Pubertés précoces Precocious puberty Jean-Claude Carel, Delphine Zenaty, Anne Paulsen, Dominique Simon, Juliane Léger* points FORTS ▲▲ Puberté précoce veut dire développement des seins avant 8 ans ou augmentation du volume des testicules avant 9,5 ans. Croissance presque toujours accélérée et âge osseux avancé dans les pubertés précoces évolutives. Impact psychologique à évaluer. ▲▲ Chez la fille, le plus souvent forme non évolutive de puberté ; risque de lésion hypothalamique particulièrement faible quand la puberté commence entre 6 et 8 ans. Chez le garçon, puberté précoce le plus souvent d’origine centrale et fort risque de lésion hypothalamique (≈ 40 %). ▲▲ Effet des agonistes GnRH sur la taille modeste et limité aux vraies pubertés précoces. ▲▲ Analyse rigoureuse de la situation avant d’envisager un traitement par agoniste GnRH, car le risque est de proposer un traitement prolongé et inutile. Chez la fille, les formes précoces mais lentement progressives de puberté ne nécessitent pas de traitement frénateur. Dans tous les cas, l’abstention thérapeutique doit conduire à une surveillance attentive de l’évolution et amener à reconsidérer le traitement si apparaît une perte du pronostic statural final lors de l’évolution. ▲▲ Ne pas méconnaître les pubertés précoces périphériques en relation avec syndrome de Mac Cune-Albright, testotoxicose et tumeurs gonadiques : prise en charge radicalement différente. Mots-clés : Puberté précoce – Analogues de la GnRH. Keywords: Precocious puberty – GnRH analogs. L a puberté précoce se définit comme l’apparition des signes cliniques de la puberté avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9,5 ans chez le garçon. La puberté précoce d’origine centrale est due à une activation prématurée de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique dont il faut pour chaque cas éliminer une pathologie tumorale centrale. Elle se distingue des pubertés précoces d’origine périphérique qui sont * Service d’endocrinologie diabétologie pédiatrique, centre de référence des maladies endocriniennes rares de la croissance, et faculté de médecine Paris-7 Denis-Diderot, hôpital RobertDebré, Paris. indépendantes d’une stimulation hypothalamo-hypophysaire (origine surrénalienne ou gonadique) et des développements prématurés et isolés d’un seul caractère sexuel secondaire (thélarche prématurée, pubarche prématurée ou, plus rarement, métrorragies isolées de la petite fille) [1]. L’histoire naturelle de la puberté précoce, outre celle de la cause, est le développement progressif des caractères sexuels secondaires, l’accélération de la vitesse de croissance et de l’avance de la maturation osseuse qui entraîne une fusion précoce des cartilages de conjugaison responsable, dans certains cas, d’un déficit statural définitif. En effet, l’expression clinique des pubertés précoces est polymorphe. À côté des formes cliniques, dont l’évolutivité est évidente avec, en l’absence de traitement, un déficit statural définitif, il existe des formes très lentement progressives qui ne compromettent pas le pronostic statural final. La reconnaissance de ces différentes formes cliniques n’est pas toujours aisée lors de l’évaluation initiale. Elle est néanmoins très importante, car elle permettra de moduler les indications thérapeutiques. thématique Dossier Transition pubertaire : une évolution progressive La pulsatilité de la LH (luteinizing hormone) est installée longtemps avant la puberté, et l’augmentation de l’amplitude des pics est le signe biologique essentiel de la maturation pubertaire de l’hypophyse gonadotrope. Le test de stimulation par la GnRH révèle de façon indirecte la sécrétion pulsatile endogène de GnRH, puisque celle-ci conditionne la réponse à la GnRH exogène. Ces données physiologiques indiquent qu’il n’y a pas de limite nette entre l’état pubertaire et prépubertaire, ce qui explique la fréquence des formes “limites” de puberté précoce. Limites d’âge de la puberté Il est difficile de définir un âge normal du développement pubertaire. Les valeurs communément admises sont issues d’études longitudinales de Tanner et Marshall effectuées Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 213 Dossier thématique dans les années 1950 et 1960 (différence de deux déviations standard [DS] par rapport à la moyenne). Dans ces études, la puberté débute normalement entre 8 et 13 ans (moyenne 11 ans) chez la fille, et entre 9 et 14 ans (moyenne 12 ans) chez le garçon. En 1997, une étude transversale