Cellules tumorales et ADN libre circulant dossier thématique Cellules tumorales circulantes : isolement, caractérisation et intérêt en clinique Circulating tumor cells: isolation, characterization and clinical application Emma Pailler*, Rachel Young*, Françoise Farace* très prometteuses en oncologie. Du fait de leur très grande rareté dans le sang périphérique, ces cellules requièrent des technologies d’analyse complexes présentant un niveau de sensibilité élevé. Leur détection ou caractérisation nécessite 2 étapes : une première étape d’enrichissement suivie d’une seconde de détection, ou caractérisation proprement dite, grâce à des approches immunologiques, moléculaires ou fonctionnelles. Cet article présente une synthèse des principales technologies d’enrichissement et de détection des CTC disponibles à ce jour. Grâce à ces technologies, leur intérêt pronostique a été démontré dans plusieurs cancers métastatiques. Ces technologies permettent aussi maintenant d’accéder à la caractérisation de divers types d’anomalies génétiques et de biomarqueurs moléculaires présents dans les CTC. Ainsi, les CTC pourraient être exploitées comme une “biopsie liquide” pour diagnostiquer des biomarqueurs moléculaires, sélectionner un traitement ciblé et suivre son efficacité ou l’émergence de résistances. Summary RÉSUMÉ » Les cellules tumorales circulantes (CTC) offrent des perspectives Mots-clés : Cellules tumorales circulantes – Événements rares – CellSearch® – Thérapies ciblées – Anomalies moléculaires. * Université Paris­ Sud XI, Inserm U981 “Biomarqueurs prédictifs et nouvelles stratégies moléculaires en thérapeutique anti­ cancéreuse”, institut de cancérologie Gustave­ Roussy, Villejuif ; labo­ ratoire de recherche translationnelle, unité de biologie des cellules circulantes, institut de cancérologie Gustave­Roussy. 162 L es cancers métastatiques sont responsables d’environ 90 % de la mortalité par cancer. Au milieu du XIXe siècle, le pathologiste australien Thomas Ashworth proposa l’hypothèse que les cellules tumorales circulantes (CTC) pourraient jouer un rôle essentiel dans le développement de métastases et représenteraient une population hétérogène de cellules provenant à la fois de la tumeur primitive et des métastases. Pendant de nombreuses années, la recherche sur les CTC dans le sang n’a pas suscité l’intérêt de la communauté scientifique, plus particulièrement focalisée sur la caractérisation de la tumeur solide en ellemême. Les progrès dans le domaine des CTC ont été entravés par le défi technologique que représentent l’enrichissement et la détection d’événements aussi Circulating tumor cells (CTCs) offer great promise in oncology. Due to their extreme rarity in the peripheral blood, these cells require complex analytical technology with a high level of sensitivity. Their detection or characterization requires 2 steps: an enrichment step followed by detection, or rather characterization, made possible by immunological, molecular or functional approaches. This review presents an overview of the principal CTC enrichment and detection technologies available today. Thanks to these technologies, the interest of CTCs as potential biomarkers has been described in several metastatic cancers. These technologies allow for the characterization of various types of genetic anomalies and molecular biomarkers present in CTCs. CTCs can also be exploited as a “liquid biopsy” in diagnosis of molecular biomarkers and selection of targeted treatment, providing information on patient prognosis and treatment efficacy or emerging resistance. Keywords: Circulating tumor cells – Rare events – CellSearch® – Targeted therapies – Molecular abnormalities. rares dans le sang périphérique. En effet, ces cellules représentent quelques éléments seulement parmi des millions de cellules hématopoïétiques dans 10 ml de sang chez un patient atteint de cancer métastatique (1). Depuis leur première description, les CTC se sont montrées très prometteuses en raison tant de leur intérêt clinique que de leur rôle dans le processus métastatique. À l’heure actuelle, la biologie de ces cellules est encore très mal connue, et nous disposons de peu de données sur les processus qui régulent leur devenir pendant leur transit dans le sang. Il est maintenant établi que le nombre de CTC est un biomarqueur pronostique dans plusieurs cancers métastatiques (sein, prostate, poumon). La caractérisation des CTC, tant du point de vue de l’énumération que de la caractérisation phéno- Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 Cellules tumorales circulantes : isolement, caractérisation et intérêt en clinique typique et moléculaire, est susceptible de fournir un plus grand nombre d’informations cliniques concernant le pronostic, le choix, l’efficacité, la résistance aux thérapies ciblées ainsi que la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques pour le développement de nouveaux agents anticancéreux. