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Thème 3: Les échelles de gouvernement dans le monde
3.1. Gouverner la France depuis 1946: Etat, gouvernement et administration. Héritages et
évolutions.
La France constitue un des États nations les plus anciens du monde. Très tôt, une administration
s’est organisée pour contrôler et gérer le territoire. Après la défaite de 1940 et la Libération, cette
administration est totalement décrédibilisée par la collaboration sous le régime de Vichy. Comment
le gouvernement et l’administration de la France se réorganisent-ils après 1945 ? Comment cette
organisa;on évolue-t-elle jusqu’à aujourd’hui ?
Après 1945, l’Etat cherche à retrouver une légitimité après la Seconde Guerre mondiale.
Puis, à partir de 1958, il s’adapte aux nouvelles attentes de la population sous la pression du
général de Gaulle.
Enfin, à partir de la fin des « Trente Glorieuses », l’Etat français se réorganise en raison de
l’influence de nombreux éléments intérieurs comme extérieurs.
I. La refondation de l’Etat après la Seconde Guerre mondiale (1945-58)
A) La République refondée par la Libération
Problème de l’Occupation et du régime de Vichy: La France doit faire oublier la «débâcle» et la
collaboration, le pays est profondément divisé, la République doit être rebâtie. La Libération donne
l’occasion de mettre en place des symboles forts: les valeurs républicaines, la glorification de la
Résistance, le général de Gaulle qui a une grande légitimité grâce à l’appel du 18 juin 1940 et la
France libre.
GPRF: contient toutes les forces de la Résistance (gaullistes, PCF, MRP, SFIO). Le premier acte
du GPRF est de s'opposer à la mise en place d'une administration militaire américaine intérimaire.
Il poursuit la guerre et organise l'épuration (procès de Philippe Pétain en juillet-août 1945) en la
mettant sur une base légale et en refrénant les excès. Ce sont les commissaires de la République
qui sont en première ligne (en fonction de 1944 à 1946). Issus de la résistance intérieure française
ou, en majorité, de la France libre, ils ont un rang équivalent à celui de ministre, et ne relèvent que
du général de Gaulle. Hormis leurs autres fonctions, ils ont à assurer le ravitaillement de leur
région et la remise en route de l'économie locale. Enfin, en 1945, ils doivent gérer le retour des
prisonniers, des déportés politiques et juifs, et des requis du STO.
Le 20 janvier 1946, le général de Gaulle démissionne car il est en désaccord avec le projet de
constitution qui prévoit une démocratie parlementaire sans pouvoir présidentiel fort. Le 13 octobre
1946, la constitution de la IVe République est adoptée par référendum.
D'après l'article 5 de la constitution, « le Parlement se compose de l'Assemblée nationale et du
Conseil de la République ». Toutefois, le pouvoir législatif réside au début de la Quatrième
République dans la seule Assemblée nationale, en vertu de l'article 13 qui dispose que
« l'Assemblée nationale vote seule la loi ». Elle fixe elle-même la durée de ses sessions (au moins
8 mois par an) ; elle fixe son ordre du jour ; elle vote les lois et l'investiture du gouvernement. Elle
a peu de contrepoids. La seconde chambre, le Conseil de la République, a uniquement un rôle
consultatif en 1946, mais elle intervient de plus en plus activement dans la législation. Le président
de la République est élu par le Congrès (Assemblée nationale et Conseil de la République) pour
sept ans. Il dispose du droit de grâce et demeure chef des armées. Il désigne le président du
Conseil. Le président du Conseil est responsable devant l'Assemblée nationale qui doit l’élire avec
une majorité absolue.
En janvier 1947, dans le contexte du début de la Guerre froide et suite à une vague de grèves
qu’elle a soutenues, le PCF est exclu du gouvernement et devient la deuxième force opposé au
système de la IVe République à côté des gaullistes (fondation du RPF, Rassemblement pour la
France, également en 1947).
