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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
CANCERS DIGESTIFS
TUMEURS ŒSOGASTRIQUES
Un essai anglais a comparé, chez des patients ayant une tumeur
œsogastrique métastatique, une perfusion longue de 5-FU asso-
cié ou non à la mitomycine C (1). Deux cent cinquante-quatre
patients ont été randomisés. Il n’a pas été mis en évidence de dif-
férence en taux de réponse, survie sans progression et survie glo-
bale (respectivement 16,1 % versus 19,1 %, 3,9 mois versus
3,8 mois, 6,3 mois versus 5,3 mois).
Dans les cancers de l’estomac avancés, un autre essai (2), pro-
venant du Japon, a également pris comme bras de référence un
schéma de 5-FU continu seul (800 mg/m2/j sur 120 heures). Il y
avait deux autres groupes de patients, qui recevaient soit le même
schéma de 5-FU associé à du cisplatine (20 mg/m2/j pendant
5 jours), soit une association UFT (375 mg/m2/j) + mitomycine
(5 mg/m2). Dès la première analyse intermédiaire, le bras
UFT/mitomycine a été fermé en raison d’une survie significati-
vement inférieure à celle du bras contrôle, associée à davantage
de toxicité. Les taux de réponse des trois bras sont respective-
ment de 11 %, 34 % et 9 %. Les survies sans progression sont de
1,9 mois, 3,9 mois et 2,4 mois (différence significative entre
5-FU/cisplatine et 5-FU seul pour le taux de réponse et la survie
sans progression). Il n’a pas été observé de différence significa-
tive en termes de survie globale. Toujours dans le même registre,
mais avec de nouvelles drogues à l’essai, la FFCD a présenté à
l’ASCO les résultats d’une phase II randomisée comparant
un schéma LV5FU2 à une association LV5FU2 + cisplatine
50 mg/m2/2 sem. et à un protocole LV5FU2 + CPT11
(180 mg/m2/2 sem.) (abstract 1033). Le nombre de patients inclus
dans chaque bras a été respectivement de 45, 44 et 45. Le taux
de réponse est en faveur du bras avec CPT11 (respectivement
13 %, 27 % et 40 %), de même que la survie sans progression
(3,2, 4,9 et 6,9 mois) et la survie globale (6,8, 9,5 et 11,3 mois).
D’autre part, le schéma LV5FU2 + CPT11 est mieux toléré que
l’association comportant du cisplatine, en dehors des toxicités
spécifiques du CPT11 (alopécie, diarrhée).
Enfin, citons l’essai randomisé également présenté à l’ASCO, qui
compare un traitement 5-FU-cisplatine (CF) à un schéma DCF :
docétaxel (75 mg/m2), 5-FU (750 mg/m2/j), cisplatine (75 mg/m2)
(abstract 999). Les résultats préliminaires sur les 223 premiers
patients sont en faveur du bras DCF, en taux de réponse (38,7 %
versus 23,2 %), survie sans progression (5,2 mois versus
3,7 mois) et survie globale (10,2 mois versus 8,5 mois). Davan-
tage de neutropénies et de diarrhée de grade 3-4 ont été obser-
vées : 93 % versus 66 % et 20 % versus 8 %.
TUMEURS DU PANCRÉAS
Gemcitabine : quel schéma ?
Deux études randomisées sont à remarquer, car elles sont à
même de modifier la prise en charge des patients ayant un can-
cer du pancréas. Il s’agit tout d’abord de la publication de
M. Tempero, qui rapporte les résultats d’une phase II rando-
misée comparant deux types d’administration de la gemcitabine
chez des patients ayant un cancer du pancréas métastatique ou
localement avancé (3). La gemcitabine est une prodrogue qui
doit être phosphorylée en gemcitabine monophosphate, diphos-
phate puis triphosphate. C’est la gemcitabine triphosphate qui
va s’incorporer à l’ADN et inhiber la réplication. Des données
précliniques indiquent que la concentration plasmatique de gem-
citabine triphosphate est maximale lorsque le débit de perfusion
est de 10 mg/m2/mn. Deux groupes de patients ont été traités :
l’un avec une dose de gemcitabine de 2 200 mg/m2sur
30 minutes (schéma classique), l’autre avec une dose de
1 500 mg/m2sur 150 minutes (10 mg/m2/mn). L’administration
était hebdomadaire dans les deux bras. Il faut préciser que la
grande majorité des patients avaient un bon état général (82 %
d’indice de performance 0 ou 1 dans le bras standard, 84 % dans
le bras expérimental). Les résultats montrent que le temps
jusqu’à progression est comparable entre les traitements (res-
pectivement 1,9 mois versus 3,4 mois). En revanche, une dif-
férence significative a été retrouvée en termes de survie globale
sur l’ensemble de la population : 5 mois dans le bras standard
et 8 mois dans le bras 10 mg/m2/mn (p = 0,13). La différence
n’est pas significative pour les patients métastatiques : 4,9 ver-
sus 7,3 mois. Pour l’ensemble des patients, la proportion de
patients en vie à 1 et 2 ans est significativement supérieure dans
le bras infusionnel (9 % versus 28,8 % à 1 an et 2,2 % versus
18,3 % à 2 ans). Les données de survie globale plaident donc
pour des perfusions de 10 mg/m2/mn. Les réserves méthodolo-
giques que l’on peut soulever sont la faible puissance statistique
de l’essai et le fait que quelques patients localement avancés
ont été inclus, ce qui peut influer sur la survie globale.