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, cet article a pour objectif de présenter les différentes technologies d’enrichissement et de détection des CTC disponibles à ce jour ainsi que les principales applications cliniques qui en découlent. ENRICHISSEMENT Sélection positive Immunoséparation CD45+ EpCAM+ MUCI+ Filtration Enrichissement, détection et caractérisation des CTC RosetteSep GlycoA+ CD45+ La dernière décennie a vu l’avènement de nouvelles approches cytométriques de détection des CTC. Ces technologies sont plus sensibles et plus spécifiques que les méthodes précédentes de PCR, principalement de PCR quantitative en temps réel (RT-PCR), basées sur l’amplification d’anomalies génétiques ou de transcrits de gènes spécifiques de tumeurs ou de tissu dans le sang total (2). Les CTC étant extrêmement rares, de l’ordre de 1 à 10 par millilitre de sang, les méthodes de détection nécessitent un niveau de sensibilité élevé et requièrent la combinaison de 2 étapes : une étape d’enrichissement et une méthode de détection et de caractérisation de ces cellules. Séparation par gradient de densité Puces microfluidiques Nanodétecteur Gilupi EpCAM+ Charges électriques Propriétés optiques Propriétés photoacoustiques Stratégies d’enrichissement des CTC À l’heure actuelle, 2 grands types de technologies d’enrichissement sont utilisables afin d’obtenir un échantillon enrichi en cellules tumorales : l’isolement des CTC par sélection positive et l’enrichissement par sélection négative (figure). Cette étape est indispensable, car elle permet de limiter la contamination en cellules non tumorales de la fraction enrichie. Parmi les techniques de sélection positive, plusieurs approches ont été développées. La technologie d’enrichissement la plus largement utilisée repose sur une immunoséparation au moyen de billes magnétiques ou ferrofluides recouvertes par un anticorps dirigé contre un ou des antigènes d’intérêt spécifiques aux cellules tumorales de la tumeur. Ce type de technologies regroupe l’approche CellSearch®, l’AdnaTest, l’anti-EpCAM (Epithelial Cell Adhesion Molecule)/anti-cytokeratin antibody CTC enrichment, le MACS® (Magnetic-Activated Cell Sorting), le MagSweeper, le Dynabeads® Epithelial Enrich (3). La méthode CellSearch®, basée sur l’enrichissement de cellules exprimant l’antigène EpCAM, est l’unique Sélection négative Déplétion DÉTECTION/CARACTÉRISATION Techniques immunologiques, moléculaires ou fonctionnelles Figure. Enrichissement, détection et caractérisation des cellules tumorales circulantes. technologie approuvée par l’agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux. La technologie AdnaTest, quant à elle, combine 2 antigènes épithéliaux associés à la tumeur : un anticorps antiEpCAM et 2 anticorps anti-MUC1 (4). Un autre type de technologie basé sur la sélection positive a également été développé ; il s’agit de la sélection sur des caractéristiques physiques des CTC. Une des premières techniques repose sur la morphologie de ces cellules via un système de filtration discriminant les cellules par le critère de taille et regroupant notamment les méthodes ISET® (Isolation by Size of Epithelial Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 163 Cellules tumorales et ADN libre circulant dossier thématique Tumor trophoblastic cells) [5], ScreenCell® (6), Nucleopore Assay (7), Aquamarijn (8) ou encore la méthode développée par l’équipe de R.J. Cote (9). Ce type de méthode permet aux cellules de traverser la membrane microporeuse que représente le filtre grâce à un système de pression ou de courant électrique. Une nouvelle génération de microfiltres en parylène permet également de capturer des CTC non fixées afin de mesurer l’activité des télomérases (10). Un autre type de filtration a aussi été développé sur un microfiltre en 3 dimensions constitué de 2 couches d’une membrane en parylène