Cas clinique et éducation thérapeutique du patient

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CAS CLINIQUE
Mots-clés :
Éducation thérapeutique – Neutropénie – Cancer du sein – Effets indésirables – Pharmacie clinique.
Keywords:
Therapeutic education – Neutropenia – Breast cancer – Adverse events – Clinical pharmacy.
Cas clinique et éducation thérapeutique
du patient
Clinical case and therapeutic patient education
L. Fellous*
L’éducation thérapeutique vise à aider les patients à acquérir ou
maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie
avec une maladie chronique.
Elle fait partie intégrante de la prise en charge du patient, de façon
permanente.
Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial,
conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des
soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements
liés à la santé et à la maladie.
Elle a pour but d’aider les patients, ainsi que leurs familles, à comprendre
leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs
responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à
maintenir et améliorer leur qualité de vie.
Encadré. Définition de l’éducation thérapeutique du patient (ETP),
selon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé-Europe
publié en 1996, Therapeutic Patient Education – Continuing Education,
Programmes for Health Care Providers in the field of Chronic Disease.
Cas clinique
Une femme, âgée de 61 ans, présente un cancer du sein.
La tumeur, de petite taille, est localisée au sein droit. L’imagerie
médicale ne met pas en évidence de métastases. La patiente
subit une chirurgie partielle et un curage axillaire : il s’agit d’une
tumeur T1 N+ RH+ HER 2−.
Le protocole suivant lui est alors proposé :
➤ 3 FEC 100 (5-FU + épirubicine + cyclophosphamide) : 1 cure
toutes les 3 semaines ;
➤ 3 docétaxel : 1 cure toutes les 3 semaines.
Avant les cycles de chimiothérapie, la prévention des nausées et
vomissements se fait par sétron avec ou sans métoclopramide
selon les cas (pour la patiente : traitement sans métoclopramide).
Huit jours après son retour chez elle, la patiente revient aux
urgences pour frissons et fièvre à 38,5 °C, sans altération majeure
* Interne en pharmacie, groupe hospitalier public du sud de l’Oise.
de l’état général, ni infection viscérale. Sa tension artérielle est à
12/8 mmHg. Le nombre de ses globules blancs s’élève à 150/mm3
avec baisse des neutrophiles et monocytes.
La neutropénie est imputée aux traitements anticancéreux fortement leuconeutropéniants.
La patiente est renvoyée à son domicile avec une antibiothérapie
per os pendant 48 heures, associant quinolones et céphalosporines + G-CSF (Granulocyte Colony-Stimulating Factor), et surveillance rigoureuse.
Une bonne prise en charge de la patiente permet une évolution
favorable. Cette complication motive pour le prochain cycle une
prophylaxie primaire par G-CSF avec ou sans réduction de dose
des anticancéreux. La patiente n’a pas eu de réduction de dose.
Devant les inquiétudes de cette patiente, et des nombreux patients
réhospitalisés pour neutropénie après chimiothérapie et conscients
du risque important de neutropénie à la suite de l’administration de la chimiothérapie, l’équipe soignante décide de mettre
en place un projet d’éducation thérapeutique permettant aux
patients exposés à ce risque d’acquérir des connaissances pour
mieux appréhender ce genre d’événements.
Programme d’éducation
thérapeutique
Tout comme le diabète ou la maladie de Parkinson, le cancer est
désormais reconnu comme une maladie chronique. Les projets
d’éducation thérapeutique sont de plus en plus tournés vers
cette pathologie pour permettre une meilleure prise en charge
du patient.
Complémentaires des soins, ces ateliers visent à renforcer l’implication du patient dans la gestion de sa maladie et de ses traitements.
L’objectif est donc d’assurer un apprentissage permettant so
autonomie, afin qu’il puisse réagir en fonction de la situation
clinique rencontrée.
Des ateliers d’une dizaine de patients volontaires sont organisés.
Leur animation est dirigée par une équipe pluridisciplinaire
de professionnels de la santé (infirmier [IDE], pharmacien,
médecin).
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 5 - mai 2012 |
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CAS CLINIQUE
Élaboration d’un référentiel éducatif sur un thème
retenu
En cancérologie, différents thèmes peuvent être abordés :
➤ l’apprentissage d’un nouveau régime alimentaire (après chimiothérapie) ;
➤ la prise en charge de la douleur : apprendre les mécanismes de
la douleur et comment la soulager ;
➤ l’observance ;
➤ la gestion des effets indésirables dus aux chimiothérapies.
Élaboration d’un programme d’éducation
thérapeutique sur les neutropénies fébriles
Plusieurs séances collectives sont donc organisées pour notre
patiente et d’autres malades. Elles sont dirigées par un ou plusieurs
professionnels de la santé (médecin, pharmacien, IDE).