MOSAIC et thérapeutiques ciblées
C. Tournigand*
* Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
Gemcitabine versus GEMOX
La deuxième étude importante a été présentée cette année à
l’ASCO (abstract 1004). L’étude GEM-GEMOX a consisté à
comparer la gemcitabine en monothérapie (schéma hebdoma-
daire de Burris) à l’association Gemox (gemcitabine
1 000 mg/m2, 10 mg/m2/mn à J1 et oxaliplatine 100 mg/m2à J2,
tous les 15 jours). Il s’agit d’une étude internationale dans laquelle
313 patients ont été inclus (69 % de patients métastatiques). Les
données de survie globale ne sont pas encore matures, mais un
bénéfice en taux de réponse, taux de bénéfice clinique et survie
sans progression est en faveur du bras Gemox : 25,8 % versus
16,1 % (p = 0,03), 39,2 % versus 28,3 % (p = 0,05), 25 sem. ver-
sus 16 sem. (p = 0,05). Davantage de thrombopénies et de vomis-
sements de grade 3-4 ont été observés avec l’association Gemox :
12,8 % versus 3,8 % et 8,9 % versus 3,2 %. Quinze pour cent de
neuropathies de grade 3 ont été rapportées. Les données de sur-
vie globale seront attendues avec impatience.
Nouveaux médicaments
Parmi les nouveaux médicaments, le BAY 12-9566, le R115777
et le ZD9331 ont été évalués, avec une certaine déception quant
à leurs résultats. Le BAY 12-9566 est un inhibiteur de métallo-
protéinases (MMP2, MMP3, MMP9 et MMP13). Une étude ran-
domisée a inclus 138 patients dans le bras expérimental (800 mg
x 2 per os) et 139 dans un bras gemcitabine classique
(1 000 mg/m2hebdomadaire) (4). L’essai a été interrompu après
la deuxième analyse intermédiaire en raison d’un avantage signi-
ficatif en survie globale et en survie sans progression en faveur
de la gemcitabine (3,74 versus 6,59 mois et 1,68 versus
3,5 mois). La qualité de vie était également en faveur de la gem-
citabine, même s’il n’y a pas eu de différence en termes de toxi-
cité grave.
Le R115777 est un inhibiteur de farnésyltransférase, testé en
phase II chez des patients ayant un cancer du pancréas métasta-
tique non prétraité (5). L’administration est orale (300 mg x 2
pendant 3 semaines sur 4). Aucune réponse sur les 20 patients n’a
été observée, mais le taux de réponse n’est sans doute pas le
meilleur outil d’évaluation avec ce type de drogue. Le temps
jusqu’à progression est de 4,9 semaines et la survie globale de
19,7 semaines. Les principales toxicités ont été hépatiques, héma-
tologiques (anémie, thrombopénie) et digestives (nausées, vomis-
sements). Enfin, le ZD9331 est un nouvel inhibiteur spécifique
de la thymidylate synthétase qui s’administre par voie veineuse
sur 30 minutes à J1 et J8 de cycles de 21 jours. Une étude ran-
domisée a comparé l’efficacité du ZD9331 à celle de la gemci-
tabine selon le schéma hebdomadaire classique (6). Dans cette
étude de phase II-III, 55 patients avec une maladie localement
avancée ou métastatique ont été randomisés (respectivement 30
et 25 patients). Les taux de réponse sont faibles : 3 % versus 8 %.
