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Cancers de l’estomac : traitement des formes avancées
• M. Ychou*
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La chimiothérapie des formes métastatiques des cancers de
l’estomac améliore la qualité de vie par rapport au traitement
symptomatique.
■ Bien que le bénéfice en termes de survie soit très modeste,
le fait d’avoir reçu une chimiothérapie est un facteur pronostique significatif.
■ Il n’existe pas actuellement de protocole de chimiothérapie
faisant l’objet de consensus.
■ Les patients opérables présentant des cancers gastriques
inextirpables mais non métastatiques justifient d’une chimiothérapie car elle autorise parfois secondairement une résection complète associée à une survie qui peut être prolongée.
■ Les formes avancées des cancers gastriques restent de pronostic très sombre avec des médianes de survie globales n’atteignant pas 1 an.
■
L
es formes avancées des cancers gastriques comprennent les tumeurs localement avancées non résécables
et les formes métastatiques. Les premières peuvent
parfois bénéficier d’un traitement médical agressif pour espérer
devenir secondairement accessibles à une résection chirurgicale
complète et laissent donc la place aux traitements combinés
médico-chirurgicaux. En cas de métastases, la survie spontanée
est catastrophique avec une médiane n’excédant pas 6 mois et
seule une chimiothérapie à visée palliative peut être actuellement proposée.
LA CHIMIOTHÉRAPIE DES FORMES MÉTASTATIQUES
Les principales drogues efficaces
En chimiothérapie, l’efficacité antitumorale d’une drogue est
essentiellement analysée dans des études de phase II sur le taux
de réponse objective (RO) qui regroupe les taux de réponse
complète (RC) et de réponse partielle (RP) définis selon les cri-
* CRLC Val d’Aurelle, Montpellier.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - février 1998
tères OMS. Les principales molécules testées en monothérapie
dans ce type d’études donnent des taux de RO compris entre 10
et 30 % (1) avec des durées brèves (3 à 6 mois) et pratiquement
jamais de RC.
Comme pour tous les cancers digestifs, la principale drogue utilisée reste le 5-fluorouracile avec des taux de RO aux alentours
de 20 %. Les autres molécules donnant des taux de RO comparables sont la mitomycine C, l’adriamycine et le cisplatine.
Cependant, le caractère ancien de certaines études doit rendre
prudent dans l’interprétation de ces résultats, compte tenu de la
moindre précision dans l’évaluation de la réponse tumorale en
l’absence de scanners relus par des radiologues extérieurs aux
études. D’autres produits comme les nitrosourées ou l’étoposide pourraient aussi avoir une certaine activité à un degré
moindre. En revanche, le carboplatine, dérivé du cisplatine largement utilisé dans les cancers ovariens, n’a ici aucune efficacité comparable au cisplatine et donc aucune place. Parmi les
nouvelles molécules, les taxanes semblent avoir une activité
intéressante dans les
cancers œsogastriques, notamment le
®
docetaxel (Taxotère ) avec un taux de réponse de 24®% observé
chez 33 patients.®La place de l’irinotécan (Campto
), du ratil®
trexed (Tomudex ) et de l’oxaliplatine (Eloxatine ) est®aussi en
cours d’évaluation, alors que la gemcitabine (Gemzar ) n’a ici
aucune efficacité.
Les principales associations de drogues (polychimiothérapies)
De très nombreuses études de phase II ont été réalisées pour
sélectionner des associations chimiothérapiques efficaces avec
des résultats très médiocres avant les années 90. Parmi les
divers protocoles de polychimiothérapie décrits en phase II, une
distinction peut être faite selon la présence ou non de cisplatine
dans ces associations.