menée aux États-Unis par Herman-Giddens et al. (2) a estimé l’âge moyen et les extrêmes du début pubertaire en moyenne 2 ans plus tôt, en particulier chez les filles de race noire. Aux Pays-Bas (3), l’âge du début de la puberté semble s’être peu modifié : 3 mois de moins en 1997 par rapport à 1965, ce qui reste proche des valeurs décrites par Tanner. Ces considérations sur les limites de la puberté normale sont importantes pour décider d’évaluer ou non un développement pubertaire suspecté comme précoce (tableau I). Pubertés précoces : clinique ; quand explorer ? Les pubertés précoces centrales se manifestent par l’apparition progressive des caractères sexuels secondaires : chez la fille, dévelop- pement des seins, pilosité pubienne, apparition des règles, chez le garçon, augmentation de la taille des testicules puis de la verge, pilosité pubienne. Ce développement des caractères sexuels secondaires s’accompagne d’une accélération de la vitesse de croissance staturale et d’une avance de la maturation osseuse, qui est souvent très importante (supérieure à deux ans pour l’âge chronologique). Mais un seul de ces signes peut rester longtemps isolé et être source de difficultés diagnostiques, surtout chez les filles où un développement isolé des seins peut précéder de plusieurs mois l’apparition de la pilosité pubienne, voire l’accélération staturale et l’avance de la maturation osseuse. Il faut toutefois noter que chez certains enfants, l’accélération de la vitesse de croissance staturale précède l’apparition des caractères sexuels secondaires. L’évaluation clinique doit orienter le diagnostic et faire envisager la discussion thérapeutique. Les principaux éléments cliniques à recueillir et à analyser sont les caractéristiques de la puberté, la courbe de croissance, et l’évaluation – toujours difficile – des aspects psychologiques, qui sont la préoccupation majeure des familles consultant Tableau I. Suspicion de puberté précoce : quand faut-il explorer ? Filles Garçons – Poussée mammaire vue strictement avant 8 ans – Pilosité pubienne avant 8 ans – Poussée mammaire vue entre 8 et 9 ans ; explorer dans certains cas seulement : • début pubertaire avant 8 ans (interrogatoire) • vitesse de croissance > 6 cm/an, pronostic de taille inférieur à la taille cible familiale • évolutivité clinique importante (passage d’un stade à un autre en moins de 6 mois) • arguments cliniques pour une patho­ logie neurogène • arguments cliniques pour une puberté précoce périphérique – Augmentation du volume testiculaire avant l’âge de 9,5 ans – Pilosité pubienne avant l’âge de 9,5 ans – Développement pubertaire vu autour de 10 ans ; explorer dans certains cas seulement : • début pubertaire avant 9 ans et demi (interrogatoire) • vitesse de croissance > 6 cm/an, pronostic de taille inférieur à la taille cible familiale • évolutivité clinique importante (passage d’un stade à un autre en moins de 6 mois) • arguments cliniques pour une patho­ logie neurogène • arguments cliniques pour une puberté précoce périphérique Règles avant 10 ans 214 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 pour puberté précoce. L’évaluation clinique doit permettre d’orienter vers une surveillance simple ou vers des explorations complémentaires. Les critères actuellement utilisés pour orienter les explorations sont présentés au tableau I. Dans les situations limites, il est important de noter que si une surveillance simple est décidée, il faut s’assurer de pouvoir réévaluer la situation après 3 à 6 mois, car sinon on risque de revoir le patient trop tard. Mécanismes des pubertés précoces Le tableau II résume les principales causes des pubertés précoces. Bien que les pubertés précoces centrales soient de loin les plus fréquentes, on remarquera la multiplicité des causes de pubertés précoces périphériques dont certaines sont dues à des lésions graves, en particulier tumorales. Évaluation biologique des pubertés précoces Le diagnostic biologique de puberté précoce permet d’évaluer la sécrétion de stéroïdes sexuels et ses mécanismes. Le diagnostic des pubertés précoces centrales repose sur la démonstration de sécrétions gonadiques de type pubertaire, la mise en évidence de l’activation des sécrétions gonadotropes et l’absence des marqueurs des précocités sexuelles non centrales. Chez le garçon, la testostérone est un bon marqueur de la maturation testiculaire, à condition d’utiliser une méthode sensible, en pratique un dosage par RIA. Chez la fille, le