Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n
o 4 - octobre-novembre-décembre 2008
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revue
de pre
Transplantation hépatique
pour carcinome hépatocellulaire.
Attention à l’exposition élevée
aux inhibiteurs de la calcineurine
L’
inuence de l’immunosuppression
sur l’augmentation du risque de
récidive de carcinome hépatocellulaire
(CHC), et notamment l’exposition à
des taux élevés de ciclosporine, a été
antérieurement rapportée comme étant
un facteur indépendant prédictif de la
récidive tumorale après transplanta-
tion. Cette étude, réalisée à partir d’une
cohorte de 139 patients transplantés entre
1991 et 2006 pour CHC, rapporte de
nouvelles données concernant l’impact
réel de deux inhibiteurs de la calcineu-
rine (INC) sur la récidive tumorale de
CHC. Les patients ont été randomisés en
2 bras : tacrolimus (60 sujets) et ciclos-
porine (79 sujets). Les concentrations
résiduelles des INC étaient analysées à
J3, J7, J14, J30, M3, M6, M9 et M12.
L’exposition aux INC était calculée en
divisant l’ASC de l’INC par le temps
d’exposition au médicament, selon une
règle trapézoïdale pour chaque patient.
Les caractéristiques des patients étaient
comparables entre les 2 groupes ainsi que
les caractéristiques tumorales, à l’excep-
tion des patients hors critères de Milan et
de ceux aux grades histologiques 3 et 4,
signicativement plus fréquents dans le
groupe tacrolimus. La médiane de suivi
était de 3,6 ans (4 à 12 ans).
Une récidive tumorale est survenue
chez 12/60 (20 %) des patients sous
tacrolimus et chez 9/79 (11,4 %) des
patients sous ciclosporine. La propor-
tion des CHC faiblement différenciés
et des tumeurs avancées était signica-
tivement plus élevée dans le groupe de
patients sous tacrolimus. L’exposition au
tacrolimus était de 11,6 ± 1,5 ng/ml chez
les patients qui ont développé une réci-
dive tumorale et de 8,6 ± 1,7 ng/ ml chez
ceux qui n’ont pas présenté de récidive
(p < 0,001). La valeur seuil de l’exposi-
tion était de 10 ng/ ml pour le tacrolimus
(ASC = 0,913) et de 220 ng/ ml pour
la concentration résiduelle de ciclos-
porine (ASC = 0,752). Dans le groupe
tacrolimus, une exposition élevée au
tacrolimus était un facteur de risque
indépendant de récidive CHC. L’ana-
lyse multivariée, incluant les patients
sous tacrolimus et ciclosporine, a permis
d’identier l’exposition élevée aux INC
(p = 0,014), l’AFP supérieur à 50 ng/ml
en préopératoire (p = 0,001), le grade
histologique 2 ou 3 d’Edmondson et
Steiner (p = 0,009) et la présence d’une
invasion microvasculaire (p = 0,04)
comme facteurs indépendants prédic-
tifs de la récidive tumorale. L’incidence
de récidive tumorale en présence de
2 facteurs de risque ou plus est de 15 %
quand l’exposition aux INC est faible,
et elle est de 46,2 % quand celle-ci est
élevée (p = 0,025).
En conclusion, les INC doivent être
administrés à des posologies ciblant
des faibles concentrations. La place
des associations avec les anti-CD25, le
mycophénolate mofétil et, plus récem-
ment, les inhibiteurs des mTOR néces-
site une évaluation.
F. Saliba, hôpital Paul-Brousse,
centre hépato-biliaire, université Paris-Sud,
unité Inserm 785, Villejuif.
Vivarelli M, Cuchetti A, La Barba G et al. Liver trans-
plantation for hepatocellular carcinoma under calci-
neurin inhibitors: reassessment of risk factors for tumor
recurrence. Annals of Surgery 2008;248:857-62.
Les transplanteurs hépatiques
ont-ils toujours peur
de l’alcoolisme ?
C’
est évident pour les hépatolo-
gues anglo-saxons, comme en
témoignent ces 3 articles récents sur le
sujet.
Dans la méta-analyse de M.A. Dew
et al., le but était de rechercher, à partir
d’une sélection de 54 études menées
entre 1983 et 2005, les facteurs prédictifs
de récidive de l’alcoolisme après trans-
plantation hépatique (TH) [50 études] et
des autres greffes d’organes solides. Le
taux de rechute après TH était de 5,6 cas
par 100 patients-année (dont 2,5 cas de
récidive grave). Les facteurs démogra-
phiques et la plupart des données clini-
ques prégreffe étaient sans relation.
Des conditions socio-familiales défa-
vorables et des antécédents familiaux
d’alcoolisme étaient corrélés faiblement,
mais signicativement, avec la rechute
(R = 0,17-0,21). Une abstinence infé-
rieure à 6 mois était également associée,
avec une corrélation faible, à la récidive
alcoolique.
Ce critère de 6 mois d’abstinence est
maintenant tellement ancré dans les
consciences anglo-saxonnes qu’il est
en fait difcile de l’analyser. Dans le
travail de R. Gedaly, presque tous les
patients avaient une abstinence de plus
de 6 mois et 78 % avaient une abstinence
d’au moins 12 mois. Le pourcentage de
patients transplantés pour maladie alcoo-
lique du foie était de 38 % dans cette série
du Kentucky comportant 387 patients
transplantés entre 1995 et 2007, ce qui
est très supérieur à la moyenne améri-
caine (cause unique dans 12,6 % des cas
et associée dans 5,2 % des cas). La survie
à 1 et 5 ans a été de 96,2 % et 84,4 %,
et le taux de récidive de l’alcoolisme a
été de 19 %. La dénition de la récidive
était large : consommation avouée par
le patient ou la famille, quelle qu’en
soit l’importance. En analyse univariée
(facteurs socio-économiques, psycho-
logiques et l’étiologie de la maladie
causale), l’existence d’une dépression
était un facteur indépendant associé
à la survie (p = 0,01), et la récidive
avait un effet limite (p = 0,059). En
analyse multivariée, les deux facteurs
étaient associés à la survie (p = 0,008
et p = 0,017, respectivement). Le seul
facteur indépendant associé à la récidive
en analyse multivariée était une absti-
nence inférieure à 12 mois (p = 0,037).
La durée moyenne d’abstinence était
de 23,4 ± 16,4 mois chez les patients
rechuteurs, et de 50,1 ± 52 mois chez les
patients non rechuteurs (p = 0,009). Dans
cette série, la consommation de drogues
a été fréquente : consommation passée
ou en cours d’une drogue chez 47,4 %
des patients (narcotique : 17,5 %, mari-
juana : 28,5 %, cocaïne : 16,1 %, drogue
i.v. : 15,3 %). Après TH, seuls 17,2 % des
patients ont continué leur consomma-