jeux, écriture, squiggles, jeux de rôles, psychodrame…Les
aspects techniques restent très traditionnels et rassurants pour
le thérapeute avec leur part de silences, de reformulations,
d’interprétations, essentiellement dans le transfert. Une atten-
tion particulière est en effet portée à la prise en compte des
mouvements psychiques, notamment des mouvements
transféro- contre-transférentiels. En gardant toutefois à l’esprit
que, comme le souligne Bergès [2], une psychanalyse, une thé-
rapie ou tout autre approche scientifique avec des enfants, qui
s’intéresserait au symptôme et ferait abstraction du corps dans
lequel il prend racine, esquiverait le travail de l’inconscient.
Dans ce contexte, comment est-ce que je pose une indica-
tion de thérapie psychomotrice, notamment au sein des CMP et
des hôpitaux de jour, c’est-à-dire en équipes
pluridisciplinaires ? De la même façon que nos collègues
nous ont pointés l’importance de l’examen et de l’observation
psychomoteurs initiaux, j’insisterai sur la nécessité pour le psy-
chiatre d’un véritable travail clinique dans le cadre de ses
consultations, visant à évaluer les différents niveaux des diffi-
cultés de l’enfant, de ses potentialités, de ses capacités à
s’investir dans telle ou telle forme de travail et la possibilité
pour les parents de l’y autoriser et de participer eux-mêmes à
certains aspects de la démarche. Ce travail du médecin va sou-
vent se compléter et se moduler à l’aide des autres approches
de l’équipe. Une réflexion à plusieurs va pouvoir s’engager et
les indications —nous le savons bien —sont souvent le fruit
d’un travail d’échange et de coconstruction d’un projet, qui
vient se confronter de plus en plus souvent au principe de
réalité : par quoi serait-il bon de commencer, qui va avoir suf-
fisamment de disponibilité pour travailler dans la durée avec
cet enfant ou cet adolescent, quel engagement va être possible
à la fois psychiquement et dans la réalité externe pour cette
famille, quels frayages ou soutènements doivent être mis en
place en parallèle et autour du travail psychothérapeutique
envisagé ?
Je ne crois pas qu’il existe des indications de structure pour
telle ou telle forme de psychothérapie. Toutefois, j’ai pu cons-
tater à de nombreuses reprises l’intérêt des thérapies psycho-
motrices dans ce que nous appellerons pour aller vite les patho-
logies limites et les pathologies du lien, à condition que ces
thérapies s’inscrivent dans une approche multidimensionnelle,
mise en cohérence par un projet suffisamment construit et tenu.
J’avoue bien volontiers qu’il m’arrive, comme d’ailleurs
pour les autres formes de psychothérapies, de poser des indica-
tions de personne, c’est-à-dire que face à la problématique d’un
enfant, à sa façon d’aborder la demande de soins, à ce que le
psychomotricien va nous traduire après l’examen psychomo-
teur, de sa propre rencontre avec cet enfant, je vais être
amené à donner la priorité à cette intervention-là, souvent à ce
thérapeute-là, en m’appuyant sur l’empathie et l’expérience du
thérapeute et sur ce que je perçois d’une forme de préinvestis-
sement, de rencontre qui a eu lieu. Dans un ordre d’idée diffé-
rent, il ne faut pas non plus négliger le capital d’attractivité de
la psychomotricité en elle-même : c’est une approche du soin
psychique qui est généralement bien perçue par les parents et
que les enfants investissent volontiers. Il m’est souvent arrivé
d’envier le cadre incroyable que peut représenter une salle de
psychomotricité. Le décor y est immédiatement planté, la
dimension de médiation, l’autorisation explicite à laisser parler
son corps y sont incontestablement un atout dans des situations
cliniques parfois difficiles, et il ne faut assurément ni s’en pri-
ver ni en abuser à tors et à travers. Comme pour les autres
thérapies, le cadre et les objectifs doivent être clairement expo-
sés aux parents et à l’enfant, parfois aussi aux partenaires du
soin. En effet, des « rééducations » au sens d’interventions à
dominante instrumentale, sont de plus en plus souvent atten-
dues et il ne faudrait pas qu’il y ait erreur sur les approches.
Cette question de la représentation, de l’image que les parents
se font de la psychomotricité, de sa dimension « normative »
supposée, doit aussi être abordée au moment de discuter du
projet thérapeutique. Elle peut parfois constituer une entrave à
l’indication de thérapie psychomotrice.
La thérapie psychomotrice me semble aussi dans certains
cas un excellent « outil d’ouverture » à la vie psychique de
l’enfant pour certains parents qui ont du mal avec des appro-
ches plus classiques, qui les confrontent peut-être trop brutale-
ment à une représentation d’un espace psychique et d’un appa-
reil à penser individué de leur enfant. De même, le cadre de la
thérapie psychomotrice autorise sans doute davantage l’expres-
sion de l’archaïque, de la pulsionalité, des éprouvés, de la sen-
sorialité. Dans ma représentation du travail du psychomotri-
cien, j’ai tendance à imaginer que ses supports techniques,
son « setting », sa posture, la disposition même de son espace
clinique peuvent permettre d’accueillir davantage l’agir, le
mouvement, mais aussi la régression et l’inhibition. Concer-
nant la question de la régression, j’ai souvent en tête que la
thérapie psychomotrice autoriserait pour certains enfants une
régression plus tranquille, avec moins de vécu d’attaque narcis-
sique douloureuse, que dans certaines situations de face-à-face.
J’ai également tendance à penser en priorité à une approche par
la psychomotricité, et ce n’est pas très original, pour des situa-
tions cliniques où un étayage corporel important me semble
nécessaire, et par extension des situations où l’étayage corporel
précoce ou plus tardif dans le développement semble avoir été
défaillant pour une raison ou pour une autre.
Il en va de même pour ces enfants et adolescents que nous
rencontrons plus souvent aujourd’hui et qui sont comme « écor-
chés vifs », pour lesquels l’approche par les mots et le face-à-
face semble trop sensible, parfois même persécutrice. Cette
dimension rejoint sans doute la question des mouvements
transférentiels. Je ne suis pas favorable à l’idée qu’il existerait
une forme de transfert qui serait spécifique aux thérapies psy-
chomotrices. En revanche, outre l’idée que ces formes de thé-
rapies s’avéreraient dans un certain nombre de situations plus
propices à un prétransfert positif, il me semble que le transfert
peut y être travaillé de manière moins directe, plus médiatisée.
Cela peut être une orientation intéressante, par exemple, dans
certaines situations cliniques, pas si exceptionnelles, où la solu-
tion projective occupe le devant du tableau. Je pense en parti-
culier au travail auprès d’adolescents [12], mais aussi d’enfants
qui se verront de plus en plus souvent attribuer le fameux diag-
nostic fourre-tout de trouble des conduites.
Si je ne crois pas à des indications « de principe », que ce
soit pour les psychothérapies psychanalytiques ou les thérapies
J.-P. Raynaud et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 55 (2007) 113–119 117