poreuse (11). Cette méthode permet d’enrichir en CTC sans a priori du phénotype. Cependant, du fait de la forte variabilité de la taille des CTC, la taille fixe des pores entraîne une importante contamination en leucocytes. Une variante de cette approche a été développée par Clearbridge BioMedics avec une biopuce ClearCell® qui utilise les propriétés physiques de taille et de déformabilité des cellules cancéreuses, qui sont plus grandes et plus rigides que les cellules sanguines (12). Une autre stratégie combine l’isolement des CTC grâce à des billes de 3 µm recouvertes par des anticorps dirigés contre le marqueur épithélial EpCAM et la filtration par un système microfluidique (13). La seconde technique basée sur les propriétés physiques est le Ficoll-Isopaque avec le système Lymphoprep™. Elle est basée sur la séparation par gradient de densité suite à une centrifugation qui permet de séparer les cellules mononucléaires, caractérisées par leur faible densité, des autres cellules sanguines (seuil de 1,077 ng/ml). La méthode OncoQuick® est similaire mais présente l’avantage de combiner une barrière poreuse qui évite la contamination par le sang total des cellules isolées (14). Diverses techniques basées sur les propriétés électriques des CTC ont également été développées, notamment le dispositif microfluidique combinant la séparation cellulaire par MOFF (Multi-Orifice Flow Fractionation) et par diélectrophorèse (DEP) des cellules (3). La méthode ApoStream® DEP-FFF (Dielectrophoresis Field Flow Fractionation) permet quant à elle d’isoler les CTC viables selon leur DEP, qui varie avec les différences de taille et de propriétés de la membrane (15). Ces dernières années ont vu l’émergence des puces microfluidiques, très innovantes d’un point de vue technologique. Le premier système CTC-chip rapporté initialement par l’équipe de M. Toner en 2007 était composée de microposts recouverts par l’anticorps dirigé contre la protéine EpCAM (16). Le sang est pompé à travers la puce, et les CTC sont capturées par les microposts puis marquées avec les anticorps anticytokératines, anti-CD45 et par le marqueur nucléaire DAPI puis détectées dans la puce à l’aide d’un microscope à fluorescence. Le marqueur CD45 164 est un marqueur leucocytaire permettant l’exclusion des cellules sanguines. Cependant, les résultats extrêmement prometteurs en termes de sensibilité publiés par cette équipe n’ont pas été confirmés. Cette équipe a par la suite développé une puce microfluidique à haut débit, le herringbone chip, qui permet de détecter des CTC dans le sang total sans prétraitement des échantillons (17). Globalement, les systèmes microfluidiques basés sur l’expression d’EpCAM ne permettent pas une capture plus efficace que le CellSearch® mais offrent une plus grande souplesse au niveau de la détection et de la caractérisation. En effet, ces systèmes sont compatibles avec une haute résolution d’image, et il est possible de contrôler les forces et interactions entre les cellules. L’équipe française de J.Y. Viovy a développé un “laboratoire sur puce”, baptisé Ephesia, qui regroupe, sur un support extrêmement réduit, un tamis à cellules constitué d’un réseau de colonnes formées de microbilles magnétiques portant des anticorps dirigés contre une protéine de surface spécifique aux cellules tumorales (18). Ce système original combine les avantages du tri microfluidique (contrôle du flux et des interactions entre billes et cellules) et ceux du tri immunomagnétique. Un autre système microfluidique permettant la sélection à haut débit, l’énumération et la manipulation électrocinétique des CTC a été développé par l’équipe américaine de S.A. Soper (19). Plus récemment, une nouvelle génération de puces est apparue, basée sur un capteur à effet Hall (20). Les cellules sont, dans un premier temps, marquées avec des nanoparticules (anticorps dirigés contre une protéine de surface spécifique de type HER2, EGFR ou EpCAM et conjugués à des billes magnétiques). Les cellules marquées dans le sang total peuvent alors être acheminées dans le canal microfluidique, où les sondes de Hall les capturent. Une équipe américaine a également développé une technologie reposant sur l’utilisation d’un cocktail d’anticorps dirigés contre divers antigènes de surface tels que HER2, MUC1 ou encore EGFR, des antigènes mésenchymateux, telle la N-cadhérine, et des antigènes caractéristiques des cellules