα)N ◦ xα] ◦ [αy ◦ (βα)N ] ⊂ {β...α}.
2
Corollaire 4 Soit x = x∗ ∈ Gs tel que h(x) = 0.
(i) Il existe une application linéaire unitale W : G → G de la forme z 7→
P
bi zb∗i (somme finie, avec bi ∈ Gs ), qui préserve h et telle que supp(W (x)) ⊂
{β...α}.
(ii) Soient v, w ∈ R. Alors il existe L ∈ R∗+ et une application linéaire
P
U : G → G de la forme z 7→
ci zc∗i (somme finie, avec ci ∈ Gs ), qui
préserve h, telle que supp(U (x)) ⊂ {β...α} et telle que U/L préserve tout
état ψ de G vérifiant ψ(pq) = ψ(q(fv ∗ p ∗ fw )), ∀ p, q ∈ Gs .
Démonstration. Fixons K ∈ N tel que (βα)K ◦ supp(x) ◦ (βα)K ⊂
{β...α} ∪ {e} (cf. Lemme 13). Notons r = r(βα)K .
(i) Le Lemme 9 appliqué avec a = c = 0 et d = −b = 1/2 fournit une
b → L(G). Remarquons que le choix de a, b, c, d
certaine application ad : G
permet d’appliquer (avec u := r) les points (ii) et (iii) du Lemme 9, ainsi que
le point (iv) avec s = t = 1 et φ = h. On obtient deux réels positifs non-nuls
K, M , qui sont évidemment égaux.
37
En posant W = ad(r)/M , il nous reste à vérifier que supp(W (x)) ⊂
{β...α}. En utilisant r◦supp(x)◦r ⊂ {β...α}∪{e} et la formule de ad (Lemme
9 (i)), ainsi que l’égalité r = r on obtient supp(W (x)) ⊂ {β...α} ∪ {e}. Mais
h(W (x)) = h(x) = 0, donc e n’est pas dans supp(W (x)).
(ii) Le Lemme 9 appliqué avec c = −a = (v + 1)/2 et d = −b = 1/2
b → L(G). On peut appliquer (avec
fournit une certaine application ad : G
u := r) le point (ii) du Lemme 9, ainsi que le point (iv) avec s = t = 1 et
φ = h. On obtient ainsi un M ∈ R∗+ tel que si on note U = ad(r)/M , alors
P
U est de la forme z 7→ ci zc∗i et préserve h.
Appliquons de nouveau le point (iv) du Lemme 9, pour les mêmes a, b, c, d,
mais avec s = v, t = w et φ = ψ cette fois-ci. On obtient un M1 ∈ R∗+ tel
que ad(r)/M1 préserve ψ. On pose alors L = M1 /M .
Enfin, l’assertion sur supp(U (x)) se démontre comme au point (i). 2
Démonstration du théorème 3. Rappelons qu’on a fixé n ∈ N et F ∈
GL(n, C) et on a noté G = Au (F )red . Soit x = x∗ ∈ Gs arbitraire tel que
h(x) = 0 et soit 1 > 0 arbitraire.
I) En appliquant le Corollaire 4 (i) avec le x ci-dessus on obtient une
certaine application W : G → G. En appliquant le Corollaire 3 avec s =
β = 1, ψ := h et := 1 on obtient une certaine application V : G → G.
Remarquons que l’application V W a les propriétés suivantes :
P
• V W est unitale de la forme z 7→ s as za∗s (somme finie).
• V W préserve h.
• || (V W )(x) ||≤ 1 || x ||.
Le Lemme 11 (avec A = G, As = Gs et ψ = φ = h) montre alors que G est
simple.
II) Soient s, t ∈ R et φ un état de G vérifiant φ(pq) = φ(q(fs ∗ p ∗ ft )),
∀ p, q ∈ Gs . En appliquant le Corollaire 4 (ii) avec v = s, w = t et ψ = φ
on obtient une application U : G → G et un L ∈ R∗+ . En appliquant le
Corollaire 3 avec ψ = φ et avec un > 0 tel que || U (x) ||< L1 on obtient
une certaine application V : G → G. Remarquons que l’application V U/L a
les propriétés suivantes :
(a) V U/L préserve φ.
(b) || (V U/L)(x) ||≤ L−1 || U (x) ||≤ 1 .
En utilisant (a) et en faisant 1 → 0 dans (b) on obtient φ(x) = 0. Donc
φ = h sur les éléments hermitiens, d’où φ = h.
38
III) Enfin, par le Théorème 7, la mesure de Haar de Au (F ) est une trace
si et seulement si F F ∗ ∈ C1. 2
Proposition 10 Soit (G, u) un groupe quantique compact tel que sa mesure
de Haar soit une trace. Alors (G, u) est moyennable si et seulement si Gred
est nucléaire.
Démonstration. Notons J le noyau de la projection π : Gp → Gred . On
analyse les extensions à Gp et Gred des applications λ ⊗ ρ, δ, e définies sur
Gs :
• La représentation gauche-droite λ ⊗ ρ : Gs ⊗ Gs → B(l2 (Gred )) est un
∗-morphisme, qui s’étend donc en une application (λ ⊗ ρ)p : Gp ⊗max Gp →
B(l2 (Gred )) (voir 6eme section). Le noyau de la projection π ⊗ I : Gp ⊗max
Gp → Gred ⊗max Gp étant J ⊗max Gp (voir [Wa]), on voit que (λ ⊗ ρ)p se
factorise par π ⊗ I en une application (λ ⊗ ρ)r : Gred ⊗max Gp → B(l2 (Gred )).
• La comultiplication δ : Gs → Gs ⊗ Gs est un ∗-morphisme qui s’étend
à Gp en une application δp : Gp → Gp ⊗max Gp . En composant avec la
projection Gp ⊗max Gp → Gred ⊗max Gp on obtient une application δ1 : Gp →
Gred ⊗max Gp .
• La comultiplication δr : Gred → Gred ⊗min Gred se relève en une application δ2 : Gred → Gred ⊗min Gp (voir Corollaire A.6 de [BS]).
• La coünité e : Gs → C s’étend en une application ep : Gp → C.
En notant τ : T 7→< T 1, 1 > l’état canonique de B(l2 (Gred )), on a le
diagramme commutatif suivant :
Gred
δ2 ↓
Gred ⊗min Gp
π
←−
Gp
ep
−→
δ1 ↓
←− Gred ⊗max Gp
C
↑τ
(λ⊗ρ)r
−→
B(l2 (Gred ))
(où la commutation du carré de gauche résulte de la construction de δ1 , δ2 , et
celle du carré de droite se vérifie sur les générateurs uij ). Il en résulte que si
Gred est nucléaire, alors ker(π) ⊂ ker(ep ), donc G est moyennable (cf. Prop.
5.5 de [Bl]). Pour l’autre implication, voir les Remarques A.13 de [BS]. 2
Corollaire 5 Au (In )red n’est pas nucléaire. De même pour Ao (In )red si n ≥
3. 2
39
Remarque. La Proposition 6 montre qu’on a Au (F ) ∼sim Au (F 0 ), avec F 0
diagonale. La propriété universelle de Au (F 0 ) implique l’existence d’une surjection Au (F 0 ) → C∗ (Fn ), et en composant avec l’application de similarité on
obtient une surjection Au (F ) → C∗ (Fn ). Le noyau de la surjection Au (F ) →
C∗ (Fn ) étant un idéal non-trivial de Au (F ), on a Au (F ) 6= Au (F )red .
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