B) La continuité de l’Etat malgré l’instabilité ministérielle
La IVe République est marquée par une grande instabilité ministérielle, mais l’Etat continue à
fonctionner, et l’économie se relève (début des «30 Glorieuses»)
La première raison pour l’instabilité gouvernementale sont les élections proportionnelles (autant de
sièges que de votes dans la population), qui forcent les partis de la «Troisième force» (SFIO,
MRP, radicaux) à fonder des coalitions (= accords entre différents partis pour gouverner
ensemble). S’y ajoutent l’opposition des gaullistes et des communistes au système, et les guerres
de décolonisation (Indochine 1946-54, Algérie 1954-62). La IVe République connaît 22
gouvernements en 11ans et demi. Le président du Conseil peut être soumis à un vote de
confiance devant la Assemblée, s’il n’obtient pas la majorité absolue, il est contraint de
démissionner avec son gouvernement.
Les gaullistes sont contre le système parlementaire, car de Gaulle voulait avoir un pouvoir
présidentiel fort dans la constitution et avait démissionné en 1946 car son projet ne trouvait pas de
majorité au sein du gouvernement provisoire et de l’Assemblée constituante. Il n’occupe pas de
fonction politique de 1946 à 1958 («traversée du désert»), mais son mouvement politique, le RPF,
reste très actif et combat le système institutionnel de la IVe République. Les communistes,
également exclus du gouvernement depuis 1946, suivent les instructions de Moscou qui souhaite
déstabiliser les gouvernements en Europe occidentale pour préserver ses intérêts et renforcer la
position des partis communistes.
Un exemple est la construction européenne: Robert Schuman (MRP) appelle à la création de la
CECA le 9 mai 1950, mise en place par le Traité de Paris en avril 1951. Mais le projet d’une
Communauté européenne de défense (CED), proposé par René Pleven, également en 1950, est
rejeté en 1954 par les députés gaullistes et communistes dans l’Assemblée nationale (premier
échec de la construction européenne). Les gaullistes votent contre car ils veulent garder la
souveraineté de la France intacte, les communistes car une armée commune renforcerait l’Europe
occidentale. Les deux font appel à la peur de l’armée allemande, sur le point d’être recréée pour
être intégrée dans la CED, car la mémoire de la 2nde Guerre mondiale est encore vive.
Malgré cette instabilité ministérielle, l’état continue à fonctionner, surtout grâce à la haute fonction
publique. La IVe République a également à son crédit des idées politiques fortes, issues pour la
plus grande partie de la Résistance (programme du CNR de 1943).
C) La mise en place d’un Etat interventionniste
Le GPRF et la IVe République créent les bases d’un «Etat-providence» qui joue un rôle majeur
dans la vie économique et sociale du pays. Le préambule de la constitution de 1946, qui fait
encore partie du «bloc constitutionnel» aujourd’hui - seule survivance de la IVe République donne les principes selon lesquels la République sera organisée. Les nécessités de l’après-guerre
justifient le rétablissement de l’autorité de l’Etat qui doit prendre en charge la reconstruction
politique, économique et sociale. La constitution de 1946 renforce une conception centralisée et
keynésienne de l’Etat.
Le GPRF crée les IEP et l’ENA (Ecole nationale d’administration, ordonnance du 9 octobre 1945)
afin d'assurer aux futurs hauts fonctionnaires une formation effective, homogène et de haut niveau,
ainsi que de permettre l'accès de ces fonctions aux seuls éléments méritants, indépendamment de
leur origine sociale. Il met en place la Sécurité sociale (ordonnance du 19 octobre 1945) et des
allocations familiales (loi du 22 août 1946), fondements de l'Etat-providence en France.
L’»interventionnisme» de l’Etat signifie avant tout qu’il devient un acteur économique important. Un
grand nombre d’entreprises est nationalisé, comme, par exemple, les houillères (Charbonnages de
France, 1944), Renault, Air France, les 4 banques les plus importantes ainsi que la Banque de
France (1945), EDF/GDF et les 11 plus grandes compagnies d’assurance (1946). Cette politique
transcrit l’idée d’une «Troisième voie» entre communisme et capitalisme, en mettant en place une
économie mixte avec un secteur public important qui contrôle les domaines-clés de l’économie,
mais également un secteur privé performant, soutenu par l’Etat. Le Commissariat général au plan
est mis en place en 1946 et géré par Jean Monnet (qui prendra en 1951 la présidence de la Haute
Autorité de la CECA). Ce commissariat, qui sera supprimé en 2006, crée des plans quinquennaux
qui donnent les grandes orientations économiques, les secteurs à développer, les priorités pour
l’attribution de subventions de l’Etat etc.