dosage d’estradiol est peu informatif, car la moitié des filles commençant une puberté précoce centrale ont des taux d’estradiol dans la zone normale Tableau II. Principales causes de pubertés précoces . Principales caractéristiques Puberté précoce centrale ou dépendante des gonadotrophines Développement des seins ou testiculaire ± pilosité pubienne Pas de lésion hypothalamique Près de 92 % des filles et près de 50 % des garçons ; fréquence augmentée en cas d’adoption internationale Lésion hypothalamique Hamartome hypothalamique, gliome des voies optiques, autres tumeurs, malformations du système nerveux central, lésion acquise du système nerveux central Secondaire à l’exposition précoce aux stéroïdes sexuels Puberté précoce périphérique ou indépendante des gonadotrophines Autonomies gonadiques • Syndrome de McCune-Albright • Puberté précoce familiale limitée aux garçons Tumeurs • Tumeur ovarienne de la granulosa • Tumeur ovarienne produisant des androgènes • Tumeur testiculaire à cellules de Leydig • Tumeur à hCG Maladies de la surrénale • Hyperplasie congénitale des surrénales • Tumeur de la surrénale Agents environnementaux Stéroïdes exogènes Exposition aux disrupteurs endocriniens Variants bénins du développement pubertaire précoce • Formes non progressives de puberté précoce • Thélarche prématurée • Pubarche prématurée • Ménarche prématurée isolée Résultats des explorations Testostérone élevée chez les garçons, estradiol variable chez les filles. Pic de LH après stimulation dans la zone pubère. Âge osseux avancé. Utérus estrogénisé sur l’échographie IRM cérébrale normale thématique Dossier Signes neurologiques associés, signes Anomalies à l’IRM cérébrale cliniques de neurofibromatose de type 1 (taches café au lait), déficits hypophysaires associés Signes variables avec la cause ; volume testiculaire plus faible que dans les pubertés précoces centrales Testostérone élevée chez les garçons, estradiol variable chez les filles. Pic de LH après stimulation freiné. Âge osseux avancé. Utérus estrogénisé sur l’échographie • Essentiellement chez les filles ; triade • Souvent kystes ovariens volumineux ; puberté précoce, dysplasie fibreuse des os mutation activatrice de GNAS et taches cutanées • Transmission dominante aux garçons • Mutation activatrice du récepteur de LH • Développement mammaire rapidement progressif ; tumeur parfois palpable • Virilisation progressive • Tumeur au scanner ou à l’échographie • Virilisation progressive ; asymétrie testiculaire • Tumeurs hépatiques ou médiastinales • Tumeur à l’échographie • Virilisation isolée dans les deux sexes • Virilisation rapidement progressive dans les deux sexes • Augmentation de la 17OHP • Tumeur au scanner ou à l’échographie ; élévation de la SDHA ou des précurseurs stéroïdiens Exposition aux stéroïdes sexuels percutanés Signes de développement pubertaire précoce en général isolés ; pas d’accélération de la vitesse de croissance ou de l’âge osseux • Voir tableau III • Fréquent avant l’âge de 3 ans • Saignement vaginal isolé (sans développement des seins et de la pilosité pubienne) ; évaluer cliniquement à la recherche d’un abus sexuel, d’un corps étranger ou d’une tumeur vaginale • Tumeur au scanner ou à l’échographie • Élévation de l’hCG Stéroïdes sexuels bas ; pic de LH dans la zone prépubère ; utérus prépubère sur l’échographie • Androgènes et 17OHP après stimulation par ACTH normaux Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 215 Dossier thématique Tableau III. Arguments permettant de différencier une puberté précoce vraie d’une forme lentement progressive. Clinique Puberté précoce évolutive Puberté précoce lentement progressive Passage d’un stade à un autre en moins de 6 mois accélérée : > 6 cm/an En général avancé d’au moins 2 ans Régression spontanée des signes Longueur ≤ 34 mm Utérus Longueur > 34 mm ou volume > 2 ml Forme renflée en poire Ligne de vacuité présente et totale Ovaires Peu contributif Peu contributif Signes cliniques Vitesse de croissance Âge osseux Échographie Biologie Estradiol (RIA ++) Peu contributif Pic de LH après stiDans la zone pubère mulation par la GnRH Dosage de LH de base Utile si valeur franchement élevée et dans la zone pubère des valeurs des filles impubères. Il faut disposer d’une méthode très sensible et seules les méthodes RIA répondent à cette exigence. Les taux de base des gonadotropines, si l’on utilise une méthode fluorométrique ultrasensible, sont indicatifs et, en moyenne, significativement élevés