"La facture de Maastricht" dans Le Monde (14 décembre 1992)
Légende: Le 14 décembre 1992, deux jours après la tenue du Conseil européen à Édimbourg, le quotidien français Le
Monde commente la difficile question du financement du budget communautaire et analyse le plan de financement
proposé par Jacques Delors, président de la Commission européenne.
Source: Le Monde. dir. de publ. LESOURNE, Jacques ; Réd. Chef COLOMBANI, Jean-Marie. 14.12.1992, n° 14.634;
49e année. Paris: Le Monde.
Copyright: (c) Le Monde
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Date de dernière mise à jour: 15/09/2012
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La facture de Maastricht
La présentation par M. Jacques Delors du plan de financement de la CEE résonne comme un discours très
connu. Avant, il fallait réaliser l’Acte unique pour renforcer la compétitivité de l’économie européenne face
à ses concurrentes japonaise et américaine. Aujourd’hui, le retard n’étant toujours pas comblé, il faut réussir
Maastricht… pour les mêmes raisons.
Au titre de la « cohésion économique et sociale », il avait été décidé, en février 1988, de doubler les « fonds
structurels » afin d’aider les « pays pauvres » de la Communauté à suivre le mouvement vers l’achèvement
du marché intérieur européen. Maintenant, il est nécessaire de créer un « fonds d’intervention » pour que
Grèce, Espagne, Portugal et Irlande puissent accrocher le train de l’Union économique et monétaire.
La perspective d’une nouvelle augmentation du budget communautaire suscite d’autant plus de réticences de
la part des « pays riches » qu’il leur est demandé de payer l’essentiel de la facture. Pour alléger la
participation financière de l’Espagne, qui, à l’instar de la France, a joué à fond la carte européenne,
Bruxelles propose d’avoir davantage recours à la contribution calculée sur le produit national brut et de
réduire celle tirée de la TVA.
Conscient des réactions d’humeur qu’un tel projet va susciter à Bonn, le président de l’exécutif
communautaire a songé à inscrire les cinq nouveaux Länder orientaux sur la liste des régions les moins
développées de la CEE. Pour ne pas compliquer encore la situation, le projet de la Commission ne pose pas
la question de la fameuse « compensation britannique », alors que le système actuellement en vigueur sera
caduc à la fin de l’année. Reste le cas de la France, qui, après l’Allemagne, est le plus gros « contributeur
net » de la Communauté et qui, de surcroît, doit se préparer à de nouvelles réductions des subventions
agricoles.
Autant dire que les Douze vont entrer dans une phase de pourparlers singulièrement difficiles, qui feront
apparaître au grand jour les égoïsmes nationaux. Ce n’est pas pour rien que M. Delors et la présidence
portugaise sont acquis à l’idée d’un Conseil européen extraordinaire qui pourrait se tenir avant la réunion
des chefs d’Etat ou de gouvernement prévue pour juin à Lisbonne.
En matière de financement de la construction européenne, les choses n’ont guère évolué, parce qu’il est
toujours fait appel à la bonne volonté des gouvernements et de leur trésor public. Face à des perspectives
économiques moins favorables, qu’assombrissent encore la réunification allemande, les difficultés de
l’Europe centrale et orientale et les sempiternelles difficultés des pays du sud de la Méditerranée, le réflexe
est de compter chichement.
Il est pourtant illusoire de croire que l’Europe ne coûtera pas de plus en plus cher. On voit mal comment les
Douze pourraient éviter de se poser la question de la création d’un impôt européen, s’ils veulent ne plus
entendre tous les cinq ans les mêmes rengaines budgétaires.
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