Revue de presse Les cellules souches placentaires peuvent-elles réparer le cœur ? Les cellules souches placentaires migrent spontanément vers les zones altérées du cœur en cas de cardiopathie de la mère pendant la grossesse, ouvrant une nouvelle voie à la médecine cardiaque régénérative. Cette découverte fait l’objet d’une publication dans Circulation Research. Cette étude expérimentale laisse entrevoir un grand potentiel dans le traitement des cardiopathies. Comprendre le phénomène de migration spécifique de ces cellules et le maîtriser permettraient une véritable avancée thérapeutique. L’hypothèse de l’étude est partie d’une observation : les femmes avec une cardiomyopathie du péripartum ont un meilleur taux de récupération que pour toute autre pathologie. Les chercheurs se sont donc demandé si les cellules fœtales pouvaient contribuer à réparer les lésions consécutives à un accident cardiaque chez la femme. Cette étude a été réalisée au Mount Sinai Medical Center, à New York, sur des souris gravides chez qui les chercheurs ont induit des lésions cardiaques, avant de vérifier, 1 ou 2 semaines plus tard, si les cellules fœtales avaient bien été transférées chez la mère. Pour rendre ces cellules fœtales faciles à repérer, elles ont été génétiquement marquées avec une protéine fluorescente (Green Fluorescent Protein [GFP]). Ces cellules ont été retrouvées au bout de 2 semaines de façon sélective et spécifique dans la seule zone lésée du cœur maternel, et non dans les zones non lésées ou d’autres organes ; elles représentent 2 % des cellules cardiaques maternelles. En outre, les cellules du fœtus montrent leur capacité à se différencier en cellules du muscle lisse, en cellules endothéliales vasculaires et en cardiomyocytes. Des études histologiques ont trouvé des vaisseaux sanguins entièrement composés de cellules fœtales dans les zones lésées. Des expériences in vitro ont trouvé cette même différenciation de cellules fœtales (placentaires) en cellules endothéliales et en cardiomyocytes contractiles. Un pourcentage important de cellules fœtales isolées des cœurs maternels n’exprime pas une protéine appelée Cdx2, témoignant ainsi d’une immaturité immunitaire. Cela pourrait permettre de ne pas induire de rejet en cas de greffe, ce qui constituerait un bénéfice supplémentaire pour son utilisation thérapeutique. Commentaires. Les patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive représentent un réel défi thérapeutique nécessitant le développement de nouvelles stratégies. Les 88 approches thérapeutiques cellulaires, moléculaires et génétiques ont pour but de renforcer le muscle cardiaque affaibli et de restaurer sa fonction. Jusqu’à présent, les essais de greffe cellulaire pour régénérer le myocarde n’ont pas produit de résultats convaincants. Les cellules placentaires pourraient être utilisées comme agent thérapeutique potentiel : les résultats des études in vivo et in vitro sont extrêmement encourageants. De plus, les cellules placentaires ne posent pas les mêmes problèmes éthiques que les cellules embryonnaires ; elles aussi ont montré un intérêt potentiel pour la régénération cardiaque. Il faudrait envisager d’autres applications pour les cellules fœtales et placentaires. J.C. Chachques (Paris) • Kara RJ, Bolli P, Karakikes I, Matsunaga I, Tripodi J, Tanweer O, Altman P, Shachter NS, Nakano A, Najfeld V, Chaudhry HW. Fetal Cells Traffic to Injured Maternal Myocardium and Undergo Cardiac Differentiation. Circ Res 2012;110:82-93. Utilisation de greffons hépatiques issus de donneurs à cœur arrêté de type Maastricht 2 L’utilisation de greffons issus de donneurs à cœur arrêté (DCA) a été proposée pour augmenter le nombre des greffons disponibles. Ce recours est répandu aux ÉtatsUnis, où 10 % des greffons environ ont une telle provenance, mais encore peu en Europe. En France, quelques équipes ont été sélectionnées pour réaliser ce type de prélèvement, dans le cadre d’une évaluation probatoire encadrée. Les transplanteurs de Barcelone rapportent ici leur expérience, la plus avancée en Europe, du prélèvement chez des sujets en arrêt cardiaque de type Maastricht 2. La classification de Maastricht distingue les classes 1 (arrêt cardiaque dans un site extrahospitalier, avec transfert à l’hôpital sans réanimation cardiaque – incompatible avec un prélèvement d’organes), 2 (arrêt cardiaque en présence de témoins, avec réanimation cardiaque rapidement mise en place, mais ne permettant aucune reprise de l’activité cardiaque), 3 (arrêt cardiaque “contrôlé”, par arrêt volontaire de la réanimation), et 4 (arrêt cardiaque inopiné chez un sujet déjà en état de mort cérébrale). Les auteurs analysent ici leurs résultats de transplantation hépatique (TH) utilisant des greffons hépatiques issus de DCA de type Maastricht 2. L’équipe de Barcelone a instauré, en 2004, un programme de prélèvement de DCA “Maastricht 2”, facilité par la taille relativement réduite de la ville et par des transports médicaux bien organisés. Les principales caractéristiques de ce programme sont les suivantes : réanimation cardiaque par Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012 Revue de presse compression mécanique, poursuite du programme lorsque le délai entre l’arrêt cardiaque et le début de la réanimation ne dépasse pas 20 minutes, poursuite de la réanimation par compression mécanique avec intubation et héparinisation à l’arrivée à l’hôpital, mise en place des canules artérielles et veineuses par voie inguinale, enclenchement d’une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO) normothermique, puis perfusion du milieu de conservation froid, lavage des voies biliaires, canulation seconde de la veine porte et flushing, prélèvement du foie et des reins. Dans tous les cas, l’arrêt cardiaque avait un témoin et le décès était déclaré devant une absence d’activité cardiorespiratoire pendant un arrêt de 5 minutes de la réanimation. D’avril 2002 à décembre 2010, 400 donneurs potentiels ont été recensés ; 34 TH ont été réalisées (9 %). L’âge moyen des receveurs était de 55 ans (extrêmes : 49-60 ans), le score MELD 19 (14-21), et les temps moyens d’ischémie froide et d’ischémie chaude de 380 (extrêmes : 325-430) et 30 minutes (extrêmes : 26-35), respectivement. Globalement, 236 (59 %) et 130 (32 %) greffons ont été rejetés pour des contre-indications absolues et relatives, respectivement (tableau I). Les contre-indications absolues ont été : une consommation excessive d’alcool, une maladie hépatique évolutive, un antécédent de toxicomanie i.v., un cancer, le portage du virus B ou C ou VIH, un décès de cause criminelle, un traumatisme abdominal ou des vaisseaux fémoraux empêchant l’utilisation de l’ECMO. De plus, des temps maximaux ont été définis pour chaque phase, leur dépassement contreTableau I. Contre-indications au prélèvement du greffon hépatique chez 400 donneurs “Maastricht 2” potentiels. Contre-indications % Retour veineux insuffisant 18 Durée excessive d’une phase 12 Transaminases élevées 12 Refus familial 10 Mauvais aspect macroscopique 8,5 Alcoolisme 7,3 Refus judiciaire 6,5 Risque “biologique” (viral) 5,3 Traumatisme vasculaire 3 indiquant le prélèvement multiorgane : 15 minutes d’arrêt cardiaque sans réanimation cardiorespiratoire, 150 minutes de réanimation cardiorespiratoire et 4 heures d’ECMO. Pour le greffon hépatique, des transaminases supérieures à 3 fois la normale, un aspect macroscopique anormal ou un aspect mal vascularisé du cholédoque à la coupe faisaient rejeter son utilisation. En cas de doute, une biopsie était réalisée. Les causes les plus fréquentes de rejet du greffon hépatique étaient un retour veineux insuffisant, pouvant correspondre à un traumatisme passé inaperçu, à une hémorragie interne ou à un collapsus de la veine cave. Pour cette dernière raison, l’extrémité du cathéter de perfusion devait être visible juste au-dessous du diaphragme sur le cliché de contrôle du thorax, pour s’assurer de sa position au niveau des veines hépatiques. Le débit de la pompe de perfusion devait être d’au moins 1,7 l/mn ; ce seuil est le résultat d’évaluations expérimentales antérieures. La comparaison des donneurs finalement retenus pour le prélèvement du greffon hépatique et des sujets non retenus (tableau II) indique que de nombreuses Tableau II. Comparaison des sujets “Maastricht 2” prélevés et non prélevés. Âge (années) Indice de masse corporelle Donneurs (n = 34) Non-donneurs (n = 111) p 47 (27-56) 51 (44-59) 0,02 24,6 (23,1-26,2) 27,1 (24,7-30,9) < 0,001 Cause du décès, n (%) NS Infarctus 16 (47 %) 57 (51 %) Arythmie 10 (29 %) 19 (17 %) Traumatisme 5 (15 %) 9 (8 %) Accident vasculaire cérébral 1 (3 %) 8 (7 %) Autre 2 (6 %) 18 (17 %) Arythmie 6 (18 %) 6 (5 %) 0,02 Cardiopathie 7 (21 %) 29 (26 %) NS Antécédents, n (%) Diabète 1 (3 %) 6 (5 %) NS HTA 7 (21 %) 20 (18 %) NS Hyperlipidémie 8 (24 %) 15 (14 %) NS Tabac 11 (32 %) 33 (30 %) NS 7 (5-10) 6 (1-10) NS 0,002 Durée de l’arrêt cardiaque (mn) Cancer 2,5 122 (102-141) 2,5 Durée de la réanimation