La survie médiane a été de 152 jours versus 109 et la survie sans
progression de 70 et 58 jours. La tolérance est bonne, puisqu’il
n’a été rapporté que des diarrhées de grade 2 comme principale
toxicité. Cette étude devait aboutir à une étude de phase III de
plus grande ampleur en cas de bénéfice en faveur du ZD9331.
Cela n’a pas été le cas, et l’étude a donc été interrompue.
Tumeurs neuroendocrines
Les tumeurs neuroendocrines d’origine digestive sont habituel-
lement traitées par des analogues de la somatostatine ou de l’inter-
féron alpha à un stade métastatique. Compte tenu de la faible inci-
dence de ce type de tumeurs, l’essentiel des données à notre
disposition proviennent d’études rétrospectives. Une équipe alle-
mande a mené un essai randomisé comparant le lanréotide seul
(n = 25), l’interféron alpha seul (n = 27) et l’association des deux
(n = 28) (7). Dans plus de 90 % des cas, les patients avaient des
métastases hépatiques. Trente-six pour cent des patients avaient
un syndrome carcinoïde clinique. Les taux de réponse sont
faibles : 4 % sous lanréotide, 3,7 % sous interféron, 7,1 % sous
l’association. Il n’y a pas de différence en termes de survie sans
progression. Cette étude de faible effectif montre donc des résul-
tats équivalents entre le lanréotide, l’interféron et l’association
des deux traitements.
CANCER COLORECTAL
Traitement adjuvant
LV5FU2 ou FUFOL ? À la suite des publications montrant
la supériorité du schéma LV5FU2 par rapport au schéma 5-FU
bolus (Mayo Clinic) en situation métastatique (augmentation du
taux de réponse, de la survie sans récidive, meilleure tolérance
du LV5FU2), l’étape suivante consistait à comparer en adjuvant
le schéma LV5FU2 au schéma FULV (5-FU 400 mg/m2bolus
5 jours de suite + LV 400 mg/m2, tous les mois). Le groupe GER-
COR a donc mené une étude randomisée selon un plan factoriel
2 x 2 comparant ces deux schémas et deux durées de traitement
(24 versus 36 semaines) (8). Au total, 905 patients de stade II ou
III ont été inclus en 3 ans. Les résultats ont été publiés avec un
recul de 41 mois. La survie sans récidive n’est pas significative-
ment différente entre LV5FU2 et FULV (à 3 ans, respectivement
73 % versus 72 %). La survie globale n’est pas statistiquement
différente entre les deux schémas. Concernant la durée de traite-
ment, la survie sans récidive est similaire entre 24 et 36 semaines.
La tolérance, quant à elle, est en faveur du LV5FU2, avec signi-
ficativement moins de toxicités de grade 3-4 : moins de neutro-
pénies, de diarrhées et de mucites. Globalement, 11 % des patients
ont eu une toxicité de grade 3-4 sous LV5FU2, contre 26 % avec
le schéma FU bolus (p < 0,001). Globalement, on peut retenir que
la meilleure tolérance du LV5FU2 est une fois de plus confirmée,
mais que l’essai n’a pas retrouvé de différence significative
de survie sans récidive ou de survie globale. Pour permettre
d’aller plus loin dans les conclusions, il sera important, d’une part,
d’analyser les données de l’essai avec un recul supplémentaire,
et, d’autre part, d’attendre les résultats d’une méta-analyse
prévue entre cet essai et l’essai PETACC2 (comparaison
LV5FU2/FULV).
LV5FU2 ou FOLFOX4 ? Les premiers résultats de l’étude
MOSAIC communiqués à l’ASCO 2003 ont déjà été largement
commentés (abstract 1015). En bref, il s’agit d’une étude ran-
domisée internationale sur 2 246 patients ayant un cancer du
côlon opéré, de stade II ou III. Les traitements adjuvants reçus
étaient soit un schéma LV5FU2, soit un schéma FOLFOX4
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
CANCERS DIGESTIFS
(LV5FU2 + oxaliplatine 85 mg/m2). La survie sans récidive à
3 ans est de 72,9 % dans le bras LV5FU2 et de 77,9 % dans le
bras FOLFOX4 (p < 0,01, HR 0,77 [0,65-0,92]), correspondant
à une réduction de 23 % du risque de rechute dans le bras FOL-
FOX4. Le profil de tolérance était déjà connu : davantage de neu-
tropénies de grade 3-4 et de neuropathies de grade 3 dans le bras
FOLFOX4 (neutropénies 41 % versus 4,7 % et 12,4 % de
neuropathies de grade 3 sous oxaliplatine). Les données de
survie globale, objectif secondaire de l’essai, ne sont pas encore
disponibles.
