R ev u e de presse Coordination : Estelle Louiset (Rouen) Une hormone au service d’une nanothérapie anticancéreuse Une hormone au service d’une nanothérapie anticancéreuse Les nanoparticules sont des outils prometteurs de thérapie anticancéreuse. Comment orienter spécifiquement ces nanoparticules vers les cellules cancéreuses ? Des physiciens de l’Insa de Toulouse ont utilisé une hormone, la cholécystokinine (CCK), pour recouvrir des nanoparticules d’oxyde de fer en vue de cibler des cellules de tumeurs endocrines qui surexpriment le récepteur de cette hormone (CCK2R). Les biologistes du groupe de D. Fourmy (université de Toulouse 3) ont tout d’abord vérifié que les nanoparticules d’oxyde de fer couplées à l’hormone ne sont pas phagocytées par les macrophages. Ils ont ensuite testé in vitro la capacité de ces nanoparticules à pénétrer spécifiquement dans les cellules de tumeurs endocrines exprimant le récepteur CCK2R. En effet, les nanoparticules couplées à la CCK se lient aux récepteurs, puis sont internalisées dans les cellules cancéreuses via le système β-arrestine et clathrine. Après internalisation, les nanoparticules s’accumulent dans les lysosomes, le compartiment intracellulaire de dégradation des protéines. L’application d’un champ magnétique alternatif au voisinage des cellules tumorales provoque une oscillation des nanoparticules d’oxyde de fer, ce qui génère un échauffement. La chaleur dégagée active différentes réactions, dont la production de radicaux libres toxiques qui induisent l’apoptose des cellules. Cette nouvelle technique mise au point in vitro doit être prochainement testée dans des modèles animaux. Le ciblage de cellules tumorales par des nanoparticules magnétiques couplées à une hormone permettrait la destruction de cellules tumorales ayant développé une résistance à la chimiothérapie cytotoxique. Estelle Louiset (Rouen) • Sanchez C et al. ACS Nano 2014;8(2):1350-63. Le facteur de croissance Fibroblast Growth Factor (FGH) 21 et le métabolisme énergétique dans le foie Le facteur de croissance Fibroblast Growth Factor (FGF) 21 À la recherche de et le métabolisme énergétique dans le foie cellules β résiduelles chez les diabétiques de type 1 Cancer du sein et mutations BRCA Cortisol, stress, cheveux et enfants obèses 130 Le facteur de croissance FGF21 est considéré comme une hormone qui régule le métabolisme des hydrates de carbone et des lipides, mais aussi le poids corporel. Il joue en particulier un rôle important dans l’obésité et le diabète, car il réduit les anomalies métaboliques. À l’heure actuelle, on pense que le FGF21 agit sur ses tissus cibles, le foie et le tissu adipeux, en améliorant la sensibilité à l’insuline et en réduisant les graisses. Le laboratoire du Dr Ronald Kahn au Joslin Diabetes Center à Boston a étudié plus précisément les interactions entre FGF21 et la voie de l’insuline, en utilisant des souris portant une mutation du récepteur de l’insuline qui s’exprime spécifiquement dans le foie (LIRKO). Cette étude montre que les souris LIRKO sont diabétiques. De façon inattendue, un traitement par FGF21 s’est révélé capable de réduire leur hyperglycémie, bien que leur néoglucogenèse n’ait pas été diminuée. La normalisation de la glycémie était en fait due à une meilleure captation du glucose dans le tissu adipeux brun, à la conversion du tissu adipeux blanc en tissu adipeux brun et à une plus grande dissipation de l’énergie. En revanche, les effets bénéfiques du FGF21 sur le niveau de cholestérol circulant et des triglycérides hépatiques étaient abolis chez les souris LIRKO. Le point important que nous retiendrons de cette étude est donc que le facteur FGF21 est capable de corriger l’hyperglycémie des souris diabétiques indépendamment de l’action hépatique de l’insuline. En revanche, l’action de l’insuline sur le foie est requise pour que