cardiorespiratoire (mn) 112 (103-135) Maladie infectieuse Problème logistique 1,8 Durée ECMO (mn) 198 (183-225) 205 (178-240) 0,001 Autres 2,3 Taux d’ASAT final (UI/l) 184 (116-247) 288 (160-700) < 0,001 Aucune contre-indication 8,5 Taux d’ALAT final (UI/l) 149 (70-209) 292 (130-636) < 0,001 Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012 89 Revue de presse “contre-indications” au prélèvement ne sont que théoriques. Avec les greffons issus des donneurs “Maastricht 2”, les survies à 1 an des receveurs et des greffons ont été de 82 % et 70 %, respectivement (avec un suivi médian de 24 mois). Durant la même période (20022010), 819 greffons conventionnels ont été prélevés. Le taux de prélèvement efficace a été de 76 % pour ces greffons. Cinq cent trente-huit TH primaires de foie seul ont été effectuées. Après un suivi médian de 44 mois, les survies actuarielles des patients et des greffons ont été de 90 % et 87 %, respectivement. La survie des greffons issus de patients en mort cérébrale était meilleure que celle des greffons issus de patients en arrêt cardiaque (p = 0,011), mais la survie des patients était similaire dans les 2 cas (p = 0,141). Les complications biliaires sont apparues chez 4 receveurs (12 %), dont 3 cas de cholangite intrahépatique. Dans ces 3 cas, une retransplantation a été nécessaire à 5, 8 et 13 mois. L’analyse de l’explant montrait des signes évidents de nécrose ischémique des voies biliaires. Dans un cas, une sténose anastomotique a été traitée par réalisation d’une anastomose hépatico-jéjunale à 58 mois. Pour évaluer l’effet d’apprentissage, les 17 premiers donneurs “Maastricht 2” prélevés ont été comparés aux 17 suivants. Pour la première moitié, le score de Child était de C chez 71 % des receveurs, versus 35 % pour la seconde moitié, et le score MELD, de 20 (extrêmes : 18-23), était plus élevé chez les premiers que chez les seconds, pour lesquels il était de 16 (extrêmes : 14-19 ; p = 0,112). La survie à 6 mois des greffons a été plus élevée pour les seconds (15 cas sur 17, 88 %) que pour les premiers (9 cas sur 17, 53 %) [p = 0,024]. Commentaires. Ces données confirment les résultats d’études, portant souvent sur de plus petites séries, déjà publiés, obtenus avec des receveurs de type Maastricht 2 ou 3. Les survies à 1 an des patients et des greffons de cette série, de 82 % et de 70 %, respectivement, sont inférieures à celles obtenues avec les greffons issus de patients en état de mort cérébrale, mais similaires à celles obtenues avec des greffons issus de patients de type Maastricht 3, qui vont de 74 à 92 % et de 54 à 80 %, respectivement. De plus, la courbe d’apprentissage suggère que les résultats sont susceptibles de s’améliorer avec le temps et l’expérience. En particulier, une amélioration pourrait provenir d’une utilisation préférentielle des greffons “Maastricht 2” chez les receveurs en meilleur état. Le risque de cholangite intrahépatique était plutôt faible dans cette série, concernant 3 patients sur 34, alors que des chiffres allant de 11 à 50 % ont été rapportés avec les greffons “Maastricht 3”. Le prélèvement chez les patients “Maastricht 2” pose des problèmes éthiques et médicolégaux. L’entourage familial des donneurs potentiels n’est généralement pas présent lors de l’arrêt cardiaque, et le port d’une carte de donneur n’est pas fréquent en Europe. Les critères faisant contre-indiquer l’utilisation des greffons issus de sujets “Maastricht 2” sont encore mal établis, et leur élargissement est une source potentielle de greffons. Par ailleurs, l’utilisation de machines de perfusion (notamment de la perfusion normothermique, dans l’équipe de Barcelone), qui permet à la fois d’évaluer la qualité du greffon et d’améliorer les conditions de préservation, peut également augmenter le nombre des greffons utilisables. Enfin, l’utilisation de thrombolytiques peut réduire la formation des microthrombus qui se forment dans la microcirculation hépatique au cours de l’arrêt cardiaque et favorisent les lésions biliaires, même lorsque la macrocirculation semble normale. Y. Calmus (Paris) • Fondevila C, Hessheimer AJ, Flores E et al. Applicability and results of Maastricht type 2 donation after cardiac death liver transplantation. Am J Transplant 2012;12(1):162-70. AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier. La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/révision in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef. 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