Les polychimiothérapies sans cisplatine
• Le protocole FAM : Associant 5-FU, adriamycine et mitomycine C, il a suscité quelques espoirs dans les années 80 avec des
taux de RO atteignant 40 % dans les premières études avec
cependant très peu de RC (2) et une médiane de survie de l’ordre
de 7 mois. Les résultats ultérieurs ont ensuite été décevants avec
des taux de RO compris entre 10 et 30 %, au prix d’une toxicité
non négligeable, surtout hématologique. Le remplacement de
l’adriamycine par l’épiadriamycine a eu l’avantage de diminuer
la toxicité cardiaque avec une efficacité comparable au FAM.
Cependant, ce schéma doit maintenant être abandonné compte
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tenu des résultats des études de phase III que nous analyserons
plus loin.
• Le protocole FAMTX : Le FAMTX comprend l’administra2
tion de méthotrexate à forte dose (1,5
g/m ) à J1 avec rattrapage
e
par l’acide folinique (AF) à la 24 heure, le 5-FU à haute dose
2
2
(1,5 g/m ) à J1 et l’adriamycine (30 mg/m ) à J14, le tout administré tous les 28 jours. Ce protocole a permis d’obtenir en
phase II, chez 67 patients évaluables, 33 % de RO dont 9 RC,
avec cependant 4 décès toxiques dont 3 liés à un non-respect du
protocole. En effet, cette association est délicate à utiliser
comme protocole de routine dans la mesure où elle impose des
règles strictes dans la manipulation du méthotrexate avec hydratation, alcalinisation des urines et détermination de la méthotrexatémie pour adaptation des doses d’AF ; il est de plus
contre-indiqué en cas d’épanchement ou d’hypoalbuminémie.
Le remplacement de l’adriamycine par l’épirubicine ne semble
pas modifier son efficacité (protocole FEMTX).
• Associations 5F-U-acide folinique : La modulation du 5-FU
par l’AF, dont l’efficacité a bien été démontrée dans les cancers
colorectaux, a aussi été évaluée dans les cancers gastriques.
Dans une étude initiale datant de 1986, le schéma FU-FOL
décrit par Machover (5 jours par mois) a donné 13 RO sur 27
patients évaluables (48 %) avec une médiane de survie de seulement 5,5 mois. Cette efficacité en termes de réponse tumorale a été retrouvée avec le schéma LV5-FU2 qui a donné 43 % de
RO sur 23 patients évaluables, dont certains prétraités avec une
médiane de survie toujours faible, de 6 mois pour les patients en
première ligne. Enfin, l’adjonction d’étoposide (VP-16) au 5FU-AF a permis d’évaluer le protocole ELF qui, dans un essai
initial publié en 1991 chez 51 patients âgés de plus de 65 ans ou
avec antécédents cardiaques, a permis d’obtenir un taux de RO
élevé de 53 %, mais qui n’a pas été confirmé à ce niveau élevé
dans les études ultérieures. Quoiqu’il en soit, la modulation du
5-FU par l’AF a démontré une certaine activité dans les adénocarcinomes gastriques au prix d’une toxicité relativement faible.
Les polychimiothérapies contenant du cisplatine
Parmi les très nombreuses combinaisons comportant du cisplatine, au moins 3 ressortent actuellement de la littérature comme
étant les plus actives.
• Le protocole EAP : Une association lourde comportant l’étoposide, l’adriamycine et le cisplatine a été rapportée initialement comme très active en termes de taux de réponse avec 51 %
de RO dont 15 % de RC chez 55 adénocarcinomes gastriques
métastatiques (3). Les études ultérieures n’ont cependant pas
confirmé ces résultats favorables, le pourcentage de RO étant,
dans une autre étude de phase II publiée en 1992 par Lerner et
coll., de 33 % dont 8 % de RC qui s’accompagnaient malheureusement de 4 décès (11 %) dus à la toxicité, en particulier
médullaire.
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• Le protocole FP : Plus récemment, l’association de cisplatine
et de 5-FU en perfusion continue sur 5 jours s’est révélée intéressante avec un assez bon rapport efficacité/tolérance. Sur 3
études de phase II publiées (4, 5, 6) avec un protocole FP similaire, les taux de RO sont très comparables, respectivement de
41, 48 et 43 % sur un total de 114 patients traités avec quelques
cas de RC. La toxicité est essentiellement digestive, hématologique et rénale mais en général assez bien contrôlée maintenant,
tant la généralisation de ce type de protocole est grande.