II. L’Etat français sous la général de Gaulle et ses successeurs (1958-81)
La Guerre d’Algérie conduit, en 1958, à la chute de la IVe République. Le général de Gaulle
revient au gouvernement et crée, en réaction à la IVe République, un régime fortement soumis au
pouvoir exécutif. Ce changement se répercute sur le fonctionnement de l’administration et sur
l’action de l’Etat.
A) Le renforcement du pouvoir présidentiel
Dans la nuit du 13 au 14 mai 1958, l’armée et les colons français en Algérie créent un «Comité du
salut public» et revendiquent le retour du général de Gaulle au gouvernement. Ils espèrent pouvoir
ainsi garder l’»Algérie française». Le 1er juin, le président René Coty le désigne comme président
du Conseil suite à un vote de l’Assemblée nationale. Il est doté des pleins pouvoirs (gouvernement
par ordonnance sans passer par la voie parlementaire) pendant 6 mois pour mettre en place une
nouvelle constitution. Les principaux rédacteurs en sont le général de Gaulle et Michel Debré,
défenseur d’un exécutif à 2 têtes (Président et Premier ministre).
La nouvelle constitution est adoptée par référendum le 28 septembre 1958. Le président de la
République est doté d’un pouvoir fort. Il représente la République dans ses relations avec les pays
étrangers, nomme le Premier ministre et le gouvernement. Il peut prononcer la dissolution de
l'Assemblée nationale (art. 12). En outre, il dispose de deux sortes de pouvoirs inhabituels dans la
tradition française : le recours au référendum (art.11) et les pouvoirs exceptionnels en cas
d’urgence (art. 16). Les élections présidentielles et législatives se déroulent selon un scrutin
majoritaire à 2 tours: le 1er tour désigne les 2 candidats les plus forts qui doivent aller au 2e tour
où le candidat gagnant doit réunir plus de 50% des voix. Ce mode de scrutin favorise le
bipartisme: seules les deux formations politiques les plus fortes ont une chance réelle de
gouverner le pays (aujourd’hui: PS et UMP).
En 1962, le général de Gaulle modifie la constitution une dernière fois par référendum: le président
est désormais élu « au suffrage universel direct » (art. 6), ce qui lui donne un poids politique
considérable. Les premières élections présidentielles selon ce modèle se déroulent en 1965, entre
le général de Gaulle et le candidat de gauche, François Mitterrand, soutenu par la SFIO et le PCF.
Le général de Gaulle remporte le scrutin au 2e tour, avec un peu plus de 55% des voix.
B) L’Etat au service de l’exécutif
Pendant la Ve République, la haute fonction publique joue toujours un rôle majeur. Elle ne
concourt plus désormais à la continuité de l’Etat, mais elle est utilisée comme instrument fort du
pouvoir central.
Les hauts fonctionnaires du gouvernement de Gaulle sont souvent issus de la Résistance ou des
Forces françaises libres, il s’agit de personnes fidèles au général et hautement qualifiées
(diplômés en économie, droit, ou encore de l’ENS). Les énarques (diplômés de l’ENA) prennent
peu à peu la relève à partir des années 1970, sous les présidents Pompidou et Giscard d’Estaing.
L’exemple-type d’un parcours de haut fonctionnaire est Paul Delouvrier. Diplômé de droit,
inspecteur des finances, il rejoint la Résistance intérieure en 1943 et dirige un maquis gaulliste en
1944. Sous la IVe République, il occupe de hautes responsabilités dans les cabinets ministériels,
l'administration financière et les premières institutions de l'Europe. Il est membre de l'équipe initiale
de Jean Monnet lors de la mise en place du Commissariat au plan. En 1948, il participe à la
création de la TVA. Il rejoint Jean Monnet à Luxembourg, où il dirige la division Finances de la
Haute Autorité de 1955 à 1958. Il contribue aussi en tant qu'expert à l'élaboration des traités de
Rome (création de la CEE - Communauté économique européenne, prédécesseur de l’Union
Européenne - et d’Euratom 1957).