par rapport à ceux des enfants impubères. La réponse au test à la GnRH est le gold standard du diagnostic de puberté précoce centrale, mais le problème majeur reste la définition du seuil de décision. Place de l’imagerie dans l’évaluation des pubertés précoces L’échographie pelvienne par voie abdominale permet de mesurer, avec des critères de taille et de morphologie, le degré d’imprégnation estrogénique des organes génitaux internes. Une longueur utérine supérieure à 3,5 cm est le premier signe d’estrogénisation. La morphologie est également importante, puisque d’une forme prépubère “en goutte”, 216 normale pour l’âge variable Arrondi, en goutte Peu contributif Dans la zone prépubère Pas de valeur définitive l’utérus devient tubulé puis “en poire”. La mesure du volume utérin peut permettre d’améliorer la fiabilité de l’examen. Secondairement, apparaît la ligne de vacuité utérine, témoin de l’épaississement de l’endomètre. La taille des ovaires et le nombre de follicules ne sont pas un critère de développement pubertaire. La neuro-imagerie est indispensable dans l’exploration étiologique des pubertés précoces centrales, et l’IRM est l’examen de choix dans l’étude de l’encéphale. L’indication de l’imagerie est discutée dans les pubertés précoces isolées de la petite fille de plus de 6 ans qui représentent la majorité des cas (4). Nous continuons à réaliser une IRM cérébrale dans tous les cas de puberté précoce évolutive, confirmée par la biologie. Pubertés variantes de la normale La distinction entre puberté précoce et puberté normale n’est pas stricte. La puberté peut revêtir différentes Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 formes définies comme des variantes de la normale qui posent souvent des problèmes de diagnostic différentiel. Développement isolé prématuré des seins ou thélarche prématurée Il s’agit du développement isolé des seins avant l’âge de 8 ans. Il existe deux pics de fréquence de la thélarche prématurée : la période néonatale marquée par l’activation gonadotrope qui peut se prolonger jusqu’à 2, voire 3 ans, et la période prépubertaire. La thélarche prématurée se distingue d’une puberté précoce par l’absence de développement de tout autre caractère sexuel et par l’absence habituelle d’évolutivité. L’échographie utérine permet, de façon simple, de vérifier l’absence de modification de l’utérus et des ovaires. Aucun traitement n’est nécessaire et l’évolution est soit la persistance d’un développement mammaire modéré (2/3 des cas), soit la régression (1/3 des cas). Développement prématuré de la pilosité pubienne ou pubarche prématurée Il s’agit de l’apparition d’une pilosité pubienne avant 8 ans chez la fille et 9 ans chez le garçon. Elle peut s’accompagner de signes cliniques d’hyperandrogénie : acné, pilosité axillaire, accélération de la vitesse de croissance. Elle correspond à la puberté surrénalienne (adrénarche) et ne rentre pas dans le diagnostic différentiel des pubertés précoces centrales. Les diagnostics différentiels à éliminer systématiquement sont les tumeurs de la surrénale et les formes non classiques de bloc en 21-hydroxylase. Formes lentement progressives de pubertés précoces Elles se présentent cliniquement comme des pubertés précoces, avec un développement des caractères sexuels secondaires et une avance modérée de l’âge osseux. À l’échographie, l’utérus peut montrer un début d’imprégnation estrogénique. Cependant, la réponse des gonadotropines au GnRH est de type prépuber- taire. La surveillance de ces formes de pubertés précoces a démontré qu’un traitement par les agonistes de la GnRH n’était pas indiqué, puisque l’évolution se fait soit vers la régression totale des signes pubertaires pour les plus jeunes, soit vers une évolution lentement progressive de la puberté (5). Le tableau III donne les éléments d’orientations qui permettent de différencier les formes évolutives des formes lentement progressives de puberté précoce. Traitements des pubertés précoces centrales Le concept du traitement des pubertés précoces centrales par les analogues du LH-RH est né des travaux de Belchetz et Knobil (1978-1980) qui ont montré que la sécrétion normale des gonadotrophines hypophysaires requiert la sécrétion pulsatile de LH-RH et que la sécrétion continue de LH-RH inhibe la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires. Les études ont permis de mettre en évidence le mécanisme d’action des analogues agonistes du LH-RH : administrés à faible dose et de manière