Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (15) - n° 6 - juin 2001
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En juin 1994, l’infection gas-
trique à Helicobacter pylori a
été reconnue carcinogène
chez l’homme par les experts
de 11 pays réunis sous l’égide
du Centre international de
recherche sur le cancer
(CIRC), département de
l’OMS. Dix ans après sa
découverte, H. pylori rejoi-
gnait ainsi d’autres agents
infectieux carcinogènes
récemment incriminés, tels
les virus des hépatites B et C,
les papillomavirus et le virus
d’Epstein-Barr (5). La recon-
naissance du rôle joué par
H. pylori dans la carcinoge-
nèse gastrique ouvrait un
vaste champ d’investigations
pour de futurs travaux. Les
implications apparaissaient
d’emblée majeures en termes
de Santé publique, s’agissant
de déterminer si H. pylori
pouvait constituer la cible de
stratégies thérapeutiques
contre certains cancers gas-
triques.
H. pylori
et lymphomes du MALT,
H. pylori
et cancers gastriques :
deux problématiques différentes
H. pylori est impliqué dans le développe-
ment de deux types de cancers de l’esto-
mac : les lymphomes gastriques du MALT
(Mucosa Associated Lymphoid Tissue) et
les carcinomes gastriques.
Considérant la responsabi-
lité de H. pylori, ces deux
situations présentent un cer-
tain nombre de points com-
muns. En premier lieu, seul
un nombre limité de patients
infectés par H. pylori déve-
loppera un cancer (1 pour
30 000 à 80 000 dans le cas
du Maltome, 1 % environ
pour le carcinome) (6, 7).
Par ailleurs, H. pylori doit
donc être considéré comme
un facteur carcinogène
nécessaire mais sûrement
pas suffisant, dans le cadre
d’une étiologie multifacto-
rielle de ces maladies (8).
Cependant, ces deux types
de cancer répondent à des
problématiques clairement
distinctes en termes épidé-
miologiques et physiopatho-
logiques. Les carcinomes
gastriques, même si leur
incidence a nettement décru
(9), représentent un enjeu de
santé publique nettement
plus important que les lymphomes gas-
triques du MALT, bien que l’incidence de
ces derniers semble en augmentation (10).
La séquence des événements conduisant
à l’apparition d’un lymphome du MALT
est encore imprécise, et les facteurs envi-
ronnementaux et génétiques impliqués
restent à identifier. Cependant, l’on s’ac-
corde à considérer que l’apparition d’une
hyperplasie lymphoïde est quasiment
pathognomonique d’une infection à H.
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Mise au point
Helicobacter pylori
et cancers gastriques : mise au point
F. Mégraud*, C. Reitz**, C. O’Morain***
Isolé en 1983 par Warren et Marshall,
Helicobacter
pylori
a rapidement focalisé l’attention de
chercheurs du monde entier, qui lui ont consacré une
masse considérable de travaux. Leurs résultats auront
contribué à révolutionner les concepts étio-
pathogéniques concernant plusieurs maladies gastro-
duodénales majeures.
H. pylori
est ainsi actuellement
considéré comme le facteur causal essentiel des
gastrites chroniques (ou gastrites de type B). Il est
également responsable de la survenue et des rechutes
de la maladie ulcéreuse duodénale et gastrique avec
quelques exceptions, tandis que son rôle dans la dys-
pepsie non ulcéreuse est plus controversé
(1, 2, 3)
.
Une étude récente a montré que pas plus de 10 %
des malades tiraient un bénéfice sur leur symptôme
du traitement d’éradication
(4)
.
* Hôpital Pellegrin, Bordeaux.
** Abbott France, Rungis.
*** Hôpital Meath/Adelaïde, Trinity
College, Dublin, Irlande.
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pylori (10). De ce fait, le traitement d’éra-