• Le protocole ECF : Il s’agit du schéma le plus récemment
décrit comme efficace dans les cancers gastriques métastatiques
en associant le 5-FU, l’épirubicine et le cisplatine selon le schéma préconisé par Findlay et coll. (7) : le 5-FU est administré à
2
la dose de 200 mg/m /j en perfusion continue pendant 21
semaines, l’épirubicine et le cisplatine étant donnés en perfusion courte une fois tous les 21 jours respectivement à la dose
2
de 50 et 60 mg/m . Ces auteurs ont ainsi rapporté les résultats
d’une étude de phase II comportant 128 patients porteurs d’un
adénocarcinome œsogastrique avancé et mesurable avec un
taux de RO de 71 % dont 12 % de RC. Ces bons résultats ont
récemment été confirmés par une autre étude de phase II italienne.
Les principales études randomisées
• Essais comparant la chimiothérapie à l’absence de chimiothérapie : Nous disposons actuellement de 3 études randomisées
publiées ayant posé la question de l’intérêt en termes de survie
de proposer une chimiothérapie pour un adénocarcinome gastrique métastatique par rapport à un simple traitement symptomatique.
La première (8) a comparé un schéma
FAMTX modifié (dimi2
nution de la dose de MTX à 1 g/m ) à un groupe contrôle sans
chimiothérapie. La randomisation a été interrompue après l’inclusion de 22 patients (10 dans le bras contrôle et 12 dans le
bras chimio) en raison d’un bénéfice de survie très significatif
en faveur de la chimiothérapie (médiane de survie passe de 9
mois à 3 mois, p = 0,001). Cependant, la méthodologie de cette
étude est très contestable car l’analyse de survie est faite avec
18 patients supplémentaires inclus dans le bras chimiothérapie
sans randomisation et l’effectif reste au total très faible.
Méthodologiquement plus rigoureuse est la deuxième étude (9)
qui a comparé une chimiothérapie similaire en remplaçant
l’adriamycine par l’épirubicine (FEMTX) à un traitement de
confort sans chimiothérapie mais comprenant des vitamines A
et E. Là aussi, on constate une amélioration significative de la
survie globale (5,4 mois versus 1,7 mois, p = 0,0006) après randomisation de 41 patients. La médiane de survie du bras contrôle paraît cependant particulièrement courte dans cette étude et
l’effectif global reste aussi assez faible. Enfin, encore plus
convaincante est la publication de Glimélius et coll. en 1997
(10) qui a randomisé 61 patients entre chimiothérapie +
meilleur traitement symptomatique contre le meilleur traitement
symptomatique seul. La chimiothérapie était soit le protocole
ELF, soit la même association 5-FU-AF mais sans étoposide.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - février 1998
Malgré un meilleur état général des patients dans le bras contrôle et le fait que 12 patients de ce bras ont finalement reçu une
chimiothérapie, la médiane de survie est plus longue dans le
bras chimiothérapie (8 mois versus 5 mois), mais avec une différence non significative (p = 0,12). Cependant, dans un modèle de Cox testant l’influence des principaux facteurs pronostics,
dont l’état général, le fait d’avoir reçu une chimiothérapie est un
facteur indépendant de survie significatif (p = 0,03). De plus,
l’intérêt majeur de cette étude consiste en l’évaluation de la qualité de vie par le questionnaire EORTC-QLQ-C30 qui montre
que 45 % des patients du bras chimiothérapie ont une amélioration de leur qualité de vie d’une durée minimum de 4 mois
contre seulement 20 % dans le bras contrôle (p < 0,05).
Au total, il existe maintenant suffisamment d’arguments pour
conclure que la chimiothérapie augmente modestement mais
significativement la survie des cancers gastriques avancés, avec
une amélioration de la qualité de vie démontrée pour un protocole peu toxique.
sur la survie globale.
