B) La continuité de l’Etat malgré l’instabilité ministérielle
La IVe République est marquée par une grande instabilité ministérielle, mais l’Etat continue à
fonctionner, et l’économie se relève (début des «30 Glorieuses»)
La première raison pour l’instabilité gouvernementale sont les élections proportionnelles (autant de
sièges que de votes dans la population), qui forcent les partis de la «Troisième force» (SFIO,
MRP, radicaux) à fonder des coalitions (= accords entre différents partis pour gouverner
ensemble). S’y ajoutent l’opposition des gaullistes et des communistes au système, et les guerres
de décolonisation (Indochine 1946-54, Algérie 1954-62). La IVe République connaît 22
gouvernements en 11ans et demi. Le président du Conseil peut être soumis à un vote de
confiance devant la Assemblée, s’il n’obtient pas la majorité absolue, il est contraint de
démissionner avec son gouvernement.
Les gaullistes sont contre le système parlementaire, car de Gaulle voulait avoir un pouvoir
présidentiel fort dans la constitution et avait démissionné en 1946 car son projet ne trouvait pas de
majorité au sein du gouvernement provisoire et de l’Assemblée constituante. Il n’occupe pas de
fonction politique de 1946 à 1958 («traversée du désert»), mais son mouvement politique, le RPF,
reste très actif et combat le système institutionnel de la IVe République. Les communistes,
également exclus du gouvernement depuis 1946, suivent les instructions de Moscou qui souhaite
déstabiliser les gouvernements en Europe occidentale pour préserver ses intérêts et renforcer la
position des partis communistes.
Un exemple est la construction européenne: Robert Schuman (MRP) appelle à la création de la
CECA le 9 mai 1950, mise en place par le Traité de Paris en avril 1951. Mais le projet d’une
Communauté européenne de défense (CED), proposé par René Pleven, également en 1950, est
rejeté en 1954 par les députés gaullistes et communistes dans l’Assemblée nationale (premier
échec de la construction européenne). Les gaullistes votent contre car ils veulent garder la
souveraineté de la France intacte, les communistes car une armée commune renforcerait l’Europe
occidentale. Les deux font appel à la peur de l’armée allemande, sur le point d’être recréée pour
être intégrée dans la CED, car la mémoire de la 2nde Guerre mondiale est encore vive.
Malgré cette instabilité ministérielle, l’état continue à fonctionner, surtout grâce à la haute fonction
publique. La IVe République a également à son crédit des idées politiques fortes, issues pour la
plus grande partie de la Résistance (programme du CNR de 1943).
C) La mise en place d’un Etat interventionniste
Le GPRF et la IVe République créent les bases d’un «Etat-providence» qui joue un rôle majeur
dans la vie économique et sociale du pays. Le préambule de la constitution de 1946, qui fait
encore partie du «bloc constitutionnel» aujourd’hui - seule survivance de la IVe République -
donne les principes selon lesquels la République sera organisée. Les nécessités de l’après-guerre
justifient le rétablissement de l’autorité de l’Etat qui doit prendre en charge la reconstruction
politique, économique et sociale. La constitution de 1946 renforce une conception centralisée et
keynésienne de l’Etat.
Le GPRF crée les IEP et l’ENA (Ecole nationale d’administration, ordonnance du 9 octobre 1945)
afin d'assurer aux futurs hauts fonctionnaires une formation effective, homogène et de haut niveau,
ainsi que de permettre l'accès de ces fonctions aux seuls éléments méritants, indépendamment de
leur origine sociale. Il met en place la Sécurité sociale (ordonnance du 19 octobre 1945) et des
allocations familiales (loi du 22 août 1946), fondements de l'Etat-providence en France.
L’»interventionnisme» de l’Etat signifie avant tout qu’il devient un acteur économique important. Un
grand nombre d’entreprises est nationalisé, comme, par exemple, les houillères (Charbonnages de
France, 1944), Renault, Air France, les 4 banques les plus importantes ainsi que la Banque de
France (1945), EDF/GDF et les 11 plus grandes compagnies d’assurance (1946). Cette politique
transcrit l’idée d’une «Troisième voie» entre communisme et capitalisme, en mettant en place une