Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier HEMATOPOIESE L’hématopoïèse consiste en la prolifération et la maturation de cellules souches pour obtenir des cellules sanguines fonctionnelles et représentatives des différentes lignées. Deux caractéristiques évoluent en sens inverse : Ø La polyvalence ou pluripotence : capacité de se différencier en divers types cellulaires : cette propriété est l’apanage des cellules progénitrices. Ø La capacité de prolifération : d’autant plus importante que la cellule est plus différenciée. 1 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier La régulation de l’hématopoïèse et l’adaptation des besoins fait intervenir les facteurs de croissance hématopoïétiques. Ce sont des cytokines de nature glycoprotéiques. La spécificité d’action implique des récepteurs spécifiques présents sur les cellules cibles. Ces facteurs interviennent : Ø Dans le maintien de l’homéostasie Ø Pour permettre l’adaptation rapide à certaines situations pathologiques. 2 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier FACTEURS DE CROISSANCE HEMATOPOIETIQUES G-CSF G-CSF NATUREL 1) Structure Glycoprotéine de 20 kD, 174 AA. La partie glycosylée représente 4 % de la molécule. 2) Cellules productrices Fibroblastes cellules endothéliales monocytes:macrophages cellules stromales de la moelle osseuse 3) Cellules cibles Le G-CSF possède un récepteur de haute affinité sur : § précurseurs de la lignée granuleuse neutrophile § PN neutrophiles matures § certaines cellules malignes 4) Propriétés physiologiques Action sur les précurseurs neutrophiles Le G-CSF stimule la prolifération, le différenciation et la maturation de la lignée granulocytaire : § diminution du délai de formation d'un PN mature : 1.5 j au lieu de 7 § augmentation du nombre de PN produits chez le sujet sain par rapport au sujet non traité : facteur 10 § Le G-CSF multiplie par 100 le nombre de cellules souches hématopoiétiques présentes dans le sang : mobilisation périphérique des précurseurs. 3 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier Action sur les PN neutrophiles matures Le G-CSF augmente toutes les potentialités du PN neutrophile § Phagocytose § cytotoxicité Ac dépendante § activité bactéricide des PN par augmentation de la production d'ions superoxydes § migration des PN vers les tissus périphériques à partir du sang. 4 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier UTILISATION DU G-CSF EN THERAPEUTIQUE G-CSF recombinants FORMES COMMERCIALISEES 1) lenograstim GRANOCYTE Protéine de 174 acides aminés glycosylée, 2 ponts disulfure, produite en cellules de Mammifères GRANOCYTE 13 : GRANOCYTE 34 : 13 MUI (réservé à l'usage pédiatrique) 34 MUI Administration IV et SC. 2) filgrastim NEUPOGEN Biosimilaires : ZARZIO, RATIOGRASTIM, TEVAGRASTIM, NIVESTIM Protéine non glycosylée de 175 AA possédant une méthionine supplémentaire, produite en cellules procaryotes : E. Coli. NEUPOGEN 30 : 300 µg NEUPOGEN 48 : 480 µg ZARZIO, RATIOGRASTIM, TEVAGRASTIM, NIVESTIM, ACCOFIL 30 MUI (300 µg) et 48 MUI (480 µg) Pour le NIVESTIM, il existe un dosage supplémentaire à 12 MUI (120 µg) Administration IV et SC. STATUT ADMINISTRATIF Liste I Disponibles en officine Prescription initiale hospitalière de 3 mois INDICATIONS THERAPEUTIQUES 1) Principe général Lutter contre les neutropénies en augmentant le nombre et la fonctionnalité des PN neutrophiles. Permettre une récupération plus rapide d'un taux acceptable de PN. Prévenir le principal danger : neutropénie fébrile et ses conséquences néfastes : risque infectieux mortel, antibiothérapie et hospitalisation. Augmenter le confort du malade et diminuer les coûts induits par les épisodes de neutropénie. 