En 1958, il est nommé par le général de Gaulle délégué général du gouvernement en Algérie de
1958-60, chargé de la « pacification » du conflit.
Il est considéré comme le père des «villes nouvelles» (Pontoise, Evry etc.), créées dans les
années 1960 pour désengorger la capitale. Il est ensuite préfet de la région parisienne et président
d'EDF où il lance le programme électro-nucléaire (le nucléaire civil étant considéré à l’époque, pas
seulement en France, comme l’énergie de l’avenir).
Le parcours de Paul Delouvrier nous amène aux priorités politiques et économiques de la Ve
République jusqu’en 1981 et le rôle toujours plus fort de l’Etat qui marque cette période, même s’il
commence à être remis en question suite aux chocs pétroliers.
C) L’interventionnisme croissant
Le général de Gaulle croit, comme la plupart des hommes politiques issus de la Résistance, en un
Etat fort, amené à réguler l’économie, à réduire les inégalités sociales et ainsi à réformer la
société. Les compétences de l’Etat se renforcent pendant sa présidence, mais cette évolution va
être infléchie sous ses successeurs dans les années 1970.
L’Etat élargit ses missions pendant les années 1960. En 1963, la DATAR (Direction de
l’aménagement du territoire et de l’action régionale) est créée. Elle planifie le développement
économique de l’ensemble du territoire français: création de technopôles (Grenoble, Toulouse,
Nice, p.ex.), développement du tourisme (stations balnéaires, cf. La Grande Motte ou de ski, cf. les
Trois vallées), mise en place de zones industrielles, création d’infrastructures (autoroutes, voies
ferrées).
Des projets industriels sont lancés: La SNCF développe le projet du TGV (qui voit le jour
finalement en 1974 sous Georges Pompidou), le consortium Airbus (au départ franco-allemand,
plus tard avec l’Espagne et la Grande-Bretagne en plus) est crée en 1970. La France devient un
acteur mondial dans le domaine du nucléaire civil. La plupart des entreprises du CAC 40 émergent
pendant cette époque car l’Etat encourage les fusions des banques, assurances, mais soutient
aussi des entreprises industrielles (Alstom), énergétiques (EDF, ELF Aquitaine) et
pharmaceutiques. Le but est de créer des «champions français» dans des domaines-clés, aptes à
se mesurer à la concurrence internationale.
La crise économique qui s’installe dans les années 1970 freine le soutien de l’Etat à des projets
industriels. Le président Giscard d’Estaing arrête par exemple les aides financières destinées à la
Compagnie Internationale pour l'Informatique (CII), créée en décembre 1966 («Plan Calcul»:
développement d’une entreprise internationale d’origine française dans le secteur de
l’informatique). L’entreprise, qui représente 13% des ventes d’ordinateurs en Europe est absorbée
par Honeywell-Bull (USA) en 1975 et cesse d’exister en 1982. L’audiovisuel public est libéralisé
sous Giscard avec la séparation de la télévision d’État et de la radio publique devenue Radio
France.
Des réformes sociétales annoncent un changement du rapport entre Etat et société. La majorité
civile est abaissée de 21 à 18 ans en 1974. La dépénalisation de l’avortement est décidée (loi Veil
1975), ainsi que le divorce par consentement mutuel. La société devient plus individualiste, et la
crise économique contribue à une remise en question de l’autorité de l’Etat qui dure jusqu’à nos
jours.
III. L’érosion du pouvoir de l’Etat (1981-2012)
La fin des «Trente Glorieuses» remet le rôle de l’Etat en question. La Ve République connaît des
changements dans le fonctionnement des institutions, le rôle économique de l’Etat et
l’administration du territoire.