Cancers colorectaux métastatiques
Quelle stratégie ? Parallèlement aux essais cherchant à défi-
nir de nouvelles associations de chimiothérapie plus efficaces
et/ou moins toxiques, certaines équipes ont cherché à répondre à
des questions plus globales sur les stratégies de traitement dans
les cancers colorectaux métastatiques. Un essai britannique (9)
publié dans le Lancet a cherché à répondre à la question de la
durée optimale de la chimiothérapie en situation métastatique :
traitement continu ou discontinu ? Trois cent cinquante-quatre
patients ayant une maladie stable ou en réponse après 12 semaines
de traitement ont été randomisés. Cent soixante-dix-huit patients
devaient interrompre la chimiothérapie et reprendre le traitement
lors de la progression, et 176 devaient continuer le traitement
jusqu’à progression. L’objectif principal était la survie globale.
L’évaluation dans le groupe “discontinu” se faisait toutes les
6 semaines. Les patients pouvaient recevoir soit un schéma
LV5FU2, soit du 5-FU continu (Lokich), soit du raltitrexed. Au
moment de la randomisation, 41 % des patients étaient en réponse
partielle ou complète et 59 % étaient stabilisés par le traitement.
Les patients appartenant au bras continu ont été traités pendant
92 jours supplémentaires (médiane). Trente pour cent ont reçu
un traitement de deuxième ligne. Après un temps médian de
130 jours, 37 % des patients en traitement discontinu ont repris
le traitement de première ligne, pour une durée de 84 jours. Vingt
et un pour cent ont reçu une chimiothérapie de deuxième ligne
après la pause thérapeutique. Globalement, la proportion de
patients ayant reçu une chimiothérapie de deuxième ligne est
similaire. En termes de survie globale, objectif principal de
l’essai, la médiane est de 10,8 mois dans le groupe intermittent
et de 11,3 mois dans le groupe continu (différence non signifi-
cative). Au total, il n’a pas été mis en évidence de différence entre
les deux stratégies, même s’il y a moins de toxicité chez les
patients ayant effectué des pauses thérapeutiques, ce qui veut dire,
en d’autres termes, qu’un traitement intermittent n’altère pas la
survie. Cet essai n’incluait pas les nouvelles drogues en première
ligne, mais il pose la question de l’intérêt de pouvoir ménager
des pauses thérapeutiques, à l’instar d’autres localisations tumo-
rales. Le deuxième essai de stratégie est l’essai OPTIMOX, qui
compare le FOLFOX4 jusqu’à progression à une stratégie alter-
nant 6 cures de FOLFOX7 (LV5FU2 simplifié + oxaliplatine
130 mg/m2) et 12 cures de LV5FU2 simplifié. Après ces 12 cures
d’entretien, les patients recevaient de nouveau 6 cures de FOL-
FOX7. Moins de neutropénies et de neuropathies, et plus de
thrombopénies ont été observées dans le bras avec alternance. Les
taux de réponse et de survie sans progression de FOLFOX7 et
FOLFOX4 sont respectivement de 59,8 % versus 63,1 % et de
8,9 mois versus 9,2 mois. Les analyses complémentaires, qui
seront réalisées avec un recul supplémentaire, seront importantes
pour rechercher s’il existe une différence de survie globale et pré-
ciser l’impact de la réintroduction de l’oxaliplatine (abstract
1016).
Nouvelles molécules. L’agent dont il a le plus été question
cette année à propos du cancer colorectal est le bevacizumab
(Avastin®), anticorps anti-VEGF. Dans le cancer colorectal, la
surexpression de VEGF est corrélée au potentiel invasif, à la den-
sité vasculaire, au potentiel métastatique, aux récidives et au pro-
nostic. Le bevacizumab est un anticorps monoclonal recombi-
nant humanisé, testé dans de nombreux types de cancers. Les
premières données dans le cancer colorectal proviennent de la
publication d’un essai de phase II randomisé (10) comparant, en
première ligne, 5FULV (5-FU 500 mg/m2en bolus et LV
500 mg/m2, hebdomadaire, 6 semaines sur 8) seul ou en asso-
ciation avec le bevacizumab à 5 ou 10 mg/kg en 1 h 30 toutes
les 2 semaines. Les résultats d’efficacité figurent sur le tableau I.