• Essais comparant des polychimiothérapies entre elles : L’efficacité
du FAMTX a surtout été démontrée par une étude randomisée de
l’EORTC le comparant au FAM avec une toxicité moindre, un
meilleur taux de RO (41 % versus 9 %) et une médiane de survie
plus longue de 14 semaines en faveur du FAMTX (12).
Un autre essai de phase III a ensuite comparé le protocole EAP
au FAMTX ( 1 3 ). Cet essai qui devait inclure 130 patients a été
interrompu prématurément après inclusion des 60 premiers
patients en raison de la survenue d’une toxicité significativement
supérieure dans le bras EAP entraînant 4 décès toxiques. Au
moment de l’arrêt des inclusions, le taux de RO était de 33 %
dans le bras FAMTX versus 20 % dans le bras EAP. Les auteurs
concluaient que le FAMTX était au moins aussi actif que l’EAP
et avait une toxicité moins sévère et plus facile à gérer.
La valeur relative des protocoles FP, FAMTX et ELF a été comparée dans une étude de l’EORTC ayant inclus plus de
340 patients qui n’a pas retrouvé de différence ni en termes de
réponse, ni en termes de survie entre ces trois protocoles.
• Essais comparant une polychimiothérapie au 5-FU seul : Dès
1985, on pouvait conclure à l’absence d’intérêt du protocole
Enfin, une étude de phase III comparant le protocole ECF au
FAM puisqu’était publiée une étude de phase III ayant randoprotocole FAMTX a été publiée en 1997 (14) : les résultats sont
misé 151 patients qui trouvait une survie identique dans les bras
à l’avantage du protocole ECF aussi bien en termes de taux de
traités par FAM et par 5-FU seul, malgré un meilleur taux de
RO (45 % vs 21 %) que de médiane de survie (8,9 mois vs 5,7
RO pour le FAM (38 % versus 18 %). Un troisième bras assomois). La toxicité était surtout hématologique et infectieuse
ciant 5-FU-adriamycine était testé dans cet essai avec les
pour le FAMTX et essentiellement digestive avec l’ECF.
mêmes mauvais résultats, d’autant plus que la toxicité dans les
Au vu de ces études de phase III successives, certains considèbras polychimiothérapies était nettement supérieure au 5-FU
rent actuellement le schéma ECF comme le protocole “stanseul. Une autre étude plus récente (1994) retrouvait le même
dard” dans les adénocarcinomes gastriques. Il impose cependant
type de résultats négatifs avec 3 autres schémas comparés au 5au patient une perfusion continue sur plusieurs semaines et
FU seul dont le protocole FAP (5-FU-adriamycine-cisplatine).
aucune comparaison valable sur la qualité de vie n’a encore été
En revanche, une étude à 3 bras publiée en 1993 par Kim et coll.
donnée avec ces derniers protocoles. De plus, même si l’on
(11) comparant au 5-FU les protocoles FAM et FP confirmait
semble avoir passé un certain cap en termes d’efficacité antitul’absence d’efficacité du FAM mais notait une amélioration
morale définie par le taux de RO avec les polychimiothérapies
significative de la survie sans progression et du taux de RO en
les plus récentes, notamment le protocole ECF, les médianes de
faveur du bras FP, sans traduction statistiquement significative
survie de toutes ces études de phase III sont encore
désespérément faibles, comprises au mieux entre 7
et 9 mois. Il faut donc se poser encore la question
de la place d’une chimiothérapie peu toxique à base
de 5-FU-AF par rapport à des protocoles plus
Tableau I. Polychimiothérapie des adénocarcinomes gastriques. Essais de phase III publiés contraignants à base de 5-FU continu et de cisplatine. Enfin, il reste à découvrir d’autres schémas uticomparant des polychimiothérapies entre elles.
lisant de nouvelles drogues et permettant des alterPolyRéf.