s’exercent les effets bénéfiques du FGF21 sur le métabolisme lipidique. L’ensemble de ce travail apporte des éclaircissements sur les fonctions du FGF21, une molécule suscitant maintenant de nombreux espoirs thérapeutiques. Bertrand Duvillié, (Paris) • Emanuelli B et al. J Clin Invest 2014;124(2):515-27. À la recherche de cellules β résiduelles chez les diabétiques de type 1 L’idée selon laquelle la déficience en insuline est totale chez les diabétiques de type 1 est extrêmement répandue. Le laboratoire de Timothy Mc Donald a réexaminé cette question en utilisant une méthode ultrasensible capable de détecter des niveaux de peptide C inférieurs à 5 pmol/l. Il faut rappeler que le peptide C est un peptide de connexion inclus dans la pro-insuline. Il est stocké en quantité équimolaire avec l’insuline dans les granules de sécrétion. Les 2 molécules sont ensuite libérées dans la circulation sanguine. Les chercheurs du laboratoire de T. Mc Donald ont pu détecter du peptide C, reflétant la production d’insuline, chez des patients ayant un diabète de type 1 depuis une très longue période. La question était alors de savoir si les cellules β pancréatiques résiduelles étaient capables de répondre à des stimuli physiologiques, par exemple Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014 Revue de presse à l’absorption d’un repas. Une cohorte de 74 volontaires atteints d’un diabète de type 1 (DT1) [> 5 ans] a reçu un repas varié. La sécrétion de peptide C et le rapport peptide C/ créatinine ont été évalués. À l’inclusion, de faibles niveaux de peptide C ont été détectés chez 54 patients sur 74. Chez les patients dont la durée du diabète dépassait 30 ans, la valeur absolue de peptide C sécrétée était plus faible. Néanmoins, une majorité des patients analysés présentaient tout de même un niveau de peptide C détectable. De façon intéressante et inattendue, la sécrétion de peptide C était augmentée après le repas chez 43 % des patients. En conclusion, cette étude démontre qu’il existe une quantité non négligeable de cellules β pancréatiques résiduelles chez les patients atteints de DT1, qui répondent à une prise alimentaire. Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer leur présence : ces cellules pourraient avoir échappé à l’attaque auto-immune, ou s’être formées par un processus de régénération. La compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires qui gouvernent les processus de sauvegarde et de régénération est d’un grand intérêt pour envisager plus tard de potentielles thérapies du DT1. Bertrand Duvillié (Paris) • Oram RA et al. Diabetologia 2014;57(1):187-91. Cancer du sein et mutations BRCA En France, 50 000 cancers du sein et 11 000 décès par cancer du sein surviennent chaque année. Environ 5 à 10 % sont héréditaires et liés à des mutations sur des gènes dominants, de pénétrance modérée ou haute. Vingt-cinq à 40 pour cent de ces cancers héréditaires sont la résultante de mutations sur 1 ou 2 gènes de susceptibilité BRCA1 et BRCA2. Le risque relatif d’avoir un cancer du sein chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA1 est considérable puisqu’il est de 3 à 200 (par comparaison, le risque relatif lié à l’alcool ou l’obésité est de 1,5 à 2). Il peut exister des interactions entre les mutations BRCA et des facteurs nutritionnels. Le but de l’étude coréenne est d’analyser le rôle de ces facteurs chez des femmes ayant un cancer, porteuses ou non de mutations BRCA, ou membres de familles comportant un ou des cas de un cancer du sein et une mutation BRCA. Chez les patientes porteuses d’une mutation BRCA, la consommation de soja était associée à un plus faible risque de cancer du sein (HR = 0,39 ; IC95 : 0,19-0,79 pour le plus haut quartile). En revanche, le plus haut quartile de consommation de viande était associé à un plus haut risque de cancer du sein chez les