Échos des congrès SABCS 2013 F. Penault-Llorca* Dans les cancers du sein, les lymphocytes infiltrant le stroma des tumeurs, ou TIL, ont été historiquement décrits comme indicateurs de bon pronostic et corrélés à la prolifération cellulaire puis toujours comme facteurs de bon pronostic, en particulier chez les triples négatifs, après chimiothérapie adjuvante ; enfin, ils apparaissent comme facteurs prédictifs de sensibilité à la chimiothérapie néo-adjuvante. Pas moins de 3 communications orales ont été présentées en plénière lors de l’édition 2013 du SABCS. Les TIL stromaux ont été évalués dans les tumeurs HER2+ et triples négatives principalement dans ces études : ✓✓ en situation néo-adjuvante, pour des tumeurs primitives HER2+ traitées par trastuzumab/chimiothérapie du GeparQuattro (1), et pour les tumeurs triples négatives et HER2+ du GeparSixto évaluant l’effet du carboplatine (2) ; ✓✓ en situation adjuvante dans 2 études ECOG E2197 et E1199 portant sur des tumeurs triples négatives avec chimiothérapie à base d’anthracyclines (3). Les 3 études sont positives (facteur de bon pronostic, facteur prédictif de réponse pathologique complète [pCR] en néoadjuvant). Des perspectives intéressantes sont suggérées par les auteurs : ✓✓ pour les HER2+ : augmenter l’efficacité du trastuzumab en associant à des inhibiteurs du checkpoint des cellules T (anti-PD-1 ou PD-L1) [1] ; ✓✓ pour les cancers du sein triples négatifs et les HER2+ en cas de forts niveaux de TIL, il existe un bénéfice très important de l’adjonction du carboplatine aux anthracyclines, taxanes et thérapeutiques ciblées (pour les HER2+) [2] ; ✓✓ en adjuvant : Adams et al. suggèrent une intégration du compte des TIL au stade AJCC (American Joint Committee on Cancer) en raison de sa forte valeur pronostique (3). Une harmonisation des méthodes d’évaluation du score des TIL est indispensable pour uTILiser ce nouveau “biomarqueur” en routine dans les cancers du sein. En effet, pour les tumeurs triples négatives, les Lymphocytes Predominant Breast Cancer (LPBC) ou “plus de lymphocytes que de cellules tumorales” (définis, par les auteurs, à au moins 50 ou 60 % de TIL) ont une forte valeur pronostique dans l’étude de Denkert, où ils sont retrouvés dans 28 % des cas, alors que, dans l’étude d’Adams et al., ils le sont dans moins de 5 % des cas et n’ont pas de valeur pronostique. Mutations de PIK3Ca et réponse aux anti-HER2 © David-Liu Les lymphocytes infiltrant les tumeurs de (SUB)TIL à (OU)TIL Les mutations de PIK3Ca surviennent dans environ 20 % des cancers du sein HER2+ et dans 7,5 % des triples négatifs. Le taux de pCR est significativement plus bas dans les tumeurs mutées que dans les tumeurs sauvages : 17 contre 37 % avec un double blocage HER2. Il tombe à 6,3 % pour les tumeurs PIK3Ca mutées HER2+ et les récepteurs hormonaux positifs (4). Ces résultats sont en accord avec ceux des études NeoAltto et NeoShere présentés en 2012, à savoir que les mutations de PIK3Ca sont un facteur prédictif négatif de pCR, en particulier chez les patientes HER2+, RH+, lors de doubles blocages par thérapeutiques ciblées sans adjonction de chimiothérapie. Les perspectives sont l’association à des agents ciblant le PI3K chez ces tumeurs HER2+, PIK3Ca mutées (étude NeoPhoebe) [5]. Dérive mutationnelle et traitements : cas des gènes PIK3Ca et ESR1 Les taux de mutations de TP53 et PIK3Ca diminuent de façon significative (p < 0,01) après une chimiothérapie néo-adjuvante dans 2 cohortes de patientes (6) : 24,8 % mutations de PI3KCa versus 12,1 % après traitement dans la cohorte 1 (training) et 26,6 % versus 12,7 % dans la cohorte 2 (validation). La perte ou l’absence de détection de la mutation est significativement associée à un meilleur taux de réponse pathologique (grades 3-4 de Miller-Payne) [p < 0,001 dans les 2 cohortes] et à la survie la meilleure des différents groupes de patientes (p = 0,033 pour la survie sans progression et p = 0,045 pour la survie globale). Ces observations pourraient être le reflet direct de l’hétérogénéité tumorale. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2014 * Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand. 41 Échos L’auteur déclare ne pas avoir de liens ­d’intérêts. des congrès À l’inverse, sous traitement par inhibiteurs de l’aromatase (IA), des anomalies du gène ESR1 du récepteur aux estrogènes peuvent apparaître et être responsables de résistances thérapeutiques ultérieures (7). Différents variants d’ESR1 sont induits par l’exposition aux IA : des amplifications d’ESR1, des mutations d’ESR1 et des translocations d’ESR1-YAP1/ESR1-AKAP12/ESR1POLH. Ces anomalies sont absentes ou rarissimes dans des tumeurs naïves de traitement. Les amplifications entraînent une hyperexpression du récepteur α et une possible hypersensibilité aux estrogènes. Les mutations seraient plus fréquemment retrouvées dans les métastases tardives (20 %) que précoces (12 %) [8]. Elles touchent surtout le Ligand Binding Domain (LBD) du gène ESR1 et seraient responsables de résistances aux IA (via une activation du récepteur ligand indépendante) et d’un possible effet-dose (résistance relative) des SERMS et SERDS (via une diminution d’affinité pour le substrat). L’implication fonctionnelle des translocations est encore mal connue. Ces variants du gène ESR1 ne seront à rechercher qu’en cas d’exposition thérapeutique préalable, ils témoignent d’une pression de sélection induite par les traitements (sélection clonale et/ou mutation “induite” par les traitements). ■ Références 1. Loi S et al. Tumor inflitrating lymphocytes (TIL) indicate trastuzumab benefit in early-stage HER2-positive breast cancer (HER2+ BC). SABCS 2013:S1-05. 2. Denkert C et al. Increased tumor-associated lymphocytes predict benefit from addition of carboplatin to neoadjuvant therapy for triple-negative and HER2-positive early breast cancer in the GeparSixto trial (GBG 66). SABCS 2013: S1-06. 3. Adam S et al. Prognostic value of tumor-infiltrating lympho- 6. Shao ZM et al. Loss of TP53 and PIK3CA mutations after 4. Loibl S et al. PIK3CA mutation predicts resistance to anti- 7. Shao J et al. Patient-derived xenograft study reveals endo- cytes (TIL) in two phase III randomized adjuvant breast cancer trials : ECOG2197 & ECOG1199. SABCS 2013:S1-07. HER2/chemotherapy in primary HER2-positive/hormonereceptor-positive breast cancer – Prospective analysis of 737 participants of the GeparSixto & GeparQuinto studies. SABCS 2013:S4-06. 5. http://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01816594. neoadjuvant chemotherapy defines favorable prognostic biomarkers in breast cancer. SABCS 2013:S4-05. crine therapy resistance of ER+ breast cancer caused by distinct ESR1 gene aberrations. SABCS 2013:S3-05. 8. Jeselsohn et al. Emergence of constitutively active estrogen receptor mutations in advanced estrogen receptor positive breast cancer. SABCS 2013:S3-06. AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier. 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