5 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier 2) Indications communes aux 2 G-CSF recombinants (filgrastim et lenograstim) a)neutropénies consécutives à une chimiothérapie cytotoxique Les neutropénies peuvent être accompagnées de fièvre (neutropénies fébriles) avec majoration importante du risque infectieux. Les épisodes neutropéniques induisent une diminution des doses et un espacement des cures de chimiothérapie: l'efficacité du traitement est compromise. Le G-CSF sera plus particulièrement associé à la chimiothérapie dans le cas de : o tumeurs solides : § cancer bronchique à petites cellules § cancer du sein § cancers urogénitaux § cancer de l'ovaire. o hématologie : § Lymphomes non hodgkiniens § LAL § LAM Sont exclues des affections onco-hématologiques les LMC et les syndromes myélodysplasiques Modalités d’administration NEUPOGEN et biosimilaires 5 µg/kg/jour voie SC ou IV (perfusion de 30 mn) 2 GRANOCYTE 150 µg/m /jour voie SC ou 5 µg/kg/jour 1 administration par jour. respecter un intervalle minimum 24 h après arrêt de la chimiothérapie. durée : jusqu'à récupération des PN (soit 10 à 14 jours en règle générale). Attention, chez les patients ayant reçu un traitement chimiotoxique on constate, dans les deux jours qui suivent le début du traitement une augmentation transitoire du taux de PN. Il ne faut pas en tenir compte et poursuivre le traitement jusqu’à la ré-augmentation des PN après le nadir avec récupération d’un taux normal de PN. Dans le cas de traitement chimiotoxique d’une LAM la durée de traitement pourra être plus longue et aller jusqu’à 38 jours. 6 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier Intérêt du G-CSF recombinant dans les neutropénies induites par la chimiothérapie PMN : Polymorphonuclear leucocytes c’est à dire polynucléaires neutrophiles L’administration de G-CSF exogène annule la sécrétion de G-CSF endogène mais produit une remontée plus rapide des neutrophiles (3 à 4 jours). Ce raccourcissement du délai de récupération permet de limiter le danger de neutropénie fébrile. Algorithme décisionnel pour la prophylaxie par le G-CSF Etape 1 Evaluation de la fréquence de la neutropénie fébrile (NF) associée au protocole de chimiothérapie concerné Risque de NF < 10 % Risque de NF 10 à 20 % Risque de NF > 20 % Etape 2 Evaluation des risques individuels majorant la fréquence : Age > 65 ans Maladie à un stade avancé Antécédents de NF Facteurs divers : mauvais état général, mauvais état de nutrition, sexe féminin , Hb < 12 g/dl Etape 3 Définir le risque global de NF pour le patient et le protocole concernés Risque global ≥20 % : prophylaxie par le G-CSF recommandée Risque global < 20 % : prophylaxie par le G-CSF non recommandée Redéfinir le risque à chaque cycle. 7 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier b) Neutropénies consécutives à la thérapie myélosuppressive précédant la greffe de moëlle osseuse Le G-CSF diminue la durée de l’épisode de neutropénie. NEUPOGEN : 10 µg/kg/jour jusqu'à dépassement du nadir puis 5 µg/kg/jour jusqu'à normalisation voie SC ou IV GRANOCYTE 150 µg/m2/jour voie IV c) Mobilisation de cellules souches progénitrices dans le sang circulant (CSP) Technique alternative à la greffe de moëlle osseuse. Les précurseurs sont récupérés par leucaphérèse. 1ère indication :mobilisation de cellules souches en vue d’une autogreffe chez un patient ayant subi une chimiothérapie myelosuppressive. 2 possibilités : • G-CSF seul administré à distance de la chimiothérapie: 10 µg/kg/jour en perfusion IV ou SC pendant 5 à 7 jours consécutifs. Une leucaphérèse à J5 suivie éventuellement d’une deuxième à J6 suffisent. • G-CSF administré dans la foulée de la chimiothérapie mylosuppressive : 5 µg/kg/jour tous les jours jusqu’à dépassement du nadir. Lorsque le taux de PNN est compris entre 0,5 et 5 109 /, procéder à la leucaphérése : une seule suffit dans la grande majorité des cas. 2ème indication : mobilisation de CSP chez le donneur sain en vue d'allogreffe : Le G-CSF est utilisé seul : 10 µg/kg/jour pendant 4 à 5 jours. Leucaphérèse à J5 plus évetuellement une deuxième à J6. Cette greffe allogénique de cellules souches représente un risque augmenté de réaction de greffon contre l’hôte par rapport à celui inhérent à la greffe de moëlle osseuse. 8 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier 3) Indications spécifiques du filgrastim NEUPOGEN et de ses biosimilaires Ø neutropénies sévères < 0.5. 109/l d'étiologies variées : § congénitales § cyclique § idiopathique Objectif : réduire l’incidence et la durée des épisodes infectieux 12 µg/kg/jour ou 5 µg/kg/jour par voie SC selon le type de neutropénie pour lancer le traitement. Par la suite, la posologie sera adaptée selon la réponse du patient pour maintenir un taux de PNN entre 1,5 et 10 . 