souches (21). Les CTC peuvent ensuite être analysées individuellement. Du fait du large panel de puces microfluidiques actuellement développées, cette revue n’a pas la prétention d’être exhaustive pour l’ensemble de cette technologie. La seule approche in vivo actuellement développée est le système CellCollector™ Gilupi (22). Le nanodétecteur, fil d’acier inoxydable recouvert d’une fine couche d’or et d’hydrogel présentant l’anticorps anti-EpCAM, est présent sur une aiguille qui est directement placée dans la veine du patient. Pendant les 30 minutes où le dispositif est présent sur le patient, les CTC EpCAM positives sont retenues et environ 1,5 l de sang passe dans le système. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 Cellules tumorales circulantes : isolement, caractérisation et intérêt en clinique D’autres techniques très innovantes sont en cours de développement, qui reposent sur la signature optique des CTC avec la technologie OFIS (OptoFluidic Intracavity Spectroscopy) ou encore sur leurs caractéristiques photoacoustiques (3). L’approche par sélection négative a été moins explorée. Elle repose essentiellement sur le système de déplétion négative qui consiste à éliminer les cellules porteuses d’un antigène non tumoral spécifique, comme, par exemple, le marqueur CD45 spécifique aux leucocytes. Cette méthode est notamment développée par Invitrogen avec la technologie Dynabeads® CD45. Ce marqueur pan-leucocytes peut également être combiné avec le marqueur CD61 spécifique aux mégacaryocytes et aux plaquettes (23). Le système RARE (RosetteSep-Applied imaging Rare Event) est une technique qui combine, d’une part, la sélection négative permettant d’éliminer les leucocytes CD45+ pontés spécifiquement aux érythrocytes grâce à la glycophorine A et, d’autre part, la séparation par gradient de densité (24). Une sélection peut également être réalisée en combinant d’autres marqueurs tels que CD2, CD16, CD19, CD36, CD38, CD45, CD66. L’équipe de J.J. Chalmers a notamment développé une approche permettant la lyse des globules rouges puis une déplétion immunomagnétique des cellules CD45+, ce qui permet ensuite la caractérisation des cellules retenues par immunocytochimie ou RT-PCR (25). Détection et caractérisation des CTC Après enrichissement, la détection peut être réalisée par des techniques immunologiques (immunocytochimie et immunofluorescence), moléculaires ou encore fonctionnelles. La technologie CellSearch® décrite ci-dessus combine l’enrichissement et la détection. Ainsi, les CTC capturées à l’aide de billes magnétiques recouvertes avec un anticorps spécifique du marqueur épithélial EpCAM sont marquées avec des anticorps dirigés contre les cytokératines 8, 18 et 19 et contre le CD45 et avec le DAPI, marqueur nucléaire. Les cellules cytokératines+/ DAPI+/CD45− sont comptées grâce à un scanner à fluorescence (26). Selon cette méthode, une CTC est définie selon plusieurs critères : ✓ cellule intacte avec une morphologie ronde ou ovale et de taille supérieure à 4 μm ; ✓ cellule avec un noyau à l’intérieur du cytoplasme et une aire nucléaire inférieure à l’aire cytoplasmique ; ✓ cellule marquée positivement par les cytokératines et négativement par le CD45. Cette méthode ne s’adapte donc qu’à la détection de CTC de phénotype épithélial exprimant l’EpCAM de façon forte ou modérée, et ne permet aucune flexibilité pour la caractérisation des CTC, mis à part les marqueurs commercialisés tels qu’EGFR ou HER2. Sa conception actuelle ne permet pas d’aller au-delà de la numération des CTC. Cependant, la technologie CellSearch® reste, à l’heure actuelle, la méthode de référence, et toutes les autres méthodes développées sont “expérimentateurdépendantes” et, en général, comparées à cette dernière. Les technologies de CTC-chip permettent également de combiner l’enrichissement et la détection des CTC. Par exemple, la technologie Ephesia permet de caractériser les cellules enrichies par des analyses par FISH (Fluorescence In Situ Hybridization), RT-PCR ou encore PLA (Proximity Ligation Assays). D’autres méthodes de détection basées sur l’immunofluorescence ont été développées, notamment avec l’utilisation de microscopes automatisés à grande vitesse tels que les systèmes FAST (Fiber-optic Array Scanning Technology) et LSC (Laser Scanning Cytometry), qui permettent de détecter les CTC marquées par des anticorps couplés à des fluorochromes sans