◆ Diagnostic éducatif (1 à 2 séances)
Il s’agit de la synthèse des connaissances, représentations, besoins
et attentes du patient. Il est nécessaire de formuler avec lui les
compétences à acquérir, à mobiliser ou à maintenir tout en tenant
compte de ses priorités.
Cet atelier permet de sonder les participants sur leur niveau de
culture par des questions simples : “Que signifie pour vous le
terme ‘neutropénie’ ?”
◆ Contrat d’objectif (1 à 2 séances)
Ce contrat est conclu avec le patient par l’élaboration d’un
programme d’apprentissage.
Cet atelier permet cette fois la mise en situation des patients
afin de savoir quelles seraient les réactions face à un événement
clinique : “Comment reconnaître les signes d’une neutropénie ?”,
“Que devrez-vous faire si cela vous arrive ?” Cela leur permettra
de répondre à certaines questions du type : “Comment vérifier sur
une analyse biologique que tout va bien ?”, “Mes globules blancs
sont-ils à un niveau convenable ?”, “J’ai pris ma température, j’ai
38,2 °C, dois-je me rendre à l’hôpital ?”
L’acquisition de ces connaissances permet donc à chacun des
patients d’être plus autonome vis-à-vis de sa maladie.
◆ Évaluation (3 séances)
Il s’agit d’évaluer l’impact du programme, l’acquisition des connaissances et des comportements adaptés ainsi que le déroulement
des séances et leur adéquation avec les besoins du patient.
Un système d’évaluation est mis en place pour faire le point sur
les connaissances acquises lors de cet atelier : “La neutropénie
peut-elle entraîner la survenue d’une infection ?”, “La neutropénie
se traduit-elle par la baisse des globules rouges dans mon bilan
biologique ?”, etc. ; ainsi que sur le déroulement des séances et leur
contenu : “Satisfaction générale de participation”, “Appréciation
de l’animation, de la méthode utilisée”, “Ce programme répond-il
à vos attentes ?”, etc.
Une grille d’évaluation remise à chaque participant, par exemple,
peut permettre d’évaluer le bénéfice de l’action par le niveau de
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compétence acquis, l’accession à l’autonomie, la qualité de vie
atteinte, l’appréciation de l’animation et des méthodes pédagogiques.
Validation du programme
L’évaluation de la faisabilité et de l’efficacité du programme vise
à améliorer le processus d’éducation thérapeutique du patient.
Elle est en outre conçue pour permettre des réajustements ou des
réorientations des activités d’éducation thérapeutique du patient
et des pratiques professionnelles.
Ce programme d’éducation thérapeutique est donc évalué sur :
➤ ses finalités et objectifs ;
➤ les patients et proches concernés ;
➤ le contexte de sa mise en œuvre, pour une période donnée ;
➤ la qualité de la coordination de l’ensemble des activités d’éducation thérapeutique.
Cette évaluation débouche sur des questions essentielles.
➤ Ce programme peut-il être reconduit ?
➤ Les ressources internes sont-elles suffisantes pour accueillir
de nouveaux patients dans ce programme ?
➤ Peut-on proposer d’autres thèmes aux patients atteints de
cancer ?
Conclusion
La méthodologie de mise en place d’un programme d’éducation thérapeutique est diverse et variée (séances collectives ou
individuelles, participation de l’entourage du patient, etc.). La
structure ci-dessus ne fait en aucun cas office d’exemple type de
méthodologie mais reprend cependant les principaux points à
développer. Cette mise en place est naturellement faite en fonction des besoins rencontrés dans une structure particulière pour
des patients particuliers.
Le programme d’éducation thérapeutique dans le domaine de la
cancérologie est une voie dans laquelle de nombreux professionnels de la santé devraient trouver leur place, tant la demande des
patients de ne plus être simples spectateurs de leur pathologie
est grande. Cependant, ces programmes ne sont encore que trop
rares au sein de nos établissements de santé.
■
Pour en savoir plus
1. Haute Autorité de santé. Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques. 2007. www.has-sante.
fr/portail/upload/docs/application/pdf/etp_-_guide_version_finale_2_pdf.pdf
2. Centre de lutte contre le cancer Jean-Perrin de Clermont-Ferrand. 2012. www.
oncocentre.org/acoresca/cnrc2010/doc2010/domchevrier.pdf
3. Coulon-Neveu M. Un parcours d’éducation thérapeutique pour les patients
atteints d’un cancer colorectal ayant nécessité une colostomie. 2012. www.
has-sante.fr/portail/jcms/c_926821/myriam-coulon-neveu-un-parcoursdeducation-therapeutique-pour-les-patients-atteints-dun-cancer-colorectalayant-necessite-une-colostomie
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