A) La Ve République essaie de s’adapter, tout en restant interventionniste, on passe du
gouvernement à la gouvernance
Déf.:
gouvernement = diriger un Etat, p.ex. (exercer le pouvoir et administrer)
gouvernance = gérer, accompagner
L’élection de François Mitterrand en mai 1981 marque un tournant: c’est le premier président
socialiste élu sous la Ve République. La population espère que la gauche mettra fin à la crise (1
million de chômeurs en 1981). Le gouvernement PS/PCF sous Pierre Mauroy essaie de répondre
à la crise économique par des méthodes keynésiennes: 39h, 5e semaine de congés payés,
abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, nouvelles nationalisations. Les réformes sociétales
se poursuivent: abolition de la peine de mort, libéralisation des radios (mise en place de stations
privées, 1982).
Mais la politique du gouvernement de gauche, à contre-courant des tendances libérales en Europe
et ailleurs (Thatchérisme en Grande-Bretagne, libéralisation progressive de l’économie en
Allemagne, «Reagonomics» aux Etats-Unis), est un échec. On enregistre une fuite des capitaux,
et le Franc dévalue rapidement. Le chômage ne baisse pas. Dès mars 1983, le gouvernement
Mauroy adopte une politique de rigueur, les communistes sortent du gouvernement. Le
nationalisations sont arrêtés, et l’Etat réduit les dépenses publiques.
En 1986, l’opposition (RPR - Rassemblement pour la République, prédécesseur de l’UMP) gagne
les élections législatives. La 1ère cohabitation commence (président: Mitterrand, 1er ministre:
Jacques Chirac), et elle affaiblit l’autorité de l’exécutif. Le gouvernement Chirac décide la
privatisation de 85 grandes entreprises, en vue de recentrer l’Etat sur ses fonctions régaliennes (=
fonctions d’origine: police, justice, armée). Mitterrand est réélu en 1988, il dissout l’Assemblée
nationale pour obtenir une majorité de gauche. Michel Rocard devient 1er ministre, et le
gouvernement applique de nouveau des méthodes keynésiennes avec la mise en place du RMI,
entre autres.
S’ensuivent encore 2 cohabitations: 1993-95 (Mitterrand/Balladur) et 1997-2002 (Chirac/Jospin).
Les gouvernements n’arrivent plus à suivre une ligne politique claire, comme le montre clairement
la présidence Chirac (1995-2007). En 1995, un gouvernement de droite sous Alain Juppé est
formé et se donne comme objectif d’assainir les finances publiques pour préparer la France à
l’entrée dans l’Euro. Les privatisations reprennent. Les cotisations maladie sont augmentées pour
équilibrer le budget de la Sécurité sociale, y compris pour les retraités et les chômeurs. Le salaire
des fonctionnaires est gelé. Mais suite à l’impopularité croissante du gouvernement, Chirac dissout
l’Assemblée nationale (un geste qui n’a jamais pu être vraiment expliqué), ce qui porte un
gouvernement de gauche sous Lionel Jospin au pouvoir (coalition PS/PCF/Verts). Il applique une
politique contraire à celle de Juppé: emplois-jeunes financés par des subventions publics, loi des
35h (1999)... Les cohabitations conduisent à une modification constitutionnelle instaurant le
quinquennat en 2000 (pour les élections de 2002). La remise en cause du pouvoir présidentiel par
l’opinion publique a pour conséquence une autre modification en 2008 qui renforce les
prérogatives du Parlement.
La politique indécise des années 1990 et du début des années 2000 accélère la perte de légitimité
de l’action de l’Etat qui perd progressivement le contrôle de l’économie.
B) L’Etat contesté à l’échelle supranationale
Ce ne sont pas seulement les privatisations qui diminuent l’emprise de l’Etat sur l’économie, mais
aussi des influences extérieures: la mondialisation et l’intégration européenne. 83% de la
législation économique relèvent aujourd’hui de la compétence communautaire (= sont du ressort
de l’Union Européenne). La politique européenne est plutôt libérale: elle soutient l’augmentation
des échanges et la libre concurrence. Grâce à cela, l’UE est toujours (malgré la crise de l’Euro) le
plus grand marché intérieur de la planète.