préalablement réaliser un enrichissement (7, 27). L’équipe de P. Kuhn a développé la technologie HD-CTC afin d’identifier les CTC par une imagerie de haute résolution (28). L’intérêt des méthodes cytométriques est qu’elles permettent de caractériser les cellules sans une lyse totale. Cela permet de combiner une analyse morphologique, phénotypique et moléculaire. Cependant, l’inconvénient majeur repose sur le fait qu’il n’existe pas de marqueurs spécifiques à toutes les cellules tumorales. L’utilisation des cytokératines peut engendrer un accrochage non spécifique des macrophages, des cellules plasmatiques ou encore des précurseurs des cellules hématopoïétiques (29). Le marqueur MUC1, également utilisé, peut quant à lui marquer de façon non spécifique les précurseurs des érythrocytes (30). Cette non-spécificité est diminuée lors des multimarquages combinant un ou plusieurs marqueurs tumoraux et un marqueur leucocytaire, comme le CD45. La détection des CTC peut également être réalisée par une analyse purement cytomorphologique de ces cellules grâce à diverses colorations commerciales telles que le MGG (May-Grünwald Giemsa) ou la coloration éosine-hémalun de Mayer. Une CTC est alors définie selon les critères suivants : ✓ la taille du noyau est supérieure ou égale à 16 µm ; ✓ le contour nucléaire présente des irrégularités ; ✓ le cytoplasme est visible autour du noyau ; ✓ le ratio noyau-cytoplasme est élevé (≥ 0,8). Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 165 Cellules tumorales et ADN libre circulant dossier thématique Notre équipe a notamment rapporté l’intérêt de cette approche après enrichissement par filtration, ainsi que l’équipe de P. Hofman et de C. Dive (31-33). Les CTC peuvent également être détectées via l’identification d’altérations génétiques ou épigénétiques spécifiques des cellules cancéreuses. Ces altérations peuvent être des mutations dans les proto-oncogènes ou les gènes suppresseurs de tumeur, des instabilités au niveau des microsatellites ou encore des séquences de virus oncogéniques. Les méthodes de RT-PCR sans étape préalable d’enrichissement sont les plus utilisées pour détecter les ARNm codant pour les cytokératines (18-20), MUC1 ou encore le CEA. Néanmoins, une étape d’enrichissement permet de travailler uniquement dans une fraction enrichie en CTC, ce qui diminue la contamination en cellules hématopoïétiques et permet donc un signal plus spécifique. Le système CTC AdnaTest d’Alere permet d’enrichir, isoler et caractériser les CTC grâce à l’analyse des ARNm spécifiques aux marqueurs tumoraux (34). Une seule équipe a rapporté le génotypage des mutations d’EGFR dans le cancer du poumon grâce à l’utilisation d’une puce microfluidique ; ces résultats n’ont pas été confirmés (35). La détection d’anomalies moléculaires telles que les amplifications ou les translocations peut être réalisée par FISH. Un module du CellSearch® en cours de développement et non commercialisé permet la détection de HER2 dans le sein ou encore de PTEN et de la translocation TMPRSS2-ERG dans la prostate (36). La détection du remaniement d’ALK caractéristique d’un sous-type de cancer bronchique non à petites cellules a été rapportée par notre équipe ainsi que par celle de P. Hofman (37, 38). La seule méthode fonctionnelle décrite est la technologie EPISPOT (EPithelial ImmunoSPOT), dérivée de l’ELISPOT (Enzyme-LInked immunospot) [39]. Elle est décrite dans l’article de C. Alix-Panabières (p. 199) et permet, après enrichissement par diverses méthodes, la détection de protéines d’intérêt sécrétées par les potentielles CTC au cours d’une culture à court terme (24 à 48 h). Les enjeux actuels, du point de vue de la caractérisation des CTC, reposent sur les approches sur cellule unique, qui permettront de mettre en évidence l’hétérogénéité tumorale dans le sang. La technologie du DEPArray™ développée par Silicon Biosystems est basée sur le principe de diélectrophorèse et combine la microélectronique avec la microfluidique. Dans un champ électrique non uniforme, les cellules présentes dans la suspension liquide subissent des forces qui permettent de les déplacer et de les séparer. Cette méthode est le seul instrument automatisé qui permet d’identifier, quantifier et récupérer des sous-populations de cellules rares afin de les analyser moléculairement. Silicon Biosystems 166 commercialise également des kits permettant d’amplifier la totalité