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Fiche
technique
N°32
Cétuximab et cancer colorectal métastatique
Cétuximab (Erbitux®)
dans le traitement du cancer colorectal métastatique
B. Landi
Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
De quoi
s’agit-il ?
Cétuximab et
cancer colorectal
Efficacité clinique
Le cétuximab est un anticorps monoclonal chimérique IgG dirigé contre le récepteur du facteur de croissance épidermique de type 1 (EGFR1). L’EGFR est un récepteur membranaire qui, activé, induit une cascade de signaux intracellulaires vers le noyau. Il est impliqué dans le contrôle de nombreuses fonctions cellulaires, comme la prolifération cellulaire, l’apoptose, la migration cellulaire, l’angiogenèse. Le cétuximab a une affinité supérieure aux ligands endogènes
pour l’EGFR, entraînant une inhibition de la fonction du récepteur. Son effet sur l’inhibition de la prolifération et sur
l’apoptose a été montré in vitro et in vivo.
L’EGFR est exprimé dans 25 à 77 % des cas de cancer colorectal, et dans 75 à 86 % des cas au niveau des métastases.
L’expression importante de l’EGFR est un facteur de mauvais pronostic dans le cancer colorectal métastatique. L’effet
antitumoral du cétuximab a été montré dans le modèle de xénogreffes de tumeurs colorectales humaines réfractaires
à l’irinotécan. L’association cétuximab-irinotécan contrôle la croissance tumorale avec un effet supra-additif.
L’efficacité clinique du cétuximab dans le cancer colorectal métastatique a été établie par plusieurs essais de phase II
où il était administré après échec de l’irinotécan. Dans un premier essai, le cétuximab était administré en monothérapie
chez 57 patients exprimant l’EGFR en immunohistochimie (1). Une réponse partielle était observée chez 10,5 % des patients,
et une stabilisation chez 35 %. Les effets secondaires de grade 3-4 étaient les suivants : acné ou rash cutané (18 %),
réaction allergique (5 %), asthénie (4 %), vomissements (2 %). Dans une autre étude, où le cétuximab était associé
à l’irinotécan chez 121 patients, le taux de réponse était de 19 % (2).
L’essai pivot est un essai de phase II randomisé (étude Bond) (3). Certains critères d’inclusion étaient similaires : échappement préalable à l’irinotécan, expression de l’EGFR en immunohistochimie. Ces malades avaient cependant été lourdement prétraités, ayant souvent déjà reçu 2 ou 3 lignes de chimiothérapie, dont de l’oxaliplatine dans plus de 60 % des
cas. Le cétuximab était administré à la dose initiale de 400 mg/m2, puis de manière hebdomadaire à la dose de 250 mg/m2.
Les patients recevaient le cétuximab soit seul, soit associé à l’irinotécan (qui était poursuivi à la dose antérieure, mais
sans 5-FU si le patient en recevait aussi antérieurement). Au total, 329 patients ont été randomisés, avec un schéma de
randomisation 2/1 en faveur du bras cétuximab-irinotécan. L’analyse était réalisée en intention de traiter. Le taux de
réponse objective était significativement supérieur avec l’association cétuximab-irinotécan (23 % versus 11 %), ainsi
que le taux de contrôle de la maladie (55 % versus 32 %). De même, la survie sans progression était significativement
meilleure avec l’association (4,1 mois versus 1,5 mois). En revanche, la survie globale n’était pas significativement
différente (8,6 mois versus 6,9 mois). Certains facteurs pronostiques ont été étudiés. Il existe une relation entre l’intensité de la réaction cutanée et l’efficacité du traitement, mais pas d’influence des traitements antérieurement reçus
ou du niveau d’expression de l’EGFR en immunohistochimie sur l’efficacité.
Effets secondaires
Le cétuximab ne majore pas la toxicité propre de l’irinotécan. Ses effets secondaires spécifiques sont les éruptions
cutanées et le risque d’allergie.
Environ 80 % des malades ont des réactions cutanées, dont environ 10 % sont sévères (grade 3-4) et imposent un arrêt
au moins provisoire du traitement. Il s’agit, le plus souvent, d’un rash pseudo-acnéique qui apparaît dès la première
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VIII - mars-avril 2005
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Cétuximab et cancer colorectal métastatique
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semaine, plus rarement d’anomalies unguéales. Les lésions histologiques sont différentes de celles de l’acné, constituées
principalement par une réaction inflammatoire. En général, elles régressent en cours de traitement et disparaissent
sans séquelle à l’arrêt du traitement. Elles peuvent cependant nécessiter des traitements symptomatiques : hydratation
cutanée, antihistaminiques ou hydroxyzine (Atarax®) en cas de prurit, antiseptiques locaux. Leur traitement n’est pas
encore bien codifié. Dans certains cas, l’utilisation de corticoïdes locaux, voire d’antibiotiques locaux ou par voie
générale en cas de surinfection, peut être nécessaire. L’intérêt des traitements de l’acné est discuté, d’autant qu’ils
peuvent aggraver la sécheresse cutanée.
