Entorse de la cheville
Les principes de biomécanique
Ligament collatéral latéral de la cheville
Tenant compte que l’on marche debout, que l’attraction terrestre se fait vers le
sol et que les chevilles sont tout en bas du corps, on comprend aisément quelles
en supportent tout le poids !
Le système pour autant ne semble pas très solide lorsqu’on observe son
architecture osseuse. En effet tout le corps repose sur un assemblage que les
menuisiers connaissent bien : tenon et mortaise. La mortaise est formée d’une
pince osseuse ; la partie la plus basse du tibia et du péroné. Cette pince est
posée en équilibre et s’emboîte sur le tenon, pièce carrée articulaire qui fait
partie du pied. Ce système mécanique est tellement peu imbriqué, peu congruent
comme disent les chirurgiens qu’il ne pourrait tenir tout seul. Il ne peut tenir,
car contrairement à celui du menuisier, il n’est pas imbriqué, de manière à
autoriser la mobilité.
Latéralement se trouvent des structures ligamentaires qui unissent la mortaise
au tenon, c’est à dire les os du tibia et péroné au pied. Il s’agit en dehors du
ligament latéral externe et en dedans du ligament latéral interne. Leur
efficacité est liée à leur tension ; s’ils sont détendus, alors la cheville est trop
laxe et le patient est victime d’entorses à répétition.
Entorse de la cheville
Le système est en fait un peu plus compliqué. En effet les ligaments sont bourrés
de récepteurs nerveux qui envoient des messages vers le cerveau lors de la
déformation des ligaments. Le cerveau commande alors certains muscles de la
jambe qui se terminent par leurs tendons sur la cheville. En se contractant, ils
stabilisent l’articulation. C’est un système dynamique instantané : en marchant,
lorsque vous mettez le pied dans un trou, la cheville se déforme alors ; si le
système de rattrapage est assez rapide et efficace, alors l’information monte au
cerveau puis redescend immédiatement, et la tension des tendons empêche que
le mouvement aille trop loin et aboutisse à une déchirure des ligaments. Cela
explique qu’il faut bien différencier les structures qui fonctionnent de façon
passive et qui sont à l’origine de l’information comme les ligaments, des éléments
actifs qui se rétractent ; les tendons. En termes scientifiques cela s’appelle la
sensibilité proprioceptive, que la rééducation peut développer, nous y
reviendrons plus tard.
Quelles sont les conséquences au quotidien et comment prévenir
les crises ?
Le premier des conseils concerne le chaussage. Il faut éviter toute chaussure qui
aggrave l’instabilité. En particulier les talons hauts augmentent la distance entre
la cheville et le sol et favorisent les mouvements de torsion. Cela est d’autant
plus vrai que l’assise du talon au sol est étroite. Le talon-aiguille en est la
caricature. Si vous tenez à vos talons, veillez à ce que l’assise soit la plus large
possible, de préférence de la largeur de l’arrière-pied. Le deuxième conseil
concerne la régularité du sol sur lequel vous marchez ou vous courez. En effet, si
le choix est possible, en particulier pour le jogging, il vaut mieux courir sur un sol
régulier meuble, sans trous. En fait le véritable problème réside dans la perte
d’attention qui sera responsable des récidives. Même si vous courez sur un sol
plein d’irrégularités, à partir du moment où vous êtes concentré sur votre
cheville, les chances de récidive sont moindres.
A l’inverse, si vous pensez à autre chose, en parlant avec un ami par exemple,
vous pourrez vous tordre la cheville. Cela illustre parfaitement le rôle de
maintien de surveillance qu’au cerveau. C’est cela qui explique probablement
l’efficacité de la chevillière si souvent prescrite par les non spécialistes. Celle-ci
est tellement déformable, presque autant qu’une chaussette qu’on ne peut
l’imaginer s’opposer au mécanisme de l’entorse. En fait il est probable que
serrant la cheville en permanence la chevillière rappelle en permanence à son
propriétaire qu’il doit maintenir sa vigilance.