du génome d’une cellule unique puis de réaliser des analyses de séquençage de Sanger pour différents gènes, dont EGFR. L’approche sur cellule unique peut également être explorée par les technologies de microdissection laser ou par l’approche CellCelector™, qui permet de collecter par aspiration une cellule unique. Applications cliniques La majorité des études cliniques sur les CTC ont été réalisées avec l’approche standardisée CellSearch® ; il existe des données limitées avec les autres technologies. En utilisant l’approche CellSearch®, plusieurs équipes ont récemment montré que les taux de CTC étaient corrélés à l’évolution clinique des patients et étaient un facteur pronostique indépendant dans plusieurs cancers métastatiques, notamment les cancers du sein, de la prostate, du côlon, les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) et les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) [40-42]. De plus, le suivi des taux de CTC permet de prédire précocement, avant même les examens radiologiques, la réponse à un traitement conventionnel (hormonothérapie ou chimiothérapie) chez des patientes atteintes de cancer du sein métastatique, ce qui suggère que la détection des CTC pourrait être utilisée pour identifier très tôt des patients susceptibles de retirer un bénéfice d’une thérapie anticancéreuse (43). En situation néo-adjuvante, l’équipe de J.Y. Pierga a montré qu’un taux de CTC supérieur ou égal à 1 cellule pour 7,5 ml est un facteur pronostique indépendant de la survie (44). Dans le cancer métastatique de la prostate, compte tenu des difficultés inhérentes à cette maladie pour la prise en charge thérapeutique des patients et le développement de nouvelles molécules thérapeutiques, suivre les taux de CTC comme biomarqueurs de l’efficacité, de la réponse et de la survie est d’une grande utilité clinique. L’équipe de C. Dive a montré, dans les CBNPC, que les CTC ont une valeur pronostique et prédictive de la réponse à la chimiothérapie (42). Malgré les limites de la technologie CellSearch® que nous avons soulignées, notamment du point de vue de sa sensibilité, la robustesse et la standardisation de cette méthode permettent de considérer le taux de CTC mesurées comme un puissant biomarqueur pronostique et prédictif dans plusieurs cancers métastatiques. L’équipe de P. Hofman a publié en 2011 une étude montrant par la technique de filtration ISET® que les CTC constituent un marqueur pronostique en situation périopératoire dans les CBNPC (32). Cependant, actuellement, l’intérêt majeur des CTC réside Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 Cellules tumorales circulantes : isolement, caractérisation et intérêt en clinique dans l’hypothèse que ces cellules pourraient constituer une source alternative de cellules tumorales pour des diagnostics moléculaires et représenter une véritable “biopsie liquide”. À l’heure actuelle, nous sommes à l’avènement de la caractérisation de l’hétérogénéité moléculaire de ces cellules grâce aux technologies permettant d’analyser des cellules isolées et non des fractions enrichies. Les approches sur cellules uniques vont permettre d’identifier les patients éligibles à une thérapie ciblée, de suivre les CTC sous traitement et, ainsi, d’identifier les clones circulants. Cela permettra d’identifier en temps réel la résistance aux thérapies ciblées. Des approches automatisées sont néanmoins nécessaires à la standardisation des méthodes d’enrichissement et de caractérisation des CTC. L’évolution des technologies d’enrichissement et de détection des CTC, leur culture ainsi que le développement de modèles in vivo pourront contribuer dans un avenir proche à une meilleure compréhension de la biologie de ces cellules pendant le transit dans le sang. ■ E. Pailler déclare avoir un lien d’intérêts avec LabEx LERMIT (allocation doctorale). R. Young n’a pas déclaré ses éventuels liens d’intérêts. F. Farace déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche, Novartis et Boehringer. Références 1. Van de Stolpe A, Pantel K, Sleijfer S, Terstappen LW, den 16. Nagrath S, Sequist LV, Maheswaran S et al. Isolation of 2. Mocellin S, Keilholz U, Rossi CR, Nitti D. Circulating tumor 17. Stott SL, Hsu CH, Tsukrov DI et al. Isolation of circulating 3. Parkinson DR, Dracopoli N, Petty BG et al. Considerations 18. Saliba AE, Saias L, Psychari E et al. 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