pulsatile, ils stimulent la sécrétion des gonadotrophines alors qu’à des doses élevées, ils la bloquent. En effet, l’exposition aux agonistes du LH-RH, et donc l’occupation prolongée des récepteurs au LH-RH provoque une désensibilisation des cellules hypophysaires, abolit leur réponse au LH-RH endogène, ce qui se traduit par un blocage de la production des gonadotrophines hypophysaires et secondairement de celle des stéroïdes gonadiques. L’administration prolongée de doses pharmacologiques des analogues agonistes du LH-RH entraîne donc, après une courte période d’hyperstimulation des cellules gonadotropes, une désensibilisation de celles-ci et une suppression de la fonction gonadotrope. Cet effet antigonadotrope est réversible à l’arrêt du traitement. Le traitement des pubertés précoces centrales repose donc essentiellement sur l’utilisation des agonistes de la GnRH. Des formes retard, à injections mensuelles ou trimestrielles sont utilisées. Les objectifs de ces traitements sont multiples. Ils visent à faire régresser ou à stabiliser les signes de développement pubertaire, sur les plans physique, psychique et comportemental. Ces traitements visent aussi à améliorer la taille qui peut être compromise par la puberté précoce. Enfin, la tolérance à court, moyen et long terme de ces traitements doit être surveillée. Le traitement dure au minimum 2 ans et est poursuivi d’autant plus longtemps qu’il a été commencé plus jeune. Résultats à court terme et surveillance Après l’instauration du traitement, on assiste habituellement à une régression ou à une stabilisation des signes pubertaires. La pilosité pubienne augmente secondairement sous l’effet des androgènes surrénaliens. La glande mammaire régresse partiellement, même si la déformation de l’aréole persiste. Le volume testiculaire se stabilise et ne diminue que secondairement (après 6 mois à 1 an de traitement) sans revenir à un volume prépubère. La vitesse de croissance diminue habituellement au bout de 6 à 12 mois de traitement, de même que la vitesse de maturation osseuse. L’efficacité biologique de ces traitements doit être surveillée. Résultats à long terme Le moment optimal pour l’arrêt des traitements est débattu (6, 7). L’arrêt du traitement correspond habituellement à l’âge physiologique moyen de début de la puberté (11 ans chez la fille). À l’arrêt du traitement, la récupération de la fonction gonadotrope et gonadique s’observe en quelques semaines et les signes cliniques pubertaires progressent. Chez la fille, les règles apparaissent en moyenne un an après l’arrêt du traitement. Dans les séries publiées, le gain statural estimé par la différence entre taille prédite avant traitement et taille adulte varie entre 2,9 et 9,8 cm. Il est d’autant meilleur que le traitement a été commencé plus jeune et qu’il n’y a pas eu de retard dans le diagnostic et la mise en route du traitement freinateur. Néanmoins, la taille finale peut être légèrement diminuée par rapport à la taille cible génétique. À long terme, la fonction de reproduction paraît normale et des grossesses ont été rapportées (8). thématique Dossier Tolérance La tolérance des agonistes de la GnRH est en général bonne. Les effets secondaires les plus fréquemment observés sont liés à la l’hypogonadisme induit par le traitement, bouffées de chaleur, asthénie, céphalées. Il n’y a pas d’effet à long terme sur l’index de masse corporelle exprimé en DS, mais les études de composition corporelle indiquent une augmentation de la masse grasse et une diminution de la masse maigre (9). Le problème de l’effet du traitement sur la masse osseuse a également été largement débattu, et les données à long terme montrent une normalisation de la masse osseuse après l’arrêt du traitement (10). Les phénomènes d’intolérance locale au point d’injection concernent entre 5 et 15 % environ des patients dans les séries publiées. Indications des agonistes de la GnRH dans les pubertés précoces Les manifestations pubertaires précoces ne sont pas synonymes de puberté précoce centrale, et de nombreux variants non évolutifs de puberté précoce ont été décrits. L’âge physiologique de début de la puberté est une notion statistique qui dépend de l’ethnie, de l’état nutritionnel et de facteurs environnementaux et génétiques pour l’instant mal connus. Pour orienter les indications thérapeutiques des agonistes de la GnRH, nous utilisons plusieurs Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 217 Dossier thématique 218 critères qui doivent être concordants (tableau III) ; si ces critères sont discordants, il vaut mieux réévaluer la situation quelques mois plus tard, car l’évolutivité de la puberté précoce peut apparaître secondairement (11). 