109 /L. Ø traitement des neutropénies persistantes < 109/l chez les patients infectés par le VIH à un stade avancé dose initiale de 1 µg/kg/jour pouvant être augmentée jusqu’à 4 µg/kg/jour de façon à ramener le taux de PNN > 2. 109 /L. Maintenir cette valeur cible des PNN en administrant au long court 300 µg/jour de filgrastim un jour sur deux EFFETS SECONDAIRES Ils sont assez atypiques et difficiles à distinguer des troubles liés aux pathologies dans le cadre desquelles le G-CSF est prescrit. Accidents les plus fréquemment rencontrés = § douleur osseuse § fièvre § réactions cutanées au point d’injection Accidents plus graves mais rares : § anaphylaxie § bronchospasme § syndrome de fuite capillaire CONTRE-INDICATIONS 1) Générales § Allergie § Hémopathies myéloïdes § Intensification conjointe de la chimiothérapie § Administration en même temps qu’une chimiothérapie cytotoxique. 2) Spécifiques Neutropénie congénitale avec anomalies cytogénétiques. 9 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier G-CSF pégylé Pegfilgrastim NEULASTA 6 mg solution injectable SC seringue préremplie STRUCTURE Forme conjuguée covalente du G-CSF humain recombinant filgrastim avec une chaîne linéaire de PEG (polyéthylène-glycol) sur l'acide aminé N-terminal. PM de 39 kD STATUT ADMINISTRATIF Liste I Disponible à l’officine QUELQUES NOTIONS SUR LA PEGYLATION La pégylation est la fixation covalente d'une ou plusieurs molécules de PEG sur une protéine ou un polypeptide. PEG = polymère non toxique non immunogène soluble dans l'eau PM modulable et adaptable éliminé sans transformation : § Par le rein si PM < 20 kD § Par les selles si PM > 20 kD Intérêts : § augmentation de la demi-vie de la protéine par diminution de la filtration glomérulaire (augmentation de la taille) § ralentissement de la résorption après administration SC § diminution de l'immunogénécité de la protéine § diminution de la sensibilité à l'attaque protéolytique § augmentation de l'hydrosolubilité § diminution des interactions avec les protéines de surface. 10 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier CARACTERISTIQUES FILGRASTIM PHARMACOCINETIQUES DU PEG- ANC : Absolute Neutrophil Count INDICATION; SCHEMA THERAPEUTIQUE réduction de la durée des neutropénies et de l'incidence des neutropénies fébriles chez les patients traités par une chimiothérapie cytotoxique à l'exception des pathologies malignes myéloïdes. 6 mg en une injection SC unique, 24 heures après la fin de la chimiothérapie cytotoxique. EFFETS INDESIRABLES, CONTRE-INDICATIONS Cf NEUPOGEN 11 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier Plérixafor MOZOBIL Il ne s’agit pas d’un facteur de croissance hématopoïétique mais d’un composé susceptible d’augmenter la mobilisation des cellules souches dans le sang périphériques en synergie avec le G-CSF. Structure : antagoniste réversible et sélectif du récepteur CXCR4. Dérivé du bicyclame Mécanisme d’action : Il occupe la place, sur ce récepteur du ligand endogène le SDF 1a. Ce dernier permet un accrochage des cellules souches hématopoïétiques aux cellules stromales dans la niche hématopoïétique dans la moëlle osseuse. Lorsque le plérixafor (AMD3100) se fixe sur le CXCR4, l’accrochage aux cellules stromales ne pleut plus se faire et donc les cellules souches passent dans le sang. 12 Catherine Gozé, MCU-PH, laboratoire de Chimie Thérapeutique, Faculté Pharmacie Montpellier Indication : Mozobil est indiqué en association avec le G-CSF pour la mobilisation des cellules souches hématopoïétiques dans le sang périphérique avant leur collecte en vue d’une autogreffe chez les patients atteints de lymphome ou de myélome multiple dont les cellules se mobilisent mal. 20 à 25 % des sujets répondent mal au G-CSF seul. Cette association permet d’augmenter le nombre des sujets répondeurs en augmentant le nombre de cellules souches mobilisées par rapport au G-CSF utilisé seul. Effets indésirables : Erythème au point d’injection et troubles gastro-intestinaux. Modalités d’utilisation : Après 4 jours préalables de traitement par le G-CSF à 10 µg/kg, injection en SC du MOZOBIL 12 heures avant la cytaphérèse. 13