Même si l’on ne peut se permettre d’effectuer des comparaisons
statistiques entre les bras, puisqu’il s’agit d’un essai de phase II
randomisé, l’efficacité du bevacizumab à la dose de 5 mg/kg
associé à un schéma FULV est tout à fait prometteuse au vu de
ces résultats. À la question de savoir pourquoi une dose de
5 mg/kg paraît plus efficace qu’une dose de 10 mg/kg, les expli-
cations possibles sont les suivantes : effectif limité, déséquilibre
entre les deux bras bevacizumab concernant les caractéristiques
initiales des patients (plus de patients gravement atteints dans le
bras 10 mg/kg), possible diminution de la pénétration intratu-
morale de la chimiothérapie sous 10 mg/kg, compte tenu des
effets antiangiogéniques de l’Avastin®. Les principaux effets
indésirables sont la diarrhée (10 % de grade 3/4), l’hypertension
artérielle (3 à 8 % de grade 3-4, 11 à 28 % tous grades confon-
dus), les épistaxis (46 à 53 % quel que soit le grade). Enfin, plu-
sieurs patients sous bevacizumab ont eu des épisodes thrombo-
tiques (essentiellement veineux). Ce type d’événement a été
retrouvé dans d’autres essais.
Tableau I. Essai de phase
II randomisé.
n Taux Survie Survie
de réponse sans progression globale
FULV 36 17 % (7-34) 5,2 mois (3,5-5,6) 13,8 mois (9,1-23)
FULV + bevacizumab 5 mg/kg 35 40 % (24-58) 9 mois (5,8-10,9) 21,5 mois (17,3+)
FULV + bevacizumab 10 mg/kg 33 24 % (12-43) 7,2 mois (3,8-9,2) 16,1 mois (11-20,7)
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
Le deuxième essai est une étude de phase III présentée à l’ASCO
cette année (abstract 3646), et dont les résultats ont été largement
diffusés dans la presse (spécialisée ou non). Nous n’en retrace-
rons ici que les grandes lignes. Les deux bras en jeu sont l’asso-
ciation IFL (schéma dit “de Saltz” : 5-FU bolus, CPT11, acide
folinique, hebdomadaire, 4 semaines sur 6) pris comme contrôle,
associé soit à un placebo, soit au bevacizumab (5 mg/kg/2 sem.).
Le bevacizumab pouvait être poursuivi avec un autre schéma thé-
rapeutique lors de la progression. Les résultats (figure 1 et tableau
II) montrent une meilleure efficacité de l’association IFL + beva-
cizumab : augmentation significative du taux de réponse (44,9 %
versus 34,7 %), de la survie sans progression (10,6 mois versus
6,2 mois) et de la survie globale (20,3 mois versus 15,6 mois).
Les diarrhées de grade 3-4 ont été plus fréquentes avec l’anticorps
(33 % versus 25 %), ainsi que les neutropénies (37 % versus
31 %). En revanche, pas de différence concernant les événements
thromboemboliques. Ces résultats sont donc extrêmement impor-
tants, car la voie des thérapeutiques ciblées est maintenant une
réalité dans le cancer colorectal, avec deux cibles : le VEGF et
l’EGFr. En effet, les études avec le cetuximab (anticorps anti-
EGFr) se poursuivent : chez des patients résistants au CPT11,
l’association CPT11 + cetuximab donne de meilleurs résultats que
le cetuximab seul. Ce sont en résumé les résultats de l’étude
BOND, qui montrent une supériorité en taux de réponse (22,9 %
versus 10,8 %) et en survie sans progression (4,1 mois versus
1,5 mois) (abstract 1012).
Enfin, pour revenir à des essais plus classiques, signalons l’essai
américain de deuxième ligne après CPT11/5-FU comparant
LV5FU2, FOLFOX4 et oxaliplatine seul (11), et l’essai de phase
II randomisée de Scheithauer testant deux schémas de capécita-
bine/oxaliplatine (12). Dans le premier essai, 463 patients ont été
randomisés entre novembre 2000 et septembre 2001. Les résul-
tats apparaissent nettement en faveur du FOLFOX4 par rapport
au LV5FU2 (taux de réponse 9,9 % versus 0 %, survie sans pro-
gression 4,6 mois versus 2,7 mois). L’oxaliplatine seul n’est pas
plus efficace que le LV5FU2. La SSP est plus courte avec l’oxa-
liplatine. Ces résultats étaient attendus compte tenu des résultats
du FOLFOX4 en première ligne, publiés au moment où cette
étude américaine commençait.
