Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001
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Indications thérapeutiques
Les critères conduisant aux indications du
traitement freinateur des pubertés précoces
prennent en charge plusieurs facteurs.
La plupart des auteurs s'accordent pour traiter
les sujets dont les signes cliniques de puberté
ont débuté avant 8 ans chez la fille et 9 ans
chez le garçon avec, chez la fille, des signes
cliniques et échographiques de stimulation
estrogénique (hauteur utérine supérieure à
35 mm avec présence d'un renflement fun-
dique et d'une ligne de vacuité) et, dans les
deux sexes, des signes biologiques francs de
stimulation de l'axe hypophyso-gonadique
avec, après stimulation par le LH-RH, un pic
de LH supérieur à 5 UI/l, une accélération
significative de la vitesse de croissance statu-
rale avec avance de maturation osseuse supé-
rieure à 2 ans par rapport à l'âge chronolo-
gique, et détérioration du pronostic statural
final qui est alors largement inférieur à la
taille cible parentale. L'indication thérapeu-
tique ne fait alors aucun doute, en dehors des
enfants présentant une grande taille sponta-
née avec un pronostic statural final supérieur
à + 2 DS.
Il faut cependant noter que certains auteurs ne
réservent leurs indications qu'aux formes
dont le pronostic de taille finale est inférieur
à - 1 DS (3, 12, 13),alors que pour d'autres le
critère important serait l'âge de début de la
puberté qui devrait être largement inférieur
aux “normes” actuellement utilisées. En effet,
une étude clinique randomisée a montré que
la taille finale des filles n'était pas différente
selon l'administration ou non d'un traitement
freinateur si l'âge du début de la puberté était
compris entre 7,5 et 8,5 ans (14). De plus, ce
traitement a été démontré inefficace sur le
plan de l'amélioration du pronostic statural
final lorsqu'il était commencé après l'âge de
9ans chez la fille et de 11 ans chez le garçon.
En fait, en raison de l'hétérogénéité de la pré-
sentation clinique et de la définition de la
puberté précoce, les indications thérapeu-
tiques restent discutables dans la plupart des
cas. En effet, il a été démontré que les filles
avec puberté précoce idiopathique présen-
taient dans un grand nombre de cas une
puberté très lentement progressive, voire par-
fois régressive, avec un pronostic statural
final qui restait conservé lors de l'évolution,
et une taille finale normale proche de leur
taille cible parentale (14-17). Ces études ont
permis de montrer que les sujets présentant
des signes cliniques de puberté précoce ne
nécessitaient pas tous un traitement freinateur.
Néanmoins, la reconnaissance des formes cli-
niques dont l'abstention thérapeutique est jus-
tifiée est parfois difficile au moment de la
présentation initiale et l'étude de l'évolution
spontanée peut être nécessaire pour décider
l'indication du traitement freinateur.
L'évaluation biologique par le test au LH-RH
doit permettre de décider l'abstention théra-
peutique dans tous les cas si le pic de LH sous
stimulation est de type prépubère (pic de LH
inférieur à 5 UI/l). L'abstention thérapeutique
doit également être discutée si l'avance de
maturation osseuse est modérée (inférieure à
2 ans par rapport à l'âge chronologique) quel
que soit le résultat du test au LH-RH. La prise
en compte de ces deux critères (test au LH-
RH et âge osseux) a permis de montrer que
l'abstention thérapeutique est justifiée dans la
majorité des cas puisque la puberté évolue
lentement avec des premières règles qui sur-
viennent en moyenne 5,5 ans après le début
des signes cliniques pubertaires et une taille
finale normale en relation avec la taille cible
parentale (17). Néanmoins, dans certains cas
(1/3 des sujets), une détérioration du pronos-
tic statural final peut apparaître au cours de
l'évolution parallèlement à l'apparition de
signes biologiques francs d'estrogénisation.
Ces éléments d'aggravation doivent conduire
à la mise en route du traitement freinateur qui
permet d'amener ces sujets à une taille finale
normale proche de leur taille cible parentale
(figure 1)
(17).
Par conséquent, la surveil-
lance clinique des enfants pour lesquels l'abs-
tention thérapeutique est justifiée lors de
l'évaluation initiale doit être systématique au
moins jusqu'à l'âge de 9 ans pour dépister les
filles qui pourraient nécessiter secondaire
ment
un traitement freinateur de la puberté précoce.
Tous ces enfants doivent également faire l'ob-
jet d'une surveillance et d'une prise en charge
d'éventuelles conséquences psychologiques
de la précocité pubertaire.
Conclusion
L'efficacité du traitement freinateur des
pubertés précoces centrales et évolutives a été
largement démontrée, tant sur l'arrêt du déve-
loppement des caractères sexuels secondaires
que sur la suppression de la fonction hypo-
physo-gonadique qui est réversible à l'arrêt
du traitement.
La taille finale de ces sujets est, dans la majo-
rité des cas, normale et en relation avec la
taille cible parentale. À distance du traite-
ment, la fonction de reproduction paraît normale.
La connaissance des différentes formes cli-
niques des pubertés précoces est détermi-
nante pour poser l'indication thérapeutique ou
l'abstention du traitement freinateur.
Les aspects psychologiques liés à la préco-
cité pubertaire doivent également être éva-
lués au moment de la prise en charge de ces
patients.
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Références
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