I. LES RÉFORMES DE LA IVe RÉPUBLIQUE A

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INTRODUCTION
L'État, qui s'est organisé depuis le Moyen-âge et a contribué à la
construction de la Nation et à la diffusion du sentiment national, est central en
France (État-nation).
Après 1946, le modèle français de l'État, du gouvernement et de
l'administration connaît de profondes transformations.
Avec les réformes de la Libération puis les années de Gaulle, se met en
place, pendant les Trente Glorieuses, le modèle de l'État keynésien
modernisateur Depuis la crise économique, ce modèle semble affaibli et
progressivement remis en cause, voire contesté.
PROBLÉMATIQUE : Comment le modèle français d'État se met-il en place
après 1946 et quelles évolutions profondes a-t-il connues depuis cette date ?
I. LES RÉFORMES DE LA IVe RÉPUBLIQUE
A – Les conditions de la mise en place de la IVe République
A la fin de la guerre, c’est le GPRF, dirigé par de Gaulle et comprenant
des représentants de toutes les tendances politiques ayant participé à la guerre
qui gouverne. Mais la question du rétablissement de la République se pose. Le
choix doit se faire entre un retour à la IIIe République ou la création d’un
nouveau régime. Par référendum, l’option d’une nouvelle constitution est
retenue. C’est l’Assemblée nationale qui en est chargée. Mais le débat est
houleux entre les communistes, les socialistes de la SFIO et le MRP
(Mouvement républicain populaire : démocrate chrétien) qui forment à eux trois
la coalition gouvernementale (on parle de tripartisme). En outre, de Gaulle
refuse le projet constitutionnel qui donne trop de pouvoir au Parlement. Il
démissionne en janvier 1946 de la tête du GPRF et lors de son discours à
Bayeux en juin 1946, manifeste publiquement son refus d’un système que ferait
du gouvernement une « délégation des partis ». La Constitution est cependant
adoptée par référendum.
Au lendemain de la guerre, d'importantes réformes de structures sont entreprises,
qui transforment profondément les missions et les compétences de l'État.
B - La réorganisation de l'administration
Un statut général unifié de la fonction publique, garantissant l'emploi,
reconnaissant aux fonctionnaires le droit syndical et le droit de grève, est édicté
en 1946. Tandis-que de nouveaux corps de fonctionnaires sont créés (INSEE,
Commissariat au Plan. Direction générale des impôts en 1948).
Le recrutement élargi et unifié de la fonction-publique est garanti par la
création par ordonnance de l'École Nationale d'Administration (ENA), de la
Fondation nationale des sciences politiques et de l'Institut d'études politiques de
Pans (les deux formant Sciences Pô) en 1945, puis d'IEP en province.
- Appuyé sur une génération de hauts fonctionnaires modernisateurs et sur des
énarques qui deviennent majoritaires dans les cabinets ministériels, l'État reste
ainsi stable, malgré l'instabilité gouvernementale (28 gouvernements en moins
de 11 ans, entre 1946 et 1958, un seul ayant duré plus de 18 mois) et les crises
politiques (guerres d'Indochine en 1945-54 et d'Algérie en 1954-62) que connait
la IVe République. Ces hauts fonctionnaires ont joué un rôle fondamental dans
la reconstruction et la modernisation du pays.
C - L'Etal moteur delà, modernisation
L'intervention de l'État dans l’économie, déjà accrue après la Première
Guerre mondiale surtout après la crise économique de 1929 et sous Vichy, est
renforcée, par la mise en place d'un Etat moteur de la reconstruction et de la
croissance économique,
Des nationalisations (énergie, transports aériens, banques, assurances,
Renault) aboutissent à la création d un vaste secteur public en 1944-1946,
- En 1946, l'État se dote d'un outil de prévisions : l'INSEE (Institut National de
la Statistique et des Études Économiques) puis d'une comptabilité nationale dans
les années 1950, et d'une planification avec le Commissariat au Plan : dirigé par
Jean Monnet, il pilote l’économie en menant d abord l'accent sur l'énergie et les
industries de bise, puis sur les équipements collectifs à partir des années 1950.