dication de H. pylori a été utilisé pour les
lymphomes du MALT de bas grade avant
même que les données manquantes soient
obtenues et cela avec succès dans la majo-
rité des cas. Le lymphome gastrique du
MALT est ainsi devenu le premier cancer
pouvant être traité par des antibiotiques
(7, 11, 12). Il en va tout autrement du car-
cinome gastrique. Sur les bases d’une
“cascade de la carcinogenèse” proposée
il y a 25 ans (13, 14) et tenant compte des
facteurs de risque précédemment identi-
fiés, plusieurs hypothèses concernant le
rôle de H. pylori sont actuellement for-
mulées. Les travaux épidémiologiques
menés pour tenter d’établir un lien de cau-
salité entre infection à H. pylori et surve-
nue d’un cancer sont nombreux et l’in-
terprétation de leurs résultats hétérogènes
reste prudente (8). Dans ce contexte, la
démarche visant à établir le bien-fondé
d’une politique préventive ciblée contre
H. pylori s’avère complexe.
H. pylori
et carcinomes gastriques
Rappel sur les carcinomes gastriques
Malgré une importante diminution de
son incidence depuis la fin des années
1980, le cancer de l’estomac demeure le
deuxième cancer le plus fréquent dans
le monde, avec environ 750 000 nou-
veaux cas par an. Sa distribution géo-
graphique est très variable. Il occupe en
France le 5erang par ordre de fréquence
avec une incidence de 8 500 cas (envi-
ron 8 % de l’ensemble des pathologies
cancéreuses) (9).
La tendance à la baisse de l’incidence du
cancer gastrique concerne essentielle-
ment les localisations distales (fundus et
région antro-pylorique), surtout l’adé-
nocarcinome de type intestinal, moins
celui de type diffus, tandis que l’inci-
dence de l’adénocarcinome du cardia,
qui n’est pas associé à l’infection à H.
pylori, demeure stable en France (9) et
est décrite à la hausse dans la population
blanche américaine depuis le milieu des
années 1970.
La mortalité due au cancer gastrique a
diminué en Europe depuis les années
1950, mais il s’agit toujours d’un cancer
de pronostic sombre. Malgré la baisse
réelle de l’incidence relative de ce can-
cer (après ajustement sur l’âge), du fait
du vieillissement de la population, il est
en fait en augmentation en valeur abso-
lue (15).
H. pylori et carcinogenèse gastrique :
arguments physiopathologiques
Alors que les connaissances concernant le
carcinome de type diffus sont encore limi-
tées, la séquence des événements condui-
sant à l’adénocarcinome gastrique de type
intestinal a été suggérée par Correa dès
1975 (figure 1) (13). Elle admet cinq
étapes : gastrite chronique active, atrophie
glandulaire, métaplasie intestinale, dys-
plasie, adénocarcinome. Dans tous les cas,
un carcinome de l’estomac se développe
sur une muqueuse inflammée.
La place communément attribuée à
H. pylori dans cette cascade se situe tout à
fait en amont. L’infection à H. pylori
entraîne en effet une importante réponse
inflammatoire chronique susceptible de se
traduire à terme par une atrophie glandu-
laire et une métaplasie intestinale (8, 16, 17).
De nombreux travaux continuent d’être
consacrés aux événements initiateurs, le
rôle de l’inflammation liée à l’infection
par H. pylori étant resitué dans une pers-
pective multifactorielle faisant intervenir
des facteurs de virulence de la bactérie,
d’autres cofacteurs environnementaux
carcinogènes ou protecteurs (en particu-
lier nutritionnels) et des facteurs liés à
l’hôte (notamment génétiques). Intervien-
draient ainsi dans le passage du stade de
gastrite chronique active au stade de gas-
trite atrophique, la présence d’un îlot de
pathogénicité (souches Cag+), la produc-
tion de cytotoxines vacuolisantes (souches
VacA+), de l’induction de radicaux libres
oxygénés et d’oxyde nitrique et peut-être
un mécanisme auto-immun (16, 17, 18).
Ces facteurs conduisent à l’apoptose des
cellules et à une prolifération cellulaire
compensatrice augmentant le risque de
mutation (19). Cette augmentation de la
prolifération cellulaire, l’un des tout pre-
miers stades de développement du cancer
gastrique, régresse sous un traitement
d’éradication utilisant la clarithromycine
(20).
H. pylori pourrait également avoir un rôle
dans les dernières étapes de la carcinoge-
nèse comme l’a montré l’effet bénéfique
de son éradication sur les rechutes au stade
de la dysplasie (21). Un autre élément est
constitué par l’élévation du pH intragas-
trique qui favorise la prolifération de bac-
téries capables de réduire les nitrates (ali-
mentaires ou d’origine endogène) en
nitrites, lesquelles vont former des com-
posés nitrosés mutagènes (22).
Enfin, un pas important a été franchi
récemment par la reproduction de ces
étapes dans un modèle animal. À la 26e
semaine, des gerbilles de Mongolie infec-
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Mise au point
gastrite chronique
métaplasie intestinale
atrophie
dysplasie
carcinome
Figure 1. Cascade histologique conduisant au
cancer gastrique de type intestinal (13).
