MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 2 - mars-avril 2005
par la cigarette qui se consume) sur des rats. Compte tenu des habi-
tudes tabagiques (c’est-à-dire du sex-ratio très en faveur des hommes
dans la population des fumeurs) ayant eu cours jusqu’à la fin des
années 1970, il avait été avancé que la fumée produite à domicile par
l’entourage familial fumeur pourrait être impliquée dans la survenue
de cancers bronchiques chez des femmes non fumeuses. Dans les
années 1980, une étude suédoise démontrait l’augmentation du risque
de cancer bronchique chez les femmes exposées à un tabagisme pas-
sif (51). En 1992, l’agence américaine de protection de l’environ-
nement estimait que le tabagisme passif pouvait être responsable de
3000 décès par an aux État-Unis.
En pratique, même s’il a été démontré que l’interrogatoire peut être
considéré comme fiable et reproductible dans le temps (52), il
demeure très difficile d’évaluer et de quantifier précisément l’expo-
sition au tabagisme passif (52, 53). De plus, il n’existe pas actuelle-
ment de dosage de marqueur biologique validé pour aider à appré-
cier cette exposition, et l’on note le plus souvent une discordance
entre les études expérimentales et les données épidémiologiques
(54). Charloux et al. (53)ont repris les résultats des différentes études
réalisées sur ce sujet entre 1981 et 1994. Sur 12 études de type cas-
témoins publiées entre 1987 et 1994 et concernant de 23 à
653 patients, les OR relevés dans la population exposée étaient com-
pris entre 1,13 et 2,6. Les deux études de cohortes réalisées entre 1960
et 1981 retrouvent des RR entre 1,18 et 1,45. Enfin, 5 méta-analyses
effectuées à partir des résultats de différents pays retrouvent des RR
compris entre 0,95 et 2,01 (53).
Les études publiées plus récemment (31, 34, 55, 56) retrouvent des
OR compris entre 1,10 (55) et 2,6 (35), en fonction du type d’expo-
sition (familiale, professionnelle, sociale) (55), de l’importance du
tabagisme du (ou des) fumeur(s) responsable(s) de l’exposition (57),
et du caractère poursuivi ou interrompu de l’exposition (35).
Une étude épidémiologique (54) a mis en évidence un risque supé-
rieur mais non statistiquement significatif pour les femmes exposées au
tabagisme passif, par rapport aux hommes exposés de façon com-
parable (OR : 1,6 [IC95 : 0,7-3,8] versus 1,1 [IC95 : 0,6-1,9]). Les auteurs
pensent que c’est probablement la faible puissance statistique liée
aux petits échantillons qui empêche d’atteindre le seuil de signifi-
cativité. Enfin, dans une étude récemment publiée (58), sur
810 patientes présentant un cancer bronchique, seules 4,6 % n’avaient
jamais été exposées au tabagisme, ni actif ni passif. Parmi les non-
fumeuses, 82 % étaient exposées au tabagisme passif, parental le
plus souvent, marital (44 %) ou sur le lieu de travail (37 %) (58). La
question du tabagisme passif n’est donc pas très bien tranchée, même
s’il semble que son importance reste actuellement sous-estimée.
Les facteurs alimentaires
La consommation de légumes verts et de carottes en grande quan-
tité ainsi que de fruits riches en vitamine C est le plus souvent
retrouvée comme facteur protecteur du cancer bronchique (59-
62), avec des RR par rapport à une population témoin compris
entre 0,4 (59) et 0,79 (61).
Il est toutefois difficile de savoir avec précision qui bénéficie de
cette “protection”. Une étude (61)ne retrouve cet effet protecteur
que chez les femmes, alors qu’une autre (63), au contraire, ne met
en évidence qu’un avantage chez les hommes. Une dernière étude,
enfin, ne retrouve pas de différence liée au sexe (34).
PRÉSENTATION CLINIQUE ET RADIOLOGIQUE
DU CANCER BRONCHIQUE CHEZ LES FEMMES
L’âge au moment du diagnostic
Les données concernant l’âge au moment du diagnostic sont dis-
cordantes dans la littérature. De Perrot et al. (64) ont comparé
198 femmes et 839 hommes opérés pour un cancer bronchique
non à petites cellules (CBNPC) dans le même hôpital entre 1977 et
1996. Les résultats montraient un âge moyen comparable dans
les deux populations (respectivement de 61±9ans et de
62 ± 10 ans ; p = 0,8). Ouellette et al. (65), rapportent également
un âge moyen comparable chez 104 femmes et 104 hommes étu-
diés de mars 1988 à juin 1990.
En revanche, deux autres études nord-américaines (12, 66), portant
respectivement sur 927 patients ayant un cancer bronchique tous
stades et toutes histologies confondus et 481 patients opérés d’un
CBNPC, rapportent un âge au diagnostic significativement infé-
rieur chez les femmes. Dans la première série (12), l’âge moyen
des 197 femmes est de 63,5 ± 0,85 ans, contre 67,6 ± 0,37 ans pour
les hommes (p < 0,0001). Dans la seconde (66), l’âge moyen des
186 femmes est de 60,7 ± 0,8 ans, contre 63,6 ± 0,6 ans pour les
hommes (p = 0,005). Une série polonaise récente concernant
2875 femmes et 17 686 hommes retrouve également un âge infé-
rieur chez les femmes (60,02 ans versus 62,18 ans ; p < 0,001)
(67). Enfin, dans une étude prospective de 4 618 patients de la
Mayo Clinic, l’âge des femmes au moment du diagnostic de can-
cer bronchique était significativement inférieur à celui des
hommes (66 ans versus 68 ans ; p < 0,01) (15).
Les symptômes
De Perrot et al. (64)ont également comparé les symptômes présen-
tés le plus fréquemment par les patients de leur série. Il apparaît que
32 % des femmes versus 20 % des hommes sont asymptoma-
tiques au moment du diagnostic (p = 0,006). Par ailleurs,
lorsqu’elles présentaient des symptômes, on notait chez les femmes
moins d’hémoptysies (p < 0,01), moins d’infections bronchopul-
monaires récidivantes (p = 0,007), moins de douleurs thoraciques
(p = 0,02) et une perte de poids moins fréquente (p = 0,02). La
toux, en revanche, n’était pas significativement plus fréquente
chez les femmes (15 %, contre 11 % chez les hommes). Il s’agit
pourtant du signe clinique le plus fréquemment retrouvé dans
l’une des premières études à s’être intéressée au cancer bron-
chique, sur une série de 50 femmes (68). Il semble en effet que
les femmes ont une sensibilité significativement accrue au réflexe
de toux par rapport aux hommes (69).
La dépression réactionnelle est également plus souvent retrou-
vée chez les femmes (70). Toutes histologies confondues, la pré-
valence de la dépression est de 41 %, contre 29 % chez les
hommes (p = 0,0004). Cette différence se retrouve dans le groupe
des CBNPC (31 % chez la femme versus 19 % chez l’homme ;
p=0,007). En revanche, elle n’est plus significative pour les
CPC (p = 0,26) (70).
Une étude (71) a également évalué l’évolution du poids chez des
patients ayant un CBNPC. Il apparaît que les femmes perdent
moins de poids (évalué entre le diagnostic et le dernier contact
avec le patient), avec 2,7 kg perdus contre 6,1 kg pour les hommes
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