L'Etat encourage le développement de la recherche : création de l'INED
(Institut national d'études démographiques) en 1945, de l’INRA (Institut national
de la recherche agronomique) en 1946, et véritable essor du CNRS (Centre
national de la recherche scientifique créé en 1939).
D - La mise en face d'un Etal- providence
En application du programme du Conseil National de la Résistance
reprenant l’héritage des réformes du Front Populaire (inscrit dans le préambule
de la Constitution d'octobre 1946), un Etat-providence, garant de la cohésion
sociale, est mis en place, avec d'importantes réformes comme
l'ordonnance de février 1945 et La loi de 1946 instituant les Comités
d'entreprise (CE) dans toutes les entreprises de 50 salariés et plus. Ils
représentent les personnels (patron, représentants élus des personnels,
représentants des syndicats) et ont des attributions sociales et économiques.
Depuis les lois Auroux (1982), le CE a pour objet d'assurer une expression
collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs
intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et
financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation
professionnelle et aux techniques de production. Il est aussi informé de la
situation économique de l'entrepris
- L'ordonnance d'octobre organisant la Sécurité sociale
II - UN ETAT QUI SE RENFORCE SOUS DE GAULLE ET SES
SUCCESSEURS
A – Les conditions de la mise en place de la Ve République
L’instabilité gouvernementale est très importante sous la IVe. Les
coalitions politiques sont fragiles, alors que deux partis s’opposent
vigoureusement à la politique gouvernementale : à gauche, le PCF qui a rompu
avec le gouvernement en 1947, lors de la rupture Est-Ouest et la doctrine
Jdanov, à droite le RPF (rassemblement du Peuple français) de De Gaulle. Le 13
mai 1958, lors d’une manifestation à Alger des « pieds noirs » qui s’inquiètent
d’être abandonnés par le gouvernement français, un appel à de Gaulle est lancé.
Dans un climat où la rumeur d’un coup d’Etat militaire se répand, celui-ci
accepte de prendre la tête de l’Etat à la condition d’une réforme de la
Constitution. Celle-ci est rédigée par un groupe de « sages » dirigé par un
gaulliste fidèle, Michel Debré. Elle est adoptée par référendum. C’est le début
de la Ve République.
B - Un État entrepreneur
De Gaulle met en place, avec la Ve République, un exécutif fort à la tête
de l’ « Etat keynésien modernisateur » (expression de 1’historien Pierre
Rosanvallon), dont les missions se renforcent et s élargissent, menées par une
haute fonction publique de plus en plus influente. Ces hauts fonctionnaires sont
souvent désignés sous le terme péjoratif de technocrates
La modernisation passe par des grands programmes industriels : Plan
Calcul en 1968-71 (informatique), programme spatial, Concorde en 1969,
programme nucléaire, développement de la TV et de l'équipement téléphonique,
TGV en 1981. Dans le cadre de l'ouverture européenne (1957), l'État favorise
aussi la concentration et la formation de grands groupes industriels compétitifs
(PUK, SNIAS, Saint-Gobain Pont-â-Mousson, sidérurgie, etc.), et assure en
1967 plus de la moitié du financement des investissements en France.
C- Un Etat qui transforme la société et le pays
- L'Etat-providence redistribue les fruits de la croissance, favorisant une
forte demande de consommation qui entraîne l'ensemble de l'économie. La
planification est renforcée et s'étend aux équipements collectifs scolaires (2500
bâtiments sont construits en 1965-75), de santé (les centres hospitaliers
universitaires sont créés en 1958), culturels avec la création du ministère des
Affaires culturelles en 1959, confié à André Malraux comme exemple
d'extension des domaines d'intervention de l’État).
- L'État, avec la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à
l'action régionale, 1963), mène une politique d'aménagement du territoire, par
des grands travaux d'aménagement touristiques (plan Neige, aménagement
touristique du Languedoc), de transports (autoroutes, aéroports comme Roissy
en 1974) et de logement (politique des ZUP : 803 000 logements construits en
1958- 1968, politique des villes nouvelles).
III – LES DEFIS DU MODELE FRANÇAIS
Aujourd'hui, le débat politique porte bien sur la réforme réduction ou non
de l'importance de l'Etat et des collectivités locales, et sur la possibilité du
maintien ou non d’un modèle français, dans un contexte de crise européenne de
la dette publique et de crise du système de protection sociale.