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (15) - n° 6 - juin 2001
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tées par H. pylori présentent une inflam-
mation sévère de la muqueuse gastrique
avec métaplasie intestinale et, à la 62e
semaine, 37 % des animaux ont développé
un adénocarcinome gastrique de type
intestinal (23). L’apport de cette étude éta-
blissant, pour la première fois, un lien de
causalité direct est apparu essentiel (24).
Récemment, El-Omar et al. ont apporté un
substratum biologique au terrain constitué
par l’hôte en montrant qu’un facteur géné-
tique – la présence de certains allèles de
l’interleukine 1βqui conduisent à une pro-
duction importante de cette molécule,
agent d’hypochlorhydrie – était en cause
dans l’évolution du carcinome quand le
sujet était infecté par H. pylori (25).
H. pylori et carcinome gastrique :
données épidémiologiques
La démonstration par plusieurs études épi-
démiologiques d’une forte association
entre infection à H. pylori et lésions pré-
cancéreuses (6) ne peut suffire à établir
formellement un lien de causalité entre
cette infection et le carcinome gastrique.
D’autres études ont donc été entreprises
afin d’évaluer le niveau du risque. Une
importante méta-analyse des 19 études
internationales cas/témoins les plus rigou-
reuses (totalisant 2 491 patients et 3 959
témoins) a été récemment effectuée par
Huang et al. (26). Dans ces études, la pré-
valence des anticorps anti-H. pylori chez
des malades atteints de carcinome de l’es-
tomac est comparée à celle d’un groupe
de témoins appariés.
L’analyse globale de ces 19 études fait
apparaître un taux de séropositivité pour
H. pylori de 80 % chez les patients atteints
d’un cancer contre 62,2 % chez les
témoins, soit un odds-ratio (OR),
approximation du risque relatif, de 1,92 (IC
95 % : 1,32-2,78), indiquant que l’infec-
tion à H. pylori constitue bien un facteur
de risque de cancer gastrique (25). Cepen-
dant, une grande hétérogénéité des résul-
tats est observée d’une étude à l’autre et
dans deux d’entre elles un OR inférieur à
1 était trouvé (tableau I).
En fait, dans ce type d’étude cas/témoins,
les données discordantes peuvent être expli-
quées par plusieurs facteurs, dont le princi-
pal est la prévalence élevée des anticorps
anti-H. pylori chez les témoins. La mise en
évidence du risque associé à l’infection à H.
pyloriest en effet d’autant plus difficile que
la prévalence de l’infection à H. pylori est
élevée dans la population générale et que
donc l’exposition au risque est homogène.
Dans la même optique, on peut dire qu’il ne
serait pas possible de mettre en évidence le
rôle du tabagisme dans la survenue de can-
cer du poumon, dans un pays où tout le
monde fumerait. Il faut garder à l’esprit que
le carcinome gastrique est une maladie du
sujet âgé et que, du fait de l’effet cohorte
(ou génération), la prévalence de l’infection
est aussi élevée chez le sujet âgé.
L’analyse des 14 études pour lesquelles
l’âge des sujets était disponible fait effec-
tivement apparaître une diminution signi-
ficative du risque (p = 0,005), mesuré par
l’odds-ratio entre les tranches d’âges 20-
29 ans et de 70 ans ou plus (tableau II).
Trois autres causes possibles d’hétérogé-
néité ont été analysées : le stade du cancer
au moment du diagnostic, la localisation du
cancer et son type histologique. Il est
apparu que l’OR était significativement dif-
férent selon le stade du cancer et sa locali-
sation distale ou proximale, tandis qu’il
était statistiquement identique selon qu’il
s’agissait d’un adénocarcinome de type
intestinal ou diffus (tableau III). Dans le
premier cas, il est postulé que le statut séro-
négatif des sujets cancéreux diagnostiqués
à un stade avancé reflète la disparition de
l’infection à H. pylori, la bactérie n’étant
plus présente dans les tissus modifiés. Le
troisième résultat laisse supposer que l’in-
fection à H. pylori est un événement cau-
sal commun aux deux types de cancer.
Un dernier facteur d’importance mérite
d’être discuté : le facteur temps (5).
Lorsque les anticorps anti-H. pylori sont
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Mise au point
Âge (ans) OR
20-29 9,29
30-39 7,27
40-49 3,65
50-59 1,86
60-69 1,46
70 1,05
Tableau II. Distribution des odds-ratio de l’as-
sociation entre l’infection à H. pylori et le carcino-
me gastrique en fonction de l’âge (26).
