Politique agricole Les Suisses devraient se priver de viande Par Simon Koch. Mis à jour à 06h42 7 Commentaires Pour renforcer la souveraineté alimentaire du pays, il suffirait que les Suisses adoptent un régime végétarien, analyse un chercheur de l’Université de Lausanne. Le Conseil national vote ce mercredi sur le sujet. Produire de la viande mobilise énormément de ressources. En Suisse, plus de 70% des surfaces agricoles sont utilisées pour produire du fourrage. Image: archive/Keystone Verra-t-on la place Fédérale transformée en champ de patates et le stade de la Praille labouré pour faire pousser des cardons? Le Conseil national doit se prononcer ce mercredi sur une initiative parlementaire de Jacques Bourgeois (PLR/FR), demandant que la souveraineté alimentaire soit ancrée dans la loi sur l’agriculture. Pour le parlementaire et directeur de l'Union suisse des paysans, il est «capital» de garantir un taux de production indigène, face notamment à la précarisation de l’approvisionnement et à la flambée des prix. Aujourd’hui, la production indigène couvre moins de 60% des besoins alimentaires du pays. «Et la population s’accroît et les surfaces agricoles diminuent, s’inquiète Jacques Bourgeois. Il faut au moins conserver cette proportion d'auto-approvisionnement pour éviter d’être davantage dépendants de l’étranger». Une question légitime Une Suisse autonome sur le plan alimentaire, est-ce réaliste? Le projet rappelle l’échec du Plan Wahlen, qui aurait dû conduire le pays à l'autarcie durant la Deuxième Guerre mondiale. Mais à l’heure des échanges mondialisés et des émeutes de la faim, la question de l’autoravitaillement est légitime à plus d’un titre. «En important massivement des denrées agricoles, notre pays joue indirectement le jeu du 'LandGrabbing'», avertit André Ourednik, chercheur à l’institut de géographie et de durabilité de l’Université de Lausanne. «L’exploitation de grandes terres agricoles dans les pays pauvres par des gouvernements et des entreprises transnationales est une bombe à retardement». D’où l’utilité de réfléchir à comment vivre des moyens de son propre sol. Et moyennant un changement de paradigme, la Suisse pourrait fortement améliorer son autonomie alimentaire. Un régime végétarien Dans un article publié sur son site, le géographe avance une piste de réflexion qui ne réjouira pas les amateurs de cervelas. «L’idée d’augmenter sensiblement la souveraineté alimentaire est plausible, à condition de voir moins souvent de la viande dans nos assiettes», analyse le géographe. Car produire de la viande mobilise énormément de ressources qui pourraient servir à nourrir plus efficacement la population. «Plus de 70% des surfaces agricoles utiles du territoire sont utilisées pour produire du fourrage, souligne André Ourednik. Et c’est sans compter sur la part de céréales panifiables qui terminent dans l’estomac du cheptel». Et ces surfaces fourragères se trouvent pour la plupart en plaine ou dans des zones où des cultures vivrières pourraient être plantées. «Il y a donc une sérieuse marge pour produire davantage d’aliments pour les êtres humains», estime le géographe spécialisé dans les pratiques individuelles et leur impact sur le territoire. Combien précisément? C’est impossible à dire en l’état. «Il faudrait un programme de recherche impliquant diététiciens, aménagistes du territoire, monde paysan et ingénieurs agronomes pour répondre à la question», avance le chercheur. Une Suisse sans fromage ni saucisse? A quoi ressemblerait la diète d’une Suisse autonome sur le plan alimentaire? Le pays du Gruyère et de la fondue devra-t-il sacrifier son terroir sur l’autel de l’autarcie? «Un mode de vie végétalien, sans aucune protéine animale, aurait peu de sens», tempère André Ourednik. La moitié des surfaces agricoles utiles se trouve en zone de montagne. Elle se prête mal à la culture de céréales ou de légumes mais est adaptée à la pâture ou la culture du fourrage. «Un modèle de diète 'Suisse souveraine' serait de se nourrir de manière végétarienne avec une viande occasionnelle de production montagnarde. La viande deviendrait un agréable luxe que nous saurions même mieux apprécier de cette manière.» La question se pose aussi à l’échelle de la planète. Et c’est la pénurie d’eau qui pourrait faire changer les habitudes. Selon des chercheurs suédois, la population mondiale devrait diviser par 4 sa consommation de viande pour nourrir 9 milliards de terriens en 2050. La proportion de protéines animales dans l’alimentation passerait ainsi de 20% à 5% dans l’alimentation. (Newsnet) Créé: 19.09.2012, 06h42