A - La Ve République après 1981 : gouverner en temps de crise
Lorsque François Mitterrand fait accéder la gauche au pouvoir (on parle
d’alternance) pour la première fois sous la Ve République, l'État est confronté à
une crise importante.
Si Valéry Giscard d'Estaing répond en partie aux nouvelles attentes de la
société après mai 1968 (abaissement de la majorité à 18 ans, loi Veil sur l’IVG
en 1975 par exemple), les solutions apportées à la crise sont hésitantes (relance
ou rigueur), peu efficaces et mal comprises par l'opinion.
François Mitterrand répond à cela par une politique de nationalisation de
certains secteurs clés, notamment le secteur financier, puis, à partir de 1983, par
une politique d'austérité.
Les structures d'aide mises en place en 1946 souffrent également de la
crise, notamment les assurances chômage et la Sécurité sociale. Par ailleurs,
depuis 1986, l'État s'est globalement désengagé de certains secteurs
économiques. Ceci s'accompagne d'une perte de confiance en l'État pour une
part de la population, visible autant lors des émeutes de certaines banlieues en
2007 que par le développement du vote pour le Front national, basé en partie sur
un rejet de la classe politique.
B - Une nouvelle gouvernante : entre alternance et cohabitation
Dans ce contexte, une nouvelle pratique du pouvoir se met en place. Les
Français tendent souvent à souhaiter une alternance entre la gauche et la droite :
Jacques Chirac est élu président en 1995. Par ailleurs, ils n'hésitent plus à élire
une Assemblée nationale d'une tendance politique différente de celle du
président. Cela conduit par trois fois à des cohabitations : de 1986 à 1988
(président : François Mitterrand, PS; Premier ministre : Jacques Chirac, RPR), de
1993 à 1995 (président : François Mitterrand, PS ; Premier ministre : Edouard
Balladur, RPR) et de 1997 à 2002 (président : Jacques Chirac, UMP; Premier
ministre : Lionel Jospin, PS).
Pourtant, la cohabitation n'empêche pas le pays d'être gouverné, le
président disposant d'un domaine réservé, notamment en matière militaire et en
politique étrangère.
Jacques Chirac procède toutefois en 2000 à une réforme de la Constitution
ramenant à cinq ans le mandat présidentiel. Il dure ainsi aussi longtemps qu'une
législature, ce qui réduit la probabilité d'une cohabitation mais ne la rend pas
impossible.
C - L'affirmation de nouvelles échelles de pouvoir
1 – Le poids des collectivités territoriales
Depuis 1981, de nouvelles échelles de pouvoir se sont affirmées et la
déconcentration de l'administration s'est intensifiée. En 1982, une loi institue
vingt-deux régions dotées de conseils régionaux élus, avec des présidents de
région. À ces régions métropolitaines s'ajoutent les communautés et territoires
d'Outre-mer. Les collectivités territoriales voient leurs pouvoirs renforcés. Les
départements s'impliquent dans la gestion des collèges et dans les structures
d'aide sociale ; les régions entretiennent les lycées et s'occupent par exemple de
la politique des transports.
Ces nouvelles échelles de gouvernance ont permis à la démocratie de
s'exprimer en instituant de nouveaux contre-pouvoirs. Ainsi, en 2011, vingt
régions sur vingt-deux étaient gouvernées par la gauche, alors même que
l'Assemblée nationale, le gouvernement et le président étaient de droite.
Néanmoins, cette multiplication des échelons et la difficulté de leur
transférer les fonds nécessaires ont parfois été critiquées. En 2009, le Sénat a fait
mettre à l'étude un projet de réduction du nombre des régions, et la fusion des
départements et des régions en une seule entité administrative a été évoquée. En
2014, le gouvernement a exprimé son souhait de faire avancer au plus vite la
réforme territoriale.
2 – Le poids de l’Europe
Comme l’ont illustrées les dernières élections européennes de 2014, les
français s’inquiètent de la main mise européenne sur la gouvernance française.