Groupes N OR IC 95 %
Toutes les études 19 1,9 1,3-2,8
Proximal (cardia) 7 1,2 0,6-2,7
Distal 10 3 1,8-5,3
Type intestinal 10 2,5 1,4-4,4
Type diffus 10 2,6 1,4-4,5
Cancer superficiel 3 6,3 1,9-21,5
Cancer avancé 3 2,1 0,4-10,7
Tableau I. Distribution
des risques relatifs
de cancer gastrique
dans les 19 études
analysées (26).
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (15) - n° 6 - juin 2001
164
recherchés dans le sérum des malades, au
moment du diagnostic de carcinome, il est
impossible d’estimer l’intervalle de temps
séparant la primo-infection à H. pylori de
l’apparition du cancer et donc l’évolution
du risque en fonction du délai écoulé. Seul
le suivi prospectif à long terme d’une
cohorte de sujets sains au moment du pré-
lèvement peut permettre de conclure sur ce
point. La méta-analyse de Huang (26)
incluait cinq études de cohorte. Les résul-
tats ne sont pas apparus statistiquement dif-
férents dans ces cinq études, les OR glo-
baux étant respectivement de 1,81 et 2,24.
Cependant, si l’on considère les trois
études de cohorte réalisées dans des zones
à faible taux de prévalence d’infection à H.
pylori (États-Unis, Angleterre) (27, 28,
29), les OR sont compris entre 2,77 et 6.
Une précédente méta-analyse de ces trois
études prospectives par Forman (30) avait
montré une élévation très importante de
l’OR avec l’allongement de la période de
suivi des sujets, passant de 2,13 pour un
suivi de moins de 5 ans à 8,67 lorsque le
délai séparant le moment du prélèvement
du diagnostic de cancer était supérieur à 14
ans (figure 2).
L’ensemble de ces données suggère les
deux conclusions suivantes (5, 26) :
– les arguments les plus probants en faveur
d’une liaison causale infection à H. pylori-
carcinome de l’estomac proviennent des
études cas/témoins classiques menées
dans des populations à faible prévalence
d’infection à H. pylori ;
– les études cas/témoins nichées dans des
études prospectives de cohorte permettent
d’établir que l’infection à H. pylori pré-
cède le développement du carcinome gas-
trique et que le risque de développer un
carcinome gastrique s’accroît avec la
durée du suivi.
Évaluation du risque
de développer un carcinome
gastrique chez les sujets
infectés par
H. pylori
Il est aussi possible d’évaluer le risque de
développer un carcinome gastrique en cal-
culant la probabilité d’atteindre chacune
des étapes de la cascade de Correa (13).
Tous les sujets infectés présentent des
signes de gastrite chronique et on admet
que, dans environ 50 % des cas, cette gas-
trite évoluera vers une atrophie glandulaire.
Environ 80 % de ces sujets (soit 40 % de
la population infectée) atteindra le stade de
métaplasie intestinale, puis 20 % des sujets
à ce stade (soit 8 % de la population infec-
tée) évolueront vers une métaplasie sévère
ou une dysplasie de bas grade. Enfin, entre
10 et 20 % des sujets dysplasiques déve-
lopperont un cancer, soit in fine entre 0,8
et 1,6 % de la population infectée.
Faisabilité et intérêt
d’une politique d’éradication
de
H. pylori
Lorsqu’un facteur de risque d’une mala-
die grave, potentiellement mortelle, est
clairement identifié et qu’il s’agit d’un
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Sous-groupes OR p
Cancer gastrique à un stade précoce 6,35
Cancer gastrique à un stade avancé 2,13 0,01
Cancer non localisé au cardia 3,08
Cancer du cardia 1,23 0,003
Adénocarcinome intestinal 2,49
Cancer diffus 2,58 NS
Tableau III. Distribution
des odds-ratio
de l’association
entre l’infection
à H. pylori
et le carcinome gastrique
en fonction de trois
facteurs d’hétérogénéité
possibles (26).
10
8
6
4
2
0< 5 5-9 10-14 > 14
intervalle
(années)
OR
Figure 2. Corrélation
entre l’OR et l’intervalle
de temps séparant
le prélèvement du diagnostic
de cancer (34).