Environ 5 % des patients ont une réaction d’hypersensibilité. Elle se traduit généralement par des symptômes à type
de fièvre, frissons, dyspnée ou éruption. Une réaction d’hypersensibilité sévère survient chez environ 2 % des patients,
généralement lors de la première injection ou à son décours immédiat. Il peut alors s’agir de signes d’obstruction des
voies aérodigestives supérieures (bronchospasme, stridor, etc.), d’urticaire, et surtout d’hypotension.
Actuellement, on ne dispose pas de données précises d’utilisation chez le sujet âgé de plus de 75 ans, ou chez les
patients ayant une insuffisance rénale ou des anomalies marquées du bilan hépatique.
Intitulé
de l’AMM
Présentation
Administration
Surveillance
Perspectives
dans le cancer
colorectal
Références
bibliographiques
Erbitux®, en association avec l’irinotécan, est indiqué dans le cancer colorectal métastatique exprimant l’EGFR après
échappement à l’irinotécan.
Il est intéressant de noter qu’une étude récente suggère l’absence de corrélation entre l’existence d’une expression
de l’EGFR recherchée en immunohistochimie et l’efficacité du cétuximab dans le cancer colorectal (4).
Il s’agit de flacons de 50 ml contenant 100 mg de cétuximab à conserver au réfrigérateur. Après ouverture, le flacon
doit être utilisé immédiatement. Erbitux® est administré par voie intraveineuse, sans être mélangé avec d’autres médicaments, à la dose initiale de 400 mg/m2 en 2 heures, puis de manière hebdomadaire à la dose de 250 mg/m2 en une
heure. Le débit ne doit pas être supérieur à 5 ml/mn (300 ml/heure). Un filtre de 0,2 à 0,22 µm doit impérativement
être placé sur la ligne de perfusion, car la solution peut contenir des particules visibles. L’administration peut se faire
par une pompe à perfusion, un système de goutte à goutte ou une seringue électrique. L’irinotécan doit être administré au moins une heure après la fin de la perfusion de cétuximab.
Du fait du risque de réaction allergique sévère, certaines règles sont à respecter impérativement : proximité d’un
médecin, surveillance clinique pendant la perfusion et au minimum une heure à son décours, prémédication par antihistaminique, disponibilité d’un chariot de réanimation. L’administration en hôpital de jour est possible si ces conditions
sont respectées.
En cas de réaction d’hypersensibilité de grade 1 ou 2, la vitesse de perfusion peut être ralentie. En cas de réaction
d’hypersensibilité de grade 3 ou 4, la perfusion doit être arrêtée et le traitement définitivement interrompu.
Ayant obtenu un agrément dès une étude de phase II, le développement de la molécule dans le cancer colorectal se
poursuit. Des essais de phase II de première ligne en association au schéma FOLFIRI ou FOLFOX présentés au congrès
de l’ASCO de 2004 ont montré des taux de contrôle de la maladie très prometteurs. Des études randomisées de
phase III en association à ces schémas en première ou deuxième ligne sont en cours. Des essais en situation adjuvante
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devraient aussi démarrer rapidement.
1. Saltz LB, Meropol NJ, Loehrer PJ Sr et al. Phase II trial of cetuximab in patients with refractory colorectal cancer that expresses
the epidermal growth factor receptor. J Clin Oncol 2004;22:1201-8.
2.
Saltz L, Rubin M, Hochster H et al. Cetuximab plus irinotecan (CPT-11) is active in CPT-11-refractory colorectal cancer that
expresses Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR). Proc Am Soc Clin Oncol 2001;19:A7.
3.
Cunningham D, Humblet Y, Siena S et al. Cetuximab monotherapy and cetuximab plus irinotecan in irinotecan-refractory metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004;351:337-45.
4.
Chung KY, Shia J, Kemeny NE et al. Cetuximab shows activity in colorectal cancer patients with tumors that do not express the epidermal growth factor receptor by immunohistochemistry. J Clin Oncol 2005 ; [Epub ahead of print].
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