Nombre
Pourcentage
Survie
natives efficaces en deuxième ligne de chimiothérachimiothérapies
(année)
patients
de RO
médiane
pie pour espérer allonger un peu la survie encore
FAM
12
105
9
29 semaines
catastrophique de ces patients.
(1991)
FAMTX
FAMTX
107
13
(1992)
EAP
FAMTX
EAP
p = 0,0001
41
30
33
ns
20
30
14
(1997)
130
126
21
p = 0,0002
45
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - février 1998
p = 0,004
42 semaines
Décès toxiques :
0
4
5,7 mois
p = 0,0009
8,9 mois
LE TRAITEMENT DES FORMES LOCALEMENT AVANCÉES
La chimiothérapie préopératoire
Elle est apparue il y a une dizaine d’années pour des
patients ayant des tumeurs non résécables en raison
de l’extension locale. Wilke et coll. (15) ont montré
la faisabilité dans cette indication de l’EAP à partir
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d’une série de 34 patients présentant initialement une tumeur
gastrique considérée comme inextirpable lors d’une laparotomie initiale ; la chimiothérapie a entraîné 70 % de RO, et 15
gastrectomies macroscopiquement complètes ont pu être réalisées parmi les 23 patients répondeurs. Une autre étude a montré
qu’après chimiothérapie d’une tumeur inextirpable lors d’une
première laparotomie, 41 % des patients bénéficiaient d’une
résection curative secondaire. L’expérience de l’Institut
Gustave-Roussy est proche, avec un taux de résection macroscopiquement complète de 77 % parmi 30 patients ayant une
tumeur localement avancée et traités par 3 cures de FP en préopératoire. Il s’agissait cependant de tumeurs jugées a priori
résécables dans la majorité des cas, et ayant donc bénéficié là
d’une chimiothérapie dite néoadjuvante ou d’induction.
Ainsi, la chimiothérapie préopératoire peut présenter un intérêt
lorsque la tumeur est a priori inextirpable car elle permet parfois
une résection secondairement complète avec des survies qui
peuvent être prolongées. Sa place mérite aussi d’être discutée
quand une chirurgie paraît possible mais en cas de tumeur de
mauvais pronostic, par exemple de stade T3-T4 à l’échoendoscopie ou avec de volumineuses adénopathies, mais les essais
de phase III en cours dans cette situation devront répondre à
cette question.
La radiothérapie et la radiochimiothérapie
L’association de chimiothérapie et de radiothérapie a été utilisée
essentiellement en cas de tumeur inextirpable ou de résection
incomplète. Dans l’étude randomisée de la Mayo Clinic comparant la radiothérapie seule à l’association 5-FU-radiothérapie
pour des cancers gastriques inextirpables, la survie moyenne
des malades traités par l’association était significativement
supérieure (16). Ultérieurement, une étude du GITSG n’a pas
démontré de gain de survie à moyen terme en faveur de l’association méthyl-CCNU, radiothérapie par rapport à la radiothérapie seule, en raison d’une toxicité importante dans le groupe
recevant la chimiothérapie. Cependant, à long terme, il n’y avait
de survivant que dans le groupe traité par l’association (17). En
situation néoadjuvante, une radiothérapie associée à un protocole FP concomitant pourrait augmenter la survie des adénocarcinomes du cardia selon une étude récente de phase III qui mérite cependant d’être confirmée, et ces résultats ne peuvent pas
être élargis aux localisations gastriques sous-cardiales pour lesquelles l’irradiation pose plus de problèmes.
CONCLUSION
◗ La chimiothérapie permet une amélioration modérée de la
survie et de la qualité de vie par rapport à un simple traitement
symptomatique dans les cancers gastriques métastatiques.
◗ Il n’y a pas actuellement de protocole de chimiothérapie
consensuel, mais on sait qu’il vaut mieux utiliser soit des schémas basés sur la combinaison de 5-FU et de cisplatine, soit sur
l’association 5-FU-acide folinique.