Maintenant que faire en cas d’entorse ?
En cas de traumatisme de la cheville, il semble préférable de consulter son
médecin et de faire une radiographie. En effet, il ne faut pas confondre une
entorse avec d’autres atteintes de la cheville sur lesquelles nous reviendrons. Le
diagnostic s’établit en palpant la cheville et mettant en évidence des points
douloureux à sa partie externe ou interne ou les deux. Il est confirmé par la
radiographie qui est normale éliminant ainsi une fracture.
Avec quoi peut-on confondre cette pathologie ?
La confusion peut se faire avec d’autres atteintes traumatiques de la cheville.
Les plus fréquentes sont la fracture de l’os qui est à la base du petit orteil, la
luxation des tendons (péroniers) qui sont derrière le péroné, un arrachement
cartilagineux, invisible à la radio, une fracture de la cheville plus ou moins
aisément décelable sur les clichés, dont fait partie la fracture du surfeur des
neiges. Le danger, autant pour le médecin que pour le patient, réside dans le
caractère « banal » d’un traumatisme de la cheville ; on ne peut affirmer une
entorse qu’après avoir formellement éliminé les autres atteintes, par un examen
médical sérieux et des radiographies.
Quelles sont les complications de cette pathologie ?
La première des complications est de banaliser la chose et de méconnaître une
autre lésion susceptible de bénéficier avant son aggravation d’une opération
chirurgicale, comme par exemple une fracture. La deuxième complication, est
l’instabilité de la cheville, plus fréquente lorsque le traitement n’a pas été
adéquat. Le patient éprouve un sentiment d’insécurité qui s’aggrave en faisant du
sport ou en marchant sur un terrain irrégulier, et peut faire une récidive à
n’importe quel moment. Enfin, on observe souvent des séquelles douloureuses
d’autant plus intenses et fréquentes que le traitement initial était insuffisant ou
absent.
Comment la traite t-on ?
L’entorse est par définition une déchirure ligamentaire. Lorsqu’il s’agit d’une
simple distension, elle est bénigne. En cas de rupture, elle est dite grave.
Le principe général d’une cicatrisation est d’immobiliser la région déchirée. Les
ligaments de la cheville ne font pas exception.
Comment immobiliser ? Aux yeux des patients, les méthodes employées peuvent
sembler très différentes selon les médecins. Cela étant, les principes restent les
mêmes au delà des habitudes personnelles. Le point fondamental est de ne pas
provoquer de tension sur le ligament pendant sa cicatrisation, soit 3 semaines
pour une entorse bénigne, et le double pour une entorse grave. Sachant que les
mouvements du pied dans l’axe (flexion/extension) ne tirent pas sur les ligaments,
le plâtre est inutile très souvent. Il en est de même pour l’appui complet le pied
au sol, qui est donc autorisé. Les indications du plâtre sont donc devenues rares.
Celui-ci est souvent responsable d’une fonte musculaire, d’une décalcification
osseuse, et augmente le risque de phlébite. Le traitement le plus fréquent
consiste à placer un bandage élastique (« Strapping »), qui obéit aux critères
cités tant qu’il est tendu. Un traitement moderne, permettant également l’appui
et un chaussage normal, consiste à placer une attelle pneumatique vendue en
pharmacie sur ordonnance.
Des antalgique et des anti-inflammatoires participent au confort sans modifier la
cicatrisation.
Faut-il faire de la rééducation ? Celle-ci n’est systématique et n’est
généralement pas utile pour retrouver la souplesse de l’articulation, obtenue
spontanément. En revanche au stade des douleurs la rééducation antalgique ou
physiothérapie (ultrasons, galvanothérapie ...) amène un soulagement. Enfin la
rééducation dite proprioceptive permet de réveiller le reflexe de rattrapage
dont nous avons parlé dans le chapitre de biomécanique.
Conclusion
L’entorse de la cheville est une pathologie très banale, qu’il ne faut pour autant
pas négliger en raison des nombreuses récidives, des séquelles potentiellement
douloureuses et des risques d’instabilité.
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