porteuses de mutations BRCA (HR = 1,97 ; IC95 : 1,33-3,44) et chez les femmes sans mutation mais dans une moindre mesure (HR = 1,41 ; IC95 : 1,121,78). Les associations entre cancer du sein et consommation de soja ou de viande étaient plus nettes chez les femmes présentant une mutation BRCA2 que chez celles avec mutation BRCA1. En ne considérant que les cas de cancer, le plus haut quartile de consommation de soja est associé à une réduction du risque de cancer du sein BRCA (COR : 0,57 ; IC95 : 0,360,91), mais la consommation de viande n’est pas associée à un risque de cancer du sein BRCA. Cette association statistique a été établie après ajustements multiples pour l’âge, celui des premières règles, l’apport calorique, le niveau d’éducation, le tabagisme, les grossesses. Cette étude confirme donc l’intérêt du soja dans la prévention du cancer du sein y compris en cas de prédisposition génétique forte, et le rôle négatif de la consommation de viande dans cette population (éventuellement via la production d’amines hétérocycliques lors de la cuisson). Notons enfin que le plus haut quartile de consommation de soja correspondait à une consommation de 4 à 5 produits/semaine. Jean-Michel Lecerf (Lille) • Ko KP et al. Am J Clin Nutr 2013;98(6):1493-501. Cortisol, stress, cheveux et enfants obèses Quel que soit l’ordre de ces mots, l’alliance peut sembler difficile à comprendre sans explication. De nombreuses études ont montré le lien entre des concentrations élevées de Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 6 - juin 2014 cortisol et l’obésité, la distribution abdominale des graisses, l’insulinorésistance, le syndrome métabolique chez l’enfant ou l’adolescent, alors que certaines études ont montré l’inverse. Les données collectées chez l’adulte sont aussi parfois contradictoires. Les raisons invoquées pour expliquer l’hétérogénéité des données sont liées au dosage du cortisol. En effet, la production de cortisol suit un rythme circadien avec une certaine pulsatilité ultradienne. Dans le sang, le cortisol existe sous la forme libre et complexée à des protéines porteuses, alors que n’est retrouvée dans les urines ou la salive qu’une fraction du cortisol libre. Des études ont montré que le cortisol capillaire était un bon reflet de la concentration plasmatique chronique de cortisol dans la mesure où le cortisol non lié s’incorpore au cheveu : 1 cm de cheveu représente “l’exposition” au cortisol libre durant un mois. Les populations ayant un stress chronique important ont des concentrations plus élevées de cortisol par rapport aux groupes témoins. Par ailleurs, le stress est un facteur connu de prise de poids abdominale. Chez l’adulte de poids normal, le cortisol capillaire est corrélé au tour de taille ; les sujets ayant la concentration la plus élevée de cortisol capillaire ont un risque 2,4 fois plus élevé de syndrome métabolique. M.A. Veldhorst et al ont comparé les concentrations capillaires de cortisol chez 20 enfants obèses et 20 enfants de poids normal, âgés de 8 à 12 ans. Chaque groupe comportait 5 garçons et 15 filles, d’âge identique. La concentration de cortisol capillaire était plus élevée chez les enfants obèses que chez les enfants de poids normal (25 versus 1 pg/ml) [p < 0,05]. Ces données suggèrent qu’il existe une relation entre l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien et l’obésité de l’enfant : est-ce une cause ou une conséquence ? Le stress pourrait être un effecteur de cette stimulation et le cortisol un marqueur. Des études longitudinales, puis des études d’intervention sont nécessaires pour comprendre dans quel sens la relation de cause à effet opère. Cette étude ouvre de nouvelles voies de recherche pour la prévention et le traitement de l’obésité. Jean-Michel Lecerf (Lille) • Veldhorst MA et al. J Clin Endocrinol Metab 2014;99(1):285-90. 131