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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2009
Les États généraux de la neutropénie fébrile
les essais. D’autres facteurs entrent en jeu :
le nombre de lignes de traitements préa-
lables jouant un rôle important dans cette
incidence ; l’association à une radiothérapie
concomitante ou préalable ; l’utilisation de
G-CSF ou non, et avec quelle intention (en
prévention primaire ou secondaire) ; enfi n, la
politique du centre d’exercice vis-à-vis d’une
NF (report de cure, réduction de dose, etc.)
est une variable non négligeable.
Quant à la prévention de la NF, les recom-
mandations de l’ASCO en matière de pro-
phylaxie primaire par G-CSF sont rappelées :
indication d’un facteur de croissance héma-
topoïétique si l’incidence attendue de sur-
venue d’une NF est supérieure à 20 %, ou
lorsque le risque est moindre, mais que des
facteurs de risque tels que les traitements
antérieurs multiples, les irradiations éten-
dues, les protocoles de chimio-radiothéra-
pie, l’infi ltration médullaire, la dénutrition, la
présence d’une infection, le stade avancé de
la maladie et la présence d’une comorbidité
grave sont associés. Enfi n, et toujours selon
ces recommandations, le traitement d’un
patient âgé atteint d’un lymphome malin
non hodgkinien (LMNH) par un protocole
CHOP ou similaire constitue une indication
à la prophylaxie primaire.
En effet, l’incidence de la neutropénie de
grade 3-4 est de 65 % et celle des infec-
tions, de 27 %, selon une étude récente de
D.O. Persky et al. (1). Le risque est majoré
par l’instauration du rituximab, et lors du
premier cycle du fait de la lyse tumorale
importante à ce stade, comme l’avait déjà
indiqué Bertrand Coiffi er. Un site Internet,
www.toxcalculator.com, permet de prévoir le
risque de NF et d’orienter ainsi les modalités
de cette prévention. Cet outil utilisé par les
hématologues allemands pourrait s’avérer
très utile en pratique.
Une méta-analyse de la Cochrane Library,
portant sur 12 essais randomisés et
1 823 patients a permis de mettre en évi-
dence le bénéfi ce de l’utilisation des fac-
teurs de croissance hématopoïétiques dans
le traitement des lymphomes avec un impact
majeur sur la réduction des neutropénies de
grade 3-4 (RR : 0,67 [0,60-0,73]), des NF (RR :
0,74 [0,62-0.89]) et des infections sévères
(RR : 0,74 [0,64-0,85]) ; en revanche, sans
infl uence sur la survie globale, la survie sans
progression et la mortalité infectieuse (2).
Quant au type de G-CSF prescrit en prati-
que quotidienne, les réponses des médecins
interrogés à propos du cas clinique proposé
révèlent que les praticiens (55 % d’entre eux)
utilisent en majorité des G-CSF classiques.
Or, une étude a souligné l’avantage, certes
non signifi catif, de l’utilisation du pegfi lgras-
tim par rapport au fi lgrastim lors d’un traite-
ment par R-CHOP-14 sur le nombre de cycles
administrés et la fréquence des réductions
de doses, permettant respect de la dose-
intensité (3), celui-ci ayant une infl uence
bénéfi que sur la survie.
Il ressort également de l’enquête que les
modalités d’utilisation des G-CSF classiques
sont très variables : instauration du traite-
ment entre le 4e et le 8e jour (majoritairement
au 6
e
jour), durée d’administration de 6 à
10 jours (majoritairement pendant 6 jours).
Les données de la littérature démontrent
que l’apparition du nadir est retardée avec le
délai d’administration du G-CSF et qu’il serait
préférable de commencer le traitement à J4.
Quant à la durée optimale de traitement, elle
est encore méconnue.
L’utilisation du pegfi lgrastim permettrait
d’optimiser la prévention en évitant des
pratiques peu effi caces, du fait des moda-
lités de prescriptions de G-CSF classiques
encore mal précisées.
NEUTROPÉNIES FÉBRILES ET CANCERS
BRONCHO-PULMONAIRES
D’après Christos Chouaid (CHU Saint-
Antoine, Paris)
Dans le cadre des cancers broncho-pulmo-
naires, les facteurs de risque de survenue
d’une NF sont comparables à ceux rencon-
trés lors du traitement des patients atteints
d’hémopathies lymphoïdes. À ces facteurs de
risque s’ajoutent le terrain souvent fragilisé
de ces patients et d’autres facteurs de risque
hématologique associés tels que le nadir au
premier cycle, le taux d’hémoglobine, une
lymphopénie initiale inférieure à 700 ou une
lymphopénie inférieure à 500 à J5, lors du
cycle précédent (4). Chez ces patients, il sem-
ble que la NF survienne plus volontiers lors
des premiers cycles et représente 65 % des
hospitalisations durant les 2 premiers cycles.
Pourtant, d’après l’étude de J. Crawford et
al. (5), la prévention est simple et très effi -
cace, avec une réduction signifi cative du taux
de NF (70 % versus 40 % [p < 0,001]), de sa
durée (6 jours versus 1 jour), et une réduc-
tion de moitié des épisodes d’infections,
d’utilisation des antibiotiques et des jour-
nées d’hospitalisations. L’effi cacité du peg-
fi lgrastim paraît ainsi au moins équivalente
à celle des G-CSF classiques selon plusieurs
études et une méta-analyse (6-8).
L’incidence des NF chez ces patients est fré-
quente avec les protocoles de chimiothérapie
classiquement utilisés, notamment dans le
traitement des cancers bronchiques à petites
cellules mais aussi non à petites cellules,
d’autant plus que s’ajoutent progressive-
ment de nouveaux agents thérapeutiques qui
accentuent le risque (bévacizumab, erlotinib,
cétuximab, etc.). Il est donc très important
d’appréhender ce risque et d’en assurer la
prophylaxie de façon homogène, simple et
effi cace.
NEUTROPÉNIES FÉBRILES ET CANCERS
DU SEIN
D’après Étienne Brain (centre René-
Huguenin, Saint-Cloud) et Joseph Gligorov
(AP-HP-Tenon, Paris)
En ce qui concerne les cancers du sein, l’in-
cidence des NF chimio-induites est là encore
très élevée et celle des complications infec-
tieuses est liée à l’âge élevé, un état général
altéré, la survenue d’un épisode lors d’une
hospitalisation, la progression tumorale, une
immunodépression associée, une comorbi-
dité sévère, des mauvaises conditions de
suivi ou de réactivité, des signes de gravité
au premier examen, etc. (9, 10).
Les protocoles de chimiothérapie utilisés dans
le cancer du sein sont nombreux et induisent
très fréquemment des NF avec leur lot de
complications, y compris en phase précoce
de la maladie ; l’utilisation de médicaments
hémato-toxiques tels que les anthracycli-
nes et les taxanes y participe fortement, et
plus souvent lorsque ces médicaments sont
associés (incidence de 3 % à 41 %). L’analyse
des essais majeurs testant les protocoles
actuellement en vigueur en phase adjuvante,
démontre une disparité importante dans la
prévention des complications hématologi-
ques et infectieuses. Il en est de même en
pratique quotidienne comme l’illustrent les
réponses aux cas cliniques proposés lors des
réunions régionales des États généraux.