Mais cette politique va à l’encontre du modèle français: elle remet en question le poids de l’Etat
dans l’économie, p.ex. ses participations dans des grandes entreprises comme EDF ou les
subventions publiques pour certains secteurs économiques. Le marché français des
télécommunications a été ouvert à la concurrence le 1er janvier 1998, celui de l’énergie le 1er
juillet 2007. Des opérateurs privés s’installent.
Les exigences de la mondialisation accélère la mutation du modèle français : la mise en
concurrence de la quasi-totalité des pays du globe va à l’encontre de l’Etat-providence (en France,
mais aussi dans d’autres pays européens) car les entreprises ne sont plus prêtes à le financer.
L’augmentation du chômage (3,5 millions, 10% de la population active) pèse sur les finances de la
Sécurité sociale. Le secteur public représente toujours 57% du PIB, plus que dans tous les autres
Etats de l’UE .
Les moyens d’action de l’Etat sont donc plus limités : la mondialisation des échanges facilitée en
Europe par la construction européenne a changé la donne, et l’Etat français doit faire face à un
processus de construction politique supranationale et à une recherche de gouvernance mondiale.
C) Décentralisation et déconcentration : la montée en puissance des régions
Décentralisation: transfert de pouvoir à l’échelle locale, p.ex. par le renforcement des collectivités
territoriales
Déconcentration: transfert d’activités économiques ou administratives jusque-là concentrées au
niveau central à l’extérieur
L’Etat est également contesté par la montée des pouvoirs locaux. La loi Defferre de 1982 crée les
Conseils régionaux dont les députés sont élus lors des élections régionales. Le Conseil général
devient l’exécutif départemental. La tutelle des préfets de région et de département est enlevée et
remplacée par un contrôle de légalité à postériori. Région et département sont dotés de leurs
propres budgets, financés grâce aux impôts locaux. La région s’occupe du développement
économique, des transports régionaux (TER) et du financement des lycées, par exemple. Le
département gère les aides sociales, entretient les routes départementales et finance les collèges.
Comme la politique de l’UE a tendance à privilégier l’échelon régional et à renforcer la coopération
entre régions de différents pays (coopération transfrontalière ou interrégionale), la tendance à la
décentralisation s’en trouve renforcée. Les élections régionales et départementales prennent de
plus en plus d’importance, surtout quand elles se déroulent en décalage avec les élections
nationales, dans ce cas, elles renforcent généralement l’opposition.
Mais en France l’échelon local a toujours moins de poids que dans des états fédéraux comme
l’Allemagne, la Suisse ou l’Espagne: le «millefeuille territorial» empêche un véritable contrepouvoir au gouvernement central, les budgets des régions et départements représentent environ
1/10e des budgets des Länder allemands, et les régions ont été, jusque-là, trop petites (d’où la
fusion des régions, initiée par le président Hollande, qui sera mise en œuvre pour les prochaines
élections régionales).
Conclusion: Fondée en 1946 en opposition à la France de Vichy, la IVe République fait de l’Etat
un acteur essentiel de la vie des Français malgré une instabilité politique et grâce à la stabilité de
l’administration. Son remplacement par la Ve République, en 1958, ne remet pas en cause la
place de l’Etat malgré les débuts de la crise économique, seule l’influence de l’exécutif se
renforce. Après 1986, la situation change tant sur le plan politique qu’administratif provoquant un
certain recul de la place de l’Etat en France, aujourd’hui concurrencé et par les régions et par l’UE.
On est face à un Etat désormais délégitimé, considéré comme moins utile et moins efficace pour
soigner, éduquer, industrialiser…, comme le dit P. Rosanvallon: « Le comportement pédagogique
et paternaliste de l’Etat vis-à-vis de la société a perdu sa légitimité et sa raison d’être ».
L’État a cessé d’être tout puissant. Son périmètre d’action se réduit. Il est concurrencé par d’autres
échelles de gouvernement et voit reculer ses marges de manœuvre dans un contexte de
mondialisation. Mais ce recul doit être nuancé, l’Etat conserve, en droit comme en fait, une
présence et des moyens d’action qui restent déterminants (ex.: importance de la politique
économique - la partie qui reste dans la compétence de l’Etat comme l’imposition ou la politique
sociale - dans le cadre de la crise actuelle).
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