Le débat est particulièrement vif au sujet de la politique d’immigration (espace
Schengen) et de l’Euro, la Banque centrale ayant supplanté la Banque de France
dans sa politique monétaire. S’il est indéniable que dans de nombreux dossiers,
la commission européenne amène la France à modifier son appareil législatif en
conséquence, il faut souligner cependant l’importance de la France et de l’axe
franco-allemand dans la construction de l’Union.
3 – Le poids de la crise
La crise financière venue des Etats-Unis a provoqué depuis 5 ans une
forte stagnation économique, avec une augmentation très forte du chômage. En
outre la dette française est très élevée. La réduction du déficit s’accompagne
d’une politique de rigueur amenant la diminution du nombre de fonctionnaires et
un désengagement de l’Etat de plus en plus important. Parallèlement, dans le
cadre d’une économie libérale et d’une mondialisation de plus en plus présente,
les marges de manœuvre de l’Etat sur les entreprises et l’emploi sont en
réduction constante
Conclusion
A la fin de la guerre, le rôle fort de l’Etat dans la vie économique et sociale est
encouragé. C’est le souhait du CNR, mais aussi de la plupart des partis
politiques de gauche, bien évidemment, mais aussi des gaullistes. Depuis la fin
des trente glorieuses, l’Etat à tendance à se désengager et l’alternance politique
n’a que peu remis en question cette démarche. La crise économique, la
mondialisation libérale, dont l’UE parait être le seul rempart aux excès, sont
parmi les facteurs explicatifs. La décentralisation a permis cependant le transfert
de certaines responsabilités aux collectivités locales.
MOTS CLES
Centralisation : concentration des moyens d'action et de contrôle de l’Etat en un
centre unique (Paris).
Collectivités territoriales : structures
administratives locales (région,
département communauté de communes, communautés distinctes de
l’administration de l’Etat et disposant de compétences, d'un personnel et d'un
budget qui leur sont propres.
Décentralisation : politique par laquelle l'Etat confie à des collectivités
territoriales (communes et communautés de communes, départements, régions)
des compétences et des financements.
Déconcentration : délégation par l’Etat de certains pouvoirs de décision à des
agents ou organismes locaux qui lui restent soumis.
Dépenses publiques : ensemble des dépenses réalisées par les administrations
publiques, financées par les recettes publiques (impôts, cotisations sociales) et le
déficit public.
Etat : le mot désigne à la fois la personne morale à l'autorité de laquelle est
soumis un groupe humain sur un territoire donné, et 1’appareil administratif
chargé d élaborer et d'appliquer les lois.
État keynesien modernisateur : État qui modernise l’économie et la société par
l'intervention directe (nationalisations, planification, grands travaux,
législation...) et indirecte (investissements, réglementation, recherche...), la
dépense publique et le déficit budgétaire.
Etat-nation : autorité politique souveraine qui incarne, sur un territoire défini un
groupe humain caractérisé par la conscience de son unité et la volonté de vivre
ensemble.
État-providence : forme d'Etat qui promeut une plus grande justice sociale par la
protection contre le chômage, la maladie, la vieillesse.
Fonctions régaliennes : pouvoirs de l'Etat qui correspondent aux marques de
souveraineté, en particulier la police, la justice et l’armée.
Haut fonctionnaire : membre des grands corps de la fonction publique : Ponts et
Chaussées, Corps des Mines, Conseil d'Etat, Cour des comptes, Inspection
générale des Finances, etc.
Nationalisation : acquisition et prise de contrôle totale ou partielle d’une
entreprise privée par l'Etat
Néolibéralisme : courant de pensée qui dénonce le développement jugé excessif
de l’État-providence et l'accroissement des interventions publiques dans
l'économie.
Planification : organisation de l'économie selon un plan rédigé par l'Etat et des
partenaires sociaux (patrons, syndicats, associations, intellectuels, chercheurs..)
qui définit des objectifs de production, un calendrier, des financements. Le 1er
Plan, dit plan Monnet, s'applique de 1946 à 1953.
Privatisation : transfert total ou partiel de la propriété du capital d'une entreprise
publique vers le secteur privé.
Technocrate : terme souvent péjoratif désignant un haut fonctionnaire faisant
prévaloir des conceptions administratives et techniques sans prise en compte de
leurs conséquences humaines ou sociales.
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