Dans l’étude de phase II randomisée, 89 patients ont reçu, en pre-
mière ligne, soit de l’oxaliplatine (130 mg/m2J1/3 sem.) avec de
la capécitabine à 2 g/m2/j 14 jours sur 21, soit de l’oxaliplatine à
85 mg/m2/2 sem. avec de la capécitabine 3,5 g/m2de J1 à J7 et
de J14 à J21, toutes les 4 semaines. Les résultats sont en faveur
du bras avec de fortes doses de capécitabine, puisque le taux de
réponse est supérieur (54,5 % versus 42,2 %), ainsi que la survie
sans progression (10,5 mois versus 6 mois). Les données de sur-
vie globale ne sont pas disponibles. L’augmentation des doses de
capécitabine ne s’est pas traduite par une augmentation de l’inci-
dence de diarrhée (44 % dans le bras 2 g/m2, 31 % dans le bras
3,5 g/m2, tous grades) ou des neutropénies/thrombopénies. Les
syndromes mains-pieds de grade 2-3 étaient respectivement de
4 % et de 12 %.
Faisant écho (et suite) aux publications de N. Kemeny sur la chi-
miothérapie intra-artérielle, un essai britannique a comparé chez
290 patients le schéma LV5FU2 classique au “LV5FU2 intra-
artériel” [acide folinique en intraveineux (i.v.) et 5-FU bolus et
continu en intra-artériel (i.a.)] (13). Comme c’est souvent le cas
dans ce type d’essai, 145 patients étaient randomisés dans chaque
bras, mais seuls 95 patients ont reçu le traitement intra-artériel et
126 le LV5FU2 i.v. Cependant, tous les patients ont été analy-
sés. De plus, 29 % des patients ont dû interrompre le traitement
i.a. avant les six cycles prévus, en raison d’un dysfonctionnement
du cathéter. Les taux de réponse sont de 22 % dans le bras i.a. et
de 19 % dans le bras i.v. Les temps jusqu’à progression sont de
7,7 mois versus 6,7 mois, et les survies globales de 14,7 mois et
14,8 mois. Dans cette étude, il n’y a donc pas de différence entre
les deux voies d’administration.
Facteurs pronostiques
À partir des blocs de tumeurs de 570 patients inclus dans cinq
essais adjuvants de phase III, il a été recherché si le statut d’insta-
bilité microsatellite jouait un rôle pronostique sur le bénéfice de
la chimiothérapie (14). Sur les 570 spécimens, 16,7 % avaient une
instabilité microsatellite. Cette étude montre que, chez les patients
non traités par chimiothérapie adjuvante, le pronostic est meilleur
lorsqu’il existe une instabilité microsatellite. D’autre part, dans
cette étude rétrospective, la chimiothérapie (5-FU) adjuvante
n’augmente pas de façon significative la survie globale chez les
patients ayant une instabilité microsatellite, alors qu’elle a un
Tableau I. IFL + bevacizumab versus IFL + placebo.
Bras Bras p
bevacizumab placebo
Réponse 44,9 % 34,7 % 0,0029
Survie sans progression 10,6 mois 6,2 mois < 0,00001
Survie globale 20,3 mois 15,6 mois 0,00003
Durée de survie (mois)
HR = 0,65, p = 0,00003
Survie médiane
15,6 versus 20,3 mois
Traitement
IFL + bevacizumab
IFL + placebo
Pourcentage de survie
1
0
0,8
0,6
0,4
0,2
0
10 20 30 40
Figure 1. Courbes de survie de l’étude IFL + placebo versus IFL + beva-
cizumab.
…/…
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
CANCERS DIGESTIFS
impact favorable chez les patients stables. Il s’agit là d’éléments
importants dans la recherche de nouveaux paramètres biologiques
permettant une adaptation des traitements au phénotype tumoral.
Cependant, comme le rappellent en conclusion les auteurs, ces
résultats devront être confirmés avant d’être utilisés en pratique
courante.
Toujours dans les facteurs pronostiques biologiques, signalons
l’étude rétrospective de C. Allegra, qui a analysé 706 patients
Dukes B ou C traités par chirurgie seule ou chirurgie suivie de
chimiothérapie (15). Les patients dont la tumeur exprime la thy-
midylate synthétase, Ki-67 ou p53 ont un meilleur pronostic (sur-
vie sans rechute et survie globale) que ceux chez qui la tumeur
n’exprime pas ces protéines. Là encore, il s’agit de résultats qui
ne doivent pas encore être appliqués en pratique courante.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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