1. La puberté a-t-elle commencé avant 8 ans chez la fille et 9,5 ans chez le garçon ? Ce critère n’est pas toujours précis, car il repose sur l’interrogatoire. Par ailleurs, plus la puberté a commencé avant cet âge “limite”, plus la justification du traitement sera nette, la zone d’ombre se situant probablement entre 7,5 et 8,5 ans chez la fille et 9 et 10 ans chez le garçon. 2. La puberté est-elle cliniquement évolutive ? La taille et la morphologie utérines nous paraissent être des signes importants avant d’envisager un traitement frénateur. 3. Existe-t-il des signes biologiques d’évolutivité ? La confirmation biologique de l’activation de l’axe gonadotrope est importante tant pour éliminer une puberté précoce d’origine “périphérique” que pour confirmer l’évolutivité de la puberté centrale. Le pic de LH au cours du test à la GnRH reste le meilleur signe. La valeur seuil devra bien sûr être étalonnée en fonction des dosages et des normes de chaque laboratoire. 4. D’autres considérations peuvent être prises en compte mais elles nous semblent complémentaires par rapport aux critères précédents : – La puberté précoce compromet-elle de façon sensible la taille adulte ? – La puberté précoce comprometelle l’équilibre psychologique de l’enfant? Cet aspect est difficile à quantifier mais devra être évalué avant d’envisager un traitement. Enfin, il nous paraît important d’insister sur le fait que les anomalies isolées de la taille ne sont pas une indication thérapeutique des agonistes de la GnRH dans le cadre des pubertés précoces. L’effet bénéfique des agonistes de la GnRH sur la taille adulte dans les pubertés précoces a créé la tentation d’agir sur la taille adulte dans les petites tailles idiopathiques : de nombreuses publications ont maintenant clairement montré l’absence de bénéfice statural dans ces situations (12, 13). Aspects psychosociaux Les aspects psychosociaux des pubertés précoces sont la préoccupation majeure des familles qui consultent pour puberté précoce alors que les médecins sont en général focalisés sur les aspects étiologiques et staturaux. L’évaluation psychologique révèle habituellement un QI normal, avec cependant un QI performance plus faible que le QI verbal. Les patientes sont en moyenne plutôt solitaires, avec un score d’isolement élevé, et présentent une tendance à la dépression. Elles sont essentiellement préoccupées par leur apparence alors que les parents sont inquiets de la survenue des règles. Les conséquences psychosociales à long terme des pubertés précoces sont actuellement mal connues, de même que l’insertion psychosociale des patientes ayant été traitées pour une puberté précoce (14, 15). Conclusion L’efficacité du traitement freinateur des pubertés précoces centrales et évolutives a été largement démontrée, tant sur l’arrêt du développement des caractères sexuels secondaires et la suppression de la fonction hypophyso­ gonadique qui est réversible à l’arrêt du traitement que sur l’amélioration du pronostic statural final et sur la taille définitive. À distance du traitement, la fonction de reproduction et la composition corporelle paraissent normales. La connaissance des différentes formes cliniques des pubertés précoces est déterminante pour poser l’indication thérapeutique ou l’abstention du traitement frénateur. Les aspects psychologiques liés à la précocité pubertaire doivent également être évalués lors de la prise en charge de ces patients. ■ Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 Références bibliographiques 1. Carel JC, Leger J. Clinical practice. Precocious puberty. N Engl J Med 2008;358:2366-77. 2. Herman-Giddens ME, Slora EJ, Wasserman RC et al. Secondary sexual characteristics and menses in young girls seen in office practice: a study from the Pediatric Research in Office Settings network. Pediatrics 1997;99:505-12. 3. Mul D, Fredriks AM, Van Buuren S, Oostdijk W, Verloove-Vanhorick SP, Wit JM. Pubertal development in The Netherlands 1965-1997. Pediatr Res 2001;50:479-86. 4. Chalumeau M, Hadjiathanasiou CG, Ng SM et al. Selecting girls with precocious puberty for brain imaging: validation of European evidencebased diagnosis rule. J Pediatr 2003;143:445-50. 5. Palmert MR, Malin HV, Boepple PA. 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