◗ Les nouvelles molécules disponibles dans d’autres localisa30
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tions méritent certainement d’être évaluées dans cette situation.
◗ En cas de formes localement avancées non résécables mais
non métastatiques chez des patients opérables, il faut tenter une
chimiothérapie efficace (FP ou ECF) qui peut permettre secondairement une résection macroscopiquement complète.
◗ La radiothérapie n’a qu’une place marginale dans les formes
avancées de cancers gastriques, en dehors des localisations particulières au cardia dont le traitement s’apparente plus alors à
celui des cancers de l’œsophage.
◗ Le pronostic de ces cancers gastriques avancés reste encore
très mauvais, avec une médiane de survie globale qui n’atteint
pas 1 an, d’où la nécessité de traiter le plus possible de patients
dans le cadre d’essais thérapeutiques prospectifs.
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Anti-H2 et cancer de l’estomac :
effet immunomodulateur,
effet anti-prolifératif ou absence d’effet ?
Les cancers gastro-intestinaux induisent une immunodépression surtout en cas de maladie avancée, majorée par les traitements
chirurgicaux. Les effets immunomodulateurs et anti-prolifératifs des anti-H2 sont connus de longue date, ce qui leur confère un
intérêt au moins théorique dans le cancer de l’estomac.
En 1990, une étude danoise (1) mettait en évidence une augmentation (juste) significative de la survie chez les patients présentant un cancer de l’estomac et recevant de la cimétidine à raison de 400 mg 2 fois par jour pendant 2 ans. Il s’agissait d’une étude
prospective randomisée contre placebo, conduite en double aveugle et stratifiée selon le type d’intervention chirurgicale réalisée.
Cent quatre-vingt-un patients furent inclus (157 finalement analysés). La médiane de survie était de 450 j dans le groupe cimétidine et 316 j dans le groupe contrôle (p = 0,02).
Wotherspoon et coll. (2) ont conduit une étude similaire en randomisant 159 patients opérés pour cancer gastrique, pour recevoir de la ranitidine ou du placebo. Le traitement était débuté en IV dès l’induction de l’anesthésie et poursuivi per os à la reprise de l’alimentation entérale et pour un minimum de 2 ans. Les résultats de l’étude danoise ne furent pas reproduits, puisque,
malgré un suivi identique (entre 2 et 4,8 ans), aucune différence de survie n’était retrouvée entre les deux groupes : survie médiane de 280 j et 344 j respectivement dans le groupe ranitidine et dans le groupe placebo.
La discordance apparente des résultats de ces deux études randomisées et conduites selon un protocole identique peut éventuellement être expliquée par les travaux in vitro de Hahm et coll. (3, 4). On admet que l’action immunomodulatrice des anti-H2
associe une inhibition de l’activité des lymphocytes T suppresseurs et une augmentation de la production d’interleukine-2 et de
l’activité des cellules natural killer. Cependant, en comparant l’action immunomodulatrice de la cimétidine, de la ranitidine et de
la famotidine, les auteurs ont montré que la cimétidine avait l’effet immunomodulateur le plus marqué et la famotidine le plus
faible. Seule la cimétidine augmentait la réponse cytotoxique et proliférative des lymphocytes au mitogène (3). Les mêmes auteurs
ont également comparé l’effet anti-prolifératif de ces trois molécules : là encore, seule la cimétidine inversait la prolifération cellulaire induite par l’histamine de façon significative. La ranitidine avait aussi tendance à atténuer cette prolifération dose-dépendante mais sans atteindre le seuil de significativité et la famotidine n’avait aucun effet (4). En fait,Tonnesen et coll. ont appliqué la
même méthodologie que celle utilisée par l’équipe anglaise 9 ans auparavant, mais n’ont pas testé la même molécule !
Au total, on ne sait toujours pas si les anti-H2 ont un effet autre que théorique chez les patients atteints de cancer gastrique,
mais on sait qu’ils n’ont pas tous le même effet !
L. Choné
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