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facteur environnemental sur lequel une
intervention extérieure est possible, ce fac-
teur peut être considéré comme une cible
pour la prévention du risque. Cela consti-
tue la base de nombreuses stratégies pré-
ventives, comme dans le cas des maladies
athéromateuses cardiovasculaires où cha-
cun s’accorde à contrôler des facteurs de
risque tels l’hypertension artérielle, le dia-
bète ou l’hyperlipidémie.
L’infection à H. pylori est reconnue car-
cinogène pour l’homme (5), sur la base de
nombreuses données épidémiologiques et
expérimentales (26, 31). Il existe aujour-
d’hui des méthodes diagnostiques fiables
de cette infection et le traitement médi-
camenteux d’éradication a prouvé son
efficacité. Cependant, les données actuel-
lement disponibles ne permettent pas de
répondre à la question clé : l’éradication
de H. pylori peut-elle prévenir le cancer
gastrique ? Seules des études d’interven-
tion, prospectives, randomisées, sur un
grand nombre de sujets et comportant un
suivi suffisamment long pourraient
apporter la preuve définitive de causalité,
en montrant qu’une éradication de longue
durée de l’infection à H. pylori est suivie
d’une réduction du risque de cancers gas-
triques. Une étude de ce type a débuté
chez 4 000 sujets au Japon en 1996, uti-
lisant une trithérapie de 7 jours associant
clarithromycine + métronidazole + lanso-
prazole.
Connaissant la prévalence de l’infection à
H. pylori dans le monde et sa prédomi-
nance dans les pays économiquement
défavorisés, l’autre question clé est : une
politique d’éradication de masse peut-elle
être envisagée (32). Deux études coût/effi-
cacité donnent des éléments de réponse :
celle de Parsonnet et al. (33) et celle de
Forman et al. (34). En estimant que le trai-
tement d’éradication préviendrait 30 %
des cancers gastriques attribuables à
H. pylori, Parsonnet et al. (33) arrivent à
un coût de 25 000 dollars par année de vie
gagnée, si tous les patients étaient détec-
tés à 50 ans. Les seconds auteurs retrou-
vent un coût de 7 500 à 15 000 dollars en
partant d’une détection de tous les sujets
âgés de 55 à 59 ans.
En conclusion, l’infection à H. pylori
apparaît comme un facteur de risque
majeur de carcinome gastrique. Du fait de
l’évolution lente du processus cancéreux,
une inconnue demeure quant au stade jus-
qu’auquel il est encore possible d’annuler
le risque en éradiquant la bactérie. Les
études d’intervention nécessitant un grand
nombre de patients et des périodes de suivi
très prolongées, il est probable que le
niveau de preuve maximum que certains
attendent ne sera pas atteint avant long-
temps. Le niveau de preuve actuel est-il
insuffisant pour agir ? À l’heure où le prin-
cipe de précaution est érigé en doctrine, et
où une part importante de l’activité des
médecins consiste à traiter des facteurs de
risque, notre opinion est que l’on ne peut
négliger le facteur de risque principal
d’une maladie si sévère et encore si fré-
quente.
Bien sûr, l’avantage d’un traitement des
états précancéreux ne doit pas faire abs-
traction des inconvénients, notamment des
effets secondaires des médicaments, au
demeurant limités, et du risque de sélec-
tion de bactéries résistantes. Ce dernier
risque ne doit pas être négligé. Toutefois,
compte tenu du volume d’antibiotiques
utilisé actuellement, dont la moitié pour
un usage animal, un plus grand nombre de
traitements dans ce domaine n’augmente-
rait pas beaucoup la pression de sélection
globale. Les résistances n’apparaissent
que par mutation et elles sont normale-
ment prévenues par l’usage d’une double
antibiothérapie. Par ailleurs, le potentiel
de contamination de H. pylori et donc de
diffusion de souches résistantes est faible.
Dans l’attente d’un hypothétique vaccin
qui s’adresserait à la population générale,
une politique de détection et de traitement
de l’infection à H. pylori pourrait s’appli-
quer aux malades souffrant de dyspepsie.
En effet ces malades, quand ils ne souf-
frent pas d’ulcères, reçoivent un traitement
symptomatique qui a montré son ineffi-
cacité. Il peut donc paraître intéressant de
leur proposer un traitement qui, s’il n’est
efficace sur leurs symptômes actuels que
dans une faible proportion des cas (envi-
ron 10 %) (4), aura l’avantage de lutter
contre le facteur de risque principal d’une
maladie sévère. Par ailleurs, le traitement
des parents des malades atteints de cancer
gastrique constitue une nouvelle indica-
tion (35).
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